Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
DANS L’AFFAIRE DES OPPOSITIONS de Weston Foods (Canada) Inc. et Weston Foods Inc. aux demandes no 1195028 et 1125029 produites par W. Deemer Class & Son en vue de l’enregistrement des marques de commerce WONDER FRUIT et WONDER VEG
Le 27 octobre 2003, W. Deemer Class & Son (la Requérante) a produit des demandes d’enregistrement, fondées sur l’emploi au Canada par la Requérante ou un licencié, pour les marques de commerce WONDER FRUIT et WONDER VEG en liaison avec les marchandises suivantes : « Fruits et légumes frais ». Les deux demandes revendiquent le 29 mai 2003 comme date de priorité suite aux demandes portant les numéros 76/511,963 et 76/518,229 qui ont été produites ont États-Unis et publiées le 29 septembre 2004.
Weston Foods Inc. a produit une déclaration d’opposition à l’encontre des deux demandes le 14 février 2005. La déclaration d’opposition a par la suite été modifiée pour ajouter Weston Foods (Canada) Inc. à titre de co-opposante. Les mentions de « l’Opposante » ci-après renvoient conjointement à Weston Foods Inc. et à Weston Foods (Canada) Inc.
Les motifs d’opposition sont les suivants : il n’est pas possible que la Requérante ait été convaincue qu’elle était autorisée à utiliser les marques de commerce visées par la demande au Canada, la Requérante n’a pas le droit d’enregistrer les marques dont elle sollicite l’inscription et les marques pour lesquelles l’enregistrement est demandé ne sont ni distinctives, ni enregistrables. Chacun des motifs d’opposition s’appuie sur les marques de commerce WONDER de l’Opposante, notamment les suivantes :
Marque de commerce |
Numéro de demande ou d’enregistrement |
Marchandises ou services |
WONDER WHIP |
LMC111,545 |
(1) Pain |
WONDER REAL BIG & Design |
LMC512,345 |
(1) Pains à hot dog et pains à hamburger (2) Pain |
WONDER LIGHT |
LMC373,734 |
(1) Pain |
WONDER GOLD CUP |
UCA005871 |
(1) Produits de boulangerie |
WONDER & Design |
LMC102,937 |
Marchandises : (1) Pain, roulés, petits pains, gâteaux, gâteaux aux fruits, pâtés à la viande, tartes aux fruits, flans pâtissiers, tartes au mincemeat, tartelettes, biscuits, biscuits sablés et puddings
Services : (1) Approvisionnement à domicile, plus précisément la distribution et la fourniture de pain, de roulés, de petits pains, de gâteaux, de gâteaux aux fruits, de pâtés à la viande, de flans pâtissiers, de tartes au mincemeat, de tartelettes, de biscuits, de biscuits sablés et de puddings |
WONDER CUPBOARD |
LMC123,897 |
(1) Pain, roulés, gâteaux, gâteaux aux fruits, pâtés à la viande, tartes aux fruits, flans pâtissiers, tartes au mincemeat, tartelettes, biscuits, biscuits sablés, puddings, croustilles, maïs soufflé, bonbons, arachides, préparations à sauce pour puddings et coupes glacées et préparations pour gâteaux et puddings |
WONDER and Design |
LMC140,055 |
MARCHANDISES : (1) Pain, roulés, petits pains, gâteaux, gâteaux aux fruits, pâtés à la viande, tartes aux fruits, flans pâtissiers, tartes au mincemeat, tartelettes, biscuits, biscuits sablés et puddings
SERVICES : (1) Approvisionnement à domicile, plus précisément la distribution et la fourniture de pain, de roulés, de petits pains, de gâteaux, de gâteaux aux fruits, de pâtés à la viande, de flans pâtissiers, de tartes au mincemeat, de tartelettes, de biscuits, de biscuits sablés et de puddings
|
WONDER and Design |
LMC138,028 |
MARCHANDISES : (1) Pain, roulés, petits pains, gâteaux, gâteaux aux fruits, pâtés à la viande, tartes aux fruits, flans pâtissiers, tartes au mincemeat, tartelettes, biscuits, biscuits sablés et puddings
SERVICES : (1) Approvisionnement à domicile, plus précisément, la distribution et la fourniture de pain, de roulés, de petits pains, de gâteaux, de gâteaux aux fruits, de pâtés à la viande, de flans pâtissiers, de tartes au mincemeat, de tartelettes, de biscuits, de biscuits sablés et de puddings
|
WONDER |
LMC121,801 |
(1) Croustilles (2) Bonbons |
WONDER |
LMC102,936 |
MARCHANDISES : (1) Pain, roulés, petits pains, gâteaux, gâteaux aux fruits, pâtés à la viande, tartes aux fruits, flans pâtissiers, pâtés à la viande, tartelettes, biscuits, biscuits sablés et puddings
SERVICES : (1) Approvisionnement à domicile, plus précisément la distribution et la fourniture de pain, de roulés, de petits pains, de gâteaux, de gâteaux aux fruits, de pâtés à la viande, de flans pâtissiers, de tartes au mincemeat, de tartelettes, de biscuits, de biscuits sablés et de puddings
|
WONDER |
LMCDF45393 |
(1) Pain et produits de boulangerie (2) Lait en poudre |
PAIN AU LAIT ET AVEC PROTEIN DE WONDER |
LMC339,149 |
(1) Pain |
WONDER |
No de demande 1,228,273 |
(1) Commandite de programmes et évènements sportifs organisés par des tierces personnes; commandite de programmes et évènements éducatifs organisés par des tierces personnes; commandite de festivals de musiques et de divertissement organisés par des tierces personnes; participation aux programmes de commandite organisés par des tierces personnes et destinés à lever des fonds pour des organismes de charité |
La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration relativement à chaque opposition, de même qu’une contre-déclaration modifiée. À titre de preuve pour les deux dossier, l’Opposante a produit l’affidavit de Craig Hutchinson. Pour sa part, la preuve de la Requérante dans chaque cas était constituée de l’affidavit de David King. En réponse, l’Opposante a produit en preuve les affidavits de John Scott Tripp et l’affidavit supplémentaire de Craig Hutchinson. L’Opposante a été la seule à produire un plaidoyer écrit et aucune audience n’a été tenue.
Fardeau de la preuve
Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. L’Opposante a toutefois le fardeau de preuve initial de produire une preuve admissible suffisante pour qu’il soit raisonnable de conclure à la véracité des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition (voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.) à la page 298).
Dates pertinentes
Les dates pertinentes pour les fins des motifs d’opposition sont les suivantes :
• article 30 – la date de production de la demande (voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.) à la page 475);
• alinéa 12(1)d) – la date de ma décision (voir Park Avenue Furniture Corporationc.Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.));
• paragraphe 16(3) – la date de production de la demande (voir le paragraphe 16(3));
• absence de caractère distinctif – la date de production de l’opposition (voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)).
Résumé de la preuve de l’Opposante
M. Hutchinson se présente comme étant le vice-président au marketing de Weston Bakeries Limited/Boulangeries Weston Limitée (Boulangeries Weston). Il explique que Weston Foods Inc. (Weston) est une filiale en propriété exclusive de George Weston Limitée, la plus grande société de transformation et de distribution des aliments au Canada. Boulangeries Weston est aussi une filiale en propriété exclusive de Weston.
Les marques de commerce WONDER sont utilisées sous licence par Boulangeries Weston, sur laquelle l’Opposante exerce un contrôle de la nature et de la qualité des marchandises et des services vendus en lien avec les marques de commerce WONDER.
L’Opposante a vendu une variété de produits de boulangerie portant sa marque de commerce WONDER, notamment du pain de blé entier, des muffins anglais, des croissants miniatures et du pain confetti. L’Opposante a aussi vendu des croissants et des roulés à saveur de fruits ainsi que des muffins anglais à la cannelle et au raisin. Les pièces CH-2 et CH-3 jointes à l’affidavit de M. Hutchinson servent à illustrer l’apparence que revêt la marque WONDER affichée de façon proéminente sur des emballages de pain blanc enrichi, de pains à hot dog, de pains à hamburger, de pain de blé entier, de muffins anglais, de croissants à saveur de fruits et de pain confetti.
Au Canada, le montant des ventes annuelles de produits de marque WONDER se situe entre 89 millions de dollars en 1997, et 125 millions de dollars pour 2005. Il est dépensé environ 2 millions de dollars par année pour faire la publicité des marques WONDER à la télévision, à la radio, sur Internet et dans les magazines. Cette publicité a entre autre pris la forme d’affiches en magasin, d’annonces télévisées, d’annonces dans les circulaires de tous les grands supermarchés, de concours ou de publicités apparaissant sur des camions de livraison. Les documents présentés dans les éléments de preuve joints à l’affidavit de M. Hutchinson démontrent que la marque WONDER de l’Opposante occupe une place prépondérante dans ces publicités.
Résumé de la preuve de la Requérante
M. King affirme qu’il est le contrôleur pour la Requérante et qu’il est chargé de l’acquisition et de la gestion de ses marques de commerce. Il explique que la Requérante est une société en nom collectif constituée en personne morale en vertu des lois de l’État du Maryland, aux États-Unis, et qu’elle se consacre à la distribution et à la vente en gros de fruits et légumes. Elle exploite son entreprise à Jessup, au Maryland. La Requérante distribue aussi des paniers de fruits frais par marketing sur Internet.
Il déclare aussi au paragraphe 8 que les fruits et les légumes frais appartiennent à une catégorie de marchandises complètement différente ce celle des produits de boulangerie et qu’ils sont vendus à travers des réseaux commerciaux totalement différents. Il ajoute que les fruits et légumes frais de la Requérante ne sont pas vendus dans des boulangeries ou dans le rayon de la boulangerie des supermarchés où sont offertes les marchandises de l’Opposante.
M. King affirme que la Requérante est propriétaire de l’enregistrement américain no 2,839,828 à l’égard de la marque WONDER FRUITS, visant des fruits et des légumes frais, et que cette marque est utilisée aux États-Unis depuis au moins le 11 juillet 2003. Une copie d’un échantillon illustrant la marque telle qu’elle est utilisée aux États-Unis est jointe à son affidavit à titre de pièce B.
M. King explique qu’aux États-Unis, Interstate Bakeries Corporation (Interstate) est propriétaire d’une famille de marques de commerces WONDER. Des imprimés illustrant les marques WONDER d’Interstate sont jointes à l’affidavit de M. King à titre de pièce C. M. King affirme qu’à sa connaissance, il n’y a jamais eu de cas de confusion entre la marque WONDERFRUIT de la Requérante et la famille de marques WONDER d’Interstate, qui sont associées à des produits de boulangerie.
M. King présente aussi en preuve le résultat d’une recherche effectuée dans le registre du Bureau canadien des marques de commerce d’alors qui contient 15 entrées dans lesquelles on retrouve la composante WONDER. Dans les paragraphes 18 à 23 de son affidavit, M. King tente de faire la preuve de l’usage sur le marché canadien des marques suivantes : WONDER ROSE, WONDERBERRY, NATURE’S WONDER et HERBAL WONDER.
Résumé de la contre-preuve de l’Opposante
M. Tripp est un enquêteur privé qui a visité 11 épiceries différentes pour conclure que tous ces commerces vendaient autant du pain et des produits de boulangerie que des fruits et légumes frais. Il a aussi constaté que dans 9 cas sur 11, l’étalage des fruits et légumes frais était adjacent à celui du pain et des produits de boulangerie.
Dans son affidavit supplémentaire, M. Hutchinson explique que Weston Foods Inc. a cédé ses marques de commerce WONDER à Weston Foods (Canada) Inc. le 1er janvier 2007. Il ajoute que Boulangeries Weston Limitée est autorisée à utiliser les marques de commerce sous licence, sous réserve du contrôle de Weston.
M. Hutchinson rajoute que l’Opposante a vendu des produits avec garniture aux fruits au Canada tels que des muffins anglais « avec garniture aux fruits » et des produits aromatisés aux fruits comme des roulés aromatisés aux fraises en liaison avec sa marque de commerce WONDER. Il soutient qu’au cours de la période de trois ans précédant la date de son affidavit, les ventes de muffins anglais avec garniture aux fruits de l’Opposante se sont chiffrées à 1 million de dollars. L’estimation des ventes canadiennes de roulés aromatisés aux fraises a été établie à 300 000 $ pour 2007. Des photographies de ces types de produits sont jointes à son affidavit à titre de pièce CH-1.
Question préliminaire
Dans une lettre à la Commission d’opposition datée du 29 mars 2007, la Requérante a contesté la preuve de l’Opposante présentée en réponse le 16 mars 2007, au motif qu’il ne s’agissait pas d’une preuve appropriée en réponse. L’Opposante a répliqué à l’objection de la Requérante dans une lettre datée du 9 avril 2007.
Selon l’article 43 du Règlement sur les marques de commerce, la preuve appropriée en réponse est celle qui se limite exclusivement aux questions servant de réponse. La Requérante soutient que l’affidavit supplémentaire de M. Hutchinson ne constitue pas une preuve appropriée parce qu’elle ne répond pas à des nouveaux éléments de faits présentés dans la preuve de la Requérante. Selon cette dernière, l’affidavit de M. Hutchinson est plutôt destiné à introduire de la preuve supplémentaire pour soutenir l’argument de l’Opposante selon lequel la nature des marchandises visées par la demande est similaire à celles de l’Opposante.
L’Opposante avance quant à elle que, puisque la Requérante prétend que la nourriture et les produits de boulangerie appartiennent à une catégorie distincte de marchandises et qu’ils ne font pas partie de la catégorie générale que sont les produits alimentaires, elle a estimé qu’elle se devait de répondre à cette allégation en présentant ses produits qui sont une combinaison de ces deux catégories de produits. L’Opposante reconnaît que l’affidavit original de M. Hutchinson déclarait de façon claire que les marques WONDER de l’Opposante ont été en usage en liaison avec des produits alimentaires, y compris ceux qui contiennent des fruits. Je souligne aussi que l’affidavit original de M. Hutchinson contenait des échantillons de l’emballage des roulés aromatisés aux fraises et des muffins anglais avec garniture aux fruits similaires à ceux que l’on retrouve dans son affidavit supplémentaire.
Je conviens avec la Requérante que la preuve supplémentaire portant sur les produits de boulangerie, avec garniture ou aromatisés aux fruits, ne répond pas à des nouveaux éléments de faits présentés dans la preuve de la Requérante et que celle-ci aurait tout aussi bien pu être présentée dans le cadre de la preuve principale de l’Opposante. En conséquence, je rejette cette preuve au motif qu’il ne s’agit pas d’une preuve appropriée en réponse.
Dans une lettre datée du 9 avril 2007, l’Opposante a aussi demandé l’autorisation de produire cette preuve à titre de preuve supplémentaire sous le régime du paragraphe 44(1) advenant que la Commission conclue que sa preuve n’était pas appropriée en réponse. Il est possible que la Commission ait omis de tenir compte de cette demande de l’Opposante, mais je la rejette de toute manière pour les motifs suivants : 1) la demande a été présentée à un stade relativement avancé des procédures; 2) l’Opposante n’a pas fourni d’explications suffisantes pour justifier que cette preuve n’ait pas été comprise dans la preuve principale; 3) le préjudice potentiel que pourrait subir la Requérante si cette preuve est admise; 4) la pertinence de cette preuve est négligeable.
Quant à l’affidavit de M. Tripp, je suis toutefois d’accord avec l’Opposante qu’il s’agit d’une preuve appropriée en réponse puisqu’elle contredit l’affirmation de la Requérante alléguant que le rayon de la boulangerie et celui des fruits et légumes frais sont éloignées l’un de l’autre dans une épicerie.
Motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30i)
L’alinéa 30i) de la Loi exige que la demande renferme une déclaration portant que la Requérante est convaincue qu’elle a le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services. Ces déclarations accompagnaient chacune des demandes d’enregistrement de marques de commerce. Lorsqu’une Requérante produit une déclaration exigée en vertu de l’alinéa 30i), un motif d’opposition fondé sur le même article ne devrait être accueilli que dans les cas exceptionnels où il est établi que la Requérante a fait preuve de mauvaise foi (Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.) à la page 155). Comme ce n’est pas le cas en l’espèce, je rejette ce motif d’opposition dans les deux cas.
Autres motifs d’opposition
La principale question soulevée dans les autres motifs d’opposition consiste à déterminer si les marques visées WONDER FRUIT et WONDER VEG, lesquelles doivent être employées en liaison avec des fruits et légumes frais, créent de la confusion avec l’une ou l’autre des marques WONDER de l’Opposante mentionnées plus haut. Même si les dates pertinentes pour les autres motifs d’opposition sont différentes, je ne crois pas qu’il soit utile de déterminer si la question de la confusion doit être tranchée à une date pertinente particulière.
Je vais maintenant me pencher sur la possibilité de confusion entre la marque de la Requérante et la marque de commerce WONDER de l’Opposante, enregistrée sous le numéro LMC 102,936, puisqu’il s’agit de l’argument le plus convaincant de l’Opposante.
Le critère de la confusion
Le critère de la confusion est celui de la première impression et du souvenir vague. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Pour appliquer le critère de la confusion, le registraire tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris des éléments expressément mentionnés au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle ils ont respectivement été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Un poids différent doit être attribué aux différents facteurs selon le contexte.
Dans les arrêts Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 et Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401, la Cour suprême du Canada s’est penché sur le processus approprié pour examiner toutes les circonstances de l’espèce lorsqu’il faut déterminer si deux marques de commerce créent de la confusion. J’examinerai maintenant toutes ces circonstances en gardant ces principes généraux à l’esprit.
Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus
Compte tenu de la nature laudative du mot WONDER, ni l’une ni l’autre des marques des parties n’est intrinsèquement forte, quoique les marques de la Requérante sont pour leur part intrinsèquement plus faibles en raison de l’aspect descriptif des mots « fruit » et « veg ».
La force d’une marque de commerce peut se trouver augmentée lorsqu’elle devient connue par la promotion ou l’emploi. À la lumière de son emploi répandu et de la publicité dont elle fait l’objet, mis en preuve par l’Opposante, il est évident que la marque de commerce de l’Opposante est devenue bien connue au Canada. Comme la Requérante n’a pas produit de preuve de l’emploi de l’une ou l’autre de ses marques au Canada, je dois en conclure qu’elles ne sont absolument pas devenues connues.
Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage
La période pendant laquelle chaque marque a été en usage est un élément qui favorise l’Opposante puisque cette dernière a fait la preuve que l’emploi de sa marque au Canada date de 1997 et que son enregistrement repose sur un emploi au Canada qui remonte à aussi loin que le 15 août 1928. Les marques de la Requérante s’appuient quant à elles sur un emploi projeté.
Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprise; la nature du commerce
Dans l’examen des marchandises, des services et de la nature du commerce des parties, l’état déclaratif des marchandises ou des services joint à la demande et à l’enregistrement d’une marque de commerce, joue un rôle prépondérant pour examiner les questions de confusion soulevées en vertu de l’alinéa 12(1)d) (Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.); Miss Universe Inc. c. Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.)).
Les marchandises des parties appartiennent à la catégorie générale des produits alimentaires. Alors que la Requérante soutient que les fruits et légumes n’appartiennent pas à la même catégorie de marchandises que les produits de boulangerie, l’Opposante prétend qu’elle vend des produits qui appartiennent autant à la catégorie des fruits et légumes frais qu’à celle des produits de boulangerie. À mon avis, les roulés de pain aromatisés aux fruits et les muffins anglais à la cannelle et au raisin n’illustrent pas la parenté de ces catégories de marchandises. À cet égard, même si les roulés ou les muffins anglais peuvent avoir une saveur de fruits ou contenir des fruits séchés (c’est-à-dire des raisins), ils n’en demeurent pas moins intrinsèquement différents des fruits et légumes de la Requérante. Néanmoins, en l’absence de preuve contraire de la Requérante, il est vraisemblable que les marchandises des parties soient distribuées dans les mêmes réseaux commerciaux. De plus, l’Opposante a démontré que le rayon de la boulangerie et celui des fruits et légumes se trouvent à proximité l’un de l’autre dans plusieurs épiceries.
Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent
Les marques sont similaires, tant du point de vue de l’apparence que du son, puisque le mot WONDER forme la première partie du nom de ces trois marques. Les marques de commerce de la Requérante suggèrent qu’il s’agit de fruits et légumes qui provoquent un sentiment de surprise ou d’admiration, alors que la marque de l’Opposante suggère tout simplement la surprise ou l’admiration.
Autres circonstances de l’espèce
Les autres circonstances de l’espèce dont il doit être tenu compte sont les suivantes : la famille de marques de commerces invoquée par l’Opposante, les éléments de preuve relatifs à l’état du registre et à l’état du marché présentés par la Requérante et la coexistence de marques similaires aux États-Unis qui, selon la Requérante, ne crée aucune confusion.
L’Opposante se réclame d’une famille de marques de commerce WONDER. Pour être en mesure de s’appuyer sur une famille de marques de commerce dans le cadre d’une procédure d’opposition, une partie doit toutefois prouver l’emploi de chacune des marques appartenant à cette famille (voir McDonald’s Corp. c. Alberto-Culver Co. (1995), 61 C.P.R. (3d) 382 (C.O.M.C.); McDonald’s Corp. c. Yogi Yogurt Ltd. (1982), 66 C.P.R. (2d) 101 (C.F.P.I.)). Même si elle a fourni des données abondantes en matière de ventes et de publicité au Canada pour sa famille de marques WONDER, l’Opposante n’a pas présenté les données propres à chacune de ses marques WONDER sur ces mêmes sujets. De plus, même si elle a fourni des échantillons d’emballages de différents produits, seule la marque WONDER apparaît sur ceux-ci, laquelle est enregistrée sous les numéros LMC102, 936 et LMCDF45393. Comme l’Opposante n’a fait la démonstration de l’emploi d’aucune autre de ses marques, elle ne peut invoquer l’argument d’une famille de marques.
La Requérante s’est appuyé sur de la preuve relative à l’état du registre dans l’affidavit de M. King. Or, la preuve relative à l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusion portant sur l’état du marché. Voir la décision d’opposition Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R.(3d) 432 et le jugement Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R.(3d) 205 (C.F. 1re inst.). Le jugement Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R.(3d) 349 (C.A.F.) est aussi digne de mention pour étayer la thèse selon laquelle il n’est possible de tirer des conclusions sur l’état du marché suite à la présentation d’éléments de preuves relatifs à celui-ci qu’à condition qu’un nombre important d’enregistrements pertinents soient relevés.
La recherche dans le registre a permis d’identifier 15 enregistrements actifs de marques de commerce qui utilisaient le mot ou avaient une composante WONDER. Dans ses arguments écrits, l’Opposante a présenté les observations qui suivent sur la faiblesse de cette preuve :
- quatre des marques n’utilisent pas le mot « Wonder », mais bien les mots « Wunderbar », « Wonderland » ou « Wonderday »;
- une des marques est enregistrée en liaison avec des essuie-tout et des serviettes en papier;
- cinq des marques sont enregistrées en vue de l’emploi en liaison avec des compléments alimentaires plutôt qu’avec des produits alimentaires;
- sur les six marques dans lesquelles se retrouve le mot WONDER et qui sont enregistrées en liaison avec des produits alimentaires :
o quatre sont des dessins-marques qui incorporent l’expression « Wonder Berry/Mors » à titre de composante d’un dessin complexe destiné à l’emploi avec des breuvages;
o les deux autres sont les mots servant de marque WONDER ROSE, en liaison avec du riz, et NATURE’S WONDER, en liaison avec des breuvages.
L’Opposante a aussi fait valoir que huit des marques mentionnées plus haut ont depuis été radiées et qu’une décision est attendue pour les quatre autres dans le cadre d’instances sur leur non-usage. Comme ces renseignements n’ont pas été présentés à titre d’éléments de preuve de l’Opposante, je ne peux toutefois pas en tenir compte.
M. King cherche aussi à présenter une preuve relative à l’emploi sur le marché des marques WONDER ROSE, WONDER BERRY, NATURE’S WONDER, HERBAL WONDER et HERBAL WONDER VIT-K. Je suis d’accord avec l’Opposante que la preuve de la Requérante est insuffisante pour établir l’emploi sur le marché canadien de l’une ou l’autre de ces marques. Même si la Requérante avait fait la preuve de l’emploi de ces marques au Canada conformément au paragraphe 4(1), la pertinence de cette preuve aurait été limitée puisqu’une seule de ces marques est liée à un produit alimentaire.
La Requérante a aussi produit la preuve de son enregistrement aux États-Unis de la marque de commerce WONDER en liaison avec des fruits et légumes, ainsi que des enregistrements accordés à Interstate pour 7 marques de commerce WONDER et pour une marque de commerce 1 WONDER KID en liaison avec des produits de boulangerie similaires à ceux de l’Opposante. M. King soutient que l’emploi de la marque de commerce WONDER FRUIT pour désigner des fruits et légumes aux États-Unis existe depuis au moins le 11 juillet 2003 et qu’à sa connaissance, il n’y a jamais eu de confusion entre la marque WONDER FRUIT et les produits de boulangerie vendus sous les diverses marques de commerce WONDER qui sont la propriété d’Interstate, aux États-Unis.
L’emploi concurrent de deux marques qui coexistent aux États-Unis a permis de réduire l’importance du critère de la confusion dans certains cas (voir, par exemple, Weetabix of Canada Limited c. Kellogg Canada Inc. (2002), 20 C.P.R. (4th) 17 (C.F. 1re inst.)). J’estime par contre qu’il ne s’agit pas en l’espèce d’un facteur déterminant puisque la Requérante n’a pas fourni quelque information que ce soit sur le montant des ventes de marchandises de l’une ou l’autre partie aux États-Unis pendant la période comprise entre 2003 et la date de l’affidavit de M. King. Il m’est donc impossible de déterminer si le volume des ventes de marchandises de chaque partie était suffisamment important pour faire en sorte que l’absence de véritable confusion soit effectivement une circonstance pertinente dans la présente instance.
Conclusion sur la probabilité de confusion
Compte tenu de ce qui précède, plus particulièrement le caractère distinctif qu’a acquis la marque de l’Opposante, la période de son usage sur le marché et la possibilité que les marchandises des parties transitent par les mêmes réseaux commerciaux, je conclus que la Requérante n’a pas fait la preuve, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de possibilité raisonnable de confusion entre les marques en cause. En conséquence, j’accueille les motifs d’opposition de l’Opposante qui invoque la non-enregistrabilité, l’absence de droit à l’enregistrement et l’absence de caractère distinctif.
Disposition
En vertu de la délégation de pouvoirs faite par le registraire des marques de commerce sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8).
FAIT à Gatineau, Québec, le 18 mars 2009.
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