Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2011 COMC 154

Date de la décision: 2011-08-31

DANS L’AFFAIRE D’OPPOSITIONS produites par Hillstone Restaurant Group, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,319,527 pour la marque de commerce HOUSTON STEAKS AND RIBS Dessin et de la demande no 1,319,528 pour le marque de commerce HOUSTON STEAKS ET CÔTES LEVÉES Dessin au nom de Houston Canada Inc.

[1]               Le 27 septembre 2006, 9127-6907 Québec Inc. (9127) a produit les demandes d’enregistrement no 1,319,527 pour la marque de commerce HOUSTON STEAKS AND RIBS Dessin et no 1,319,528 pour la marque de commerce HOUSTON STEAKS ET CÔTES LEVÉES Dessin, illustrées ci-dessous, pour des « services de restauration » (les Services) :

Demande no 1,319,527

Demande no 1,319,528

HOUSTON STEAKS AND RIBS DESIGN

HOUSTON STEAKS ET CÔTES LEVÉES DESSIN

(la Marque Anglaise)

(la Marque Française)

[2]               Chaque demande est fondée sur l’emploi de la marque au Canada par 9127 et par son prédécesseur en titre, 9062-0782 Québec Inc. (9062), depuis au moins 1998.

[3]               Je note que Houston Canada Inc. a été inscrite comme titulaire des demandes d’enregistrement par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) le 22 juillet 2009. Cette inscription résulte de cessions sur lesquelles je reviendrai lors de ma discussion de la preuve aux dossiers. À moins d’indication contraire, tout emploi subséquent du terme « Requérante » dans ma décision est une référence à la titulaire des demandes d’enregistrement à l’époque pertinente.

[4]               La Requérante s’est désistée du droit à l’usage exclusif des mots « steaks» et « ribs » en dehors de la Marque Anglaise, de même que du droit à l’usage exclusif des mots « steaks » et « côtes levées » en dehors de la Marque Française.

[5]               Les demandes ont été annoncées pour fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 25 avril 2007.

[6]               Le 25 septembre 2007, Hillstone Restaurant Group, Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de chaque demande d’enregistrement soulevant des motifs d’opposition identiques. Je résume ci-dessous les motifs d’opposition soulevés en vertu de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) à l’encontre de chaque demande d’enregistrement :

1.   La demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi. Plus particulièrement, la demande ne satisfait pas :

(i)      aux exigences de l’article 30(b) de la Loi en ce que la marque faisant l’objet de la demande n’a pas été utilisée au Canada par la Requérante en liaison avec les Services depuis aussitôt que 1998. Alternativement ou cumulativement, à la date de premier emploi alléguée dans la demande, la marque était employée par d’autres entités contrairement aux dispositions de l’article 50 de la Loi;

(ii)     aux exigences de l’article 30(i) de la Loi en ce que la Requérante ne pouvait être convaincue d’avoir le droit d’utiliser la marque faisant l’objet de la demande en liaison avec les Services eu égard à sa connaissance antérieure d’autres marques de commerce contenant les éléments HOUSTON et/ou HOUSTON’S.

2.   La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque faisant l’objet de la demande en vertu de l’article 16(1)(a) de la Loi puisqu’à la date de production de la demande, la marque prêtait à confusion avec les marques de commerce enregistrées et utilisées aux États-Unis par l’Opposante en liaison avec des services de restauration et antérieurement révélées au Canada par l’Opposante, incluant les marques de commerce HOUSTON’S, HOUSTON’S RESTAURANTS & Dessin et HOUSTON’S & Dessin, illustrées ci-dessous :

Mark Image

Mark Image

(HOUSTON’S RESTAURANTS & Dessin)

(HOUSTON’S & Dessin)

3.   La marque faisant l’objet de la demande n’est pas distinctive en ce qu’elle ne distingue pas et n’est pas apte à distinguer les Services de la Requérante des services d’autres. Sans limiter la généralité de ce qui précède, l’Opposante ajoute que la marque n’est pas distinctive des Services de la Requérante parce que la marque employée au Canada n’est pas celle qui fait l’objet de la demande. Alternativement ou cumulativement, la marque a été employée par des tiers contrairement à l’article 50 de la Loi, que ce soit parce que l’usage n’est pas l’objet d’une licence ou parce qu’aux termes de la licence, la Requérante ne contrôle pas, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des Services.

[7]               La Requérante a produit pour chaque demande une contre-déclaration niant tous les motifs d’opposition et alléguant la propriété de l’enregistrement no LMC551,805 pour la marque de commerce HOUSTON’S STEAKHOUSE AND RIBS / HOUSTON’S STEAK ET CÔTES LEVÉES.

[8]               Dans chaque procédure, l’Opposante a produit une preuve sous les règles 41 et 43 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 et la Requérante a produit une preuve sous la règle 42.

[9]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit dans chaque procédure. Les deux parties étaient représentées lors de l’audience tenue relativement aux deux procédures.

Fardeau de preuve

[10]           Il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition. Une fois ce fardeau de preuve initial rencontré, il échoit à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun des motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque Anglaise et de la Marque Française [voir John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.); et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company (2005), 41 C.P.R. (4th) 223 (C.F.)].

[11]           Je discute ci-dessous de la preuve produite par chaque partie. Je reviendrai plus spécifiquement sur certains éléments de la preuve lors de mon analyse des motifs d’opposition.

Preuve en chef de l’Opposante

[12]           La preuve en chef de l’Opposante dans chaque procédure est constituée de six affidavits. Aucun des déposants n’a été contre-interrogé par la Requérante. Puisque les affidavits produits par un déposant dans chaque procédure sont essentiellement identiques, en ce que seuls les en-têtes diffèrent, je ne ferai aucune distinction entre ceux-ci dans ma discussion de la preuve présentée par le déposant.

Affidavit de W. Glenn Viers en date du 29 mai 2008

[13]           D’entrée de jeu, je remarque que M. Viers exprime diverses opinions dans son affidavit, dont des opinions à l’effet que : (i) la marque HOUSTON’S de l’Opposante est devenue connue au Canada; (ii) les marques en cause dans les présentes procédures prêtent à confusion; et (iii) la Requérante a adopté ses marques dans l’intention spécifique de bénéficier de l’achalandage associé à l’entreprise de l’Opposante aux États-Unis. Je n’accorderai aucune signification aux opinions de M. Viers portant sur les questions de faits et de droit qui doivent être décidées dans les présentes procédures sur la base de la preuve aux dossiers.

[14]           M. Viers, vice-président et avocat général de l’Opposante, est à l’emploi de cette dernière depuis 1993 [§ 1].

[15]           Selon les déclarations de M. Viers, l’Opposante opère aux États-Unis une chaîne de restaurants décontractés haut de gamme (« upscale casual dining ») en liaison avec le nom commercial et la marque HOUSTON’S depuis 1977  2 et § 6]. À la date de l’affidavit, l’Opposante opérait 33 restaurants dans plusieurs villes aux États-Unis  2 et § 6]. Les ventes de l’Opposante s’élevaient à plus de 400 M$ US pour la dernière année et ses restaurants desservaient plus de 200 000 clients par semaine [§ 3]. Depuis 1977, l’Opposante n’a pas eu à annoncer ses restaurants HOUSTON’S de façon importante en raison de la réputation significative qu’ils ont acquise simplement par le bouche à oreille [§ 7].

[16]           M. Viers produit des extraits du site web wwww.hillstone.com de l’Opposante [Pièce « A »]. Il produit aussi les détails des enregistrements aux États-Unis des marques HOUSTON’S, HOUSTON’S RESTAURANTS & Dessin et HOUSTON’S & Dessin (collectivement les marques HOUSTON’S) de l’Opposante [Pièce « B »].

[17]           Des photographies incluses à même l’affidavit démontrent la marque HOUSTON’S sur des enseignes situées à l’extérieur de restaurants de l’Opposante [§ 8]. Selon les déclarations de M. Viers, les marques HOUSTON’S apparaissent, entre autres, sur les menus, des brochures d’information, des cartes d’affaires, sur le site web, sur des articles promotionnels et dans la publicité [§ 9]. Il produit des exemples de matériel (« samples of material ») pour démontrer l’emploi des marques HOUSTON’S [Pièce « C »]. Ce matériel inclut une copie d’une publicité parue récemment dans le magazine Jazebel d’Atlanta disponible, entre autres, dans la plupart des chambres d’hôtels haut de gamme de cette ville.

[18]           M. Viers confirme que l’Opposante n’opère aucun restaurant au Canada [§ 4 et § 10]. Toutefois, il précise que les restaurants HOUSTON’S sont fréquentés depuis plusieurs années par des Canadiens, notamment les restaurants situés près de la frontière Canada-États-Unis et dans des villes populaires auprès des touristes canadiens [§ 10]. Il ajoute :

10.    […] From my experience, it is a result of such visits by Canadians and the spreading of our restaurants’ reputation by word of mouth and by recommendations from hotel personnel, travel agencies and information kiosks, that HOUSTON’S branded restaurants are well known.

[19]           Selon les déclarations de M. Viers, de 2003 à la date de son affidavit, il a été informé constamment par les gestionnaires de différents restaurants de l’Opposante que ceux-ci sont fréquentés par des Canadiens. De plus, l’Opposante reçoit régulièrement des lettres, appels téléphoniques et courriels de clients canadiens voulant obtenir de l’information sur les restaurants, faire des réservations et faire état de confusion créée par les restaurants de la Requérante [§ 11].

[20]           M. Viers a eu connaissance de la Requérante en juin 2003 suite à la publication dans le Journal de Montréal d’une publicité (« advertisement ») concernant un restaurant de la Requérante [Pièce « D »]. Il en reproduit l’extrait suivant au paragraphe 12 de son affidavit :

Avant de franchir nos frontières il y a cinq ans, les restaurants Houston avaient fait le régal d’une clientèle sans cesse croissante en Amérique du Nord. Depuis 1977, on en note en effet une cinquantaine en opération, depuis San Francisco jusqu’à Manhattan, en passant par Chicago et Miami. Et, la ville de Québec, pour très bientôt, figure dans la mire des administrateurs du Groupe Restaurants Houston Canada.

[21]           M. Viers déclare au paragraphe 12 de son affidavit:

[…] As a result of this advertisement, we were forced to contact the Applicant and demanded that it refrain, from among other things, making such statements. While the Applicant did agree to refrain from making any such statements, it did not comply with that undertaking. At that time, I was unaware that the Applicant was using the subject Mark.

[22]           Il est également utile de reproduire les paragraphes 13 et 14 de l’affidavit:

13.    A few months later, in August 2003, a representative for the Applicant advised the landlord of one of its restaurants (located at 1240 Drummond Street, Montréal) that it was the Canadian franchisee of HOUSTON’S branded restaurants in the U.S. The landlord contacted me to demand payment of an outstanding rent cheque. Again, I was forced to contact the Applicant as a result of the confusion its trade name was causing. Although I understood that the Applicant would discontinue its deceptive activities, it did not do so.

14.    In January 2004, I instructed Canadian counsel to hire a private investigator to investigate the Applicant’s activities. I have attached a copy of the investigator’s report at Exhibit “E”. This investigator contacted the Applicant’s franchisee agent (NRG Franchise Group Inc.) under the pretense of being a potential franchise. As is evident from the investigator’s June 7, 2004 report, the Applicant was falsely associating itself with our HOUSTON’S branded restaurants, notwithstanding our demands to stop this activity. Further, during a March 11, 2004 telephone conversation between the investigator and Jonathan Abramson of NRG Franchise Group Inc., Mr. Abramson specifically represented that the Canadian restaurants that the Applicant had acquired the rights to use that name from Hillstone, which was also untrue.

[23]           À la date de son affidavit, M. Viers avait été récemment informé que la Requérante avait ouvert un restaurant franchisé au 33 rue Yonge à Toronto [§ 15]. Il produit des copies de photographies d’enseignes extérieures et d’une carte d’affaire du restaurant [Pièce « F »]. Il produit également des extraits d’un site web, imprimés le 29 mai 2008 et faisant voir la Marque Anglaise et la Marque Française, qu’il identifie erronément comme étant le site web www.hillstone.com alors que les extraits en question proviennent en fait du site web www.houstonrestaurants.ca [§ 16, Pièce « G »]. Lors de l’audience, j’ai indiqué que j’accepte que M. Viers identifie par erreur l’adresse de ce site web comme étant www.hillstone.com alors qu’il s’agit plutôt du site web de la Requérante.  

[24]           Pour conclure ma discussion de l’affidavit Viers, je vais considérer la preuve visant à démontrer des cas de confusion entre le restaurant de la Requérante à Toronto et les restaurants HOUSTON’S opérés aux États-Unis par l’Opposante.

[25]           M. Viers produit des extraits de critiques publiées par des consommateurs sur le site web www.martiniboys.com (un site de classement de restaurants de Toronto) [Pièce « H »]. Il reproduit à même son affidavit des extraits de trois critiques pour démontrer à la fois la confusion et la connaissance favorable des restaurants de l’Opposante par des consommateurs canadiens [§ 18]. Je suis à même de constater que les extraits reproduits dans l’affidavit proviennent de critiques publiées sur le site web au cours des mois de décembre 2005 à février 2006 par des résidents de Toronto. J’accepte que les deux premières critiques réfèrent explicitement à la chaîne de restaurants de l’Opposante aux États-Unis et que le troisième y réfère implicitement. M. Viers produit également une copie d’un article de Joanne Kates, critique de restaurants pour The Globe and Mail, dont il reproduit des extraits dans son affidavit [§ 19, Pièce « I »]. Je suis à même de constater que les extraits reproduits dans l’affidavit proviennent de l’article publié sur le site web www.theglobemail.com le 4 février 2006 et que Mme Kates y mentionne que le restaurant est l’avant-poste canadien d’une chaîne américaine (« the Canadian out-post of an American chain »). Je n’ai aucune raison de douter que les auteurs de ces critiques aient eu connaissance des restaurants HOUSTON’S de l’Opposante aux États-Unis et qu’ils ont erronément associé le restaurant de Toronto à l’Opposante.

[26]           M. Viers produit une copie d’un courriel du 13 février 2006 que l’Opposante a reçu de Dale Dreher, de Toronto, suite à la critique de Mme Kates [§ 20, Pièce « J »]. Je suis en mesure de constater qu’en plus d’informer l’Opposante de la critique, M. Dreher lui fait suivre un courriel du 4 février 2006 qu’il a envoyé à Mme Kates; il y écrit, entre autres : « I made the same mistake you did. I made a reservation at this new Yonge Street restaurant thinking it was part of the great American chain, Houston’s. My wife and I have enjoyed a number of great meals at t!he (sic) Fort Lauderdale location over the years.” D’une part, cette preuve corrobore la preuve de la connaissance des restaurants HOUSTON’S de l’Opposante par Mme Kates. D’autre part, je n’ai aucune raison de douter que l’auteur du courriel connaissait la chaîne de restaurants HOUSTON’S de l’Opposante aux États-Unis et qu’il a erronément associé le restaurant de Toronto à l’Opposante.

[27]           Finalement, M. Viers produit à titre de Pièce « K » une télécopie que l’Opposante a reçu de Donald N. Bester de la société Avison Young de Toronto [§ 21]. Je suis en mesure de constater que M. Bester entre autres demande si le restaurant de Toronto ouvrant bientôt (« soon-to-open ») est un restaurant de l’Opposante. La télécopie date du 9 août 2005.

Affidavit de Chris Florczak en date du 29 mai 2008

[28]           M. Florczak, à l’emploi de l’Opposante depuis septembre 2000, est superviseur de 10 restaurants HOUSTON’S situés en Californie, en Arizona et en Géorgie [§ 1].

[29]           Selon les déclarations de M. Florczak, à la date de son affidavit les restaurants sous sa supervision avaient desservi jusqu’à plus de 4 500 clients par semaine durant les cinq dernières années. Les restaurants sont fréquentés par des Canadiens. Ces derniers ou des clients en provenance du Canada représentent approximativement 10 à 15% de la clientèle annuelle, notamment durant la saison hivernale [§ 2]. Durant les dernières années, il a remarqué que ces restaurants ont reçu des demandes quant à savoir s’ils étaient liés aux restaurants de la Requérante au Canada. Ces demandes verbales n’ont pas été documentées par écrit [§ 3].

Affidavit de Cindy Norman en date du 29 mai 2008

[30]           Mme Norman, à l’emploi de l’Opposante depuis approximativement douze ans, est superviseur des restaurants HOUSTON’S en Floride [§ 1].

[31]           Selon les déclarations de Mme Norman, durant la saison hivernale les Canadiens ou des clients en provenance du Canada représentent jusqu’à 30% de la clientèle totale de certains des restaurants sous sa supervision [§ 2]. Durant les dernières années, elle a remarqué que ces restaurants ont reçu des demandes quant à savoir s’ils étaient liés aux restaurants de la Requérante au Canada. Ces demandes verbales n’ont pas été documentées par écrit [§ 3].

Affidavit d’Harry Davies en date du 30 mai 2008

[32]           M. Davies, un détective privée, est président d'Advocate Investigation Services Limited (Advocate), une agence de détectives privés [§ 1].

[33]           Selon les déclarations de M. Davies, les services d’Advocate ont été retenus par les précédents avocats de l’Opposante pour enquêter sur les activités de la Requérante et tenter de déterminer si celle-ci s’associait faussement à l’Opposante [§ 2]. Il a personnellement travaillé sur cette enquête avec son associé Alfons Altmann [§ 3].

[34]           Je reproduis les paragraphes 4 à 6 de l’affidavit :

4.      On March 11, 2004, Alfons, posing as Mr. Paul Novak, called Jonathan Abramson. From our investigations it appears that Mr. Abramson is the owner of a Montreal company called The NRG Franchise Group, which was responsible for franchising the Applicant’s restaurants in Canada.

5.      Shortly after the call, Alfons advised me what was discussed during his conversation with Mr. Abramson. I have attached at Exhibit “A” a true copy of the transcript of the March 11, 2004 telephone conversation held between Alfons and Mr. Abramson, which is consistent with what I discussed with Alfons.

6.      Unfortunately, Alfons passed away in March 2007. I have reviewed my files and the tape conversation between Alfons and Mr. Abramson held on March 11, 2004. I confirm that the attached transcript accurately outlines what was discussed during that conversation.

Affidavit de Brian David Segal en date du 2 juin 2008

[35]           M. Segal est un associé de la firme d’avocats Baker & McKenzie LLP, à Toronto, spécialisé en matière fiscale [§ 1].

[36]           M. Segal déclare qu’il est familier avec la chaîne bien connue (« well known chain ») des restaurants HOUSTON’S des États-Unis, a vu un nombre de restaurants HOUSTON’S lors de visites aux États-Unis, et a dîné à un restaurant HOUSTON’S lors de vacances en Floride. Il ajoute : “Further, in around July 2006, I read an article entitled ‘Best Restaurants – Newer Chains Take High Honors’ in Consumer Reports Canada, which ranked Houston’s chain of restaurants as the top ‘Traditional American’ restaurant in the U.S.” [§ 3, Pièce « A »]. Je note que les première et dernière pages de la Pièce « A » démontrent des prix en dollars canadiens.

[37]           Selon les déclarations de M. Segal, il s’est présenté au restaurant Houston Steaks & Ribs du 33 rue Yonge avec un collègue le 7 février 2006 [§ 2]. Il était curieux de voir si ce restaurant était associé à la chaîne américaine; l’enseigne semblait être de la même couleur et dans la même police que l’enseigne de la chaîne de restaurants HOUSTON’S des États-Unis [§ 4]. Il a demandé à une employée si le restaurant était associé à la chaîne de restaurants HOUSTON’S des États-Unis [§ 5]. L’employée a dit que le restaurant était associé à la chaîne de restaurants des États-Unis, que les menus étaient semblables et que les sauces utilisées par le restaurant et la chaîne de restaurants HOUSTON’S étaient identiques. [§ 6].

[38]           Attendu que Baker & McKenzie LLP agit à titre d’agent de marques de commerce de l’Opposante, j’estime raisonnable de conclure que M. Segal n’est pas un témoin impartial déposant en toute objectivité [voir Cross Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited et al. c. Hyundai Auto Canada (2005), 43 C.P.R. (4th) 21 (C.F.)]. Par conséquent, je ne tiens compte ni de sa déclaration à l’effet que la chaîne de restaurants de l’Opposante est bien connue, ni des ses déclarations quant aux similitudes entre les enseignes des restaurants des parties. Ceci dit, j’accepte ses déclarations à l’effet qu’il a vu des restaurants HOUSTON’S lors de visites aux États-Unis et a dîné à un de ces restaurants en Floride. Finalement, bien que l’objectivité de son entretien avec l’employée du restaurant soit questionnable, ma discussion de la preuve de la Requérante démontrera que cette dernière ne remet pas en cause la teneur de cet entretien.

Affidavit de Laura Rogers en date du 28 mai 2008

[39]           Mme Rogers, une adjointe juridique chez Baker & McKenzie LLP, est allée au restaurant Houston Steaks & Ribs du 33 rue Yonge le 23 mai 2008 pour prendre des photos des enseignes extérieures [§ 1 et § 2]. Elle produit des copies des photos qu’elle a prisent [Pièce « A »] et des copies d’un formulaire de commande d’un serveur et d’une carte d’affaires du restaurant [Pièce « B »]. Je note que ces pièces montrent la Marque Anglaise.

Preuve de la Requérante

[40]           La preuve de la Requérante dans chaque procédure consiste en un affidavit de Stéphane Viau en date 30 décembre 2008. M. Viau n’a pas été contre-interrogé par l’Opposante. Puisque les affidavits produits dans chaque procédure sont essentiellement identiques, en ce que seuls les en-têtes diffèrent, je ne ferai aucune distinction entre les affidavits de M. Viau dans ma discussion de la preuve. De plus, à moins d’indication contraire, tout emploi subséquent du terme « Marques » dans ma décision est une référence collective à la Marque Anglaise et à la Marque Française.

[41]           Encore une fois, je remarque que le déposant exprime des opinions sur les questions de faits et de droit qui doivent être décidées sur la base de la preuve versée aux dossiers. En conséquence, je n’accorderai aucune signification aux opinions de M. Viau à l’effet que les Marques sont distinctives, que leur emploi sous licence a bénéficié à la Requérante et que toute confusion mineure (« any minor confusion ») qui est survenue avec les restaurants de l’Opposante au cours des dix dernières années n’est pas significative.

[42]           M. Viau est directeur général (« general manager ») de Les Consultants en Restauration Pro-Vi Inc. (Pro-Vi) [§ 1]. Il identifie Pro-Vi comme propriétaire des Marques à la date de son affidavit [§ 2].

[43]           M. Viau précise qu’il est l’un des associés fondateurs et directeur général de 9062 à l’origine des restaurants HOUSTON au Canada [§ 3]. 9062 a débuté l’opération du premier restaurant HOUSTON à Rosemère, au Québec, en 1998 [§ 7]. Selon ses déclarations, M. Viau a été continuellement impliqué dans la gestion, le franchisage et la concession de licences pour les restaurants HOUSTON pour tous les successeurs en titre de 9062. Il a été ou est, directement ou indirectement, l’un des associés de diverses sociétés affiliées qui ont opéré ou qui opèrent les restaurants HOUSTON à différents endroits au Québec et en Ontario depuis 1998 [§ 4].

[44]           M. Viau discute dans son affidavit de la propriété des Marques en expliquant ce qui suit :

•    9062 a cédé tous ses droits titres et intérêts dans la marque de commerce HOUSTON’S STEAKHOUSE AND RIBS / HOUSTON’S STEAK ET CÔTES LEVÉES (nLMC551,805) à 9127 par un document de cession effective au 29 juillet 2003 (la Cession 2003) [§ 7, Pièce « SV-1 »]. Bien que le document de cession réfère seulement à la marque enregistrée, en fait la cession s’étendait à toutes les variations de cette marque, incluant les Marques [§ 8].

    9127 a cédé les Marques, ainsi que les autres marques, les noms commerciaux et le nom de domaine des restaurants HOUSTON, à 9187-0196 Québec Inc. faisant affaires sous le nom commercial Houston Canada (9187) par un document de cession en date du 31 octobre 2007 (la Cession 2007) [§ 9, Pièce « SV-2 »].

•    9187 a cédé les Marques, ainsi que les autres marques, les noms commerciaux et le nom de domaine des restaurants HOUSTON, à Pro-Vi par un document de cession en date du 1er août 2008 (la Cession 2008) [§ 10, Pièce « SV-3 »].

[45]           Ces explications de M. Viau m’amènent à revenir sur mon commentaire quant à l’inscription par l’OPIC de Houston Canada Inc. comme titulaire des demandes d’enregistrement. À cet effet, je note que l’OPIC a inscrit la Cession 2007 le 7 mai 2008 et la Cession 2008 le 22 juillet 2009. De plus, deux autres cessions ont été inscrites par l’OPIC le 22 juillet 2009, à savoir une cession du 1er février 2009 de Pro-Vi à 9187 et son syndic à la faillite ainsi qu’une cession du 3 février 2009 de 9187 (représentée par le syndic) à Houston Canada Inc. J’ajouterai que ces deux dernières cessions n’ont pas d’incidence dans les présentes procédures en raison des dates pertinentes pour l’appréciation des motifs d’opposition.

[46]           Toujours selon les déclarations de M. Viau, les prédécesseurs en titre de Pro-Vi, franchiseurs des restaurants opérés sous la bannière HOUSTON, ont utilisé les Marques par l’entremise de licences octroyées à des compagnies affiliées et des franchisés [§ 13]. Suite à la Cession 2003, les licences octroyées par 9062 ont été continuées par 9127 qui a aussi octroyé de nouvelles licences à diverses compagnies [§ 14]. Suite à la Cession 2007, les licences octroyées par les prédécesseurs de 9187 ont été continuées par cette dernière qui a aussi octroyé de nouvelles licences à diverses compagnies [§ 15]. Suite à la Cession 2008, les licences octroyées par les prédécesseurs de Pro-Vi ont été continuées par cette dernière qui a aussi octroyé de nouvelles licences à diverses compagnies [§ 16].

[47]           Le paragraphe 17 de l’affidavit débute par la déclaration suivante de M. Viau:

Since 1988, companies affiliated with the corporate owner of the Mark and/or franchisees have operated under license from the corporate owner of the Mark (now Pro-Vi) the restaurants under the HOUSTON banner using the Mark in association with the Services, in locations in the Provinces of Quebec and Ontario, namely: […]:

[48]           M. Viau identifie par la suite les adresses de quatre restaurants au Québec (Rosemère, Boucherville, Laval, Kirkland) et d’un restaurant en Ontario (Toronto), de même que les adresses de deux restaurants qui ne sont plus en opération (Montréal et Vaughn Mills). Dans chaque cas, il identifie la société qui opère le restaurant à la date de son affidavit et, le cas échéant, les sociétés l’ayant antérieurement opéré. Il joint des copies de relevés provenant des banques de données des registres d’entreprises du Québec et du Canada pour chacune des sociétés identifiées [Pièce « SV-4 »].

[49]           Lors de l’audience, j’ai questionné la Requérante sur la pertinence des relevés joints sous la Pièce « SV-4 ». La Requérante a réitéré ses représentations écrites à l’effet que les informations contenues aux relevés démontrent que toutes les sociétés impliquées dans l’opération des restaurants HOUSTON depuis 1988 sont des sociétés liées. La Requérante a de plus soumis que les relevés démontrent l’implication de M. Viau dans les sociétés en cause. Après avoir pris connaissance des relevés, j’estime qu’ils ne me permettent pas de conclure à l’existence de relations corporatives entre toutes ces sociétés et la Requérante. De plus, les relevés identifient M. Viau comme actionnaire ou administrateur seulement de certaines des sociétés identifiées au paragraphe 17 de son affidavit. Quoiqu’il en soit, s’il devait être conclu que les relevés supportent les prétentions de la Requérante, à mon avis cette preuve serait à la date de la mise à jour des informations dans le registres des entreprises du Québec et du Canada.

[50]           M. Viau déclare qu’au cours des dix années suivant le début des opérations en 1998, les restaurants sont devenus communément connus sous HOUSTON STEAKS AND RIBS en anglais et HOUSTON STEAKS ET CÔTES LEVÉES en français [§ 18].

[51]           Selon les déclarations de M. Viau, la Requérante a toujours été responsable de la publicité et de la commercialisation nationale des restaurants opérés sous la bannière HOUSTON et sous les Marques, tandis que les compagnies opérant les restaurants sont responsables de la publicité locale avec l’approbation de la Requérante [§ 19].

[52]           M. Viau déclare que les Marques apparaissent sur le site web officiel de la bannière HOUSTON (www.houstonrestaurants.ca). En raison de difficultés techniques, le site web n’était pas accessible à la date de son affidavit. Cependant, M. Viau confirme que les extraits joints comme Pièce « G » à l’affidavit Viers proviennent du site web [§ 20]. Il produit des copies d’un menu montrant la Marque Française [Pièce « SV‑5 »], de cartes d’affaires montrant les Marques [Pièce « SV-6] et confirme que les Pièces « A » et « B » de l’affidavit Rogers sont des spécimens de l’emploi des Marques [§ 21 à § 23].

[53]           M. Viau, qui a participé à l’élaboration du « look » et à la mise en marché des restaurants HOUSTON, explique qu’il a été décidé d’utiliser des lettres rouges et majuscules pour le mot « Houston » tout simplement parce qu’il s’agit d’une couleur qui attire l’attention des gens et pour faire un lien avec la ville de Houston, l’état du Texas, des ranchs de bétail américains, et du barbecue ou bœuf grillé. Il ajoute que ces concept et associations sont décrits dans un article du numéro de Septembre/Octobre 2004 du magazine Le Chef et dans la documentation de franchise dont il joint copies [§ 24, Pièces « SV-7 » et « SV-8 »]. Après avoir pris connaissance de la documentation de franchise, produite en langue anglaise et française, je conclus qu’il s’agit de documentation remontant à l’année 2003 ou 2004 et destinée à des franchisés potentiels.

[54]           M. Viau déclare que depuis 1998, les restaurants de la Requérante ont coexisté avec d’autres restaurants opérés au Canada en liaison avec un nom commercial ou une marque de commerce incluant le mot « Houston » [§ 25]. Pour démontrer l’existence de marques de tiers retrouvées au registre en 1998, il produit des relevés de la base de données sur les marques canadiennes relativement aux marques HOUSTON’S AT THE MILL (no LMC314,047), HOUSTON PIZZA & Dessin (no LMC407,273) et HOUSTON PIZZA (no LMC408,131) [§ 26, Pièce « SV-9 »]. Il produit également un extrait d’un site web, apparemment imprimé le 30 décembre 2008, pour démontrer l’emploi de la couleur rouge pour le mot « Houston » dans la marque HOUSTON PIZZA & Dessin [§ 27, Pièce « SV-10 »].

[55]           M. Viau répond à certaines des déclarations de MM. Segal, Davies et Viers en indiquant ce qui suit:

•    Les renseignements erronés communiqués au mois de février 2006 par l’employée du restaurant de Toronto, en opération depuis 2004, est un événement isolé. Il a été rapporté et rapidement traité par la direction qui a avisé tous les membres du personnel qu’il n’y a pas de connexion avec les restaurants de l’Opposante [§ 28].

    Le Groupe Franchise NRG (NRG) a été engagé par 9127 au début de l’année 2004 sur une base d’essai à titre de consultants pour aider à promouvoir la franchise de restaurants HOUSTON. Les fausses déclarations de M. Abramson, un employé de NRG, n’étaient aucunement autorisées par 9127. M. Abramson s’est fait passé pour M. Viau dans certains cas. Après avoir découvert la conduite fautive de M. Abramson au printemps 2004, 9127 a immédiatement mis fin à sa relation avec NRG [§ 29 et § 30]. M. Viau produit une copie du relevé du registre des entreprises du Québec relativement à NRG [Pièce « SV-11 »]. En réponse à ma question quant à la pertinence de ce relevé, à l’audience la Requérante a indiqué qu’il démontre que la société NRG n’est pas liée à la Requérante.

    La Pièce « D » de l’affidavit Viers n’est pas une publicité émanant de 9127. Il s’agit d’un article d’un chroniqueur du Journal de Montréal. Cela a été expliqué aux représentants de l’Opposante et M. Viau les a assuré que 9127 ne tentait aucunement d’associer ses restaurants opérés au Canada à la chaîne de restaurants de l’Opposante aux États-Unis [§ 30]. Je note que la Pièce « D » est effectivement un article de journal intitulé Nouveau-né des restaurants Houston au centre-ville. Je note également qu’il porte la mention « publi-reportage ».

    Les représentants de 9127 n’ont pas fait au locateur les représentations mentionnées au paragraphe 13 de l’affidavit Viers. Le locateur tentait de faire pression sur 9127 pour régler un litige de location en lui créant des problèmes avec l’Opposante [§ 30].

[56]           Puisque M. Viau n’a pas été contre-interrogé et que les déclarations discutées ci-dessus ne sont pas incohérentes avec le reste de son affidavit, j’accepte leur véracité. Ceci dit, même si j’accepte que 9127 n’était pas responsable du contenu de l’article du Journal de Montréal, j’estime raisonnable de conclure que l’article a été rédigé ou publié en échange d’une compensation de la part de 9127. À l’appui de ma conclusion, je note la définition du terme « publireportage » dans Le Petit Robert 2011 : « message publicitaire dans un magazine, présenté sous la forme d’un reportage normal ».

[57]           M. Viau compare le menu des restaurants de l’Opposante (inclut dans la Pièce « C » de l’affidavit Viers et non dans la Pièce « G » tel que mentionné par M. Viau) avec le menu des restaurants de la Requérante pour démontrer que ceux-ci diffèrent. Il conclut également que le concept des restaurants des parties est différent [§ 30]. Finalement, M. Viau déclare que les Marques ont été adoptées de bonne foi et qu’à aucun moment la Requérante n’a tenté de faire quelque lien entre les Services et les restaurants de l’Opposante [§ 32 et § 33].

Contre preuve de l’Opposante

[58]           La contre preuve de l’Opposante, qui est la même dans chaque procédure, est constituée de certificats d’authenticité des enregistrements no LMC314,047 (HOUSTON’S AT THE MILL) et no LMC551,805 (HOUSTON’S STEAKHOUSE AND RIBS / HOUSTON’S STEAK ET CÔTES LEVÉES). Les certificats démontrent que l’enregistrement no LMC314,047 a été radié le 27 décembre 2001 pour non-renouvellement et que l’enregistrement noLMC551,805 a été radié le 27 avril 2009 en vertu de l’article 45 de la Loi.

Analyse des motifs d’opposition

[59]           Avant de procéder à l’analyse de motifs d’opposition, je vais me pencher sur la question de savoir si la preuve de la Requérante démontre l’existence du contrôle nécessaire, sous le régime de l’article 50 de la Loi, pour que l’emploi des Marques au Canada en liaison avec les Services soit réputé avoir été celui la Requérante.

[60]           Selon l’article 50(1) de la Loi, pour que l'emploi d’une marque de commerce par un licencié ait le même effet et soit réputé avoir toujours eu le même effet que s'il s'agissait de son emploi par le propriétaire, il faut que ce dernier contrôle directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des marchandises ou services. L’article 50(1) de la Loi n'exige pas une licence écrite. La production d'éléments tendant à prouver l'exercice d'un contrôle par le propriétaire de la marque de commerce peut servir à établir l'existence d'un contrat de licence tacite [voir Wells' Dairy Inc. c. UL Canada Inc. (2000), 7 C.P.R. (4th) 77 (C.F. 1re inst.)]. C'est un principe de droit bien connu qu'une relation corporative ne suffit pas à elle seule à remplir la condition que fixe l'article 50 de la Loi [voir MCI Communications Corp. c. MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 245 (C.O.M.C.); et Dynatech Automation Systems Inc. c. Dynatech Corp. (1995), 64 C.P.R. (3d) 101 C.O.M.C.]. Par contre, la jurisprudence indique que la présence commune d'une personne physique exerçant un contrôle peut remplir cette condition [voir Petro-Canada c. 2946661 Canada Inc. (1998), 83 C.P.R. (3d) 129 (C.F. 1re inst.); Lindy v. Canada (Registrar of Trade Marks) (1999), 241 N.R. 362 (C.F.A.)].

[61]           Bien que la preuve de la Requérante est à l’effet que les Marques ont été employées sous licence par l’entremise de franchisés, la jurisprudence indique que l'exercice par le franchiseur d'un certain contrôle sur son franchisé ne suffit pas en soi à établir le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises ou services [voir Realestate World Services (1978) Ltd. c. Firstline Trust Co. (1997), 77 C.P.R. (3d) 406 (C.O.M.C.)]. Cela dit, dans la présente espèce, la documentation de franchise tend à démontrer l'exercice par la Requérante d'un contrôle des caractéristiques et de la qualité des Services offerts par les franchisés sous la bannière HOUSTON. Je reproduis à titre illustratif, mais non exhaustif, un extrait de la documentation de franchise en langue française [Pièce SV-8 de l’affidavit Viau]:

Après la signature de votre contrat de franchise, vous et vos gestionnaires suivrez un programme de formation obligatoire d’une durée de 6 à 8 semaines chez HOUSTON. […] C’est à ce moment que vous recevrez notre manuel d’exploitation, c’est‑à‑dire notre précieux guide de références, qui vous sera d’une utilité absolue vers le chemin de la réussite. La mise à jour de ce manuel s’effectuera au fur et à mesure que nous établirons de nouveaux procédés.

[62]           Après avoir considéré l’affidavit de M. Viau dans son ensemble, et en l’absence de contre-interrogatoire de ce dernier, je suis prête à accepter que la Requérante a démontré de façon satisfaisante l’existence du contrôle nécessaire en vertu de l’article 50 de la Loi pour bénéficier de l’emploi sous licence des Marques en liaison avec les Services.

[63]           Je vais maintenant procéder à l’analyse des motifs d’opposition. En l’espèce, les différences entre la Marque Anglaise et la Marque Française n’ont pas d’incidence sur mon analyse des motifs d’opposition. Conséquemment, à moins d’indication contraire, toute conclusion subséquente relativement au rejet ou à l’acceptation d’un motif d’opposition s’applique à la fois aux demande nos 1,319,527 et 1,319,528.

Non-conformité à l’article 30 de la Loi

[64]           La date pertinente pour l’appréciation des motifs d’opposition fondés sur la non‑conformité à l’article 30 de la Loi est la date de production de chacune des demandes d’enregistrement [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)].

Non-conformité à l’article 30(b) de la Loi

[65]           L’Opposante a plaidé ce motif d’opposition en deux volets. Je reproduis ci-dessous le premier volet, tel que plaidé dans chacune des déclarations d’opposition :

Pursuant to section 38(2)(a), the Application does not comply with the requirements of section 30(b) in that the Mark has not been used in Canada by the Applicant since as early as 1998 in association with the services claimed in the application (the “Services”). The Opponent puts the Applicant to the strict proof thereof.

[66]           Je rappelle que le premier emploi revendiqué par la Requérante est celui de 9062, prédécesseur en titre de 9127. Or, le motif d’opposition tel que plaidé semble être à l’effet que 9127, et non 9062, n’a pas employé les Marques depuis la date revendiquée. J’estime toutefois raisonnable de conclure que le motif d’opposition s’entend de l’absence d’emploi des Marques par 9127 et par son prédécesseur en titre depuis la date de premier emploi revendiquée dans les demandes. D’ailleurs la Requérante n’a pas remis en cause la portée de l’allégation.

[67]           Le deuxième volet du motif d’opposition, tel que plaidé dans chacune des déclarations d’opposition, se lit ainsi :

In the alternative, or cumulatively, the Application does not comply with the requirements of section 30(b) of the Act in that at the alleged date of first use claimed by the Applicant, the Mark was used by other entities, which were not licensed to use the Mark in accordance with the provisions of Section 50 of the Act or if they were, such license did not provide for the Applicant to have direct or indirect control of the character or quality of the Services and/or the Applicant did not exercise such direct or indirect control as required by Section 50 of the Act

[68]           Dans la mesure où une requérante a plus facilement accès aux faits, le fardeau initial de preuve qui incombe à une opposante relativement au motif d’opposition fondé sur la non‑conformité à l’article 30(b) de la Loi est moins lourd [voir Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.)]. L'opposante peut s'appuyer sur la preuve de la requérante pour s'acquitter de ce fardeau, mais elle doit démontrer que cette preuve est clairement incompatible avec l’allégation d’emploi de la marque qui fait l’objet de la demande [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)]. À cet égard, l’article 30(b) de la Loi exige que la marque visée par la demande ait été employée de façon continue depuis la date revendiquée [voir Labatt Brewing Co. C. Benson & Hedges (Canada) Ltd. (1996), 67 C.P.R. (3d) 258 (C.F. 1re inst.)].

[69]           La Requérante n’ayant pas revendiqué une date précise de l’année 1998 comme date de premier emploi des Marques, je considère la date de premier emploi revendiquée comme étant le 31 décembre 1998 [voir Khan c. Turban Brand Products Ltd. (1984), 1 C.P.R. (3d) 388 (C.O.M.C.)].

[70]           Lors de l’audience, l’Opposante a soumis que la décision qui a résulté en la radiation de l’enregistrement no LMC551,805 en vertu de l’article 45 de la Loi permettait de conclure à l’absence d’emploi des Marques pendant la période d’emploi revendiquée. Je suis en désaccord. Premièrement, de façon générale les questions soulevées dans une procédure sous l’article 45 de la Loi diffèrent significativement de celles soulevées dans une procédure d’opposition. Deuxièmement, la marque faisant l’objet de l’enregistrement n’était ni la Marque Anglaise, ni la Marque Française.

[71]           L’Opposante a également fait diverses représentations à l’effet que l’affidavit de M. Viau ne démontrait ni l’emploi de la Marque Anglaise, ni l’emploi de la Marque Française depuis la date revendiquée dans la demande correspondante. Or, je rappelle que la Requérante n’a pas le fardeau initial de prouver l’emploi des Marques en liaison avec les Services depuis la date revendiquée. En l’espèce, il s’agit de déterminer si la preuve présentée par la Requérante est clairement incompatible avec les allégations d’emploi des Marques en liaison avec les Services depuis au moins le 31 décembre 1998. Or, en dernière analyse, j’estime que ce n’est pas le cas.

[72]           En ce qui concerne le deuxième volet du motif d’opposition, j’estime qu’aucune des déclarations de M. Viau ne suggère que l’emploi des Marques à la date revendiquée a été fait par l’entremise d’une entité autre que 9062, la propriétaire originale. Quoiqu’il en soit, pour les raisons exprimées précédemment, la Requérante a démontré à ma satisfaction que 9062 et 9127 ont bénéficié successivement de l’emploi des Marques du 31 décembre 1998 à la date de production des demandes.

[73]           Eu égard à ce qui précède, je rejette chaque volet du motif d’opposition fondé sur la non‑conformité à l’article 30(b) de la Loi.

Non-conformité à l’article 30(i) de la Loi

[74]           Selon l’article 30(i) de la Loi, un requérant doit déclarer être convaincu d’avoir le droit d'employer la marque de commerce en liaison avec les marchandises ou services spécifiés dans sa demande. Puisque les demandes en l’espèce contiennent une déclaration de cette nature, elles sont conformes à l'article 30(i) de la Loi quant à leur forme. Il s'agit donc maintenant de savoir si chaque demande y est conforme quant au fond, c'est‑à‑dire si la déclaration était vraie au moment de la production de la demande [voir Conseil canadien des ingénieurs c. Comsol AB, 17 janvier 2011 (non publiée), 2011 COMC 3 (C.O.M.C.)].

[75]           L’Opposante a correctement soumis que ma collègue Cindy Folz dans la décision Cerverceria Modelo, S.A. de C.V. c. Marcon (2008), 70 C.P.R. (4th) 355 (C.O.M.C.) (Marcon) a exprimé l’opinion suivante : « [Traduction] À mon avis, le fait pour un requérant de tenter de profiter de la réputation bien établie d’un nombre important de marques bien connues devraient être le genre de situation que l’alinéa 30i) vise à empêcher ». Ceci étant dit, les faits dans les présentes procédures diffèrent de façon importante des faits dans l’affaire Marcon.

[76]           Il ne fait aucun doute que la preuve au dossier établit qu’à la date pertinente, la Requérante avait connaissance des activités de la chaîne de restaurants HOUSTON’S de l’Opposante aux États-Unis. Qu’il suffise de noter que M. Viau reconnaît qu’il s’est entretenu avec les représentants de l’Opposante suite à la publication du publireportage dans le Journal de Montréal en juin 2003. Ceci étant dit, le seul fait que la Requérante ait pu connaître la marque HOUSTON’S de l’Opposante ne l’empêchait pas de faire dans chaque demande la déclaration prévue à l’article 30(i) de la Loi. Étant donné le motif d’opposition plaidé et les représentations de l'Opposante, j'estime que le motif d'opposition ne doit être accueilli que si la preuve établit la mauvaise foi de la Requérante [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)].

[77]           L’Opposante soumet que la preuve aux dossiers démontre une contradiction entre la version des faits de M. Viers et la version des faits de M. Viau. Se fondant sur la décision Mougey c. Janzen (2007), 62 C.P.R. (4th) 230 (C.O.M.C.) (Mougey), l’Opposante soumet qu’en raison du fardeau de preuve ultime qui repose sur le Requérante, je dois privilégier la version des faits de M. Viers à celle de M. Viau et statuer en faveur de l’Opposante.

[78]           Dans le cas qui nous occupe, la contradiction entre les témoins réside dans le fait que M. Viers exprime son opinion quant à l’intention de la Requérante alors que M. Viau explique les raisons pour lesquelles 9062 a adopté le mot « Houston » et choisit d’utiliser des lettres rouges et majuscules. De plus, M. Viau répond de façon claire et non-équivoque aux prétentions de M. Viers quant au publireportage de juin 2003, aux représentations du locateur qui a communiqué avec l’Opposante en août 2003, et aux activités de NRG en 2004. À mon avis, les présentes procédures se distinguent de l’affaire Mougey en ce que malgré la contradiction entre les témoins des parties, je ne vois aucune raison de préférer le témoignage de M. Viers à celui de M. Viau, d’autant plus que ce dernier n’a pas été contre-interrogé.

[79]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante souligne que malgré la connaissance par l’Opposante de cas de confusion et des activités de la Requérante dès 2003, l’Opposante n’a entrepris aucun recours judiciaire pour tenter d’obtenir la cessation de l’emploi des Marques. Je ne crois pas que cet état de fait, si tel est, est pertinent pour établir la bonne foi de la Requérante. Ceci étant dit, le fait est que l’enregistrement noLMC551,805 pour la marque HOUSTON’S STEAKHOUSE AND RIBS / HOUSTON’S STEAK ET CÔTES LEVÉES était toujours en vigueur à la date de production des demandes. Quoique la simple propriété de l’enregistrement noLMC551,805 à la date pertinente n’est pas en soi suffisante pour contrer le motif d’opposition, j’estime que ce fait tend à soutenir les prétentions de la Requérante que la déclaration requise a été faite de bonne foi.

[80]           En dernière analyse, je conclus que la déclaration exigée par l’article 30(i) de la Loi a été faite de bonne foi et que la Requérante s'est acquittée de son fardeau d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, que chaque demande était conforme à l’article 30(i) de la Loi. En conséquence, je rejette le motif d'opposition.

Droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(1)(a) de la Loi

[81]           La date pertinente pour l’appréciation de ce motif d’opposition est la date de premier emploi revendiquée dans les demandes d’enregistrement [article 16(1) de la Loi].

[82]           Bien que la charge de la preuve ultime repose sur la Requérante, l’Opposante doit établir que les marques HOUSTON’S alléguées au soutien de son motif d’opposition, ou l’une de celles-ci, ont été révélées au Canada par les moyens que spécifie l’article 5 de la Loi, de telle sorte que les marques HOUSTON’S étaient bien connues à la date pertinente. En outre, l’Opposante doit établir au titre du paragraphe 16(5) de la Loi que les marques HOUSTON’S n’avaient pas été abandonnées à la date de l’annonce des demandes d’enregistrement.

[83]           Lors de l’audience, l’Opposante a admis qu’elle ne s’était pas déchargée de son fardeau de prouver la révélation de l’une ou l’autre de ses marques HOUSTON’S au Canada en conformité avec les dispositions de la Loi à quelque date que ce soit. En conséquence, je rejette le motif d’opposition.

Absence de caractère distinctif

[84]           La date pertinente pour l’appréciation du motif d’opposition à l’effet que les Marques ne sont pas distinctives, lequel est présenté en trois volets, est la date de production des déclarations d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

[85]           Je rejette d’emblée le deuxième volet du motif d’opposition à l’effet que les marques employées au Canada ne sont pas celles faisant l’objet des demandes. J’estime qu’il est sans fondement juridique sous l’article 38(2)(d) de la Loi. J’ajouterais qu’en l’espèce cette allégation aurait pu être soulevée plus directement et opportunément à l’appui d’un motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’article 30(b) de la Loi. À toutes fins utiles, je note que l’Opposante n’a présenté aucun élément de preuve pour étayer son allégation.

[86]           De même, je rejette d’emblée le troisième volet du motif d’opposition. L’Opposante n’a présenté aucun élément de preuve pour étayer ses allégations à l’effet que les Marques ne sont pas distinctives parce qu’elles ont été employées contrairement aux dispositions de l’article 50 de la Loi.

[87]           Il me reste donc à trancher le premier volet du motif d’opposition, lequel repose sur les probabilités de confusion entre chacune des Marques et les marques HOUSTON’S de l’Opposante pour des services de restauration. Puisque j’estime que la cause de l’Opposante est plus solide lorsque l’on considère sa marque HOUSTON’S, je considérerai cette dernière pour les fins de ce motif d’opposition. La comparaison de cette marque et des Marques sera déterminante.

[88]           L’Opposante a le fardeau initial de prouver que sa marque HOUSTON’S était suffisamment connue au Canada en date du 25 septembre 2007 pour priver les Marques de caractère distinctif [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.) (Motel 6); et Bojangles’ International, LLC et Bojangles Restaurants, Inc. c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.) (Bojangles)]. Contrairement au cas du motif d’opposition fondé sur l’article 16(1)(a) de la Loi, la question de savoir si le marque HOUSTON’S était devenue suffisamment connue pour priver les Marques de caractère distinctif n’a pas à se limiter aux facteurs que spécifie l’article 5 de la Loi. Tel que mentionné par la Cour dans Motel 6 :

Le moyen tiré du caractère non distinctif n’est pas limité à l’exécution réelle des services au Canada comme le cas d’une revendication en emploi antérieur sous le régime de l’article 4. Il peut être aussi fondé sur la preuve d'une connaissance ou notoriété de la marque rivale acquise par le bouche à oreille et sur la preuve d'une notoriété et d'une renommée obtenues par voie d'articles de journaux ou de magazines plutôt que par de la publicité. Peuvent être pris en compte tous les éléments de preuve pertinents tendant à établir le caractère non distinctif.

[89]           Lors de l’audience, la Requérante a soumis que les éléments de preuve présentés par l’Opposante pour démontrer la réputation au Canada de sa chaîne de restaurants HOUSTON’S sont foncièrement de la même nature que les éléments de preuve considérés par la Cour dans l’affaire Bojangles. En conséquence, la Requérante a soumis que je devais conclure que la preuve de l’Opposante ne lui permet pas de s’acquitter de son fardeau initial. En réponse aux prétentions de la Requérante, l’Opposante a soumis que contrairement aux éléments de preuve dans l’affaire Bojangles, la preuve en l’espèce démontre la connaissance par les consommateurs canadiens de la chaîne de restaurants HOUSTON’S des États-Unis. Pour les raisons qui suivent, je suis d’accord avec l’Opposante que les présentes procédures se distinguent de l’affaire Bojangles :

         Les critiques publiées durant les mois de décembre 2005 à février 2006 concernant le restaurant de Toronto font état de la connaissance par des Canadiens des restaurants HOUSTON’S des États-Unis à la date pertinente [voir § 25 de ma décision]. Il en va de même du courriel du 4 février 2006 de M. Dreher de Toronto [voir § 26 de ma décision].

         La télécopie du 9 août 2005 que l’Opposante a reçue de M. Bester de Toronto tend à démontrer la connaissance des restaurants HOUSTON’S de l’Opposante par ce dernier [voir § 27 de ma décision].

         Puisque la Requérante n’était pas responsable du contenu du publireportage publié en juin 2003 dans le Journal de Montréal, la conclusion qui s’impose est que le chroniqueur a associé à tort le restaurant de Montréal opéré par la Requérante à la chaîne de restaurants de l’Opposante [voir § 20 de ma décision]. Il m’apparaît logique de conclure que cette association est due à la connaissance par le chroniqueur, personnelle ou suite à des recherches, des restaurants HOUSTON’S de l’Opposante aux États‑Unis.

         Bien que le publireportage du Journal de Montréal ne vise pas à promouvoir les restaurants HOUSTON’S de l’Opposante, il n’en demeure pas moins qu’il réfère aux restaurants HOUSTON’S des États-Unis. À cet effet, je rappelle que l’article mentionne : « Depuis 1977, on en note en effet une cinquantaine en opération, depuis San Francisco jusqu’à Manhattan, en passant par Chicago et Miami ». Je peux prendre connaissance judiciaire de la diffusion importante au Canada d’un journal d’une grande ville canadienne [voir Northern Telecom Ltd. c. Nortel Communications Inc. (1987), 14 C.I.P.R. 104 (C.O.M.C.)]. J’estime raisonnable de conclure que l’article du Journal de Montréal a pu avoir un effet sur la connaissance des restaurants HOUSTON’S de l’Opposante aux États-Unis par des consommateurs canadiens.

         Le magazine Consumer Reports Canada [voir § 36 de ma décision] m’appert être un magazine destiné, entre autres, aux consommateurs canadiens. Même si je n’ai pas de preuve sur l’étendue de la circulation de ce magazine au Canada, j’estime raisonnable de conclure que l’article publié dans ce magazine en juillet 2006, vantant les restaurants HOUSTON’S de l’Opposante, a pu avoir un effet sur la réputation de la marque HOUSTON’S du point de vue du client canadien.

         Puisque la Requérante n’a pas remis en cause la teneur de l’entretien entre M. Segal et l’employée du restaurant de Toronto au mois de février 2006 [voir § 37 de ma décision], la conclusion qui s’impose est que l’employée a elle aussi associé à tort le restaurant de la Requérante aux restaurants HOUSTON’S de l’Opposante.

         Dans Bojangles, la Cour a rejeté l’affidavit d’un employé exprimant son opinion au sujet de la connaissance de la marque et résumant essentiellement d’autres affidavits d’employés relativement à la clientèle canadienne. Néanmoins, la Cour soulignait ne constater aucune lacune majeure dans les autres affidavits d’employés. Dans le cas présent, ni M. Florczak, ni Mme Norman n’émettent une opinion sur la connaissance de la marque HOUSTON’S par la clientèle canadienne de leurs restaurants. Je ne vois aucune raison de douter de leurs déclarations concernant les pourcentages importants, ou à tout le moins non-négligeables, de clients canadiens ou en provenance du Canada constituant la clientèle des restaurants sous leur supervision respective [voir § 29 et § 31 de ma décision]. J’ajouterais que le contenu du courriel du 4 février 2006 mentionné précédemment corrobore la déclaration de Mme Norman à l’effet que la clientèle des restaurants HOUSTON’S de Floride est composée de clients canadiens ou en provenance du Canada. Il en va de même de la déclaration de M. Segal à l’effet qu’il a dîné à un restaurant HOUSTON’S lors de vacances en Floride [voir § 36 et § 38 de ma décision].

         Dans Bojangles, la demanderesse avait présenté en preuve des photographies de panneaux placés le long de routes, probablement utilisées par des Canadiens qui se rendent aux États-Unis, et annonçant la marque. En plus de noter que des clients voyageant en voiture sont inondés de publicité, la Cour notait que de nombreux panneaux étaient composés de collages d’annonces et que certains étaient difficiles à lire. En conséquence, la Cour n’a pas été convaincue que les panneaux annonçant la marque aient eu un effet notable sur la réputation de la marque du point de vue du client canadien. Dans le cas qui nous occupe, les photographies présentées en preuve [voir § 17 de ma décision] sont des photographies d’enseignes situées à l’extérieur des restaurants de l’Opposante et montrant uniquement et visiblement la marque HOUSTON’S. En conséquence, j’estime que la preuve en l’espèce démontre que les enseignes aient pu avoir un effet sur la connaissance des restaurants HOUSTON’S de l’Opposante par des Canadiens voyageant aux États‑Unis.

[90]           De plus, il ressort de la preuve en l’espèce qu’en raison de leur connaissance des restaurants HOUSTON’S de l’Opposante, des Canadiens ont erronément associé les restaurants de la Requérante à l’Opposante. Il convient de rappeler que les cas de confusion discutés plus avant ne sont pas niés par la Requérante mais bien admis par celle-ci. Cependant, selon les représentations de la Requérante, ces cas de confusion sont mineurs et insignifiants en nombre (« minor and insignifiant in number ») en raison de l’emploi continu des Marques depuis 1998. J’ai de la difficulté à comprendre en quoi ces représentations de la Requérante aident sa cause. Au contraire, il m’apparaît que l’avènement répété de cas de confusion au fil des ans malgré l’emploi continu des Marques depuis 1998 ne fait que supporter la conclusion que la marque HOUSTON’S de l’Opposante était suffisamment connue au Canada à la date pertinente pour nier le caractère distinctif des Marques.

[91]           Bien que chacun des éléments de preuve discuté ci-dessus n’est pas en soi déterminant, j’estime que ces éléments considérés dans leur ensemble me permettent en l’espèce de conclure que la marque HOUSTON’S de l’Opposante était suffisamment connue au Canada à la date pertinente pour étayer le premier volet du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif des Marques.

[92]           En raison de ce qui précède, il incombe à la Requérante de convaincre le Registraire de l’absence de probabilité de confusion entre les Marques et la marque HOUSTON’S de l’Opposante.

[93]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[94]           En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le Registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacune de ces circonstances [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.) et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. 2011 CSC 27 (Masterpiece) pour une analyse approfondie des principes généraux applicables au test en matière de confusion]. Tel que récemment rappelé par la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion ».

[95]           La Requérante prétend que l’emploi du mot « Houston » plutôt que « Houston’s » en combinaison soit avec « steaks» et « ribs », soit avec « steaks » et « côtes levées », distinguent les Marques de la marque HOUSTON’S de l’Opposante au niveau du son, de la présentation et des idées suggérées. Je suis en désaccord. En effet, mêmes si les marques en cause ne sont pas identiques, elles sont très similaires. Les mots descriptifs « steaks », « ribs » et « côtes levées » ne distinguent en rien les Marques de la marque HOUSTON’S de l’Opposante d’autant plus que cette dernière offre pareils items dans ses restaurants [voir Pièce « C » de l’affidavit Viers]. De plus, malgré les prétentions de la Requérante quant aux différences entre les concepts des restaurants, il est évident que la nature des services et la nature du commerce des parties sont identiques.

[96]           Pour conclure mon analyse des circonstances de l’espèce, je note que des cas de confusion quant à la source des Services associés aux Marques est la seule circonstance additionnelle pertinente en l’espèce. L’état du marché au Canada n’est pas une circonstance additionnelle pertinente puisque la présence au registre des enregistrements no LMC407,273 et no LMC408,131 ne suffit pas à elle seule à établir que des marques de commerce comportant le mot « Houston » étaient couramment employées en liaison avec des services de restauration à la date pertinente. En ce qui concerne l’extrait du site web pour la marque HOUSTON PIZZA, qu’il suffise de noter qu’il démontre tout au plus l’emploi du mot « Houston » en rouge dans ladite marque postérieurement à la date pertinente [voir § 54 de ma décision].

[97]           Finalement, la Requérante soumet dans son plaidoyer écrit que la marque HOUSTON’S coexiste au registre des marques de commerce des États-Unis avec quatre autres marques de commerce composées du mot « Houston ». Or, en plus du fait que la Requérante n’a fait aucune représentation quant à la pertinence de l’état du registre des États-Unis dans les présentes procédures, celui-ci n’a pas été présenté en preuve par voie d’affidavit ou de déclaration statutaire.

[98]           Dans l’application du test en matière de confusion, j’ai tenu compte du fait que ce test tient à la première impression et au souvenir imparfait. Après avoir examiné l’ensemble des circonstances de l’espèce, je conclus à la probabilité raisonnable que les Marques inciteront les consommateurs à penser que les Services proviennent de la même source que les services de restauration associés à la marque HOUSTON’S de l’Opposante ou que les Services sont d’une autre façon associés à l’Opposante. Par conséquent, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait, c’est-à-dire démontrer, suivant la prépondérance des probabilités, qu’en date du 25 septembre 2007 les Marques ne créaient pas de confusion avec la marque HOUSTON’S de l’Opposante.

[99]           Compte tenu de ce qui précède, j’accepte le premier volet du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif des Marques.

Décision

[100]       Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse les demandes d’enregistrement nos 1,319,527 et 1,319,528 selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

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