Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 155

Date de la décision : 2015-08-31

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Genfoot Inc.

Opposante

et

 

Reg Sheffield

Requérant

 

 

 



 

1,596,326 pour « little rocks »

 

Demande

[1]               Le 1er octobre 2012, Reg Sheffield (le Requérant) a produit la demande no 1,596,326 en vue de faire enregistrer la marque de commerce « little rocks » (reproduite ci-dessous) (la Marque). La demande est fondée sur l'emploi projeté de la Marque au Canada en liaison avec des [Traduction] « tee-shirts, chapeaux et chandails à capuchon pour enfants » (les Produits) :

little rocks

[2]               Genfoot Inc. (l'Opposante) s'est opposée à la demande pour la Marque en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), aux motifs que i) la demande n'est pas conforme aux exigences des articles 30e) et i) de la Loi; ii) la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi, parce qu'elle crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce déposées de l'Opposante qui sont énumérées à l'Annexe « A » des présentes (ainsi qu'il apparaîtra dans mon analyse ci-dessous, l'Opposante réfère collectivement à ces marques de commerce comme à la Marque de commerce INUKSHUK. Sauf indication contraire, je ferai donc de même); iii) le Requérant n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'article 16(3)a) de la Loi, parce que, à la date de production de la demande du Requérant, la Marque créait de la confusion avec la Marque de commerce INUKSHUK de l'Opposante; et iii) la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi.

[3]               Pour les raisons exposées ci-après, j'estime qu'il y a lieu de rejeter l'ensemble des motifs d'opposition, à l'exception du motif fondé sur l'article 30e).

Le dossier

[4]               La déclaration d'opposition a été produite par l'Opposante le 18 juillet 2013. Le 8 octobre 2013, le Requérant a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle il conteste l'ensemble des motifs d'opposition formulés dans la déclaration d'opposition. Je dois préciser, à ce stade de ma décision, que je n'ai tenu aucun compte des parties de la contre-déclaration qui constituent des arguments juridiques.

[5]               Comme preuve, l'Opposante a produit un affidavit de son président, Richard Cook, souscrit le 5 février 2014 (l'affidavit Cook).

[6]               Comme preuve, le Requérant a produit son propre affidavit, finalement souscrit le 7 juillet 2014 [voir la lettre du Bureau en date du 18 août 2014 confirmant que la preuve du Requérant produite le 14 juillet 2014 a été versée au dossier].

[7]               Aucun des déposants n'a été contre-interrogé relativement à son affidavit.

[8]               Seule l'Opposante a produit un plaidoyer écrit en temps opportun [voir la lettre du Bureau en date du 12 mars 2015 informant le Requérant que le registraire ne tiendra pas compte des observations du Requérant contenues dans sa lettre du 4 mars 2015]. Aucune audience n'a été tenue.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[9]               L'Opposante a le fardeau de preuve initial d'établir les faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition. Dès que l'Opposante a satisfait à ce fardeau, le Requérant doit s'acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est enregistrable [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

Analyse

Motif d'opposition fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque suivant l'article 12(1)d) de la Loi.

[10]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable eu égard aux dispositions de l'article 12(1)d) de la Loi en ce qu'elle crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce déposées de l'Opposante qui sont énumérées à l'Annexe « A » des présentes. Je souligne que l'Opposante a produit, par l'intermédiaire de l'affidavit Cook, des copies certifiées de trois enregistrements qui sont jointes comme pièces « A » et « B ».

[11]           J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que chacun de ces enregistrements est en règle à la date d'aujourd'hui, laquelle est la date pertinente pour l'appréciation d'un motif fondé sur l'article 12(1)d) [voir Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[12]           L'Opposante s'étant acquittée de son fardeau de preuve, il incombe au Requérant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et une ou plusieurs des marques de commerce déposées de l'Opposante.

Le test en matière de confusion

[13]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi porte que l'emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[14]           Ainsi, cet article ne concerne pas la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d'une source proviennent d'une autre source.

[15]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. En outre, le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même et varie en fonction des circonstances [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse plus approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Examen des facteurs énoncés à l'article 6(5)

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[16]           J'estime que le caractère distinctif inhérent des marques des parties est à peu près le même, bien qu'il soit un peu moins marqué dans le cas de la Marque de commerce INUKSHUK de l'Opposante qui est constituée uniquement de représentations stylisées d'un inunnguaq (une figure en pierres), alors que la Marque, elle, comprend également les mots « little » et « rocks ».

[17]           Comme pièce « C », le Requérant a joint à son affidavit des extraits de l'Encyclopédie canadienne qui définissent les origines et l'importance historique du symbole inukshuk, y compris le symbole inunnguaq, comme suit :

[Traduction]
Les figures faites de pierres et appelées inuksuit (inuksuk au singulier – aussi épelé inukshuk) sont parmi les objets les plus importants créés par les Inuits, qui ont été le premier peuple à occuper diverses régions de l'Alaska, de l'Arctique canadien et du Groenland. Le terme inuksuk (en Inuktitut) signifie « agir à titre d'être humain ». [...]

Les inuksuit sont placés dans le paysage changeant et agissent en tant qu’« aides » pour les Inuits. Ils ont de nombreuses fonctions pratiques. Ils sont, entre autres, utilisés comme aides pour la navigation et la chasse, et servent de points de coordination et d’indicateurs variés (p. ex. un endroit servant de cache pour la nourriture), ainsi que de centres de messages. Outre leurs fonctions terrestres, certaines figures de type inuksuk ont une connotation spirituelle et sont des objets de vénération, marquant souvent le seuil du paysage spirituel des Inummariit, c’est-à-dire les Inuits qui savent comment survivre sur la terre en respectant le mode de vie traditionnel. [...]

Les Inuits construisent également des figures en pierres connues sous le nom d’inunnguaq, qui signifie « à l’image d’un humain ». Cette figure en pierres à l'allure familière possédant une tête, un corps, des bras et des jambes, est souvent appelée à tort inuksuk. Sa fonction est plus symbolique que fonctionnelle. Du fait de son apparence humanoïde rappelant une petite personne, elle est devenue un symbole populaire qui transcende les cultures, et elle orne désormais le nouveau drapeau du NUNAVUT.

[je souligne]

[18]           Dans le même esprit, le Requérant a joint, comme pièces « D », « E », « M », « N » et « O », des imprimés extraits de divers sites Web de tiers qui traitent des origines et de l'importance historique du symbole inuksuk. L'Opposante a contesté l'admissibilité et la fiabilité de ces sites Web de tiers au motif qu'ils constituent une preuve par ouï-dire ou sont simplement non pertinents au regard de la présente opposition. J'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'examine plus avant ces sites Web de tiers.

[19]           Qu'il suffise de dire que la preuve que l'Opposante a présenté par l'intermédiaire de l'affidavit Cook confirme que la Marque de commerce INUKSHUK de l'Opposante est inspirée des inuksuit, comme en témoigne, entre autres, le passage de la pièce « J » de l'affidavit Cook qui est reproduit ci-dessous :

[Traduction]
L'AVENTURE CONTINUE. Comme nos produits, notre image de marque s’inspire du Nord canadien. Notre logo est constitué d’un fanon de baleine (symbole de protection) posé sur une construction de pierres appelée « inukshuk » par les Inuits. Les inukshuks résistent depuis des siècles à l’un des climats les plus rudes de la planète. Comme un phare dans la tempête, ils balisaient le parcours des voyageurs qui s’aventuraient dans les vastes contrées arctiques, en leur garantissant un passage sécuritaire.

Dans l'univers du plein air, l'inukshuk est un symbole reconnu de force, de protection et d’orientation. Sa présence sur nos produits vous indique qu’ils ont été conçus pour être tout aussi robustes. [...]

[20]           Les marques des parties étant constituées de représentations stylisées d'un symbole universel de la culture inuite, j'estime qu'elles ne sont pas des marques intrinsèquement fortes, en particulier la Marque de commerce INUKSHUK de l'Opposante.

[21]           Une marque de commerce peut acquérir une force accrue en devenant connue par la promotion ou l'emploi. Cela m'amène à examiner la preuve qui a été produite à cet égard par l'intermédiaire des affidavits de M. Cook et du Requérant respectivement.

[22]           Je dois préciser, à ce stade de mon analyse, que je n'ai accordé aucun poids aux déclarations des déposants qui constituent des opinions personnelles quant à la probabilité de confusion entre les marques des parties. La probabilité de confusion est une question de fait et de droit qui doit être tranchée par le registraire en fonction de la preuve qui est au dossier dans la présente procédure.

La preuve de l'Opposante produite par l'intermédiaire de l'affidavit Cook

[23]           M. Cook affirme que l'Opposante est une société canadienne privée spécialisée dans la fabrication et la vente de vêtements et d'articles chaussants pour hommes, femmes et enfants. Il affirme que l'Opposante a été fondée en 1898 et qu'elle est devenue un chef de file mondialement reconnu dans l'industrie des articles chaussants [para. 3 de l'affidavit].

[24]           M. Cook affirme que vers 1997, l'Opposante a conçu et commencé à employer un dessin constitué de la représentation stylisée d'un homme en pierres, qu'on appelle aussi inukshuk, pour identifier sa gamme de vêtements et d'articles chaussants. Ce dessin d'inukshuk fait l'objet des enregistrements nos LMC547,579 et LMC555,198 qui sont reproduits à l'Annexe « A » des présentes [para. 4 de l'affidavit; pièce « A »].

[25]           M. Cook affirme que l'Opposante, désireuse de moderniser l'allure de sa figure d'inukshuk, a adopté une version légèrement modifiée de son dessin d'inukshuk original. Ce dessin modifié fait l'objet de l'enregistrement no LMC664,253, lequel est également reproduit à l'Annexe « A » des présentes [para. 5 de l'affidavit; pièce « B »].

[26]           M. Cook affirme que le dessin d'inukshuk original et le dessin d'inukshuk modifié sont tous deux abondamment employés en liaison avec les vêtements et les articles chaussants pour hommes, femmes et enfants de l'Opposante. À partir de ce point, M. Cook réfère collectivement aux dessins d'inukshuk original et modifié comme à la Marque de commerce INUKSHUK, dans l'ensemble de son affidavit [para. 6 de l'affidavit].

[27]           Au soutien de ces affirmations concernant l'emploi de la Marque de commerce INUKSHUK, comme pièce « C », M. Cook a joint à son affidavit un échantillon de vêtements et d'articles chaussants arborant la Marque de commerce INUKSHUK, ainsi qu'un échantillon d'étiquettes et d'étiquettes volantes arborant la Marque de commerce INUKSHUK qui sont fixées aux vêtements et aux articles chaussant. Il a également joint, comme pièce « D » un échantillon représentatif de factures concernant des vêtements et des articles chaussants arborant la Marque de commerce INUKSHUK que l'Opposante a vendus entre 2000 et 2013 [para. 6 et 8 de l'affidavit].

[28]           Après examen de la pièce « C », je souligne que les échantillons fournis sont surtout des articles chaussants. Les seules images de vêtements fournies montrent un [Traduction] « chandail en molleton arctique pour enfant », un [Traduction] « tee-shirt à manches longues à encolure ronde pour enfant » et un [Traduction] « chandail à manches longues à encolure ronde pour homme » et ont apparemment été imprimées le 25 février 2009 à partir du site Web de l'Opposante qui se trouve à l'adresse http://www.kamik.com/GenfootWeb; elles s'accompagnent de quelques photos non datées de vêtements d'extérieur pour l'hiver. Quant à la pièce « D », les descriptions de produit qui figurent dans les factures ne me permettent pas de déterminer quels produits sont visés par les factures.

[29]           M. Cook affirme que les ventes d'articles chaussants arborant la Marque de commerce INUKSHUK ont été continues au Canada depuis 1997. Il explique que ces ventes sont effectuées par l'intermédiaire de chaînes de magasins de détail d'envergure nationale, telles que Canadian Tire, Mark’s Work Warehouse, Sears et La Baie, ainsi que par l'entremise de magasins de vêtements, d'articles chaussants et d'équipement sportif régionaux et/ou locaux, tels que Kiddie Cobbler, Kiddytown, SoftMoc, TSC Stores, Bushtukkah, the Expedition Shop, Baron Sports et Sportmania. Il affirme également qu'à la date à laquelle il a souscrit son affidavit, des articles chaussants arborant la Marque de commerce INUKSHUK étaient offerts en vente dans plus de 2 600 points de vente au Canada [para. 7 de l'affidavit]. Je souligne qu'aucune information similaire n'est fournie relativement aux vêtements de l'Opposante.

[30]           M. Cook affirme que, au Canada, qui est le plus grand marché de l'Opposante, les ventes annuelles de vêtements et d'articles chaussants arborant la Marque de commerce INUKSHUK réalisées de 2000 à 2013 ont varié de 11 millions de dollars canadiens à 20 millions de dollars canadiens. Pendant cette période de 14 ans, la valeur moyenne en dollars des ventes annuelles au Canada a été supérieure à 15 millions de dollars canadiens [para. 9 de l'affidavit]. Je souligne qu'aucune répartition des ventes totales par catégorie de produits n'a été fournie.

[31]           M. Cook affirme que la Marque de commerce INUKSHUK est devenue bien connue au Canada grâce à une publicité abondante (aussi bien dans des publications imprimées qu'à la télévision) et à la promotion en magasin [para. 10 de l'affidavit].

[32]           Plus particulièrement, en ce qui concerne la promotion en magasin, M. Cook affirme que la Marque de commerce INUKSHUK figure sur les fiches de produit, les cubes de marque, les affiches en magasin, les hausses de bottes, les tapis de sol, les autocollants et les affiches de détaillants, les décalques pour fenêtre, les présentoirs à souliers/bottes, les tablettes-présentoirs à souliers/bottes pour murs à lattes, et les fiches [para. 10 de l'affidavit]. Au soutien de cette affirmation, il a joint comme pièce « E » des copies d'un échantillon représentatif de produits promotionnels qui ont été exposés dans des points de vente au détail du Canada où les vêtements et articles chaussants de l'Opposante sont vendus. Après examen de cette pièce, je souligne que les produits promotionnels exposés en magasin se rapportent apparemment uniquement aux articles chaussants.

[33]           En ce qui concerne la publicité imprimée, M. Cook affirme que l'Opposante fait la promotion de ses vêtements et de ses articles chaussants en liaison avec la Marque de commerce INUKSHUK par le truchement de catalogues de produits, dont certains se rapportant expressément aux vêtements pour enfants [para. 11 de l'affidavit]. Au soutien de cette affirmation, il a joint comme pièce « T » des exemplaires des catalogues de produits de l'Opposante des années 1998, 2003 et 2009 à 2013, lesquels sont distribués aux détaillants partout au Canada ainsi qu'aux distributeurs de l'Opposante à l'échelle internationale. Après examen de cette pièce, je souligne que tous les catalogues de produits se rapportent apparemment uniquement aux articles chaussants.

[34]           M. Cook affirme que l'Opposante fait également la promotion de sa Marque de commerce INUKSHUK au moyen de publicités paraissant dans des publications imprimées telles que The Toronto Star, The Globe and Mail, Backpacker magazine, Chatelaine, National Parks, Fitness Plus, Outside Traveler, Travel & Leisure, Men’s Health, Sports Illustrated Women et Footwear News [para. 12 de l'affidavit]. Au soutien de cette affirmation, il a joint comme pièce « G » des copies d'un échantillon représentatif de publicités qui sont parues dans des publications imprimées distribuées au Canada pendant la période s'étendant de 2003 à 2013. Après examen de cette pièce, je souligne que toutes les publicités se rapportent apparemment uniquement aux articles chaussants.

[35]           En ce qui concerne la publicité à la télévision, M. Cook affirme que ce type de publicité comprend des annonces diffusées sur la chaîne MétéoMédia/The Weather Network qui mettent en évidence des produits arborant la Marque de commerce INUKSHUK [para. 13 de l'affidavit]. Au soutien de cette affirmation, il a joint comme pièce « H » des imprimés d'annonces présentant des articles chaussants arborant la Marque de commerce INUKSHUK qui ont été diffusées sur la chaîne MétéoMédia/The Weather Network en 2008, 2010 et 2011, accompagnés d'un échantillon de factures se rapportant à ces annonces. Je souligne qu'aucune annonce similaire n'a été fournie relativement aux vêtements de l'Opposante.

[36]           M. Cook affirme également que l'Opposante a commandité de nombreuses organisations sportives, y compris les Alouettes de Montréal, une équipe de la Ligue canadienne de football [para. 14 de l'affidavit]. Au soutien de cette affirmation, il a joint comme pièce « I » des copies de pages sélectionnées du calendrier 2008-2009 des meneuses de claque des Alouettes de Montréal, ainsi qu'une copie d'écran d'un spot promotionnel qui était diffusé à la télévision pendant la saison 2008-2009. La Marque de commerce INUKSHUK est apparemment montrée seule, plutôt qu'en liaison avec les articles chaussants ou les vêtements de l'Opposante.

[37]           M. Cook affirme que, depuis 1996, l'Opposante exploite un site Web commercial qui est accessible à l'adresse www.kamik.com. Il affirme que le site Web, qui est continuellement mis à jour, présente un historique de l'entreprise, ainsi que des photographies et des renseignements sur les produits offerts, et des renseignements sur les garanties liées aux produits et sur les technologies intégrées aux produits, et comprend un outil permettant de trouver des détaillants. Au soutien de cette affirmation, il a joint comme pièce « J » des captures d'écran d'un échantillon représentatif de pages de ce site Web. Je souligne que les produits qu'on peut voir sur ces captures d'écran sont uniquement des articles chaussants.

[38]           En somme, je suis convaincue, après examen de l'affidavit Cook, que la Marque de commerce INUKSHUK de l'Opposante est devenue connue dans une mesure significative au Canada en liaison avec des articles chaussants, ce qui a eu pour effet de renforcer le caractère distinctif de la marque de l'Opposante à l'égard de ces produits. Je ne suis pas convaincue, cependant, qu'il en va de même pour les vêtements de l'Opposante.

[39]           En effet, exception faite des quelques images de vêtements arborant la Marque de commerce INUKSHUK comprises dans la pièce « C », aucune des pièces et aucune des déclarations de fait contenues dans l'affidavit Cook ne fournit d'indications satisfaisantes en ce qui concerne l'emploi qui a été fait de la Marque de commerce INUKSHUK en liaison avec des vêtements, et encore moins, l'importance de cet emploi, si emploi il y a eu.

La preuve du Requérant produite par l'intermédiaire de l'affidavit du Requérant

[40]           Comme je l'ai indiqué précédemment, la demande du Requérant pour la Marque est fondée sur l'emploi projeté.

[41]           Au paragraphe 10 de son affidavit, le Requérant affirme ce qui suit :

[Traduction]
[…] au moment où j'ai produit la demande d'enregistrement pour [la Marque], j'avais l'intention d'employer [la Marque] au Canada en liaison avec les marchandises énumérées dans la demande. Je déclare également que j'ai commencé à vendre ces marchandises au détail et à les rendre accessibles au public alors qu'elles arboraient [la Marque] en juillet 2012. Comme pièce « P », je joins une copie d'une facture de Venture Graphics (producteur de décalques pour tee-shirts, 5-8005 Alexander Rd, Delta, Colombie-Britannique […]), mentionnant Reg Sheffield à titre de destinataire d'une commande de transferts à chaud plastisol, ou décalques pour tee-shirts, devant être appliqués sur des tee-shirts pour enfants afin qu'ils arborent [la Marque]. Je joins également, comme pièce « Q », une copie du dessin de décalque LITTLE ROCK que j'ai moi-même commandé à Venture Graphics. J'ai préparé des tee-shirts pour enfants arborant [la Marque] et je les vends dans mon magasin de détail (Niagara Escarpment Outfitters, 220 Hurontario Street, Collingwood, Ontario, Canada) depuis juillet 2012. J'ai toujours eu l'intention d'employer [la Marque] au Canada en liaison avec les marchandises énumérées dans la demande et, à la date de production, j'étais convaincu d'avoir droit d'employer [la Marque] au Canada en liaison avec les marchandises énumérées dans la [d]emande.

[42]           C'est là tout ce dont nous disposons en ce qui concerne l'emploi de la Marque.

[43]           Comme l'a souligné l'Opposante, le Requérant n'a pas fourni d'éléments de preuve qui auraient pu fournir des indications quant à la mesure dans laquelle la Marque a été employée ou est devenue connue au Canada, tels que des chiffres de ventes ou des dépenses publicitaires. Le Requérant a indiqué qu'il vend les Produits arborant la Marque dans son magasin de détail de Collingwood, en Ontario. Il n'a pas précisé si les Produits sont vendus à d'autres endroits au Canada.

[44]           En somme, il m'est impossible de conclure que la Marque est devenue connue dans une quelconque mesure au Canada.

Conclusion quant à ce facteur

[45]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que ce facteur, qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis, favorise l'Opposante, mais uniquement en ce qui a trait à ses articles chaussants.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[46]           À la lumière des observations que j'ai formulées précédemment, ce facteur favorise l'Opposante, mais uniquement en ce qui a trait à ses articles chaussants.

[47]           En effet, bien que les enregistrements de la Marque de commerce INUKSHUK comprennent des déclarations d'emploi qui remontent aux années 2001 et 2006, ils ne constituent pas en soi une preuve de l'emploi de la Marque de commerce INUKSHUK en liaison avec des vêtements. La simple existence d'un enregistrement établit tout au plus un emploi minimal et ne permet pas de conclure à un emploi significatif et continu de la marque [voir Entre Computer Centers, Inc c Global Upholstery Co (1992), 40 CPR (3d) 427 (COMC)].

Le genre de produits, services ou entreprises; et la nature du commerce

[48]           Pour évaluer le genre des produits et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits du Requérant avec les états déclaratifs qui figurent dans les enregistrements invoqués par l'Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)]. L'examen de ces états déclaratifs doit cependant être effectué dans l'optique de déterminer le genre probable d'entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l'ensemble des commerces que le libellé est susceptible d'englober. Une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [voir McDonald's Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optical Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[49]           Les enregistrements de la Marque de commerce INUKSHUK de l'Opposante visent un large éventail de vêtements et d'articles chaussants pour hommes, femmes et enfants, y compris des tee-shirts et des chapeaux. Il est évident que les Produits du Requérant sont identiques aux produits vestimentaires de l'Opposante, ou qu'ils les recoupent.

[50]           Bien que le Requérant affirme dans son affidavit que les Produits sont vendus dans son magasin de détail, la demande pour la Marque ne comporte aucune restriction quant aux voies de commercialisation que les Produits peuvent emprunter. Et, les enregistrements de la Marque de commerce INUKSHUK de l'Opposante non plus, d'ailleurs.

[51]           En l'absence d'une restriction dans l'état déclaratif des produits, le registraire ne peut pas, lorsqu'il examine la question de la confusion, prendre en considération le fait que le Requérant puisse vendre ses Produits uniquement dans une région géographique précise du Canada ou que les produits en question soient uniquement offerts dans un type précis de points de vente au détail ou via une voie de commercialisation précise [voir Henkel Kommanditgesellschaft Auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc, supra].

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent

[52]           Comme l'a fait observer la Cour suprême dans Masterpiece, supra, au paragraphe 49, [Traduction] « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d'avoir le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion, et ce même s'il est mentionné en dernier lieu [à l'article] 6(5) [de la Loi] [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l'analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire ».

[53]           En outre, comme je l'ai mentionné précédemment, il est bien établi dans la jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, [Traduction] « [m]ême s'il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible [de s'attarder à] des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [voir Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 1998, CanLII 9052 (CAF), 80 CPR (3d) 247 (CAF), para. 34]. Même si le premier mot ou la première partie d'une marque de commerce sont généralement les plus importants au chapitre de la distinction, l'approche à privilégier consiste à se demander d'abord si la marque de commerce présente un aspect particulièrement frappant ou unique [voir Masterpiece, précité, au paragraphe 64].

[54]           M'appuyant sur ces principes, j'estime qu'il existe, en l'espèce, des différences significatives entre les marques des parties.

[55]           Leur seul point commun tient au fait qu'elles comprennent toutes deux des représentations stylisées d'un inunnguaq. Il va de soi que le dessin d'inunnguaq est l'élément dominant de chacune des marques figuratives de l'Opposante, mais il en va autrement pour la Marque. L'expression « little rocks » est non seulement l'élément dominant de la Marque sous sa forme sonore, elle est écrite en caractères gras et, de ce fait, supplante visuellement l'élément graphique estompé représentant un inunnguaq.

[56]           Lorsqu'on la considère dans son ensemble et dans le contexte des Produits, la Marque, c'est-à-dire l'élément graphique représentant un inunnguaq conjugué au jeu de mots « little rocks », transmet l'idée d'une représentation fantaisiste d'un enfant.

[57]           En comparaison, l'idée communiquée par la Marque de commerce INUSKHUK de l'Opposante est celle d'une représentation plus classique ou traditionnelle d'un inunnguaq couronnée d'un trait arqué qui, comme l'a expliqué l'Opposante, transmet une idée de protection.

Autres circonstances de l'espèce

[58]           Dans son affidavit, le Requérant insiste fortement sur le fait que la Marque a été examinée et admise par la Section de l'examen du Bureau des marques de commerce au regard, entre autres choses, des marques déposées de l'Opposante [voir les paragraphes 2 et 5 de son affidavit]. Le Requérant souligne également que le symbole inukshuk est abondamment employé par d'autres entités au Canada et dans le monde [voir le paragraphe 7 de son affidavit et les pièces « H », « I », « J », « K » et « L » qui y sont jointes].

[59]           J'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'examine ces autres circonstances de l'espèce pour conclure en faveur du Requérant.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[60]           Comme l'a indiqué la Cour d'appel fédérale dans Dion Neckwear, supra, à la page 163, [Traduction] « il n'est pas nécessaire que [le registraire] soit convaincu hors de tout doute qu'il n'y a aucun risque de confusion. Si la norme de preuve “hors de tout doute” devait s’appliquer, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu'en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare ».

[61]           Compte tenu de mon analyse ci-dessus, j'estime que le Requérant a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la Marque de commerce INUKSHUK de l’Opposante ne serait pas porté à conclure que les Produits du Requérant proviennent de la même source ou sont autrement apparentés ou associés aux produits visés par les enregistrements de l'Opposante.

[62]           J'estime que les différences entre les marques des parties sont déterminantes en soi et plus que suffisantes pour faire contrepoids aux facteurs qui sont favorables à l'Opposante en l'espèce. Comme je l'ai indiqué précédemment, ni l'une ni l'autre des marques des parties n'est intrinsèquement forte. Bien que le caractère distinctif de la Marque de commerce INUKSHUK de l'Opposante ait été renforcé par l'emploi et la promotion, cette notoriété a été acquise uniquement à l'égard des articles chaussants de l'Opposante. En d'autres termes, l'Opposante n'a pas établi que sa Marque de commerce INUKSHUK mérite une protection étendue à l'égard des produits vestimentaires visés par ses enregistrements, lesquels produits recoupent les Produits du Requérant.

[63]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement suivant l'article 16(3)a) de la Loi

[64]           L'Opposante allègue que le Requérant n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'article 16(3)a) de la Loi parce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la Marque de commerce INUKSHUK de l'Opposante, qui avait été antérieurement employée au Canada par l'Opposante en liaison avec les produits de l'Opposante qui sont énumérés à l'Annexe « A » des présentes.

[65]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard d'un motif fondé sur l'article 16(3)a), un opposant doit démontrer que sa marque de commerce avait déjà été employée au Canada à la date de production de la demande du requérant, et qu'elle n'avait pas été abandonnée à la date d'annonce de la demande du requérant [article 16(5) de la Loi]. Ainsi qu'il appert de mon examen de l'affidavit Cook ci-dessus, l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui a trait à ses articles chaussants. Elle ne l'a pas fait en ce qui concerne ses produits vestimentaires.

[66]           Le fait que les dates pertinentes diffèrent n’a pas d’incidence sur mon analyse exposée ci-dessus sous le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d). En réalité, le dossier de l'Opposante est moins solide à l'égard de motif fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement qu'il ne l'est à l'égard du motif fondé sur la non-enregistrabilité, car il appert maintenant que le facteur énoncé à l'article 6(5)c) favorise le Requérant au vu des différences intrinsèques qui existent entre les produits vestimentaires du Requérant et les articles chaussants de l'Opposante.

[67]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif de la Marque au sens de l'article 2 de la Loi

[68]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas distinctive, au sens de l'article 2 de la Loi, en ce qu'elle ne distingue pas et n'est pas adaptée à distinguer les Produits du Requérant de ceux de l'Opposante.

[69]           Pour s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe à l'égard d'un motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif, un opposant doit démontrer que, à la date de production de sa déclaration d'opposition (en l'espèce, le 18 juillet 2013), sa marque de commerce était devenue connue dans une mesure suffisante pour faire perdre à la marque visée par la demande son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst.)]. Ainsi qu'il appert de mon examen de l'affidavit Cook ci-dessus, l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui a trait à ses articles chaussants. Elle ne l'a pas fait en ce qui concerne ses produits vestimentaires.

[70]           Le fait que les dates pertinentes diffèrent n’a pas d’incidence sur mon analyse exposée ci-dessus sous le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d). En réalité, le dossier de l'Opposante est moins solide à l'égard de motif fondé sur l'absence de caractère distinctif qu'il ne l'est à l'égard du motif fondé sur la non-enregistrabilité, car il appert maintenant que le facteur énoncé à l'article 6(5)c) favorise le Requérant au vu des différences intrinsèques qui existent entre les produits vestimentaires du Requérant et les articles chaussants de l'Opposante.

[71]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur la non-conformité de la demande à l'article 30i) de la Loi.

[72]           L'Opposante allègue que la demande pour la Marque n'est pas conforme aux dispositions de l'article 30i) de la Loi en ce que, à la date de production de la demande et en tout temps par la suite, le Requérant ne pouvait pas être convaincu qu'il était la personne ayant droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits parce que la Marque crée de la confusion avec la Marque de commerce INUKSHUK de l'Opposante.

[73]           Lorsqu'un requérant a fourni la déclaration exigée par l'article 30i), un motif d'opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu'il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Il n'y a pas la moindre preuve de cette nature en l'espèce.

[74]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 30i) est rejeté.

Motif d'opposition fondé sur la non-conformité de la demande à l'article 30e) de la Loi.

[75]           L'Opposante allègue que la demande pour la Marque n'est pas conforme aux dispositions de l'article 30e) de la Loi en ce que, à la date de production de la demande et en tout temps par la suite, le Requérant n'avait pas l'intention d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits.

[76]           Plus particulièrement, l'Opposante soumet dans son plaidoyer écrit que les déclarations sous serment que le Requérant fait au paragraphe 10 de son affidavit (lequel est reproduit au paragraphe 42 de la présente décision) confirment sans équivoque qu'il a commencé à vendre au détail (vendre) les Produits arborant la Marque à des clients au Canada en juillet 2012, soit plus de deux mois avant la date de production de la demande. En d'autres termes, la Marque n'est pas une marque projetée puisque le Requérant l'a employée avant la date de production de la présente demande.

[77]           La date pertinente pour l'appréciation de ce motif d'opposition est la date de production de la demande [voir Canadian National Railway Co c Schwauss (1991), 35 CPR (3d) 90 (COMC)]. Étant donné que les faits concernant les intentions du Requérant relèvent avant tout de la connaissance du Requérant, le fardeau initial dont doit s'acquitter l'Opposante à l'égard de l'article 30e) est plus léger qu'à l'accoutumée [voir Molson Canada c Anheuser-Busch Inc (2003), 29 CPR (4th) 315 (CF 1re inst); Canadian National Railway Co c Schwauss, supra; et Green Spot Co c JB Food Industries (1986), 13 CPR (3d) 206 (COMC)]. Pour s'acquitter de son fardeau initial à l'égard de l'article 30e), l'Opposante peut s'appuyer aussi bien sur sa propre preuve que sur la preuve du Requérant [voir Labatt Brewing Company Limited c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst)]. L'Opposante ne peut toutefois s'appuyer sur la preuve du Requérant pour s'acquitter de son fardeau initial que si elle démontre que la preuve du Requérant est clairement incompatible avec les revendications contenues dans la demande du Requérant [voir Molson Canda c Anheuser-Busch Inc, supra; York Barbell Holdings Ltd c ICON Health and Fitness, Inc (2001), 13 CPR (4th) 156 (COMC)].

[78]           Je conviens avec l'Opposante que la preuve du Requérant est clairement incompatible et met en doute l'exactitude de la revendication du Requérant contenue dans la demande selon laquelle il avait l'intention, à la date de production de la demande, d'employer la Marque en liaison avec les Produits.

[79]           Le Requérant affirme expressément au paragraphe 10 de son affidavit qu'il a « commencé à vendre [les Produits] au détail et à les rendre accessibles au public alors qu'[ils] arboraient [la Marque] en juillet 2012 », c'est-à-dire plus de deux mois avant la date de production de la demande, le 1er octobre 2012. La facture en date du 29 mai 2012 émise par le producteur de décalques pour tee-shirts qui est jointe comme pièce « P » corrobore la déclaration sous serment du Requérant selon laquelle il a « préparé des tee-shirts pour enfants arborant [la Marque] et [il les] vend dans [son] magasin de détail [...] depuis juillet 2012] ». Bien qu'il n'y ait pas de preuve documentaire concernant les produits qui sont décrits dans la demande comme des chapeaux et des chandails à capuchon pour enfants, le fait demeure que le Déposant déclare expressément qu'il a commencé à vendre au détail les produits énumérés dans la demande et à les rendre accessibles au public en juillet 2012.

[80]           J'estime qu'un parallèle peut être fait entre la présente espèce et l'affaire Société Nationale Elf Aquitaine c Spex Design Inc (1988), 22 CPR (3d) 189 (COMC), dans laquelle une demande fondée sur l'emploi projeté a été repoussée par le registraire en raison de la déclaration que le requérant avait faite dans sa contre-déclaration selon laquelle il avait employé sa marque de commerce avant la date de production de la demande. [Voir également l'affaire Nabisco Brands Ltd c Cuda Consolidated Inc, 1997 CanLII 15856 (COMC), dans laquelle une demande fondée sur l'emploi projeté a été repoussée par le registraire à la lumière du témoignage du requérant qui confirmait que ce dernier avait employé sa marque de commerce avant la date de production de la demande.]

[81]           Compte tenu de ce qui précède, je conviens avec l'Opposante qu'elle s'est acquittée du léger fardeau de preuve qui lui incombait et que le Requérant n'a pas satisfait à son fardeau ultime d'établir que sa demande était conforme à l'article 30e) de la Loi à la date de production de la demande.

[82]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article (30)e) est accueilli.

Décision

[83]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement, selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.


 

Annexe « A »

Les marques de commerce de l'Opposante

Marque de commerce

No d'enregistrement

Produits

INUKSHUK DESIGN

LMC555,198

[Traduction] vêtements et habillement pour hommes, femmes et enfants, nommément manteaux, manteaux sport, parkas, blazers, vestes, habits de ski, vestes de ski; pantalons de ski, habits, pantalons, chemises, robes, chandails, gilets, chapeaux, gants, foulards, cravates, ceintures, maillots de bain, cache-maillots, jupes, chemisiers, blazers, pantalons sport, châles, jumpers, tenues d’été, tenues de plage, habits de neige, survêtements de loisir, salopettes, imperméables, vestes de pluie, tenues imperméables, pantalons imperméables; sorties-de-bain, pyjamas, robes de nuit, peignoirs, chemises de nuit, robes de chambre; sous-vêtements, déshabillés, culottes, soutiens-gorge; bas, leggings, chaussettes, bas-culottes, mi-bas, collants, léotards, corsages-culottes; jeans, tee-shirts, débardeurs, tenues de jogging, casquettes, tenues d'entraînement, hauts d’entraînement, pantalons d'entraînement, shorts

Déclaration d’emploi produite le 30 novembre 2001.

STONE MAN DESIGN

LMC547,579

[Traduction] Articles chaussants, nommément bottes.

 

Déclaration d’emploi produite le 15 juin 2001.

Inukshuk Design

LMC664,253

[Traduction] Articles chaussants, nommément chaussures, chaussures d’athlétisme, bottes, bottes de randonnée, bottes de pluie, bottes de travail, sabots, sandales, pantoufles; vêtements et habillement pour hommes, femmes et enfants, nommément manteaux, manteaux sport, parkas, blazers, vestes, habits de ski, vestes de ski; pantalons de ski, habits, pantalons, chemises, robes, chandails, gilets, chapeaux, gants, foulards, cravates, ceintures, maillots de bain, cache-maillots, jupes, chemisiers, blazers, pantalons sport, châles, jumpers, tenues d’été, tenues de plage, habits de neige, survêtements de loisir, salopettes, imperméables, vestes de pluie, tenues imperméables, pantalons imperméables; sorties-de-bain, pyjamas, robes de nuit, peignoirs, chemises de nuit, robes de chambre; sous-vêtements, déshabillés, culottes, soutiens-gorge; bas, leggings, chaussettes, bas-culottes, mi-bas, collants, léotards, corsages-culottes; jeans, tee-shirts, débardeurs, tenues de jogging, casquettes, tenues d'entraînement, hauts d’entraînement, pantalons d'entraînement, shorts

 

Déclaration d’emploi produite le 10 avril 2006.


Aucune audience tenue

 

Agents au dossier

 

Cassan MacLean                                                                      Pour l'Opposante

 

Aucun agent nommé                                                                Pour le Requérant

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