Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 249

Date de la décision : 17-12-2012

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Maple Leaf Foods Inc. à la demande no 530 221 produite par Consorzio del Prosciutto di Parma en vue de l’enregistrement de la marque de certification PROSCIUTTO DI PARMA

 

Les procédures

[1]               Le 19 octobre 1984, Consorzio del Prosciutto di Parma (la Requérante) a produit une demande en vue de faire enregistrer PROSCIUTTO DI PARMA (la Marque) comme marque de certification. On a attribué à cette demande le numéro 530 221.

[2]               Lorsque la demande no 530 221 a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 24 janvier 2007, elle était fondée sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque en Italie en liaison avec du [TRADUCTION] « jambon non cuit préservé selon un procédé de salaison, de vieillissement et de séchage à l’air naturel, aussi appelé prosciutto ». La Requérante a renoncé au droit à l’usage exclusif du mot PROSCIUTTO en dehors de la Marque. Les détails de la norme définie que l’emploi de la marque est destiné à indiquer sont exposés dans la demande et ainsi libellés :

[TRADUCTION]
Le jambon est préparé dans une région qui comprend les vallées, collines et zones montagneuses de la province de Parma, à une distance d’au moins 5 kilomètres au sud de Via Emilia et à une altitude d’au plus 900 mètres. La zone est délimitée géographiquement à l’est par la rivière Enza et à l’ouest par le fleuve Stirone et comprend une partie ou la totalité du territoire des communes suivantes
 : dans la vallée, Parma et Montechiarugolo; dans les collines, Salsomaggiore Terme, Fidenza, Noceto, Pellegrino, Medesano, Collecchio, Varana Melegari, Fornovo Taro, Felino, Sala Baganza, Langhirano, Lesignano, Bagni, Traversetolo, Neviano Arduini, Calestano, Terenzo; dans les montagnes, Varsi, Bardi, Bore, Solignano, Bedonia, Compiano, Tornolo, Albareto, Borgataro, Valmozzola, Berceto, Corniglio, Tizzano Val Parma, Monchio delle Corti, Palanzano. Le mode de production et les caractéristiques du produit sont définis dans la traduction ci-incluse de l’acte, des règlements et des textes réglementaires.

[3]               Le 26 juin 2007, Maple Leaf Foods Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande. L’Opposante a soulevé des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 38(2)a), b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi).

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante. La Requérante a, de plus, fait valoir que les motifs d’opposition soulevés aux paragraphes 7, 10 et 12 de la déclaration d’opposition n’étaient pas valables (ces paragraphes renvoient aux alinéas 30f), 16(1)a) et 16(3)a) de la Loi).

[5]               Au titre de l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement), l’Opposante a produit l’affidavit d’Adam Grogan. M. Grogan a été contre-interrogé et une copie de la transcription a été versée au dossier.

[6]               Au titre de l’article 42 du Règlement, la Requérante a produit les affidavits de Stefano Fanti, Robert T. Brockbank, James Neil Pollock, Joan Brehl, Jean-Charles Vincelette, Odysseas Goulanakis, Debbie Heatherington et Michael Stephan. Bien que des ordonnances aient été obtenues pour contre-interroger chacun des déposants, excepté Mme Heatherington, seules les transcriptions des contre-interrogatoires de M. Fanti et M. Goulanakis ont été produites en preuve. Les réponses données à certains engagements lors du contre-interrogatoire de M. Fanti ont également été versées au dossier.

[7]               Au titre de l’article 43 du Règlement, l’Opposante a produit un deuxième affidavit d’Adam Grogan, ainsi que les affidavits de Raymond Robitaille et de Jennifer Harper.

[8]               Les parties ont toutes deux présenté des observations écrites. L’Opposante a subséquemment demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition. L’autorisation a été refusée; l’Opposante en a été informée dans une lettre en date du 3 janvier 2012.

[9]               Une audience a été tenue; les parties y ont toutes deux participé.

Décisions rendues à l’audience

[10]           On m’a informée, au début de l’audience, que la Requérante entendait faire plaider deux agents de marques de commerce différents; un travaillant au sein du cabinet désigné au dossier comme l’agent de la Requérante et un n’y travaillant pas.

[11]           Les articles 8 et 10 du Règlement prévoient, entre autres, ce qui suit :

8. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), la correspondance relative à la poursuite d’une demande d’enregistrement d’une marque de commerce est échangée avec le requérant.

(2) Sous réserve du paragraphe (3) et des articles 9 et 11, la correspondance est échangée avec l’agent de marques de commerce si celui-ci est autorisé à agir au nom du requérant du fait, selon le cas :

  a) qu’il a produit la demande au bureau à titre d’agent de marques de commerce du requérant;

  b) qu’il est nommé agent de marques de commerce du requérant dans la demande ou tout document l’accompagnant;

  c) qu’il est nommé agent de marques de commerce du requérant après la production de la demande.

(3) Lorsque l’agent de marques de commerce visé au paragraphe (2) nomme un autre agent de marques de commerce en qualité d’agent de marques de commerce associé ou suppléant, la correspondance est alors échangée avec cet autre agent de marques de commerce.

 Les articles 8 et 9 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux parties aux oppositions.

[12]           Concernant ce qui précède, le registraire considère que la correspondance relative à une opposition inclut la comparution à une audience.

[13]           Il convient également de se reporter à l’Énoncé de pratique de la Commission des oppositions des marques de commerce intitulé Énoncé de pratique concernant la procédure d’opposition en matière de marque de commerce, en vigueur depuis le 31 mars 2009. Il est écrit à la section III de cet énoncé qu’« un opposant, qu'il soit une ou plusieurs personne(s), ne peut désigner qu'un seul agent de marques de commerce ».

[14]           Je ne vois pas pourquoi un requérant devrait être autorisé à se faire représenter par plus d’un agent de marques de commerce alors qu’un opposant ne le peut pas. Lorsqu’une partie est représentée, la Commission a pour pratique d’autoriser uniquement l’agent désigné de cette partie à présenter des observations à l’audience.

[15]           En tant que tribunal administratif, la Commission des oppositions des marques de commerce est maître de sa propre procédure, sous réserve de toute restriction ou exigence imposée par la loi ou découlant des principes d’équité [Knight c. Indian Head School Division No 19, [1990] 1 R.C.S. 653 (C.S.C.), p. 685].

[16]           En l’espèce, j’ai statué que la personne n’étant pas l’agent désigné de la Requérante ne pouvait pas plaider à l’audience. J’ai précisé, cependant, que si l’agent désigné souhaitait nommer cet autre agent de marques de commerce en qualité d’agent associé ou suppléant afin qu’il puisse présenter l’ensemble des arguments verbaux de la Requérante, je ferais droit à cette demande.

[17]           Les règles de justice naturelle, qui garantissent à toute partie le droit d’être entendue, exigent que les tribunaux administratifs veillent à ce que les parties aient la possibilité :

1) de savoir ce qu’on entend faire valoir contre elles;

2) de contester, de corriger ou de contredire tout ce qui est préjudiciable à leur thèse;

3) de présenter des arguments et des éléments de preuve au soutien de leur cause.

Robert Macaulay et James Sprague, Hearings before Administrative Tribunals, 4e éd. (Scarborough, Ont. : Thomson Carswell, 2010), p. 12-12

[18]           Dans les circonstances de l’espèce, je n’admets pas que ma décision ait pu compromettre le droit de la Requérante d’être entendue. La production d’observations écrites et la tenue d’une audience font partie des étapes possibles d’une procédure d’opposition en matière de marque de commerce, mais ni l’une ni l’autre ne sont obligatoires. En l’espèce, la Requérante a produit des observations écrites détaillées qui totalisent 57 pages. En outre, il est d’usage, lors des audiences tenues relativement à une procédure d’opposition, que l’Opposante soit la première à présenter ses arguments verbaux. J’ai donc informé la Requérante qu’une fois la plaidoirie de l’Opposante terminée, l’audience serait suspendue pour une durée aussi longue qu’elle le souhaitait, dans la mesure du raisonnable, tout en gardant à l’esprit que l’audience devait se terminer à 16 h 30. La plaidoirie de la Requérante a duré près de deux heures et demie (soit légèrement plus longtemps que celle de l’Opposante) et je souligne que le second agent de marques de commerce est demeuré disponible pour assister l’agent principal pendant toute la durée de la plaidoirie.

[19]           La Requérante a demandé, du fait de ma décision la limitant à un seul agent, que l’audience soit remise. Il est indiqué à la section X.6 de l’Énoncé de pratique susmentionné que « le registraire n'accordera généralement aucune remise des audiences fixées au rôle ». Vu les circonstances de l’espèce, j’ai informé la Requérante que je remettrais l’audience uniquement si l’Opposante y consentait, ce qui ne fut pas le cas. Je fais remarquer qu’il n’aurait pas été possible, par ailleurs, d’obtenir une date de remise rapprochée.

Remarques préliminaires

[20]           L’une des questions clés dans la présente procédure est la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce PARMA de l’Opposante, laquelle est enregistrée sous le no TMA179 637 en liaison avec diverses viandes. Cette question hante la Requérante depuis près de 27 ans, c’est-à-dire depuis qu’elle a appris, dans un premier rapport d’examinateur, que la Marque n’était pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)d) du fait de l’existence de l’enregistrement no TMA179 637. Pendant 22 ans, la Requérante a tenté de venir à bout des objections de l’examinateur. À deux reprises, elle a engagé une procédure en vertu de l’article 45 dans le but de faire radier l’enregistrement no TMA179 637, alléguant que la marque visée par ce dernier n’était pas employée; elle a obtenu que certaines des viandes initialement comprises dans l’état déclaratif des marchandises de l’Opposante soient supprimées de l’enregistrement, mais sans plus. La Requérante a également intenté, en vain, une action en radiation devant la Cour fédérale fondée sur l’article 57 de la Loi [Consorzio Del Prosciutto Di Parma c. Maple Leaf Meats Inc (2001), 11 C.P.R. (4th) 48 (FCTD), conf. par 18 C.P.R. (4th) 414 (C.A.F.)]. Dans le cadre de cette procédure de radiation en vertu de l’article 57, la Requérante soutenait que l’enregistrement devait être radié parce que i) la marque PARMA n’était pas enregistrable au moment où son enregistrement avait été accordé en 1971, car elle donnait une description fausse et trompeuse, et ii) la marque PARMA n’était pas distinctive au moment où la procédure de radiation a été engagée en 1997. La Cour a statué que la Requérante ne s’était pas acquittée de son fardeau de preuve et l’enregistrement no TMA179 637 a été maintenu. Il va sans dire que la validité de la marque déposée de l’Opposante n’est pas en cause dans la présente procédure [voir Molson Canada 2005 c. Anheuser-Busch, Incorporated (2010), 82 C.P.R. (4th) 169 (C.F.), para. 61].

[21]           À l’audience, l’Opposante a formulé quelques remarques au sujet d’une lettre datée du 15 septembre 2003 que la Requérante a soumise dans le cadre de ses démarches relatives à sa demande et qui a incité l’examinateur a abandonné, le 18 août 2005, l’objection fondée sur l’alinéa 12(1)d) après l’avoir maintenue pendant des décennies. L’Opposante soutient que l’argument qu’a fait valoir la Requérante dans sa lettre du 15 septembre 2003 était fondé sur des allégations de fait qui ne sont pas corroborées par la preuve produite en l’espèce et va jusqu’à prétendre que les observations contenues dans cette lettre étaient trompeuses. À cet égard, je pense qu’il suffit de rappeler que la Commission n’est pas liée par les décisions de la Section de l’examen du Bureau des marques de commerce et que ces décisions n’ont pas valeur de précédent pour la Commission. Comme il est indiqué dans Interdoc Corporation c. Xerox Corporation, (25 novembre 1998 C.O.M.C. (non publiée), demande no 786 491) :

[TRADUCTION]
La Commission n’est pas en mesure d’expliquer les conclusions auxquelles est parvenue la Section de l’examen du Bureau des marques de commerce. Je précise que la Section de l’examen n’avait pas accès aux preuves que les parties produisent dans le cadre d’une procédure d’opposition : voir les décisions rendues par la Commission dans Thomas J. Lipton Inc c. Boyd Coffee Co (1991), 40 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.), p. 277; et Procter & Gamble Inc c. Morlee Corp (1993), 48 C.P.R. (3d) 377 (C.O.M.C.), p. 386.

Fardeau de preuve

[22]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande d’enregistrement est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

Questions préliminaires

[23]           La Requérante a soulevé deux questions liées directement au fait que la Marque est une marque de certification. La Requérante soutient dans un premier temps que l’alinéa 12(1)d) ne s’applique pas aux marques de certification et, dans un deuxième temps, qu’une analyse de la probabilité de confusion axée sur la question de savoir si la Marque pourrait créer de la confusion quant à la source n’est pas opportune puisqu’une marque de certification vise à indiquer la nature/la qualité des marchandises, et non leur source. Comme l’a fait remarquer la Requérante, la jurisprudence sur laquelle s’appuyer en l’espèce est limitée, car peu de décisions ont été rendues relativement à des marques de certification.

Applicabilité de l’alinéa 12(1)d) aux marques de certification

[24]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce PARMA enregistrée sous le no TMA179 637. La Requérante, pour sa part, soutient que l’alinéa 12(1)d) ne peut constituer le fondement d’un motif d’opposition valable à l’égard d’une marque de certification, compte tenu des dispositions de l’article 25 de la Loi. J’ai reproduit en annexe les articles pertinents de la Loi dont j’ai tenu compte dans l’analyse qui suit.

[25]           Les termes « marque de commerce », « marque de certification » et « créant de la confusion » sont définis à l’article 2 de la Loi. Bien que les « marques de certification » soient définies comme des marques employées pour distinguer des marchandises et/ou des services qui sont d’une norme définie, les « marques de commerce » sont définies de façon plus générale, de sorte qu’elles comprennent aussi bien les marques de certification que les marques employées pour distinguer des marchandises et/ou des services provenant d’une même source.

[26]           Les articles 23 à 25 de la Loi portent expressément sur les « marques de certification » et traitent respectivement des aspects suivants : « enregistrement de marques de certification », « enregistrement d’une marque commerce créant de la confusion avec la marque de certification » et « marque de certification descriptive ». La Requérante soutient que puisqu’il est question de l’enregistrabilité à l’article 25, l’alinéa 12(1)d), qui porte sur les « marques de commerce enregistrables », ne s’applique pas aux marques de certification. À l’appui de cet argument, elle cite Sanna, Inc c Chocosuisse Union des Fabricants Suisses de Chocolat (1986), 14 C.P.R. (3d) 139 (C.O.M.C.). La Requérante se fonde plus particulièrement sur les paragraphes suivants, qu’on retrouve à la page 142 de cette décision :

[TRADUCTION]
Il est clair que l’article 25 s’applique en l’espèce. Les marques de certification SWISS, SUISSE et SWITZERLAND sont, à mon avis, incontestablement descriptives du lieu d’origine des marchandises, c’est-à-dire la Suisse, et l’affidavit Kuster permet d’établir que la requérante est une association commerciale qui a un bureau ou un représentant en Suisse.

 

Eu égard aux mots « et ne créant aucune confusion avec une marque de commerce déposée » compris dans le libellé de l’article 25, j’estime que la présence de ces mots ne peut avoir d’autre but que de faire en sorte qu’une marque de certification enregistrable en vertu de l’article 25 ne puisse pas être déclarée non enregistrable du fait des dispositions de l’article 12. Si l’on avait voulu que de telles marques soient assujetties à l’article 12, elles auraient nécessairement été visées à l’alinéa 12(1)d) et il aurait été superflu d’inclure les mots « et ne créant aucune confusion avec une marque de commerce déposée » dans le libellé de l’article 25.

[27]           J’estime cependant que l’affaire Sanna se distingue de la présente espèce. Dans Sanna, la requérante souhaitait faire enregistrer des marques que le registraire tenait pour [TRADUCTION] « incontestablement descriptives du lieu d’origine des marchandises »; en l’espèce, on ne peut pas dire que la Marque en tant qu’ensemble est descriptive d’un lieu d’origine. En l’espèce, on peut même se questionner à savoir si l’article 25 peut s’appliquer à la Marque. Dans Sanna, l’opposante s’appuyait en partie sur l’alinéa 12(1)b) et il était opportun de considérer que l’article 25 s’appliquait puisque l’article 25 semble exclure de l’application de l’alinéa 12(1)b) les marques de certification qui sont descriptives d’un lieu d’origine.

[28]           Dans l’ouvrage Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, il est écrit que :

[TRADUCTION]
[L’article 25] a simplement ouvert droit à un type d’enregistrement secondaire et très restreint. Il n’est pas en contradiction avec l’alinéa 26(1)c) ou avec l’article 29 de l’ancienne Loi, et la disposition comparable actuelle n’est pas incompatible avec le paragraphe 12(2) de la Loi sur les marques de commerce en vertu duquel un commerçant peut obtenir l’enregistrement et le droit exclusif d’employer une marque de commerce géographique qui, prima facie, est enregistrable suivant l’alinéa 12(1)b). L’article 25 a simplement rendu possible l’enregistrement d’une marque de commerce dans le seul but d’empêcher que d’autres emploient la marque en dehors de la zone géographique dont la marque est descriptive.

[Kelly Gill et Scott Jolliffe, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, 4e éd. (Carswell, 2001), p. 5-76]

[29]           Je souligne que l’Opposante invoque trois affaires postérieures à Sanna, dont une tranchée par la Cour d’appel fédérale, dans lesquelles des motifs d’opposition fondés sur le paragraphe 12(1) étaient soulevés à l’encontre de l’enregistrement de marques de certification : The Ministry of Commerce and Industry of the Republic of Cyprus c. International Cheese Council of Canada (2011), 93 C.P.R. (4th) 255 (C.A.F.), conf. par 84 C.P.R. (4th) 421 (C.F.); Flowers Canada/Fleurs Canada Inc c. Maple Ridge Florist Ltd (1998), 86 C.P.R. (3d) 110 (C.O.M.C.); et Groupe Conseil Parisella, Vincello Associés Inc c. CPSA Sales Institute (2003), 31 C.P.R. (4th) 308 (C.O.M.C.).

[30]           Étant donné que les « marques de commerce » incluent les « marques de certification », il semble raisonnable d’appliquer aux marques de certification l’ensemble des articles ayant trait aux marques de commerce, sauf si ces articles sont expressément incompatibles avec les articles 23 à 25. En l’espèce, j’estime qu’il n’existe aucune contradiction de nature à empêcher l’alinéa 12(1)d) de s’appliquer.

[31]           L’Opposante a signalé qu’à un certain moment au cours de l’examen de sa demande, la Requérante a invoqué l’article 25 au soutien de l’enregistrement de sa marque; l’examinateur n’a pas donné suite à cet argument de sorte que la Requérante a de nouveau entrepris de contrer l’objection de l’examinateur fondée sur l’alinéa 12(1)d) en invoquant l’improbabilité de la confusion.

[32]           L’Opposante a également fait remarquer que bien que la Requérante ait contesté, dans sa contre-déclaration, la validité de certains des motifs soulevés, elle n’a pas contesté la validité du motif fondé sur l’alinéa 12(1)d); elle a simplement nié que les marques puissent être confondues et a allégué que la Marque était enregistrable suivant l’alinéa 12(1)d). Cette particularité distingue la présente espèce de l’affaire Sanna. En effet, dans Sanna, la Requérante avait clairement indiqué dans sa contre-déclaration qu’elle considérait l’argumentation fondée sur l’alinéa 12(1)d) comme insuffisante du fait que c’était l’article 25 qui s’appliquait, et non l’alinéa 12(1)d).

[33]           Au soutien de sa thèse voulant que l’article 12 ne s’applique pas aux marques de certification, la Requérante a invoqué Fox, de même que le Manuel d’examen des marques de commerce. Or, j’estime que ni l’un ni l’autre de ces documents de référence n’appuient la thèse de la Requérante. Dans Fox, l’article 25 est considéré comme une exception au principe général voulant que les marques de commerce géographiques ne soient pas enregistrables prima facie et il est indiqué à la page 5-76 de cet ouvrage que [TRADUCTION] « une opposition à l’enregistrement [d’une marque de certification] suit son cours selon les mêmes critères que ceux qui régissent l’opposition à une demande ordinaire ». À la section 11.7.5.3, intitulée Marque de certification descriptive du lieu d’origine – Article 25, le Manuel énonce qu’« une demande d'enregistrement d'une marque de certification doit essentiellement respecter les mêmes conditions d'enregistrement qu'une marque de commerce ordinaire; ces conditions sont prévues à l'article 12 ».

Test en matière de confusion et marques de certification

[34]           La Requérante a tenté, en vain, de me convaincre que le test en matière de confusion énoncé à l’article 6 de la Loi ne s’applique pas aux marques de certification. L’article 6 expose les conditions dans lesquelles une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce, et il se trouve que les marques de commerce incluent les marques de certification. J’estime que rien dans la Loi ne laisse entendre qu’il faille donner au terme confusion une signification différente lorsque l’une des deux marques de commerce en cause est une marque de certification, ou qu’il faille employer un test différent en matière de confusion. Je souligne, en outre, que les propriétaires d’enregistrements de marque de certification peuvent s’opposer à une demande d’enregistrement d’une marque de commerce en soulevant des motifs d’opposition fondés sur la confusion, notamment en invoquant l’alinéa 12(1)d) [Wool Bureau of Canada, Ltd c. Queenswear (Canada) Ltd (1980), 47 C.P.R. (2d) 11 (C.F. 1re inst.), p. 16], et que le libellé de l’article 25 comprend les mots « ne créant aucune confusion avec une marque de commerce déposée ». Il n’existe dans la Loi qu’une seule définition du terme « créant de la confusion » et rien ne donne à penser que cette définition ne s’applique pas aux marques de certification. J’ajouterai que cela ne semble pas inopportun puisqu’un consommateur potentiel peut très bien ne pas savoir qu’une marque de certification indique une norme et non une source.

Résumé de la preuve et objections soulevées relativement à la contre-preuve

[35]           La Requérante a fait valoir que la preuve produite par l’Opposante au titre de l’article 43 du Règlement ne satisfaisait pas aux exigences en matière de contre-preuve. Afin de bien évaluer cette objection, je résumerai d’abord la preuve produite au titre des articles 41 et 42

Preuve produite au titre de l’article 41

[36]           Dans son affidavit, souscrit le 16 juillet 2008, M. Grogan affirme être le vice-président de Maple Leaf Consumer Foods Inc., une société qui fabrique et vend les produits de viande PARMA en vertu d’un contrat de licence conclu avec l’Opposante. M. Grogan affirme que l’Opposante contrôle directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des marchandises que sa société vend en liaison avec la marque PARMA.

[37]           M. Grogan atteste que la marque PARMA de l’Opposante est employée de façon continue depuis au moins septembre 1958. Il affirme que les produits de viande PARMA sont vendus à de nombreux détaillants locaux et nationaux répartis dans l’ensemble du Canada et que ces détaillants vendent les viandes PARMA directement aux consommateurs dans leurs magasins de détail. Il affirme, en outre, que les détaillants nationaux comprennent la plupart des chaînes d’épiceries et de supermarchés présentes au Canada, telles que Metro, A & P, Sobey’s, Safeway, et Loblaws, et que les viandes PARMA sont également vendues à divers détaillants indépendants partout au Canada, notamment Dr. Deli et Sam’s Club.

[38]           M. Grogan a fourni des échantillons d’étiquettes et de sacs d’emballage en plastique actuellement employés aux fins de la commercialisation des produits de viande de marque PARMA, y compris le prosciutto (jambon) tranché. Il a également fourni le volume des ventes en kilogrammes de produits de viande PARMA pour les années 2004 à 2007, soit respectivement 789 000, 792 000, 753 000, et 698 000 kilogrammes.

[39]           Tel qu’il appert de l’enregistrement no TMA179 637 [affidavit de M. Grogan, pièce A], la marque PARMA a été enregistrée initialement au nom de Parma Food Products Limited en 1971; l’enregistrement a été cédé à Primo Foods Limited en 1982; puis à Principal Marques Inc. en 1994; et, enfin, à Maple Leaf Meats Inc. en 1997, laquelle a fusionné avec l’Opposante en 2001. M. Grogan atteste que la plupart des premiers registres des ventes tenus par les prédécesseurs en titre de l’Opposante n’existent plus. M. Grogan fournit toutefois, à la pièce C, un document qui, affirme-t-il, retrace l’emploi de la marque PARMA par le prédécesseur Parma Foods Limited, et qui, toujours selon ses dires, démontre que des ventes de produits de viande PARMA ont eu lieu au Canada de 1978 à 1981. Or, ce document consiste simplement en une annexe d’une page dactylographiée sur du papier à en-tête de Parma Food Products Ltd., énumérant les quantités de diverses viandes qui ont été produites annuellement; il n’établit pas que la marque PARMA a été employée au sens de l’article 4 de la Loi.

[40]           M. Grogan affirme que des échantillons d’étiquettes ayant été apposées sur des produits de viande PARMA vendus au Canada par un autre prédécesseur, Primo Foods Limited, sont annexés comme pièces à un affidavit d’Anton T. Donkers produit en 1991 dans le cadre d’une des procédures de radiation en vertu de l’article 45 engagées dans le but de faire radier l’enregistrement no TMA179 637. M. Grogan affirme avoir joint, comme pièce E, une copie certifiée de l’historique du dossier de l’enregistrement de la marque PARMA et que cette copie certifiée du dossier comprend l’affidavit de M. Donkers et ses pièces. Or, pour des raisons nébuleuses, la copie certifiée contient uniquement l’affidavit de M. Donkers; les pièces n’y figurent pas.

[41]           J’estime qu’il n’est pas nécessaire que je m’attarde au reste de l’affidavit de M. Grogan; ce dernier se bornant à commenter le contenu des historiques de dossier de la demande en cause et de l’enregistrement no TMA179 637 de l’Opposante, ainsi que les tentatives de la Requérante de faire radier l’enregistrement de l’Opposante. Je note cependant que M. Grogan a fourni, en plus de la copie certifiée du Bureau des marques de commerce produite relativement à l’enregistrement de l’Opposante, une copie certifiée du dossier relatif à la demande de la Requérante.

[42]           Le contre-interrogatoire de M. Grogan a porté principalement sur l’emploi sous licence de la marque de commerce PARMA, la nature des produits réellement associés à la marque PARMA, les étiquettes employées en liaison avec les produits PARMA, les voies de commercialisation des produits PARMA et la connaissance directe par M. Grogan de certains faits ayant précédé son embauche. Je souligne que l’Opposante a refusé de répondre à un certain nombre de questions sous prétexte que ces dernières avaient trait à des renseignements confidentiels ou non pertinents.

Preuve produite au titre de l’article 42

[43]            M. Fanti, l’un des membres de la direction de la Requérante, a divisé son affidavit en 12 sections, soit [TRADUCTION] introduction; statut particulier de l’appellation PROSCIUTTO DI PARMA dans la législation italienne; reconnaissance de l’appellation PROSCIUTTO DI PARMA comme AOP (« appellation d’origine protégée »); mandats juridiques du consortium [Consorzio]; exigences fondamentales auxquelles le prosciutto PROSCIUTTO DI PARMA doit satisfaire; normes de traçabilité; profil de l’appellation PROSCIUTTO DI PARMA dans le monde; efforts de marketing du consortium à l’échelle mondiale; efforts de marketing du consortium aux États-Unis; efforts de marketing conjoint; efforts d’exécution de la loi déployés par le consortium à l’échelle mondiale; et le prosciutto PROSCIUTTO DI PARMA au Canada. Le résumé qui suit porte essentiellement sur la dernière partie de l’affidavit de M. Fanti; je ne ferai référence aux autres sections que dans la mesure où j’estime qu’elles sont pertinentes.

[44]           M. Fanti explique qu’il existe, dans la province de Parme [Parma], en Italie, une ville appelée Parme [Parma] et que cette ville est divisée en deux par la rivière Parma. Il affirme que, d’aussi loin qu’il se souvienne, la province de Parme a toujours été notoirement associée, aussi bien en Italie qu’ailleurs dans le monde, à un certain nombre de produits alimentaires, dont le fromage PARMIGIANO REGGIANO et le prosciutto.

[45]           M. Fanti explique que la Requérante est une association qui regroupe des producteurs de prosciutto, tous établis dans la province de Parme, en Italie. La Requérante a été fondée en 1963 et l’un de ses premiers objectifs a été de régulariser les méthodes de production du prosciutto et de mettre en place des procédures garantissant la qualité du produit. Les démarches de la Requérante à cet égard ont, semble-t-il, été couronnées de succès. Elle a édicté des règles strictes relativement à la production du prosciutto et autorisé les producteurs se conformant à ces règles à apposer la Marque sur leur prosciutto. L’emploi de la Marque est aujourd’hui régi et protégé par la législation italienne et, en 1996, la Marque a été reconnue comme AOP par l’Union européenne. Du prosciutto portant la Marque a été vendu dans de nombreux pays et la Marque a été enregistrée dans de nombreux pays également. Pour des raisons qui demeurent nébuleuses, la vente de prosciutto italien a été interdite aux États-Unis vers la fin des années 1960 [affidavit de M. Fanti, paragraphe 67]. L’exportation vers les États-Unis a toutefois repris en septembre 1989 et depuis la Marque y est employée et publicisée. Par contre, la Marque n’a jamais été employée au Canada, ni annoncée directement.

[46]           M. Fanti atteste, au paragraphe 97, que le prosciutto vendu aux Canadiens par les membres de la Requérante n’a jamais porté la Marque parce que, semble-t-il, la Requérante craignait qu’un tel emploi incite la propriétaire de l’enregistrement de la marque PARMA a intenté contre elle une action en contrefaçon. Depuis 1997, des quantités substantielles de prosciutto conforme à la norme définie dans la demande d’enregistrement de la marque de certification en cause ont été vendues au Canada, mais dans des emballages arborant une autre marque de la Requérante, soit THE ORIGINAL PROSCIUTTO, ainsi que la ou les marque(s) du membre de la Requérante ayant fabriqué le prosciutto. Il importe donc de considérer avec circonspection certaines des déclarations de M. Fanti, notamment les suivantes : [TRADUCTION] « les ventes en gros au Canada de prosciutto PROSCIUTTO DI PARMA ont débuté en 1997 » et [TRADUCTION] « le prosciutto PROSCIUTTO DI PARMA est le prosciutto italien le plus vendu au Canada », car ces dernières doivent être interprétées corrélativement à la déclaration sans équivoque de M. Fanti selon laquelle le prosciutto vendu au Canada n’a jamais porté la marque PROSCIUTTO DI PARMA. 

[47]           M. Fanti affirme que le PROSCIUTTO DI PARMA est un produit haut de gamme et que dans les pays où il est vendu, il est offert par des détaillants de produits fins et des restaurants gastronomiques (en contre-interrogatoire, il a cependant affirmé qu’il est aussi vendu à des supermarchés et que la Requérante n’impose aucune restriction à ses membres quant aux commerces auxquels ils peuvent vendre le prosciutto certifié).

[48]           M. Fanti a dit qu’à son avis, un Canadien désireux d’acheter du prosciutto n’associerait pas la Marque aux produits PARMA de l’Opposante, mais je ne peux accorder aucun poids à cette opinion.

[49]           Le contre-interrogatoire de M. Fanti a porté principalement sur le fait qu’il existe en Italie d’autres régions productrices de prosciutto qui emploient des marques (dont certaines sont des AOP) appartenant à d’autres consortiums, le fait que la Requérante n’exerce aucun contrôle sur les voies de commercialisation empruntées par ses membres ni sur le prix auquel ils vendent leur prosciutto, les étiquettes employées par les membres de la Requérante, et les mesures d’exécution de la loi prises par la Requérante à l’étranger.

[50]           M. Goulanakis est propriétaire-exploitant d’un magasin de détail qui, affirme-t-il, offre la plus vaste sélection de prosciutto dans la région de Toronto. Il atteste que son magasin vend du prosciutto fabriqué à Parme, en Italie, depuis 1997 et nomme les marques de commerce de cinq de ces prosciuttos, qui, dit-il, ont également porté la marque THE ORIGINAL PROSCIUTTO. Il atteste que le prosciutto commercialisé sous ces cinq marques se vend 5,50 $ ou 6,50 $ le 100 grammes.

[51]           Le magasin de M. Goulanakis offre quatre marques différentes de prosciutto canadien, dont le prix varie de 2,99 $ à 6,50 $ le 100 gammes. M. Goulanakis a vendu du prosciutto PARMA pendant quelques mois et soutient que ce prosciutto n’était pas de très bonne qualité et que son prix était nettement inférieur à celui du prosciutto italien.

[52]           M. Goulanakis assure que la plupart de ses clients s’y connaissent en matière de produits alimentaires importés; ses clients comprennent des consommateurs, des chefs de restaurants et d’établissements hôteliers, des traiteurs, des consulats et des distributeurs. Il affirme ce qui suit :

[TRADUCTION]
D’après mon expérience, les gens qui achètent du prosciutto sont des consommateurs avertis et exigeants. Ils savent ce qu’ils veulent. Ils s’intéressent tout particulièrement à la provenance du prosciutto et à son temps de vieillissement. Lorsqu’ils souhaitent acheter du prosciutto italien, ils demandent la plupart du temps du PROSCIUTTO DI PARMA. Il arrive qu’ils commandent uniquement du « prosciutto »; je leur demande alors s’ils veulent du prosciutto italien, espagnol ou canadien. S’ils veulent du prosciutto italien, ils répondent « du Prosciutto di Parma ».

[53]           La dernière phrase de la déclaration de M. Goulanakis ci-dessus me semble un peu surprenante considérant que la preuve produite par M. Fanti démontre que de nombreux prosciuttos sont produits en Italie et que tous ne sont pas du PROSCIUTTO DI PARMA.

[54]           Il appert également de la preuve de M. Goulanakis et du contre-interrogatoire de ce dernier que son magasin offre un service à la clientèle de haut niveau et que, tout comme lui, les membres de son personnel interagissent beaucoup avec les clients.

[55]           Le contre-interrogatoire de M. Goulanakis a porté principalement sur l’expérience d’achat que vivent les clients de son magasin comparativement à l’expérience d’achat offerte dans les supermarchés comme Loblaws ou dans les entrepôts Costco, et sur les différentes marques de prosciutto que vend son magasin.

[56]           M. Stephan, un enquêteur privé détenteur d’une licence, a fourni les résultats de diverses recherches électroniques qu’il a effectuées, notamment une recherche dans la collection de la Bibliothèque publique de Toronto à l’aide des mots « Cookery, Italian » [cuisine, italienne]; une recherche dans le site www.chapter.indigo.ca à l’aide des mots « italian cooking » [cuisine italienne]; une recherche dans le site www.cook-book.com à l’aide des mots « International-Italy » [international-Italie], etc. M. Stephan a également fourni de l’information, extraite du site Web de Statistique Canada, sur le nombre de Canadiens ayant déclaré être d’origine italienne et sur le nombre de Canadiens qui voyagent aux États-Unis. Comme aucune des parties n’a présenté d’observations fondées sur ces éléments de preuve, je ne m’attarderai pas davantage à cette partie de la preuve.

[57]           M. Stephan a également recherché les mots PROSCIUTTO DI PARMA dans divers sites Web. J’estime cependant que les résultats de ces recherches ne sont d’aucune aide pour la Requérante : 1) parce que les sites en question ne sont pas canadiens et que rien n’indique que des Canadiens les aient un jour consultés [voir Generation Nouveau Monde Inc c. Teddy SPA (2006), 51 C.P.R. (4th) 385 (C.O.M.C.), para. 15]; et 2) parce que, dans les résultats de recherche fournis, les mots PROSCIUTTO DI PARMA apparaissent principalement dans des listes d’ingrédients de recettes et sont vraisemblablement employés comme un terme générique, plutôt que comme une marque de commerce, par exemple : [TRADUCTION] « 5 tranches minces de prosciutto di Parma, grossièrement coupées… ».

[58]           M. Stephan s’est également rendu, en 2009, dans deux magasins de détail ontarien. Il rend compte des marques et des prix des différents prosciuttos offerts dans ces magasins et mentionne qu’aucun d’eux n’arborait les marques en cause dans la présente procédure.

[59]           M. Pollock, un enquêteur privé, s’est rendu, en 2009, dans un certain nombre d’établissements de vente au détail de Calgary (dont un supermarché Sobey’s et un supermarché Safeway) et atteste n’avoir vu aucune viande de marque PARMA.

[60]           M. Brockbank, un enquêteur privé, s’est rendu, en 2009, dans diverses épiceries de l’Ontario afin de vérifier la présence des produits PARMA. Les magasins dans lesquels il n’en a pas trouvé et où on lui a dit ne pas vendre les produits PARMA comprennent des supermarchés Metro, Sobey’s, Sam’s Club et Loblaws. Il a cependant confirmé que le prosciutto PARMA de l’Opposante est offert dans six supermarchés Safeway différents.

[61]           M. Vincelette, un enquêteur privé, a acheté, en 2009, des produits PARMA de l’Opposante dans trois épiceries québécoises : Metro Plus Marché Depatie Inc, Intermarché Palumbo et IGA Marché Joanette. Or, il a également visité 19 autres magasins où il n’a trouvé aucune viande de marque PARMA, y compris trois supermarchés Metro et deux supermarchés Loblaws.

[62]           Mme Brehl, l’une des vice-présidentes de l’Audit Bureau of Circulations, a fourni des données sur la diffusion d’un certain nombre de magazines étrangers dans lesquels, au dire de M. Fanti, des [TRADUCTION] « publicités annonçant le prosciutto PROSCIUTTO DI PARMA et le fromage PARMIGIANO REGGIANO » sont parues en 2006, 2007 et 2008.

[63]           Quant à l’affidavit de Mme Hetherington, il s’agit simplement d’un affidavit de signification.

Preuve produite au titre de l’article 43

[64]           L’affidavit en réponse de M. Grogan a été souscrit le 8 septembre 2008.

[65]           M. Grogan commence son affidavit en affirmant que les affidavits de messieurs Brockbank, Vincelette et Pollock laissent entendre que les produits de viande PARMA de l’Opposante ne sont pas distribués ou offerts à grande échelle au Canada. Il affirme estimer nécessaire de fournir, en guise de réponse – et afin de produire une preuve directe et manifeste relativement à cette question – de plus amples renseignements sur la nature et l’ampleur des ventes de produits PARMA au Canada. Il présente ensuite les chiffres relatifs aux volumes des ventes (pour les années 2008 à 2010), il confirme que les méthodes de vente et de distribution n’ont pas changé (mais affirme que la liste des détaillants nationaux s’est allongée), précise que l’Opposante ne vend pas de viandes PARMA par l’entremise de Costco (mais que Costco vend des viandes arborant une autre marque de l’Opposante), et fournit de nombreuses factures, toutes datées de 2009, concernant des ventes de produits PARMA à diverses épiceries du Québec, de l’Ontario, de l’Alberta et de la Saskatchewan. Il soutient que ces factures démontrent que les produits PARMA sont vendus dans bon nombre des régions et des villes dans lesquelles les enquêteurs privés se sont rendus. J’estime que cette preuve constitue une contre-preuve adéquate et je l’admets. Je conviens, comme le souligne l’Opposante, que la preuve produite par les enquêteurs tend à démontrer que les produits PARMA de l’Opposante étaient peu présents sur le marché en 2009, ce qui donne à penser que soit la preuve produite au titre de l’article 41 était trompeuse, soit l’Opposante avait réduit sa présence sur le marché entretemps. Comme la preuve produite par les enquêteurs a trait à des faits postérieurs à la date à laquelle la preuve au titre de l’article 41 a été produite, l’Opposante ne pouvait pas traiter de cette question dans sa preuve principale

[66]           M. Grogan affirme ensuite qu’il y a lieu de considérer comme pertinent le fait que la Requérante a tenté, à une troisième reprise, de faire radier l’enregistrement PARMA. Il fournit une copie de l’affidavit qu’il a souscrit le 27 mai 2008 en réponse à l’avis prévu à l’article 45 qui a été signifié le 28 septembre 2007, mais je vois mal comment cet affidavit pourrait constituer une contre-preuve admissible. (Je souligne, par ailleurs, que l’affidavit que M. Grogan a souscrit le 27 mai 2008 est compris dans la copie certifiée du dossier du Bureau des marques de commerce qui est jointe comme pièce E à l’affidavit que M. Grogan a produit au titre de l’article 41.)

[67]           En réponse à la preuve produite par M. Stephan et M. Goulanakis concernant le prix de divers prosciuttos, M. Grogan fournit le prix de détail habituel du prosciutto PARMA. À cet égard, la Requérante fait valoir que M. Grogan aurait pu fournir cette information en preuve principale et rappelle que lorsque son agent lui a demandé en contre-interrogatoire quels étaient les prix des produits de l’Opposante, M. Grogan a refusé de répondre. Je tends à donner raison à la Requérante lorsqu’elle affirme que cet élément de preuve ne constitue pas une contre-preuve admissible, mais, comme je le mentionne plus loin dans mon analyse, je ne considère pas le prix des produits de l’Opposante comme un élément important en l’espèce. Je ne tiendrai aucun compte du paragraphe 11 du second affidavit de M. Grogan.

[68]           M. Grogan fournit également des éléments de preuve en réponse à une affirmation de M. Fanti concernant l’annulation, au Japon, de l’enregistrement de la marque MAPLE LEAF PARMA de l’Opposante. Bien que les mesures prises au Japon ne me semblent pas revêtir une importance significative du point de vue des questions qui nous occupent, j’estime que la preuve de M. Grogan à cet égard constitue une contre-preuve adéquate et je l’admets.

[69]           J’admets également, à titre de contre-preuve adéquate, le paragraphe 17 de l’affidavit de M. Grogan dans lequel ce dernier répond à l’affidavit de Mme Heatherington.

[70]           Dans les derniers paragraphes de son affidavit, M. Grogan traite de son contre-interrogatoire au sujet de l’affidavit qu’il a produit au titre de l’article 41. Il écrit [TRADUCTION] : « L’interrogatoire a eu lieu le 1er juin 2009. La Requérante a produit les transcriptions en preuve le 14 juin 2009, de sorte que nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour présenter nos réponses aux engagements et exposer nos positions relativement aux questions mises en délibéré. Je joins aux présentes une copie de mes réponses à ces questions et engagements, à titre de pièce N ». La Requérante a fait valoir que l’Opposante aurait dû, au minimum, fournir ces réponses bien avant la date limite pour le dépôt de la preuve de la Requérante au titre de l’article 42, soit le 14 octobre 2009. 

[71]           On ne sait pas très bien pourquoi la Requérante a déposé la transcription sans, par contre, demander une prorogation du délai alloué à la réception et à la production des réponses aux engagements, etc. Tel qu’il est prévu au paragraphe 44(4) du Règlement, seule la Requérante pouvait produire les réponses, etc. Le 23 juin 2009, l’Opposante a écrit à la Commission pour l’informer qu’elle n’avait pas été en mesure de préparer ses réponses à l’intérieur du bref délai dont elle disposait avant la date limite pour le dépôt de la preuve de la Requérante, le 14 juin 2009, mais que M. Grogan s’y employait. Elle affirmait également avoir l’intention de répondre à l’ensemble des engagements et des questions mises en délibéré, et que si la Requérante l’avait approché pour lui demander si elle consentait à ce que la date limite pour le dépôt des réponses soit reportée, elle aurait accepté. Dans cette même lettre, l’Opposante affirmait également ce qui suit : [TRADUCTION] « nous produirons notre contre-preuve dès que la préparation des réponses sera terminée et demanderons, si nécessaire, l’autorisation de produire les réponses sous la forme d’un affidavit supplémentaire ». Certes, le paragraphe 44(4) empêchait l’Opposante de produire les réponses, mais cette dernière aurait pu opter pour le dépôt d’un affidavit en vertu du paragraphe 44(1); en procédant de la sorte, elle aurait sans doute pu obtenir que les réponses fassent partie de la preuve. Il est difficile de savoir pourquoi elle ne l’a pas fait. Toutefois, comme les réponses ne constituent pas une contre-preuve adéquate, je n’en tiendrai pas compte. Cela dit, vu les circonstances de l’espèce, je ne suis pas prête à tirer quelque inférence négative que ce soit de l’incapacité de l’Opposante à fournir des réponses aux engagements.

[72]           La Requérante s’est également opposé au dépôt des affidavits de M. Robitaille et de Mme Harper, soutenant qu’aucun ne constituait une contre-preuve adéquate.

[73]           M. Robitaille, un employé de l’Opposante, affirme que son affidavit sert de réponse à l’affidavit de M. Vincelette. Or, l’affidavit de M. Robitaille semble avoir pour principal objectif de démontrer que les produits PARMA de l’Opposante ont été vendus [TRADUCTION] « aux mêmes endroits que des produits de prosciutto fabriqués en Italie et ailleurs, y compris des prosciuttos fabriqués par des producteurs membres de [la Requérante] ». Je ne vois pas en quoi cela pourrait servir de réponse à la preuve produite par M. Vincelette et, par conséquent, je ne tiendrai pas compte de l’affidavit de M. Robitaille.

[74]           Mme Harper, une enquêteuse privée détentrice d’une licence, rend compte de ses visites dans deux magasins de l’Ontario où elle s’est procuré du prosciutto prétanché. Le prosciutto était disposé dans des présentoirs réfrigérés de sorte qu’elle n’a pas eu à s’adresser à un employé ou à demander l’aide d’un employé pour obtenir et acheter un paquet de prosciutto prétranché. Certains de ces prosciuttos portaient la marque de commerce THE ORIGINAL PROSCIUTTO ainsi qu’une mention indiquant que l’emploi était autorisé par la Requérante. S’il est vrai que Mme Harper ne précise pas à quel élément de preuve elle répond exactement, il m’apparaît évident néanmoins qu’elle aborde une question soulevée par la preuve de la Requérante, à savoir qu’en raison de la nature des marchandises de la Requérante, une aide doit généralement être fournie à l’acheteur au point de vente. Contrairement à ce que prétend la Requérante dans ses observations écrites, j’estime qu’il ne s’agit pas là d’une preuve qui aurait dû être produite en preuve principale. Par conséquent, j’estime que l’affidavit de Mme Harper est admissible.

Motifs d’opposition fondés sur la probabilité de confusion entre les marques des parties

[75]           L’Opposante a soulevé des motifs d’opposition qui s’articulent autour de la question de la confusion entre la Marque et sa marque de commerce PARMA suivant les alinéas 30i) et 12(1)d), les paragraphes 16(1), 16(2) et 16(3), et l’alinéa 38(2)d)/l’article 2. Ces motifs peuvent être résumés comme suit :

         suivant l’alinéa 30i), la déclaration de la Requérante portant qu’elle est convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque n’est pas justifiable, car la Requérante ne pouvait pas être convaincue, à la date de production de la demande, qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada puisque la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce déposée PARMA détenue et antérieurement employée au Canada par le prédécesseur en titre de l’Opposante;

         suivant l’alinéa 12(1)d), la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée PARMA de l’Opposante, enregistrée sous le no TMA179 637;

         suivant l’alinéa 16(1)a), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, car, à la date où elle a été employée pour la première fois, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce PARMA de l’Opposante, laquelle avait été antérieurement employée au Canada par le prédécesseur en titre de l’Opposante en liaison avec les marchandises suivantes : [TRADUCTION] « viandes, nommément salami, capicollo, pepperettes, pepperoni, saucisson sec, mortadelle, jambon »;

         suivant l’alinéa 16(2)a), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, car, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce PARMA de l’Opposante, laquelle avait été antérieurement employée au Canada par le prédécesseur en titre de l’Opposante en liaison avec les marchandises suivantes : [TRADUCTION] « viandes, nommément salami, capicollo, pepperettes, pepperoni, saucisson sec, mortadelle, jambon »;

         suivant l’alinéa 16(3)a), la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque, car, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce PARMA de l’Opposante, laquelle avait été antérieurement employée par le prédécesseur en titre de l’Opposante en liaison avec les marchandises suivantes : [TRADUCTION] « viandes, nommément salami, capicollo, pepperettes, pepperoni, saucisson sec, mortadelle, jambon »;

         la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2, parce qu’en raison de l’emploi antérieur de la marque de commerce PARMA de l’Opposante par l’Opposante et ses prédécesseurs en titre, la Marque ne pourrait pas véritablement distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles elle serait employée des marchandises de l’Opposante et de ses prédécesseurs en titre, et ne serait pas adaptée à les distinguer ainsi.

[76]           Je rejette le motif fondé sur l’alinéa 30i) parce que la Requérante a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30i) et qu’il n’existe aucune preuve de mauvaise foi de la part de la Requérante [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol-Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), p. 155].

[77]           Je rejette également les motifs fondés sur les alinéas 16(1)a) et 16(3)a), car ils ne constituent pas des motifs d’opposition valables. Le paragraphe 16(1) concerne les demandes fondées sur l’emploi ou la révélation au Canada et le paragraphe 16(3) les demandes fondées sur un emploi projeté. La demande en cause étant actuellement fondée uniquement sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque à l’étranger, les alinéas 16(1)a) et 16(3)a) ne s’appliquent pas.

[78]           Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial à l’égard de l’alinéa 16(2)a), l’Opposante doit démontrer qu’elle avait déjà employé ou qu’un de ses prédécesseurs avait déjà employé sa marque PARMA au Canada à la date du 19 octobre 1984 et qu’elle n’avait pas abandonné sa marque à la date du 24 janvier 2007 (paragraphe 16(5)). À cet égard, j’examinerai la preuve de M. Grogan.

[79]           M. Grogan s’est contenté d’affirmer que la marque PARMA est employée de façon continue au Canada par l’Opposante ou ses prédécesseurs depuis au moins septembre 1958. À cet égard, il a produit une copie certifiée de l’enregistrement de la marque PARMA, lequel comprend la même revendication d’emploi. Or, le simple fait de produire le certificat d’enregistrement d’une marque de commerce n’est pas suffisant pour permettre à un opposant de s’acquitter du fardeau initial d’établir l’emploi antérieur de sa marque de commerce, qui lui incombe à l’égard d’un motif d’opposition fondé sur l’article 16 [voir Rooxs, Inc c. Edit-SRL (2002), 23 C.P.R. (4th) 265 (C.O.M.C.)].

[80]           À la pièce C, M. Grogan a fourni un document qui, affirme-t-il, démontre que le prédécesseur Parma Foods Products Limited a vendu au Canada différents produits de viande en liaison avec la marque de commerce PARMA, de 1978 à 1981. Toutefois, comme il a été mentionné précédemment, ce document ne permet pas d’établir que la marque PARMA était employée à cette époque au sens de l’article 4 de la Loi.

[81]           La preuve de l’Opposante ne me permettant pas de conclure qu’il y a eu emploi, au sens de l’article 4 de la Loi, de la marque PARMA au Canada avant le 19 octobre 1984, je rejette également le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(2)a).

[82]           Il suffit à l’Opposante, pour s’acquitter du fardeau initial qui lui incombe à l’égard de son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d), que l’enregistrement qu’elle invoque soit en vigueur à la date de ma décision. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire de consulter le registre et obtenu confirmation que l’enregistrement no TMA179 637 est bien en vigueur. L’état déclaratif des marchandises est actuellement libellé comme suit : [TRADUCTION] « viandes, nommément salami, capicollo, pepperoni, mortadelle, jambon ». J’analyserai donc maintenant la probabilité de confusion entre les marques en date d’aujourd’hui, suivant le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d).

[83]           Le paragraphe 6(2) de la Loi porte que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir.

[84]           Dans l’application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, y compris celles expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas nécessairement le même. [Voir, de manière générale, les arrêts Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.), Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.) et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.).]

[85]           Dans Masterpiece, la Cour suprême a amorcé son examen des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) par l’analyse du degré de ressemblance entre les marques; j’adopterai la même approche.

Le degré de ressemblance entre les marques

[86]           Au paragraphe 64 de l’arrêt Masterpiece, dans son analyse du degré de ressemblance entre les marques MASTERPIECE LIVING et MASTERPIECE THE ART OF LIVING, le juge Rothstein a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]
Il est vrai que dans certains cas le premier mot sera l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, mais j’estime qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de celle-ci est particulièrement frappant ou unique. En l’espèce, les mots « Living » ou « the Art of Living » ne sont en rien frappants ou uniques. « Masterpiece » est le mot qui distingue Alavida et Masterpiece Inc. des autres fournisseurs de services de résidence pour personnes âgées. Il est raisonnable de conclure qu’il est le mot dominant dans les marques de commerce de l’une et de l’autre. En outre, il est évidemment commun à ces marques. De même, dans le contexte du secteur des résidences pour personnes âgées, l’idée évoquée par le mot « Masterpiece », à savoir la retraite dans le luxe, est la même tant pour la marque d’Alavida que pour celle de Masterpiece Inc. Enfin, le mot « Living » est lui aussi commun aux marques d’Alavida et de Masterpiece Inc.

[87]           Suivant l’approche du juge Rothstein qui consiste à se demander d’abord si l’un des aspects de la marque de commerce est particulièrement frappant ou unique, j’estime que le mot PARMA est le plus frappant des mots qui composent la Marque; le mot PROSCIUTTO n’ayant rien de particulièrement frappant eu égard aux marchandises « prosciutto » et le mot DI n’étant pas un élément prédominant de la Marque.

[88]           Je souligne que l’Opposante fait valoir que la preuve et les activités de la Requérante corroborent la conclusion voulant que PARMA soit l’élément le plus important de la Marque puisqu’à l’extérieur du Canada la Requérante s’est fondée sur la Marque pour s’opposer à l’emploi de marques de commerce comprenant le mot PARMA [contre-interrogatoire de M. Fanti, page 87]. Il n’est pas nécessaire que je m’appuie sur une telle preuve pour parvenir à ma conclusion en ce qui concerne l’aspect le plus frappant de la Marque, mais je reconnais, comme le signale l’Opposante, que la Requérante a sans doute adopté ailleurs dans le monde une position contraire à celle qu’elle défend au Canada.

[89]           Au paragraphe 104 de l’arrêt Masterpiece, le juge Rothstein s’est exprimé ainsi :

[TRADUCTION]
Sans reprendre toutes les constatations susmentionnées, il ne fait aucun doute qu’il existe une forte ressemblance entre la marque de commerce de Masterpiece Inc., « Masterpiece the Art of Living », et celle d’Alavida, « Masterpiece Living ». Selon moi, le consommateur ordinaire qui observerait la seconde marque et ne posséderait qu’un vague souvenir de la première confondrait probablement la source des services liés à la marque de commerce d’Alavida avec celle des services liés à la marque de commerce de Masterpiece Inc. et se dirait que ces services émanent d’une seule et même source.   Il s’agit maintenant de se demander si quelque autre circonstance de l’espèce a pour effet de réduire cette probabilité de confusion au point qu’il y ait peu de risque qu’elle survienne.

[90]           J’ai, de même, conclu qu’il existe une forte ressemblance entre PARMA et PROSCIUTTO DI PARMA et, partant, j’estime qu’à la vue de la Marque, un consommateur occasionnel n’ayant qu’un vague souvenir de la marque de l’Opposante serait porté à croire que le prosciutto associé à la Marque et le prosciutto associé à la marque de l’Opposante proviennent de la même source. Ainsi, conformément au raisonnement suivi par la Cour suprême, il s’agit maintenant de se demander si d’autres circonstances de l’espèce pourraient avoir pour effet de réduire cette probabilité de confusion au point de rendre la confusion peu probable.

Le caractère distinctif inhérent des marques

[91]           Ni l’une ni l’autre des marques ne possèdent un caractère distinctif inhérent. Comme l’a fait valoir la Requérante, le The Canadian Oxford Dictionary comprend les entrées suivantes :

[TRADUCTION]
Parma
[Parme] 1. province du nord de l’Italie, située au sud du fleuve Pô dans la région d’Émilie-Romagne. 2. sa capitale

Parma ham [jambon de Parme]  nom type de jambon fumé qui est servi non cuit.

[92]           On y trouve également l’entrée suivante :

[TRADUCTION]
prosciutto
[prosciutto] nom jambon sale italien, habituellement servi cru en tranches minces comme hors d'oeuvre.

La mesure dans laquelle chaque marque est devenue connue

[93]           Une marque de commerce peut acquérir un caractère distinctif accru par son emploi ou sa promotion au Canada. L’emploi d’une marque de commerce est défini à l’article 4 de la Loi.

[94]           La Marque n’a pas été employée au Canada. La Requérante a cependant produit certains éléments de preuve confirmant l’existence d’une publicité indirecte émanant de médias étrangers.

[95]           Dans le cadre d’une campagne publicitaire conjointe menée aux États-Unis de 2006 à 2008, des publicités annonçant à la fois le prosciutto PROSCIUTTO DI PARMA et le fromage PARMIGIANO REGGIANO ont été publiées dans un certain nombre de magazines et de journaux. Aux pièces W et X de son affidavit, M. Fanti a fourni des copies de publicités ayant été publiées au cours de cette campagne. M. Fanti a également fourni une liste des publications dans lesquelles des publicités sont parues en 2006, 2007 et 2008; il n’a pas précisé cependant si ces publicités étaient parues seulement une fois ou plusieurs fois par année dans chaque publication. Mme Brehl a fourni des données sur le tirage au Canada de certains magazines dans lesquels les publicités sont parues. À titre d’exemple, elle a fourni le tirage au Canada des numéros de 2006 des magazines Food & Wine, Bon Appétit, Real Simple, Cookie, et Conde Nast Traveler, soit environ 14 000, 40 000, 60 000, 2 000 et 20 000 exemplaires respectivement, ainsi que des données similaires pour les années 2007 et 2008. Je souligne également qu’au moins une annonce a été publiée dans le New York Times en 2006 et qu’il m’est permis d’admettre d’office que différentes publications américaines de renom, tel le New York Times, bénéficient d’une certaine diffusion au Canada [voir H-D Michigan Inc c. MPH Group Inc (2004), 40 C.P.R. (4th) 245 (C.O.M.C.), p. 256].

[96]           Il semble donc, à la lumière de ce qui précède, que la Marque ait acquis une certaine notoriété au Canada par le truchement d’une publicité indirecte.

[97]           Plus de trois millions de kilogrammes de produits de viande portant la marque PARMA de l’Opposante ont été vendus au Canada de 2004 à 2007 (soit environ 700 000 kg annuellement) et les étiquettes fournies par M. Grogan prouvent que la marque PARMA a été employée conformément à l’article 4 de la Loi. Rien n’indique, dans la preuve dont je dispose, que l’Opposante ait annoncé sa marque au Canada, mais l’emploi de la marque PARMA en liaison avec plus de trois millions de kilogrammes de produits de viande suffit à me convaincre que la marque PARMA a acquis une certaine notoriété au Canada. La preuve produite au titre de l’article 41 m’autorise à elle seule à tirer cette conclusion, mais si l’on tient compte également des ventes que la preuve produite au titre de l’article 43 a permis d’établir, on peut évidemment considérer que cette notoriété est plus grande encore.

[98]           Dans l’ensemble, j’estime que les marques des parties sont toutes deux connues dans une certaine mesure au Canada.

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[99]           Selon la copie certifiée de l’enregistrement TMA179 637, la marque PARMA est employée au Canada depuis au moins le 18 septembre 1958. Cependant, un tel élément de preuve me permet seulement de supposer un emploi de minimis de la marque de commerce de l’Opposante [voir Entre Computer Centers, Inc c. Global Upholstery Co (1991), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C)]. Il est vrai que M. Grogan affirme que la marque PARMA est employée depuis au moins septembre 1958, mais il s’agit d’une simple affirmation qui ne me permet pas de conclure que la marque PARMA est employée depuis septembre 1958 au sens de l’article 4 de la Loi. La preuve produite confirme cependant que des ventes de marchandises PARMA de l’Opposante ont eu lieu à partir de 2004.

[100]       La Requérante n’ayant pas employé la Marque au Canada, ce facteur joue nécessairement en faveur de l’Opposante.

Le genre de marchandises, services ou entreprises, et la nature du commerce

[101]       S’agissant des marchandises, des services et des activités commerciales des parties, l’analyse de la question de la confusion aux termes de l’alinéa 12(1)d) repose sur l’examen des états déclaratifs des marchandises ou services qui figurent respectivement dans la demande et dans l’enregistrement de marque de commerce des parties [voir Mr Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe, Inc c. Dale Bohna (1984), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)]. 

[102]       Les marques des parties sont toutes deux associés à la viande et, plus particulièrement, au jambon. En outre, il s’agit dans les deux cas du même type de jambon, soit le prosciutto. Bien que la Requérante ait produit une preuve détaillée en ce qui concerne les exigences auxquelles le prosciutto doit satisfaire pour être vendu sous la Marque, il reste que le terme « jambon » compris dans l’état déclaratif des marchandises qui figure dans l’enregistrement de l’Opposante est un terme dont l’emploi n’est assujetti à aucune restriction et qui peut donc inclure le type de prosciutto qui satisfait aux normes de la Requérante.

[103]       La Requérante a également produit une preuve détaillée en ce qui a trait aux lieux et aux méthodes de vente des marchandises des deux parties. Un fait demeure cependant : les marchandises des parties pourraient être vendues côte à côte dans un environnement où il n’y a personne à proximité pour expliquer leurs différences. La demande ne comporte aucune restriction quant aux endroits où le prosciutto portant la Marque peut être vendu et M. Fanti a certifié que la Requérante n’exerçait aucun contrôle sur les voies de commercialisation de ses licenciés. En outre, M. Goulanakis a établi avoir vendu les marques des deux parties dans son magasin.

[104]       Au paragraphe 48 de ses observations écrites, la Requérante affirme que les clients de M. Goulanakis [TRADUCTION] « sont des consommateurs avertis et exigeants qui s’y connaissent en matière de produits alimentaires importés ». La Requérante a insisté sur le fait que sa Marque est connue d’un grand nombre de spécialistes des aliments, mais cela n’élimine pas la probabilité que la marque PROSCIUTTO DI PARMA puisse créer de la confusion chez le consommateur canadien moyen n’ayant qu’un vague souvenir de la marque PARMA qui l’apercevrait pour la première fois. À cet égard, je souligne que, dans l’arrêt Masterpiece, la Cour suprême a repris, au paragraphe 40, une déclaration de la Cour suprême antérieurement formulée dans l’arrêt Veuve Cliquot, soit que [TRADUCTION] « le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des [marques de commerce antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques ». (non souligné dans l’original)

[105]       La Requérante a également insisté sur le fait que son prosciutto est d’une qualité supérieure et qu’il se vend donc plus cher que le prosciutto de l’Opposante, mais j’estime que ce genre de différence ne constitue pas un facteur important du point de vue de la question de la confusion. Je souligne, en outre, que l’Opposante a fait observer que de focaliser son attention sur le prix était contraire au critère fondé sur la première impression énoncé dans Masterpiece.

Autres circonstances de l’espèce

[106]       Comme circonstance additionnelle de l’espèce, la Requérante soutient qu’une inférence négative devrait être tirée de l’absence de preuve de confusion [TRADUCTION] « malgré que du prosciutto certifié par le consortium soit vendu depuis 14 ans » [observations écrites de la Requérante, paragraphe 174]. Comme argument, elle fait valoir que des quantités substantielles de jambons prosciutto entiers (cuisse entière) sur lesquels avait été littéralement imprimée au fer une marque formée d’une couronne et du mot Parma (la marque de la couronne ducale) ont été vendues au Canada; toutes les cuisses de porc qui satisfont aux normes de la Requérante en Italie étant ainsi marquées.

[107]       La couronne ducale ne figure sur aucune des pièces ni sur aucun des documents fournis par la Requérante relativement au Canada. Je reconnais que le prosciutto certifié par la Requérante est vendu aussi bien prétranché que sous forme de cuisse entière et que des quantités importantes de prosciutto entier ont été vendues au Canada. Toutefois, comme l’a fait valoir l’Opposante à l’audience, rien, dans la preuve produite, n’indique que la marque de la couronne ducale figure sur le prosciutto qui est vendu au Canada; l’Opposante a également fait observer que même si la marque figurait sur les cuisses, rien n’indique que les acheteurs peuvent voir la marque de la couronne ducale lorsqu’ils achètent le prosciutto. L’Opposante soutient que les cuisses de prosciuttos sont vendues dans un emballage et portent des étiquettes telles que celles qu’a fournies M. Fanti à la pièce AA. Selon l’Opposante, cet emballage recouvre entièrement la cuisse. Je souligne, par ailleurs, que M. Goulanakis ne mentionne nullement la marque de la couronne ducale et que M. Stephan n’en fait pas mention non plus dans son compte rendu sur les différentes marques de prosciutto dont il a relevé la présence dans des magasins canadiens.

[108]       Dans l’ensemble, j’estime que la preuve relative à l’emploi ou à la notoriété de la marque de la couronne ducale au Canada est limitée. Dans tous les cas, la Requérante ne peut pas invoquer la marque de la couronne ducale au soutien de sa prétention voulant qu’une inférence négative doive être tirée de l’absence de preuve de confusion. En effet, la marque de la couronne ducale n’est pas l’une des marques en cause dans la présente procédure et je ne peux tirer d’inférence défavorable de l’absence de preuve de confusion que lorsqu’il est établi que les marques en cause ont fait l’objet d’un emploi simultané significatif, ce qui n’est pas le cas en l’espèce [voir Christian Dior SA c. Dion Neckwear Ltd (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.), para. 19].

Conclusion relative au motif fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[109]       Après examen de l’ensemble des circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante n’a pas démontré de façon probante qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause. Plus particulièrement, et conformément aux principes établis dans Masterpiece, je conclus qu’il n’existe pas en l’espèce de circonstance additionnelle qui aurait pour effet de réduire la probabilité de confusion découlant du degré de ressemblance entre les marques (alinéa 6(5)e)) au point de rendre la confusion peu probable.

[110]       Aussi impressionnantes que puissent être l’histoire et la notoriété de la Marque ailleurs dans le monde, il reste que l’Opposante détient au Canada une marque qui est non seulement enregistrée depuis plus de 40 ans, mais toujours en usage. La Requérante, quant à elle, n’a encore jamais employé la Marque au Canada. Les marchandises des parties se recoupent, tout comme leurs voies de commercialisation, et la Marque de la Requérante incorpore la totalité de la marque de l’Opposante. Bien que je reconnaisse qu’il n’y ait pas lieu d’accorder une protection étendue à la marque déposée de l’Opposante, j’estime que la Marque ne se distingue pas suffisamment de la marque déposée de l’Opposante pour échapper à la portée de la protection dont bénéficie la marque déposée.

[111]       Pour toutes les raisons qui précèdent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est accueilli.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)d)/l’article 2

[112]       L’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive parce qu’en raison de l’emploi antérieur de la marque PARMA de l’Opposante, la Marque ne pourrait pas véritablement distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles elle serait employée par les licenciés de la Requérante des marchandises de l’Opposante, et ne serait pas adaptée à les distinguer ainsi.

[113]       La date pertinente pour l’appréciation de la confusion au titre de ce motif est la date de production de la déclaration d’opposition, soit le 26 juin 2007 [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)]. Pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, l’Opposante devait démontrer que sa marque PARMA était au moins connue dans une certaine mesure au Canada à la date du 26 juin 2007 [voir Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)]. Au vu des renseignements qu’a fournis M. Grogan relativement aux quantités de produits de viande de marque PARMA qui ont été vendues au Canada au cours des années 2004, 2005 et 2006, j’estime que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial.

[114]       J’ai conclu qu’il y avait lieu d’accueillir le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif pour des raisons similaires à celles exposées relativement au motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d). En réalité, le motif de l’Opposante fondé sur l’absence de caractère distinctif est plus solide que celui fondé sur l’alinéa 12(1)d). Dans Consorzio Del Prosciutto Di Parma, la Cour fédérale, Section de première instance, a déclaré ce qui suit, au paragraphe 28 :

… Le juge MacGuigan de la Cour d'appel a fait allusion au caractère non pertinent de l'effet « retombées » dans Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (no 1) (1987), 17 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.). À la page 296, il cite l'énoncé du droit fait par le juge Tomlin dans Imper Electrical Ltd. c. Winbaum (1927), 44 R.P.C. 405, à la page 410 :

« [traduction] Pour déterminer si la marque est distinctive, nous ne devons considérer que notre marché intérieur. À cette fin, on ne peut prendre en considération les marchés étrangers, à moins que la preuve ne montre que des marchandises vendues dans notre pays portaient une marque étrangère et que, de ce fait, on établit un rapport entre la marque ainsi utilisée et le fabricant de ces marchandises. »

[115]       Il semble donc que la preuve relative aux retombées d’une publicité indirecte ne soit pas pertinente aux fins de l’appréciation du caractère distinctif de la Marque. Même si tel n’avait pas été le cas, la thèse de l’Opposante ne s’en serait pas trouvée affaiblie, car je n’aurais pas tenu compte dans l’analyse de ce motif des publicités ayant eu des échos au Canada après 2006, étant donné qu’on ne sait pas très bien si ces publicités sont ou non antérieures à la date pertinente du 26 juin 2007.

Motif d’opposition fondé sur les alinéas 38(2)a)/30f)

[116]       L’Opposante a allégué que la demande contrevenait à l’alinéa 30f) de la Loi pour deux raisons, soit i) l’allégation portant que la Requérante a employé la Marque en Italie est incompatible avec l’obligation qui incombe à la Requérante de ne pas pratiquer la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de marchandises telles que celles pour lesquelles la marque de certification est employée; et ii) la demande ne renferme pas de déclaration portant que la Marque a été employée au Canada, tel qu’il est exigé.

[117]       L’alinéa 30f) est ainsi libellé :

 Quiconque sollicite l’enregistrement d’une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

fdans le cas d’une marque de certification, les détails de la norme définie que l’emploi de la marque est destiné à indiquer et une déclaration portant que le requérant ne pratique pas la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de marchandises ou ne se livre pas à l’exécution de services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification est employée;

[118]       Je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30f) dans son intégralité. Il est expressément indiqué dans la demande que la Requérante ne pratique pas la fabrication, la vente, etc. et il est évident que les allusions à l’emploi de la Marque par la Requérante en Italie renvoient à l’emploi de la Marque par d’autres en conformité avec les normes définies. En outre, contrairement à ce que prétend l’Opposante, l’alinéa 30f) n’exige pas qu’une marque de certification ait été employée au Canada. Je note que la Requérante a contesté la validité de la seconde partie de ce motif d’opposition.

Décision

[119]       Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire

Annexe

 

Articles de la Loi :

2. Définitions – Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi :

« marque de certification » Marque employée pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises ou services qui sont d’une norme définie par rapport à ceux qui ne le sont pas, en ce qui concerne :

*       a) soit la nature ou qualité des marchandises ou services;

*       b) soit les conditions de travail dans lesquelles les marchandises ont été produites ou les services exécutés;

*       c) soit la catégorie de personnes qui a produit les marchandises ou exécuté les services;

d) soit la région à l’intérieur de laquelle les marchandises ont été produites ou les services exécutés.

« créant de la confusion » Relativement à une marque de commerce ou un nom commercial, s’entend au sens de l’article 6.

« marque de commerce » Selon le cas :

a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres;

(b) marque de certification;

(c) signe distinctif;

(d) marque de commerce projetée.

« emploi » ou « usage » À l’égard d’une marque de commerce, tout emploi qui, selon l’article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services.

4. Quand une marque de commerce est réputée employée - (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 Quand une marque ou un nom crée de la confusion - (1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

(2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

(3) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à cette marque et les marchandises liées à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

(4) L’emploi d’un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les marchandises liées à cette marque sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

12. Marque de commerce enregistrable - (1) Sous réserve de l’article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) elle est constituée d’un mot n’étant principalement que le nom ou le nom de famille d’un particulier vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes;

b) qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d’origine de ces marchandises ou services;

c) elle est constituée du nom, dans une langue, de l’une des marchandises ou de l’un des services à l’égard desquels elle est employée, ou à l’égard desquels on projette de l’employer;

d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

 

MARQUES DE CERTIFICATION

 

 Enregistrement de marques de certification - (1) Une marque de certification ne peut être adoptée et déposée que par une personne qui ne se livre pas à la fabrication, la vente, la location à bail ou le louage de marchandises ou à l’exécution de services, tels que ceux pour lesquels la marque de certification est employée.

 

*       (2) Autorisation - Le propriétaire d’une marque de certification peut autoriser d’autres personnes à employer la marque en liaison avec des marchandises ou services qui se conforment à la norme définie, et l’emploi de la marque en conséquence est réputé en être l’emploi par le propriétaire.

 

*       (3) Emploi non autorisé - Le propriétaire d’une marque de certification déposée peut empêcher qu’elle soit employée par des personnes non autorisées ou en liaison avec des marchandises ou services à l’égard desquels cette marque est déposée, mais auxquels l’autorisation ne s’étend pas.

 

(4) Un organisme non constitué en personne morale peut intenter une action - Lorsque le propriétaire d’une marque de certification déposée est un organisme non constitué en personne morale, une action ou procédure en vue d’empêcher l’emploi non autorisé de cette marque peut être intentée par tout membre de cet organisme en son propre nom et pour le compte de tous les autres membres.
 Enregistrement d’une marque de commerce créant de la confusion avec la marque de certification - Avec le consentement du propriétaire d’une marque de certification, une marque de commerce créant de la confusion avec la marque de certification peut, si elle présente une différence caractéristique, être déposée par toute autre personne en vue d’indiquer que les marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée ont été fabriquées, vendues, données à bail ou louées, et que les services en liaison avec lesquels elle est employée ont été exécutés par elle comme étant une des personnes ayant droit d’employer la marque de certification, mais l’enregistrement de cette marque est radié par le registraire sur le retrait du consentement du propriétaire de la marque de certification, ou sur annulation de l’enregistrement de la marque de certification.

 

 Marque de certification descriptive - Une marque de certification descriptive du lieu d’origine des marchandises ou services et ne créant aucune confusion avec une marque de commerce déposée, est enregistrable si le requérant est l’autorité administrative d’un pays, d’un État, d’une province ou d’une municipalité comprenant la région indiquée par la marque ou en faisant partie, ou est une association commerciale ayant un bureau ou un représentant dans une telle région. Toutefois, le propriétaire d’une marque déposée aux termes du présent article doit en permettre l’emploi en liaison avec toute marchandise produite, ou tout service exécuté, dans la région que désigne la marque.

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

 

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