Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2011 COMC 179

Date de la décision: 2011-09-30

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par DK-Spec inc. à la demande d’enregistrement No. 1,198,463 pour la marque de commerce BGR et Dessin produite par Scies B.G.R. inc.

Les procédures

[1]               Scies B.G.R. inc. (la Requérante) a déposé le 4 décembre 2003 une demande portant le No. 1,198,463 pour l’enregistrement de la marque de commerce BGR et Dessin ci-après illustrée :

BGR & DESSIN(la Marque)

en liaison avec des lames de scies (Marchandises).

[2]               Cette demande est basée sur un emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que mars 2001. La demande fut publiée le 16 juin 2004 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition.

[3]               DK-Spec inc. (l’Opposante) a signifié au registraire son intention de produire une déclaration d’opposition le 29 juillet 2004. Elle a finalement produit une déclaration d’opposition le 16 avril 2007 que le registraire a transmise le 26 avril 2007 à la Requérante. Cette dernière a produit le 26 octobre 2007 une contre-déclaration niant tous les motifs d’opposition ci-après décrits. À la même date la Requérante a produit une demande d’enregistrement modifiée afin d’y retirer toute référence à l’emploi de la Marque par le prédécesseur en titre 1192-6557 Québec inc. Le 21 novembre 2007 le registraire accepta cette demande modifiée.

[4]               L’Opposante a produit comme preuve sous la règle 41 l’affidavit de M. Clermont Levasseur. La Requérante a produit sous la règle 42 les affidavits de M. Sylvain St-Hilaire et Mme Jocelyne Genest. Seul M. St-Hilaire fut interrogé et la transcription de son contre-interrogatoire ainsi que les réponses aux engagements pris lors de ce contre-interrogatoire font partie du dossier.

[5]               Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit. Aucune audience ne fut tenue.

Les motifs d’opposition

[6]               Les différents motifs d’opposition soulevés par l’Opposante peuvent se résumer ainsi :

1.      la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(b) de la Loi sur les Marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (Loi) en ce qu’elle contient l’identité d’un prédécesseur en titre ayant commencé à employer la Marque, lequel prédécesseur en titre était dissout au moment de la date de premier emploi revendiquée dans la demande;

2.      la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(i) de la Loi car la Requérante ne pouvait déclarer être convaincue avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises;

3.      la Marque n’est pas enregistrable en vertu des dispositions de l’article 12(1)(d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée de l’Opposante BGR, enregistrement No. LMC420,841;

4.      la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des disposition de l’article 16(1)(a) de la Loi car la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce OUTILS BGR, OUTILS B.G.R, B.G.R. TOOLS, BGR TOOLS, OUTILS BGR TOOLS employées par l’Opposante depuis au moins aussi tôt que 1988;

5.      la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(1)(a) de la Loi car la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce BGR employée par l’Opposante depuis au moins aussi tôt que 1974;

6.      la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des disposition de l’article 16(1)(c) de la Loi car la Marque crée de la confusion avec les noms commerciaux BGR, Outils BGR, Outils B.G.R. inc., Outils B.G.R. Tools, BGR Tools et Outils BGR Tools employées par l’Opposante depuis au moins aussi tôt que 1988;

7.      la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi puisque la Marque ne peut pas véritablement distinguer et n’est pas adaptée à distinguer les Marchandises des marchandises et services d’autres personnes, et plus particulièrement, des marchandises et services de l’Opposante, en liaison avec lesquels cette dernière a employé et emploie les marques ci-haut identifiées;

Fardeau de preuve en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce

[7]               Dans le cadre de procédures d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve se rapportant aux motifs d’opposition qu’elle soulève afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent supporter ces motifs d’opposition. Si l’opposante satisfait cette exigence, la requérante devra alors convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque [voir Joseph Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.) et John Labatt Ltd. c. Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F.P.I.)].

Motifs d’opposition disposés sommairement

[8]               Le 1er motif d’opposition n’a plus d’objet en raison de la modification apportée par la Requérante à sa demande d’enregistrement en y retirant toute référence à son prédécesseur en titre 1192-6557 Québec inc.

[9]               L’article 30(i) de la Loi n’exige de la Requérante qu’elle se déclare satisfaite d’avoir le droit à l’enregistrement de la Marque. Cette déclaration apparaît à la demande d’enregistrement. L’article 30(i) de la Loi peut être soulevé, en autres, dans des cas où la déclaration de la requérante aurait été faite de mauvaise foi [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol Myers Co. (1974) 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Ceci n’a été ni allégué, ni prouvé. Le 2e motif d’opposition est donc rejeté.

[10]           M. Levasseur, président de l’Opposante a produit une copie de l’enregistrement No. LMC420,841 pour la marque BGR enregistrée le 10 décembre 1993 qui est le fondement juridique du 3e motif d’opposition. Toutefois j’ai vérifié le registre en vertu de mon pouvoir discrétionnaire de le faire [voir Quaker Oats Co. of Can. c. Menu Foods Ltd. (1986), 11 C.P.R. (3d) 410 (C.O.M.C.)] et je constate que cet enregistrement a été radié le 23 juillet 2009 en raison du défaut du propriétaire inscrit de procéder à son renouvellement. Comme ce motif d’opposition doit s’analyser à la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 à la page 424 (C.A.F..)], il est rejeté en raison de la radiation de cet enregistrement.

Remarques préliminaires

[11]           Les parties ne sont pas étrangères l’une à l’autre. Il y a eu des modifications d’ordre corporatives impliquant chacune des parties à cette opposition. Je peux toutefois résumer en ces quelques mots certaines des transactions corporatives survenues entre 1974 et 1995 impliquant les parties à cette opposition. J’élaborerai plus en détails la preuve de chacune des parties par la suite.

[12]           Il y avait au départ une compagnie du nom de Scies BGR Inc. (Scies BGR) qui, entre 1974 et 1988, a œuvré dans les domaines de la fabrication et de la vente de scies, lames de scies, de couteaux et de têtes raboteuses tous destinés à l’industrie forestière. En 1988, les trois principaux dirigeants de cette société ont décidé d’un commun accord de se séparer. Suite à cette situation les activités commerciales reliés à la commercialisation des scies et lames de scies sont devenues l’affaire de la Requérante dirigée par M. Blanchet alors que l’Opposante, dirigée par M. Ruel, se chargeait de la fabrication et vente de couteaux et têtes raboteuses. Même si ces activités à compter de 1988 ont été exercées par deux entités distinctes, ces dernières occupaient des locaux situées dans le même immeuble jusqu’en 1995. Il pouvait y avoir même à l’occasion échange d’informations de part et d’autres au sujet des besoins de clients communs relativement aux marchandises vendues par les parties respectives.

 

 

La preuve de l’Opposante

[13]           M. Levasseur est le président de l’Opposante et ce depuis 2002. Il explique que cette dernière est la résultante de plusieurs acquisitions et réorganisations de diverses entités corporatives, dont Outils BGR Inc. Une copie du relevé du registraire des entreprises du Québec révèle que cette dernière fut incorporée le 1 janvier 1988. Elle a modifiée son nom en février 2004 pour DK-Spec inc.

[14]           M. Levasseur explique qu’en 2002 des entités dirigées par lui-même ont fait l’acquisition des actions de Outils BGR Inc. alors dirigée par M. Jacques Ruel. Il allègue que malgré le changement de dénomination sociale en 2004 l’Opposante a poursuivi ses activités dans le domaine de la vente et commercialisation d’outils et couteaux sous la marque de commerce BGR.

[15]           M. Levasseur nous informe que M. Jean-Claude Blanchet, M. Raymond Gauvin et M. Jacques Ruel ont opéré Scies BGR entre 1974 et 1988.  Les lettres « BGR » de la dénomination sociale de cette entité représentent la combinaison de la première lettre du nom famille de chacun de ces partenaires. Ainsi ces lettres n’ont commencé à être utilisées par Scies BGR qu’à compter de 1974 soit au moment où M. Ruel se joint à M. Blanchet et M. Gauvin. M. Levasseur a produit des exemplaires de documents de présentation, de catalogues et de listes de prix d’outils et de couteaux produits, commercialisés et vendus par Scies BGR avant la séparation de 1988 où y apparaît la marque de commerce BGR sur certaines des scies illustrées. Les dénominations sociales BGR Saws inc., Les Scies BGR inc. et Les Scies BGR Saws inc. apparaissent également sur les catalogues produits.

[16]           En 1988 les actifs et les activités de cette compagnie ont été séparés dans le cadre d’une transaction de « type papillon ». Malheureusement nous n’avons aucune information quant aux caractéristiques d’une telle transaction. Avant et en vue de cette séparation Scies BGR a modifié son nom pour devenir 1192-6557 Québec Inc. Par la suite cette compagnie fut dissoute le 10 décembre 1990 et M. Levasseur a produit une copie de l’ordonnance de dissolution.

[17]           Jusqu’en 1988 Scies BGR opérait dans les domaines de la fabrication et la vente de lames de scies, de couteaux et d’outils utilisés dans le domaine de l’industrie forestière. Lors de la séparation des actifs en 1988, les activités et actifs de Scies BGR relatifs aux lames de scies étaient dévolues à des entités dirigées par M. Blanchet et M. Gauvin alors que les actifs et les activités relatifs aux couteaux et outils étaient attribués à des entités dirigées par M. Ruel.

[18]           Suite à la transaction de « type papillon » entre les partenaires de Scies BGR M. Ruel a mis en place une entreprise connue sous le nom de Outils BGR Inc. (maintenant l’Opposante suite à un changement de nom) alors que M. Blanchet et M. Gauvin ont fondé une nouvelle compagnie utilisant le nom Scies BGR inc., la Requérante.

[19]           M. Levasseur allègue que plusieurs outils fabriqués par l’Opposante portent la marque BGR sur l’outil lui-même et il a produit une copie d’une photographie d’un tel outil. Il a produit également des catalogues et listes de prix publiés après 1988 sur lesquels sont illustrés des outils et couteaux et sur certains desquels sont gravées les lettres BGR. Il y a également des catalogues publiés après 1995 puisque l’adresse de l’Opposante y indiquée est celle de la nouvelle place d’affaires de l’Opposante après avoir quitté l’emplacement commun des parties. M. Levasseur affirme que la marque BGR est également apposée sur des étiquettes qui sont collées aux produits de l’Opposante au moment du transfert de la propriété de ceux-ci dans le cours normal des affaires.

[20]           Quant à la Requérante, M. Levasseur allègue que ses lames de scies ont toujours été principalement connues et commercialisées sous la dénomination « Scies BGR » et non pas « BGR » seule. Il avance également que la Requérante, suivant la transaction de 1988, n’a pas contesté l’enregistrement ou ne s’est pas opposée à l’utilisation de la marque BGR par l’Opposante. Selon M. Levasseur il est impossible pour la Requérante d’ignorer la présence de l’Opposante et son usage de la marque BGR dans les différents marchés canadiens et américains de l’industrie forestière puisque l’Opposante et la Requérante visent les mêmes clients et les mêmes marchés.

[21]           Selon M. Levasseur, suite à l’acquisition de l’Opposante en 2002, cette dernière est passée de 3 représentants des ventes à plus de 20 au cours des années subséquentes. Ainsi les ventes annuelles de l’Opposante qui « a misé sur la marque BGR », pour employer l’expression utilisée par M. Levasseur, sont passées de 5 000 000$ avant son acquisition en 2002 à plus de 20 000 000$ au cours des dernières années. Toutefois il nous est impossible de déterminer si ces chiffres sont exclusivement associés à des produits portant la marque BGR vendus au Canada.

[22]           Je fais fi des commentaires et opinions de M. Levasseur concernant la probabilité de confusion dans l’esprit des clients si la Requérante emploie la Marque en liaison avec les Marchandises. Je retiens toutefois ses observations concernant la similitude entre les produits offerts par l’Opposante et les Marchandises. J’élaborerai plus en détails sur cette similitude.

[23]           Quant aux allégations concernant les activités commerciales de la Requérante en rapport avec des marchandises autres que les Marchandises et des démarches entreprises aux États-Unis, je les juge non pertinentes aux points en litige qui doivent être tranchés dans le cadre de cette procédure d’opposition. Je réfère plus spécifiquement aux allégations contenues aux paragraphes 47 à 52 de l’affidavit de M. Levasseur.

La preuve de la Requérante

[24]           M. St-Hilaire a débuté son association avec Scies B.G.R. à titre de magasinier en août 1982. Il est depuis 2004 le président de la Requérante. Je tiens à souligner que je fais une distinction entre la Requérante et Scies B.G.R., l’entité corporative en opération avant la transaction de janvier 1988, et ce en raison de la nature des transactions corporatives survenues en 1988 et postérieurement.

[25]           Scies B.G.R. a changé sa dénomination sociale le 22 janvier 1988 pour 1192-6557 Québec Inc. et cette entité fut dissoute, tel que mentionné précédemment, le 10 décembre 1990. Selon les allégations de M. St-Hilaire, avec aucune documentation à l’appui, il y aurait eu transaction entre 1192-6557 Québec inc. et Scies B.G.R. (1988) inc., une nouvelle compagnie formée suite à la transaction de janvier 1988, qui elle-même aurait changé son nom en 1999 pour devenir la Requérante.

[26]           Une photo produite comme pièce SH-15 à l’affidavit de M. St-Hilaire démontre clairement que L’Opposante et la Requérante ont opérés sous un même toit entre 1988 et 1995. Cette photo illustre l’enseigne extérieur sur lequel apparaissent les lettres BGR au centre et les mots « scies » à gauche et « outils » à droite de ces lettres.

[27]           M. St-Hilaire confirme que la Requérante, sous la gouverne de M. Blanchet, continua la conception et la fabrication des scies et lames de scies, activités exercées par Scies B.G.R. entre 1974 et 1988, alors que l’Opposante, dirigée par M. Ruel, concentra ses activités sur la fabrication et vente de couteaux et têtes raboteuses, activités également exercées par Scies B.G.R. durant la même période.

[28]           M. St-Hilaire mentionne que les scies et lames de scies conçues et fabriquées par la Requérante le sont sur mesure selon des paramètres opérationnels des usines de ses clients. Une fois les scies et lames de scies livrées à ses clients, les représentants de la Requérante se déplacent chez chacun d’eux afin de leur offrir un support technique. Il ressort également du contre-interrogatoire de M. St-Hilaire que les parties ont des clients communs. Durant au moins la période de cohabitation entre les parties dans un même immeuble, soit de 1988 à 1995, il existait une complicité entre les parties de telle sorte qu’il n’était pas rare pour un représentant d’une partie d’alerter le représentant des ventes de l’autre partie pour lui souligner la possibilité qu’un client commun ait besoin des équipements de cette autre partie.

[29]           M. St-Hilaire admet, suite au départ de l’Opposante en 1995 de l’immeuble occupé conjointement par les parties, qu’il y a eu des cas de confusion mais qu’avec le temps et compte tenu des marchés restreints de chacune des parties, ces incidents ont rapidement cessé. À sa connaissance personnelle il n’y a pas eu de cas de confusion depuis au moins 17 ans.

[30]           M. St-Hilaire explique la différence entre les Marchandises et les marchandises vendues par l’Opposante. Ainsi les Marchandises sont destinées à l’industrie primaire de transformation du bois, nommément des usines de sciage, alors que les marchandises de l’Opposante sont quant à elles destinées aux usines de rabotage. Toutefois lors de son contre-interrogatoire M. St-Hilaire a admis qu’une même compagnie pouvait exercer ces deux activités à proximité l’une de l’autre et ce souvent sur le même site.

[31]           M. St-Hilaire allègue que le 18 janvier 1988 Scies B.G.R. ainsi que les prédécesseurs en titre de la Requérante et de l’Opposante ont convenu que chacune d’elles pourrait utiliser le terme « BGR » en liaison avec leurs activités respectives. Il a produit des extraits de procès-verbaux des assemblées des administrateurs et actionnaires de Scies B.G.R. tenue à cette date. Je reproduis les résolutions adoptées :

Changement de dénomination sociale

IL EST RÉSOLU de procéder à un changement de dénomination sociale à l’effet que SCIES B.G.R. INC. décide et mandate son président, M. Jean-Claude Blanchet, à procéder à un changement de dénomination sociale pour une dénomination sociale numérique.

Aussi, IL EST RÉSOLU d’autoriser GESTION JEAN CLAUDE BLANCHET INC. à procéder à l’incorporation d’une compagnie ou à un changement de dénomination sociale de la compagnie GESTION JEAN CLAUDE BLANCHET INC, laquelle sera dorénavant désignée comme étant SCIES B.G.R. INC.

IL EST AUSSI RÉSOLU de permettre à  GESTION JACQUES RUEL INC. de procéder à un changement de dénomination sociale lui permettant d’utiliser la dénomination sociale Outils B.G.R. INC.

IL EST RÉSOLU que la compagnie actuelle SCIES B.G.R. INC. procède à l’incorporation d’une filiale ayant comme dénomination sociale IMMEUBLES B.G.R. INC. et d’autoriser  M. Jean-Claude Blanchet, son président, à signer tout document nécessaire à cet effet.

[32]           Suite à ces résolutions M. St-Hilaire affirme que « la Requérante (ou son prédécesseur en titre) emploie au Canada depuis au moins 1974 en liaison avec des scies et des lames de scie des marques de commerce comportant l’élément " BGR ", dont les marques BGR… ». Je reviendrai sur cette notion de « prédécesseur en titre de la Requérante » à la lumière de la preuve au dossier.

[33]           M. St-Hilaire explique qu’en 2001 la Requérante a modifié son image de marque pour adopter la Marque et l’aurait employée depuis au moins aussi tôt que mars 2001 en liaison avec des scies et lames de scie. Pour illustrer cet usage M. St-Hilaire a produit des extraits du site Internet de la Requérante. Ces extraits ne constituent pas en soi une preuve d’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises au sens de l’article 4(1) de la Loi.

[34]           Toutefois M. St-Hilaire a produit des photographies de lames de scies fabriquées par la Requérante et ainsi que l’emballage de scies sur lesquels apparaissent la Marque [voir les pièces SH-7 et SH-8]. Il a produit également un échantillonnage de factures datant de 2001 à 2009 ainsi que du matériel publicitaire tel que brochures et publicités parues dans divers périodiques spécialisés. Finalement il a fourni les montants investis par la Requérante depuis 2001 pour la promotion et la publicité de la Marque et a énuméré les différentes foires commerciales auxquelles la Requérante participe pour promouvoir la vente de Marchandises portant la Marque.

[35]           Je retiens également les éléments suivants qui ressortent du contre-interrogatoire de M. St-Hilaire : la Requérante vend depuis 2007 des couteaux de rabotage mais sous  la marque de commerce KNI; que dans le langage courant on peut parfois dire BGR plutôt que Scies BGR ou Outils BGR.

Analyse du 5e motif d’opposition sous l’article 16(1) de la Loi

[36]           Le meilleur scénario pour l’Opposante est intimement lié à la preuve de son emploi ou non de la marque BGR. Si j’arrive à la conclusion que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver l’emploi de la marque BGR je devrai analyser les motifs d’opposition fondés sur un emploi des marques et noms commerciaux OUTILS BGR.

[37]           C’est avec cette prémisse que j’aborderai donc le 5e motif d’opposition ci-haut décrit. La date pertinente pour analyser ce motif d’opposition est la date de premier emploi alléguée dans la demande d’enregistrement (31 mars 2001) [voir l’article 16(1) de la Loi].

[38]           Pour se décharger de son fardeau initial de preuve l’Opposante doit démontrer l’emploi antérieur de sa marque de commerce BGR et qu’elle n’avait pas abandonné un tel usage à la date de l’annonce de la demande de la Requérante (16 juin 2004) [voir article 16(5) de la Loi].

[39]           Il est clair que l’Opposante a employé depuis au moins janvier 1988 (voir pièce CL-1 à l’affidavit de M. Levasseur) la marque BGR.

[40]           Je tiens à souligner d’entrée de jeu qu’il ne faut pas perdre de vue que la Requérante revendique un emploi de la Marque (et non BGR) depuis mars 2001. Ainsi tout emploi par la Requérante de la marque de commerce BGR ne saurait lui être profitable au soutien de sa demande pour l’enregistrement de la Marque. J’ajouterai que Scies BGR a changé de nom pour 1192-6557 Québec inc. en 1988 et fut dissoute le 10 décembre 1990. Je n’ai aucune preuve que les droits dans la marque de commerce BGR auraient été cédés à l’une ou l’autre des parties avant cette dissolution. La résolution des administrateurs de Scies BGR Inc en date du 18 janvier 1988 ne constitue pas une telle cession mais plutôt une entente entre plusieurs entités corporatives par laquelle il est convenu que ces dernières, incluant les parties à la présente opposition, pourraient se servir d’une dénomination sociale comportant l’élément BGR. Je commenterai toutefois ci-après l’emploi conjoint de la marque BGR par les parties à compter de 1988.

[41]           La preuve de l’Opposante établi donc sans équivoque l’emploi de la marque de commerce BGR en liaison avec des couteaux et têtes raboteuses et ce à compter de 1988. Toutefois l’Opposante a-t-telle prouvé qu’elle n’avait pas abandonné cet usage au 16 juin 2004? Il ressort, de la preuve documentaire pour prouver l’usage de sa marque BGR, que l’Opposante s’est attardée à démontrer l’emploi de cette marque de commerce à compter de 1988, date antérieure à la date de premier emploi alléguée par la Requérante dans sa demande d’enregistrement. Toutefois je n’ai pu retracer de preuve documentaire prouvant l’emploi de la marque de commerce BGR par l’Opposante contemporaine au 16 juin 2004. Il y a certes les allégations de M. Levasseur à l’effet que l’Opposante, depuis son acquisition par M. Levasseur en 2002, a continué à employer la marque de commerce BGR. Il allègue au paragraphe 22 de son affidavit que des outils produits par l’Opposante, référant spécifiquement entre autres à la dénomination DK-Spec inc., portent la mention BGR. Il a produit une photographie d’un tel outil où l’on peut voir cette mention. Or la dénomination sociale DK-Spec inc. est en vigueur que depuis le 13 février 2004 [voir la pièce CL-1 à l’affidavit de M. Levasseur].

[42]           La notion d’abandon d’une marque de commerce que nous retrouvons à l’article 16(5) de la Loi ne doit pas être associée au non-emploi de la marque de commerce. Pour qu’il y ait abandon d’usage d’une marque de commerce il faut qu’il y ait preuve d’une intention d’abandonner l’emploi de cette marque de commerce [voir Labatt Brewing Co. v. Formosa Spring Brewery Ltd. (1992), 42 C.P.R. (3d) 481 (C.F.P.I.)]. Bien que la preuve au dossier d’emploi de la marque de commerce BGR au sens de l’article 4(1) de la Loi par l’Opposante après 1995 soit assez mince, à la lumière des allégations relatées au paragraphe précédent, je ne peux conclure qu’il y a eu abandon de l’emploi de la marque de commerce BGR par l’Opposante en date du 16 juin 2004 au sens de l’article 16(5) de la Loi. Ainsi l’Opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial.

[43]           La Requérante doit donc démontrer qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et la marque de commerce BGR de l’Opposante. Le test applicable en l’espèce est décrit à l’article 6(2) de la Loi. Ainsi l’emploi de la Marque créera de la confusion avec une autre marque de commerce si l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises et services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, loués ou exécutés par la même personne, que ces services ou marchandises soient ou non de la même catégorie générale.

[44]           Une liste non exhaustive des circonstances pertinentes apparaît à l’article 6(5) de la Loi soit : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. La Cour suprême du Canada dans l’arrêt récent de Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. et al. 2011 C.S.C. 27 a interprété l’article 6(2) de la Loi et nous a éclairé sur la portée des différents critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi. Il ressort de cette analyse que le degré de ressemblance entre les marques en litige demeure le facteur le plus important.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

[45]           La marque de commerce BGR de l’Opposante possède un très faible degré de caractère distinctif inhérent étant composée uniquement de lettres de l’alphabet [voir GSW Ltée. C. Great West Steel Industries Ltd. et al. (1975), 22 C.P.R. (2d) 154 (CMOC)]. La Marque possède un degré de caractère distinctif inhérent légèrement supérieur à la marque de l’Opposante en raison de la portion graphique de la Marque. Toutefois je ne considère pas ce mince avantage comme étant un facteur déterminant.

[46]           Le caractère distinctif d’une marque peut être rehaussé par son emploi et sa renommée au Canada. L’Opposante a démontré un emploi de sa marque BGR depuis janvier 1988. Cependant il y a eu très peu de preuve de l’emploi de cette marque par l’Opposante après 1995. Également il y a eu emploi de la marque de commerce BGR durant la même période par la Requérante. Cet emploi parallèle de la marque BGR par les parties a pour effet de diminuer le caractère distinctif de la marque BGR de l’Opposante. Il va de soi que les présentes procédures d’opposition ne sont pas le forum approprié pour déterminer les droits de l’Opposante sur la marque de commerce BGR. Toutefois tel que je l’ai mentionné précédemment la marque qui fait l’objet de la présente opposition n’est pas BGR mais la Marque et à ce sujet la Requérante revendique un emploi que depuis mars 2001.

[47]           Compte tenu de toutes ces circonstances, je n’accorde que très peu de poids au premier facteur énuméré à l’article 6(5) de la Loi.

La période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

[48]           L’emploi de la Marque remonte à mars 2001 alors que l’emploi de la marque de commerce BGR par l’Opposante a débuté en janvier 1988. La Requérante argumente qu’elle aussi a employé la marque de commerce BGR depuis janvier 1988 de telle sorte que ce facteur ne favoriserait aucune des parties. Je rappelle que la marque qui fait l’objet de la présente demande est la Marque et non BGR. En ce sens la Requérante ne peut revendiquer cet emploi au soutien de ses prétentions sous ce critère. Ce facteur favorise l’Opposante.

Le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[49]           La preuve au dossier traite amplement de cet aspect. De la preuve ci-haut décrite je retiens qu’à l’origine c’est la même entité qui vendait les Marchandises et les produits de l’Opposante, soit Scies BGR Inc. En 1988 les parties ont été crées et ainsi les activités commerciales de Scies BGR Inc. ont été scindées en deux. D’une part nous avons les Marchandises qui sont vendues par la Requérante et d’autre part des couteaux et des têtes raboteuses qui sont vendues par l’Opposante. La Requérante a tenté de démontrer que les produits des parties ont des vocations différentes et ne se retrouvent pas dans les mêmes bâtiments. Il n’en demeure pas moins que ces produits sont destinés à l’industrie forestière et que les clients potentiels sont les mêmes pour les parties. En effet ce sont ces clients qui coupent le bois dans des scieries et qui le transforme à l’aide des produits de l’Opposante, certes dans un bâtiment séparé, mais situé à proximité des bâtiments où se fait généralement la coupe de bois. Dans les circonstances je conclus que ces facteurs favorisent avantageusement l’Opposante.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent

[50]           Les marques en présence sont identiques phonétiquement. Certes il y a la portion graphique qui peut les distinguer mais je ne suis pas convaincu qu’un consommateur moyen, ayant un vague souvenir de la marque de commerce BGR de l’Opposante serait en mesure de distinguer la source des Marchandises du seul fait de la présence de ce graphisme. Il est plus probable de croire qu’il retiendra la partie vocable de la Marque. Ce facteur favorise l’Opposante.

[51]           De cette analyse j’arrive à la conclusion que la Requérante ne s’est pas déchargé de prouver, selon la balance des probabilités, que la Marque ne portait pas à confusion avec la marque BGR de l’Opposante à la date de premier emploi allégué dans sa demande d’enregistrement. En effet malgré le faible caractère distinctif de la marque BGR de l’Opposante, la Marque possède également un caractère distinctif inhérent assez faible. Les marques en présence sont identiques phonétiquement. De plus les Marchandises sont destinées aux mêmes acheteurs potentiels des produits vendus par l’Opposante.

[52]           J’accueille donc le 5e motif d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’article 2 de la Loi

[53]           Le caractère distinctif de la Marque doit s’apprécier à la date de production de la déclaration d’opposition (16 avril 2007) [voir Andres Wines Ltd. and E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), et Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].  L’Opposante doit donc d’abord démontrer que ses marques de commerce étaient suffisamment connues à la date pertinente.

[54]           Il ne fait aucun doute, de la preuve résumée ci-haut, que la marque de commerce BGR de l’Opposante était connue au Canada dans l’industrie forestière au 16 avril 2007. Également la dénomination sociale Outils BGR était connue. Je limiterai cependant mon analyse de ce motif d’opposition à comparer la marque de commerce BGR de l’Opposante à la Marque car il s’agit du meilleur scénario pour l’Opposante.

[55]           La Requérante doit donc démontrer qu’au 16 avril 2007 la Marque était distinctive ou était apte à distinguer les Marchandises des marchandises vendues par l’Opposante en liaison avec sa marque de commerce BGR. En d’autres mots, la Requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’à cette date, l’emploi de la Marque en liaison avec les Marchandises ne créait pas de confusion avec la marque de l’Opposante.

[56]           Je ne vois pas comment une date critique plus tardive de plus de trois ans par rapport à la date pertinente sous le précédent motif d’opposition changerait favorablement mon analyse des différents facteurs pertinents au bénéfice de la Requérante. La combinaison de la ressemblance phonétique des marques en présence ainsi que la nature des marchandises des parties et leurs créneaux de distribution favorisent l’Opposante peu importe la date pertinente. Je ne considère pas l’absence de preuve de cas de confusion durant la période pertinente (mars 2001 et le 16 avril 2007) comme un facteur en soi assez important pour éliminer les effets des critères de la nature des marchandises, leurs créneaux de distribution et du degré de ressemblance des marques, tous favorisant l’Opposante. Le test n’est pas l’absence de cas de confusion, mais la probabilité de confusion entre les marques.

[57]           Dans les circonstances j’accueille également le 7e motif d’opposition.

Autres motifs d’opposition

[58]           L’Opposante ayant eu gain de cause sous deux différents motifs d’opposition, il n’est pas nécessaire de trancher les 4e et 6e motifs d’opposition.

 

 

 

 

 

 

Disposition

[59]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Requérante selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre de la commission des oppositions

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

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