Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 167

Date de la décision : 2015-09-23

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Les Espaces Memoria Inc.

Opposante

et

 

Star-Jet Jewellers Ltd.

Requérante

 

 

 



 

1,615,907 pour la marque de commerce MEMORIA loved remembered & Dessin

 

Demande

Introduction

[1]        Les Espaces Memoria Inc. (l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce MEMORIA loved remembered & Dessin qui est reproduite ci-dessous :

MEMORIA Loved Remembered with M in background, stylized crest betweenwords (la Marque)

[2]        La demande vise les produits suivants [Traduction] :

Bijoux, matériel imprimé, lithographié et gravé, nommément livres, brochures, dépliants, cartes postales, calendriers, images et affiches, papier pour mémos, papier pour la prise de notes (les Produits);

ainsi que les services suivants [Traduction] :

Vente en gros de bijoux à des bijoutiers, à des fabricants de bijoux, à des créateurs de bijoux, à des orfèvres et à d'autres points de vente au détail, vente au détail de bijoux, marketing de bijoux de tiers au moyen de publicités dans des magazines, de brochures et de vidéos promotionnelles (les Services).

[3]        La demande a été produite par Star-Set Jewellers Ltd. (la Requérante) le 27 février 2013 sur la base de l'emploi projeté au Canada.

[4]        Le 23 août 2013, l'Opposante a produit une déclaration d'opposition en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Les motifs d'opposition invoqués sont fondés sur les articles suivants : 30 (exigences), 12(1)d) (enregistrabilité), 16(3) (absence de droit à l’enregistrement), et 2 (caractère distinctif). À l'exception de ceux qui sont fondés sur l'article 30 de la Loi, tous les motifs d'opposition sont liés à la question de la probabilité de confusion avec les marques de commerce MEMORIA et COLLECTION MEMORIA de l'Opposante. Les motifs d'opposition sont présentés en détail à l'Annexe A de la présente décision.

[5]        Pour les raisons exposées ci-après, je repousse la demande.

Le dossier

[6]        La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 26 juin 2013. L’Opposante a produit sa déclaration d’opposition le 23 août 2013. Le 10 octobre 2013, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d’opposition invoqués par l'Opposante.

[7]        Comme preuve, l'Opposante a produit l'affidavit de Jocelyne Dallaire Légaré, lequel est daté du 10 février 2014, tandis que la Requérante a produit l'affidavit de David Frew, lequel est daté du 19 septembre 2014.

[8]        Seule l'Opposante a produit un plaidoyer écrit; les parties étaient toutes deux représentées à l'audience.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[9]        C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, ainsi qu'il est allégué dans la déclaration d'opposition. Cela signifie que s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre de la Requérante. L'Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à l'Opposante signifie qu'un motif d'opposition ne sera pris en considération que s'il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al 2002 CAF 291, 20 CPR (4th) 155; et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223].

Remarques préliminaires

[10]    Je tiens à souligner que j'ai examiné, aux fins de ma décision, l'ensemble de la preuve au dossier, mais que je ne ferai référence qu'aux éléments pertinents de cette preuve dans les motifs de ma décision.

[11]    Le présent dossier a été instruit conjointement avec le dossier de la demande no 1615908, lequel est identique au présent dossier, sauf en ce qui concerne la marque de commerce visée par la demande et le fait que la Requérante a choisi de ne pas produire de preuve. Étant donné que le contenu de ces dossiers est différent, j'ai décidé de rendre deux décisions distinctes.

[12]    L'un des principaux arguments avancés par la Requérante est qu'elle détient déjà l'enregistrement no LMC861,951 de la marque de commerce MEMORIA JEWELERY qui vise les mêmes produits et services que ceux spécifiés dans la présente de demande. La Requérante fait valoir que, puisque la partie nominale dominante de la Marque et de la marque de commerce MEMORIA JEWELERY est le mot MEMORIA et que les produits et services visés par le susdit enregistrement sont identiques aux Produits et aux Services, elle devrait obtenir l'enregistrement de la Marque.

[13]    Le registraire a indiqué à maintes reprises que le fait de détenir un enregistrement ne conférait pas automatiquement à un requérant le droit d'obtenir l'enregistrement d'une autre marque de commerce, même s'il existe une parenté étroite entre les marques de commerce [voir American Cyanamid Co c Stanley Pharmaceuticals Ltd (1996), 74 CPR (3d) 571 (COMC) et Ralston Purina Canada Inc c HJ Heinz Co of Canada (2000), 6 CPR (4th) 394 (COMC)].

[14]    Conséquemment, je dois analyser les motifs d'opposition fondés sur la probabilité de confusion avec les marques de commerce de l'Opposante au regard des critères qui sont énoncés à l'article 6(5) de la Loi et présentés en détail ci-après.

Motifs d'opposition rejetés sommairement

Motifs d'opposition fondés sur l'article 30

[15]    Dans sa déclaration d'opposition, l'Opposante invoque, comme motifs d'opposition, les articles 30e), h) et i) de la Loi. L'Opposante n'a fait aucune observation sur ces motifs d'opposition dans son plaidoyer écrit. Qui plus est, à l'audience, l'agent de l'Opposante m'a informé qu'il n'entendait pas faire de représentations relativement à ces motifs d'opposition.

[16]    Il n'y a au dossier aucun élément de preuve pour étayer ces motifs d'opposition.

[17]    Conséquemment, je rejette ces trois motifs d'opposition, parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

[18]    Par conséquent, les trois motifs d'opposition qui seront examinés ci-après sont ceux fondés sur les articles 12(1)d), 16(3) et 2 (caractère distinctif) de la Loi.

Enregistrabilité de la Marque aux termes de l'article 12(1)d) de la Loi

[19]    La date pertinente pour l'analyse de ce motif d'opposition est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413, p. 424 (CAF)].

[20]    Mme Dallaire Légaré est la présidente de l'Opposante depuis le 3 mai 2002. Elle a produit un certificat d'authenticité relativement à la marque de commerce MEMORIA (enregistrement no LMC647,454), qui est enregistrée en liaison avec les produits et services suivants :

Urnes, reliquaires, cercueils, signets, registres, cartes de remerciements, cadres pour photos et lampions (les Produits MEMORIA);

Services de salon funéraire; services funéraires prépayés; services de crémation; mausolée, terrains d’inhumation et columbariums; services d'arrangements funéraires, location de salle de réception, services d'hommages photos et vidéos, services de suivi de deuil, services d'assistance successorale, services de rapatriement, services d'art thérapie, services d'aide psychologique et juridique, vente de produits funéraires (les Services MEMORIA).

[21]    Mme Dallaire Légaré a également produit un certificat d'authenticité relativement à la marque de commerce COLLECTION MEMORIA (enregistrement no LMC786,566), qui est enregistrée en liaison avec les produits et services suivants :

Urnes cinéraires, reliquaires, croix, œuvres d’art originales, nommément sculptures, tableaux, photographies, œuvres sur papier, sérigraphies et lithographies; mobilier antique, nommément bureaux, chaises, tables, buffets, fauteuils, tabourets, canapés, sofas, divans, bancs, commodes, penderies, étagères, bibliothèques, secrétaires, coffres; livres, signets, registres, liseuses, cartes de remerciements et de condoléances, lampions, cadres (les Produits COLLECTION MEMORIA);

Centre de documentation pour consultation de livres, d’œuvres musicales, de films, résultats de travaux de recherche, compilation et archives d’extraits de textes sur la mort et le deuil; service de généalogie (les Services COLLECTION MEMORIA).

[22]    L'Opposante s'est donc acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de ce motif d'opposition.

[23]     Le test en matière de confusion est énoncé à l'article 6(2) de la Loi. Certaines des circonstances de l’espèce dont il convient de tenir compte aux fins de l’appréciation de la probabilité de confusion entre deux marques de commerce sont énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Ces facteurs ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d'eux n’est pas nécessairement le même [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 96 CPR (4th) 361 (CSC)].

[24]    Le test énoncé à l'article 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l'espèce, la question que soulève le paragraphe 6(2) est celle de savoir si un consommateur qui n'a qu'un souvenir imparfait des marques de commerce de l'Opposante, croirait, à la vue des Produits et Services de la Requérante offerts en liaison avec la Marque, que ces derniers proviennent de l'Opposante, ou sont parrainés ou approuvés par l'Opposante.

[25]    J'estime que la marque de commerce déposée MEMORIA de l'Opposante est celle qui est le plus susceptible de permettre à l'Opposante d'obtenir gain de cause. Par conséquent, je limiterai mon analyse des critères pertinents à cette seule marque. Il va sans dire que si cette marque de commerce ne permet pas à l'Opposante d'obtenir gain de cause, sa marque de commerce déposée COLLECTION MEMORIA ne le lui permettrait pas davantage.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[26]    Bien que MEMORIA soit un mot inventé, il est suggestif de « memorial » [monument commémoratif, funéraire] lorsqu'il est employé en liaison avec les Produits MEMORIA et les Services MEMORIA. La Marque, quant à elle, comprend un M stylisé et un élément graphique. Dans l'ensemble, je considère que la Marque possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus fort que celui de la marque de commerce MEMORIA de l'Opposante. Il ne s'agira pas, cependant, d'un facteur déterminant dans la présente décision.

[27]    Le caractère distinctif d'une marque de commerce peut être accru par l'emploi ou la promotion de la marque au Canada. La demande est fondée sur un emploi projeté. Un certain « emploi » de la Marque est cependant allégué par l'entremise de l'affidavit de M. David Frew. Je vais examiner cette preuve en fonction de la date pertinente qui s'applique à ce motif d'opposition. Quant à la preuve d'emploi de la marque de commerce déposée MEMORIA de l'Opposante, elle est présentée par la voie de l'affidavit de Mme Dallaire Légaré.

Preuve de l'emploi et de la promotion de la Marque

[28]    M. Frew est le fondateur de la Requérante; il en est également le président depuis 1981. Il allègue que la Requérante a lancé sa gamme de bijoux MEMORIA et commencé à prendre des commandes pour ces produits le 3 juin 2013 à l'occasion de l'Expo-congrès de l'Association des services funéraires de l'Ontario (OFSA) qui s'est tenu à London, en Ontario.

[29]    Il allègue que la Requérante emploie la marque de commerce MEMORIA JEWELERY et la Marque sur l'emballage de ses produits et dans des publicités pour ses bijoux depuis cette date. Comme pièce B, il a produit des exemples de ces publicités. Nous ne disposons cependant d'aucun renseignement sur leur distribution, nommément le nombre d'exemplaires qui ont été imprimés et mis en circulation pour chacun des exemples de publicité produits, où et quand ces publicités ont été distribuées, etc.

[30]    M. Frew allègue que les « produits Memoria » sont vendus dans divers types d'emballage, dont des boîtes et des sacs arborant la Marque. Comme pièce C, il a produit des images de boîtes et de sacs destinés à contenir les produits, de chiffons de nettoyage, d'entonnoirs et de cartes imprimées arborant la Marque. Bien que le terme « produits Memoria » soit employé tout au long de son affidavit, aucune définition de ce terme n'est donnée. Par conséquent, nous ne savons pas s'il désigne l'ensemble des produits ou seulement certains d'entre eux et, si tel est le cas, lesquels.

[31]    M. Frew allègue que les bijoux de la gamme Memoria sont le plus couramment vendus au moyen des commandes prises lors d'expositions commerciales s'adressant aux intervenants de l'industrie funéraire. Il affirme que les produits Memoria sont également vendus directement dans les magasins de détail de la Requérante ainsi qu'à des cliniques et des hôpitaux vétérinaires.

[32]    Enfin, comme pièce D, M. Frew a produit des factures faisant état de ventes de produits MEMORIA JEWELERY à des Canadiens en 2013 et 2014. Chacune des factures produites arbore, dans son coin supérieur gauche, l'inscription « Memoria Jewelry » et sous cette inscription une adresse commerciale. Une telle inscription n'équivaut pas à l'emploi d'une marque de commerce, mais à l'emploi d'un nom commercial [voir Boutiques Progolf Inc. c Canada (Registraire des Marques de Commerce (1989) CarswellNat 562, 27 CIPR 3]. Enfin, je souligne qu'il n'y a aucune mention de la Marque dans ces factures.

[33]    De cette preuve, je conclus qu'il n'y a aucune preuve de l'emploi de la Marque au Canada au sens de l'article 4(1) de la Loi, puisque je ne dispose d'aucune preuve du transfert de la propriété de l'un quelconque des Produits en liaison avec la Marque. Quant à la promotion de la Marque, il est impossible de déterminer l'ampleur de la promotion dont la Marque a fait l'objet, car M. Frew n'a fourni aucune donnée quantitative relativement au matériel promotionnel qu'il a produit.

Preuve de l'emploi des marques déposées de l'Opposante

[34]    Mme Dallaire Légaré affirme que l'Opposante est une entreprise familiale de quatrième génération, fondée par Alfred Dallaire, qui œuvre dans le secteur des services funéraires. L'Opposante est aujourd'hui présente dans la plupart des secteurs du Montréal métropolitain, ainsi qu'à Laval et à Repentigny, et compte une douzaine de succursales, de complexes et de mausolées.

[35]    Mme Dallaire Légaré affirme qu'en 2003, le prédécesseur en titre de l'Opposante, Alfred Dallaire Inc (ADI) a fait l'objet d'une restructuration interne qui s'est traduite par le transfert de la moitié de ses actifs à l'Opposante, laquelle a été constituée en société le 3 mai 2002 sous la dénomination numérique 9116-2644 Quebec Inc., mais est aujourd'hui connue sous le nom de l'Opposante. L'Opposante a adopté la marque de commerce MEMORIA peu de temps après.

[36]    Mme Dallaire Légaré allègue que les produits MEMORIA et les Services MEMORIA sont présentés sur le site Web de l'Opposante à l'adresse www.memoria.ca. Elle affirme que le site Web est en exploitation depuis décembre 2003.

[37]    Comme pièce JDL-2, Mme Dallaire Légaré a produit des extraits du site Web montrant les Produits MEMORIA qui sont vendus depuis 2003 au Canada, notamment des urnes cinéraires, des reliquaires, des cercueils, des signets, des registres, des cartes de remerciements, des cadres pour photos et des lampions. Elle a également produit, comme pièce JDL-3, des extraits du site Web décrivant les Services MEMORIA qui sont offerts au Canada depuis 2003 et qui comprennent des services de salon funéraire; des services funéraires prépayés; des services d'arrangements funéraires, la location de salles de réception, des mausolées, des columbariums, des services d'assistance successorale, des services de rapatriement et des services de thérapie.

[38]    J'estime utile, à cette étape, de reproduire ce qui figure sur ces extraits de pages Web; je me pencherai plus loin sur la question de savoir si cette représentation constitue un emploi de la marque de commerce MEMORIA :

Je signale également que, sauf indication contraire dans ma décision, sur la plupart des pièces produites, la marque de commerce MEMORIA est représentée dans un format identique à celui qui est reproduit ci-dessus.

[39]    Comme pièce JDL-5, Mme Dallaire Légaré a produit des extraits du site Web montrant des « keepsake jewelry » (des « bijoux reliquaires » en français) qui sont vendus en liaison avec la marque de commerce MEMORIA depuis au moins 2003 au Canada. La représentation de la marque de commerce qui figure sur chacune des pages produites est identique à celle reproduite ci-dessus. Comme pièce JDL-6, elle a produit une photographie prise en 2003 montrant différents bijoux reliquaires prenant la forme de colliers qui sont vendus au Canada depuis au moins 2003.

[40]     Mme Dallaire Légaré allègue que certains des colliers, qui font partie de la nouvelle gamme créée en 2013 qui est vendue en liaison avec la marque de commerce MEMORIA, sont également montrés sur le site Web; elle a d'ailleurs produit des extraits du site Web montrant ces colliers, comme pièce JDL-7. Cependant, la marque de commerce qui figure sous la photo du collier est MEMORIA HARRICANA. Je déterminerai plus loin si l'emploi de cette marque de commerce constitue un emploi de la marque de commerce MEMORIA. Je souligne que chacune des pages Web produites arbore la marque de commerce Alfred Dallaire | MEMORIA, telle qu'elle est reproduite ci-dessus.

[41]    Mme Dallaire Légaré affirme que, dans la pratique normale des affaires, la marque de commerce MEMORIA figure sur les Produits MEMORIA ou sur les sacs ou les pochettes dans lesquels ces produits sont vendus au Canada, et ce, depuis au moins 2003. Comme pièce JDL-8, elle a produit une série d'images montrant la marque de commerce MEMORIA sur certains des Produits MEMORIA, dont des cartes, des signets et des lampions. Là encore, la marque de commerce qui figure sur la plupart de ces images est Alfred Dallaire | MEMORIA. Toutefois, sur certaines de ces images, les mots Alfred Dallaire et MEMORIA sont séparés par une ligne horizontale plutôt que par une ligne verticale, comme c'est le cas dans la marque qui est reproduite ci-dessus.

[42]    En ce qui concerne l'emploi de la marque de commerce MEMORIA en liaison avec des bijoux reliquaires, Mme Dallaire Légaré affirme que la marque figure sur les coffrets, les sacs et les pochettes dans lesquels ces bijoux sont vendus et fait référence à cet égard aux images d'emballage qu'elle a produites comme pièce JDL-8, qui montrent que les emballages arborent tous la marque de commerce Alfred Dallaire | MEMORIA telle qu'elle est reproduite ci-dessus.

[43]    Comme pièce JDL-9, Mme Dallaire Légaré a produit un coffret dans lequel des colliers créés en collaboration avec un tiers, identifié comme Harricana, sont vendus en liaison avec la marque de commerce MEMORIA depuis au moins 2013. Or, la marque de commerce qui figure sur le coffret est MEMORIA HARRICANA.

[44]    À titre d'exemple d'emploi de la marque de commerce MEMORIA en liaison avec les Services MEMORIA depuis 2003, Mme Dallaire Légaré a produit, comme pièce JDL-10, un dépliant que l'Opposante distribue dans ses succursales, complexes et mausolées, ainsi que par l'intermédiaire de kiosques dans des centres commerciaux et lors d'événements spéciaux tenus à l'extérieur de ses succursales, complexes et mausolées ou de conférences données par des employés de l'Opposante.

[45]    Mme Dallaire Légaré allègue, en outre, que tous les produits et services de l'Opposante sont offerts en vente et vendus au Canada en liaison avec ses marques de commerce dans ses divers complexes et succursales de la région métropolitaine de Montréal, et par l'intermédiaire de son site Web, ainsi qu'il appert des divers extraits produits.

[46]    Mme Dallaire Légaré affirme que la marque de commerce MEMORIA est affichée sur la devanture des complexes et succursales où les Produits MEMORIA et les Services MEMORIA sont vendus depuis 2003 et elle a produit, comme pièce JDL-12, une image de la devanture de son siège social qui est situé sur la rue Laurier, à Montréal.

[47]    En ce qui a trait aux chiffres des ventes, Mme Dallaire Légaré affirme simplement que le chiffre d'affaires annuel issu de la vente de produits et de services en liaison avec les marques de commerce MEMORIA et COLLECTION MEMORIA s'élève à des millions de dollars. Toutefois, aucune répartition par année, par marque de commerce, par produit et par service n'est fournie. Comme pièce JDL-13, elle a produit des spécimens de factures remises à des clients canadiens entre 2010 et 2013 relativement à la vente de Produits MEMORIA et de Services MEMORIA. Les factures produites renvoient à certains des Produits MEMORIA et on peut voir qu'un numéro de référence est inscrit à côté de chacun des produits décrits; ces numéros de référence correspondent aux numéros de référence qui sont indiqués dans les pages Web qui sont décrites ci-dessus.

[48]    Elle a également produit, comme pièce JDL-14, des spécimens de factures émises entre 2004 et 2013 relativement à la vente de bijoux reliquaires en liaison avec la marque de commerce MEMORIA. La marque de commerce est apposée en surimpression sur chaque facture.

[49]    Mme Dallaire Légaré affirme en outre que l'Opposante investit annuellement entre 500 000 $ et 700 000 $ en moyenne pour faire la publicité et la promotion au Canada de la marque de commerce MEMORIA sous la forme d'annonces dans des publications imprimées (journaux et magazines), à la radio et à la télévision. Elle a produit, comme pièce JDL-15, une publicité pour des services funéraires qui a été publiée le 5 décembre 2012 dans le journal La Presse et, comme pièce JDL-16, un échantillonnage de publicités imprimées montrant la marque de commerce MEMORIA qui ont été publiées en 2009 et en 2012 dans des journaux italiens locaux distribués au sein de la communauté italienne. Aucune traduction française ou anglaise de ces publicités n'a cependant été fournie. Qui plus est, nous ne disposons d'aucune information quant à l'ampleur de la distribution de ces journaux italiens locaux.

[50]    Lorsqu'elle a lancé sa gamme de colliers MEMORIA, l'Opposante a distribué des dépliants; la pièce JDL-17 est un spécimen de ce dépliant. Aucune information n'est fournie en ce qui concerne le tirage de ce dépliant. Je souligne en outre que les marques de commerce qui figurent dans ce dépliant sont : Alfred Dallaire | MEMORIA, Alfred Dallaire MEMORIA, et MEMORIA HARRICANA.

[51]    Mme Dallaire Légaré explique que l'Opposante fait la promotion d'événements culturels et artistiques et, comme pièce JDL-18, elle a produit un échantillonnage de livres, de films, d'enregistrements musicaux et d'événements culturels auxquels la marque de commerce MEMORIA est associée. Or, diverses variantes de la marque de commerce Alfred Dallaire MEMORIA figurent dans la documentation produite.

[52]    Depuis 2003, l'Opposante fait également la promotion de sa marque de commerce MEMORIA par la distribution d'articles promotionnels tels des calendriers, des blocs-notes, des signets promotionnels, des cartes de souhaits et des parapluies; comme pièce JDL-19, Mme Dallaire Légaré a produit des images de ces articles promotionnels. Aucune information n'est fournie en ce qui concerne l'ampleur de la distribution dont ces articles promotionnels ont fait l'objet et la période pendant laquelle ces articles ont été distribués. Enfin, la marque de commerce que l'on peut voir sur la plupart de ces images est Alfred Dallaire | MEMORIA, telle qu'elle est reproduite plus haut.

[53]     Mme Dallaire Légaré a également produit un extrait d'un article paru dans le journal La Presse du 10 novembre 2007 concernant un prix décerné à l'Opposante pour la décoration intérieure de l'un de ses établissements de Montréal. Là encore, la marque de commerce ou le nom commercial mentionné est Alfred Dallaire MEMORIA. Enfin, comme pièce JDL-21, elle a produit des extraits d'articles portant sur les colliers MEMORIA parus en 2013 dans les journaux La Presse et Journal de Montréal. Or, la marque de commerce qui est mentionnée dans ces articles est HARRICANA X MÉMORIA.

[54]    Ainsi qu'il appert du résumé détaillé de la preuve de l'Opposante présenté ci-dessus, la marque de commerce MEMORIA est très peu employée seule. Je dois déterminer si l'emploi des différentes variantes de Alfred Dallaire MEMORIA, qui sont décrites ci-dessus, peut être considéré comme une preuve de l'emploi de la marque de commerce MEMORIA. La réponse à cette question aura une incidence directe sur l'ampleur du caractère distinctif acquis de la marque de commerce MEMORIA.

L'emploi de Alfred Dallaire MEMORIA constitue-t-il un emploi de MEMORIA?

[55]    À l'audience, la Requérante a fait valoir que les marques de commerce Alfred Dallaire | MEMORIA et MEMORIA HARRICANA, ou toute autre variante de ces marques, étaient des marques mixtes. Ainsi, toute notoriété acquise par l'emploi de ces marques échoit à Alfred Dallaire | MEMORIA et MEMORIA HARRICANA, et non à la marque MEMORIA en soi.

[56]    L'Opposante a, pour sa part, fait valoir que Alfred Dallaire | MEMORIA est constitué de deux marques de commerce distinctes, à savoir Alfred Dallaire et MEMORIA. Au soutien de son argument, l'Opposante a insisté sur le fait que les marques sont écrites dans une police de caractères différente et sur le fait que les marques de commerce sont séparées par une ligne verticale (ou, dans certains cas, une ligne horizontale) qui donne au consommateur la nette impression qu'il s'agit de deux marques de commerce distinctes.

[57]    Il a été mentionné à maintes reprises qu'il est possible d'employer simultanément deux ou plusieurs marques de commerce [voir AW Allen Ltd c Warner-Lambert Canada Inc (1985) 6 CPR (3d) 270 (CF 1re inst) et Mantha & Associates c Old Time Stove Co Inc (1990), 30 CPR (3d) 574 (COMC)]. L'Opposante se fonde également sur le premier principe énoncé dans Nightingale Interloc Ltd c Prodesign Ltd (1984), 2 CPR (3d) 535 (COMC), affaire dans laquelle le registraire s'est exprimé en ces termes [Traduction] :

L'emploi d'une marque de commerce en conjugaison avec des éléments supplémentaires constitue un emploi de la marque en tant que telle si, sous le coup de la première impression, le public y voit un emploi de la marque de commerce en soi. Il s’agit d’une question de fait qui dépend de facteurs tels que la question de savoir si la marque de commerce se démarque des éléments supplémentaires, par exemple par l’emploi d’une police ou d’une taille de caractères différentes (voir p. ex. Standard Coil Products (Can.) Ltd. c. Standard Radio Corp. (1971), 1 C.P.R. (2d) 155, p. 163, [1971] C.F. 106 (CF 1re inst.) et la question de savoir si les éléments supplémentaires seraient perçus par le public comme étant clairement descriptifs ou comme constituant une marque de commerce ou un nom commercial distincts : voir p. ex. Carling O'Keefe Ltd. c. Molson Cos. (1982), 70 C.P.R. (2d) 279 (C.O.M.C.), pp. 280-281, appliquant Bulova Accutron Trade Mark (1968), [1969] R.P.C. 102 (Ch. D.), pp. 109-110.

[58]    Je conviens avec l'Opposante que l'emploi de Alfred Dallaire | MEMORIA dans le format qui est reproduit plus haut ou avec une ligne horizontale séparant Alfred Dallaire et MEMORIA, combiné au fait que deux polices de caractères différentes sont utilisées, indique clairement aux consommateurs qu'il s'agit de deux marques de commerce distinctes.

[59]    Dans le cas des marques de commerce MEMORIA HARRICANA et HARRICANA X MÉMORIA cependant, il n'y a pas de ligne verticale ou horizontale qui sépare les mots MEMORIA et HARRICANA, lesquels sont, de surcroît, écrits dans la même police de caractères. Je conclus que l'emploi de MEMORIA HARRICANA ou de HARRICANA X MÉMORIA ne constitue pas un emploi de la marque de commerce MEMORIA de l'Opposante.

[60]    Étant donné ces conclusions, je conclus également que la marque de commerce MEMORIA est connue dans une certaine mesure dans la région de Montréal. Quant à la Marque, on ne peut pas considérer qu'elle est connue dans une mesure significative compte tenu des défauts susmentionnés que comporte la preuve de la Requérante.

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[61]    Compte tenu de la preuve décrite ci-dessus, j'estime que ce facteur favorise l'Opposante pour ce qui est de sa marque de commerce déposée MEMORIA.

Le genre des produits et des services, et leurs voies de commercialisation

[62]    Une part importante des arguments présentés par les parties se rapporte à ces facteurs.

[63]    Pour disposer du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d), je dois comparer les produits spécifiés dans la demande avec les produits et services visés par les enregistrements de l'Opposante [voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3, pp. 10-11 (CAF); Henkel Kommadnitgellschaft c Super Dragon (1986), 12 CPR (3d) 110, p. 112 (CAF); Miss Universe Inc c Dale Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381, pp. 390-392 (CAF)]. Cet examen des états déclaratifs doit cependant être effectué dans l'optique de déterminer le genre probable d'entreprise ou de commerce envisagé par les parties, et non l'ensemble des commerces que le libellé est susceptible d'englober. Une preuve de la nature véritable des commerces exercés par les parties est utile à cet égard [voir McDonald's Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optical Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

[64]    La Requérante fait valoir que :

       elle est la propriétaire de l'enregistrement no LMC861,951 de la marque de commerce MEMORIA JEWELERY qui vise les mêmes produits et services que ceux spécifiés dans la présente de demande.

       l'enregistrement no LMC647,454 de la marque de commerce MEMORIA de l'Opposante a été modifié en août 2010 dans le but d'ajouter certains produits, mais pas des bijoux, à la liste des produits visés par cet enregistrement, laquelle comprend les reliquaires. Conséquemment, la Requérante soutient qu'il y a une différence entre bijoux et reliquaires.

[65]    J'ai déjà disposé de l'argument concernant le fait que la Requérante est propriétaire de l'enregistrement d'une marque de commerce similaire destinée à un emploi en liaison avec les mêmes produits et services. J'examinerai maintenant le genre des Produits en comparaison du genre des produits et services visés par l'enregistrement de l'Opposante.

[66]    La Requérante fait valoir que les reliquaires et les bijoux sont deux choses différentes. En fait, elle soutient, ainsi qu'il appert des extraits du site Web de l'Opposante que Mme Dallaire Légaré a produit comme pièce JDL-2, qu'il y a un intitulé « Bijoux et reliquaires » dans le menu déroulant de la rubrique « Produits » du site Web et que cet intitulé suggère qu'il s'agit de deux produits distincts. Différentes catégories de produits sont énumérées dans le menu déroulant. Le fait que ces deux produits soient regroupés sous un même intitulé peut signifier qu'ils appartiennent à la même catégorie de produits.

[67]     J'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter des dictionnaires anglais ou français. Dans le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., le mot « reliquary » [reliquaire] est défini comme « a receptacle for relics » [un réceptacle pour reliques]. Un réceptacle peut prendre différentes formes.

[68]    L'Opposante fait valoir que la preuve de la Requérante démontre que cette dernière offre en vente des colliers pourvus d'un réceptacle pouvant contenir un souvenir d'un être cher. La pièce 2 de l'affidavit de M. Frew contient une illustration montrant divers modèles de colliers et comportant la mention suivante : « A lock of hair, grains of sand, beloved ashes, all held within our unique remembrance lockets » [Une mèche de cheveux, des grains de sable, des cendres d'un être cher, bien à l'abri dans nos médaillons-souvenirs uniques]. De plus, dans la partie « description » de certaines des factures que M. Frew a jointes à son affidavit comme pièce D, on retrouve la mention « Cylinder Pendant Urn » [urne cylindrique portée en pendentif].

[69]    Mme Dallaire Légaré a produit, comme pièce JDL-6, des images de bijoux reliquaires, prenant la forme de pendentifs, qui sont vendus en liaison avec la marque de commerce MEMORIA depuis 2003. Elle a également produit, comme éléments de la pièce JDL-8, différents types de sacs et de pochettes arborant la marque de commerce Alfred Dallaire | MEMORIA dans lesquels les Produits MEMORIA, y compris les bijoux reliquaires, sont vendus.

[70]     Il est clair que les bijoux de la Requérante qu'on peut voir sur les illustrations jointes à l'affidavit de M. Frew sont conçus pour contenir, entre autres choses, des cendres cinéraires. Les bijoux reliquaires [keepsake jewellery] sont en réalité des reliquaires. Par conséquent, il y a recoupement entre les bijoux de la Requérante et les reliquaires de l'Opposante.

[71]    En ce qui a trait aux autres Produits, il y a recoupement entre le matériel imprimé, lithographié et gravé et les signets, registres et cartes de remerciements de l'Opposante.

[72]    En ce qui concerne les entreprises respectives des parties, la Requérante soutient qu'il est clair que l'Opposante œuvre dans le secteur des services funéraires, alors que la Requérante se spécialise dans la vente de bijoux. Ce facteur devrait, par conséquent, favoriser la Requérante.

[73]    Il appert de la preuve décrite précédemment que l'Opposante, par l'intermédiaire de ses salons funéraires et de son site Web, vend, en liaison avec la marque de commerce MEMORIA, des colliers et des pendentifs qui peuvent contenir des cendres d'un être cher. D'autre part, M. Frew affirme au paragraphe 3 de son affidavit que sa gamme de bijoux MEMORIA a été offerte en vente à l'Expo-congrès de l'Association des services funéraires de l'Ontario, le 3 juin 2013. La Requérante offre donc sa gamme de bijoux MEMORIA à des salons funéraires qui, à leur tour, vendent ces bijoux à des consommateurs qui visitent leurs établissements. Il appert donc que les parties ciblent les mêmes consommateurs et vendent leurs produits par les mêmes voies de commercialisation.

[74]    Quant aux Services, ils se rapportent à la vente de bijoux. Étant donné qu'il y a recoupement entre les bijoux de la Requérante et les reliquaires de l'Opposante, que la vente de produits funéraires fait partie des Services MEMORIA, lesquels incluent la vente de reliquaires, il y a également recoupement entre les services des parties.

[75]    Compte tenu de ce qui précède, j'estime qu'il y a recoupement entre les entreprises des parties, ainsi qu'entre leurs voies de commercialisation.

[76]    Je tiens à souligner que j'ai accordé peu de valeur probante au contenu de la pièce JDL-22 jointe à l'affidavit de Mme Dallaire Légaré. L'Opposante s'est appuyée sur cette pièce pour donner plus de poids à son argumentation concernant la similarité de genre des produits et services des parties. Il s'agit d'un extrait d'un site Web de tiers, un magazine intitulé Funeral (Business Advisor), consistant en une annonce présumée des bijoux de la Requérante en liaison avec la Marque. L'Opposante s'appuie également sur le contenu de cette pièce pour plaider la confusion au sein du marché, car c'est l'adresse du site Web de l'Opposante qui figure au bas de l'annonce plutôt que celle du site Web de la Requérante.

[77]    Il a été statué qu'en règle générale, les résultats de recherches dans des sites Web de tiers constituent une preuve de l'existence de ces sites Web, mais ne font pas foi de leur contenu [voir Envirodrive Inc c 836442 Canada Inc 2005 ABQB 446].

Le degré de ressemblance

[78]           Comme l'a indiqué la Cour suprême du Canada dans Masterpiece, dans la majorité des cas, le degré de ressemblance entre les marques en cause est le facteur le plus important.

[79]    La Requérante soutient qu'il ne peut y avoir confusion entre les marques des parties puisque la Marque de la Requérante comprend un grand M stylisé, un dessin d'écusson et les mots « loved remembered », des éléments qui sont tous absents de la marque de commerce MEMORIA de l'Opposante.

[80]    L'Opposante soutient que les marques des parties ont un dénominateur commun, à savoir le mot « memoria ». Il s'agit de la partie dominante et distinctive de chacune des marques. Les éléments supplémentaires que mentionne la Requérante sont écrits en caractères beaucoup plus petits et en gris (ou dans une couleur pâle). Les marques suggèrent toutes la même idée, c'est-à-dire « conserver quelque chose d'un être cher ».

[81]    Le test en matière de confusion a été établi dans les termes suivant par le juge Binnie dans Veuve Clicquot, précité, au paragraphe 20 :

[Traduction]
Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l'esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque] alors qu'il n'a qu'un vague souvenir des marques de commerce [précédentes] et qu'il ne s'arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[82]    La Requérante a tenté d'établir une distinction entre les marques en cause en insistant sur les différences décrites ci-dessus. Quelles que soient les différences entre les marques des parties, c'est la première impression que produit la Marque qui doit être prise en compte, et non une analyse détaillée de chacun des éléments de la Marque. Je suis fermement convaincu que la partie dominante de la Marque est le mot « memoria ». Il s'agit également de la première partie de la Marque.

[83]    Compte tenu du genre des produits et services respectifs des parties, le fait que cette caractéristique dominante soit commune aux marques de commerce des parties m'amène à conclure que l'idée suggérée par les marques des parties est la même, à savoir « à la mémoire de ». Conséquemment, les marques des parties se ressemblent aussi bien dans la présentation - du fait de la présence du premier mot dominant « memoria - que dans le son et dans les idées qu'elles suggèrent.

[84]    Ce facteur favorise également l'Opposante.

Autres circonstances de l'espèce

Cas de confusion

[85]     Comme je l'ai indiqué précédemment, l'Opposante soutient qu'il y a eu un cas de confusion entre les marques en cause et s'appuie à cet égard sur la pièce JDL-22. J'ai déjà statué que cette pièce constituait une preuve par ouï-dire inadmissible.

Enregistrement de la Requérante couvant une marque de commerce similaire

[86]    J'ai déjà formulé des observations quant à l'existence d'un enregistrement couvant une marque de commerce similaire à la Marque, et à l'effet d'un tel enregistrement. Il n'y a pas lieu que je considère ce fait comme une circonstance additionnelle de l'espèce.

Conclusion

[87]    Je conclus de mon analyse des critères pertinents que la Requérante ne s'est pas acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne risque pas de créer de la confusion avec la marque de commerce MEMORIA de l'Opposante. Je fonde ma décision sur le fait que la marque de commerce de l'Opposante est connue dans une certaine mesure en liaison avec des bijoux reliquaires, des reliquaires et des services funéraires; qu'il y a recoupement entre les produits et services des parties ainsi qu'entre leurs voies de commercialisation; et qu'il existe une ressemblance considérable entre les marques dans la présentation, dans le son et dans les idées qu'elles suggèrent. Quant aux différences entre la Marque et la marque de commerce MEMORIA de l'Opposante qui sont décrites au paragraphe 79 ci-dessus, je considère qu'elles ne sont pas suffisantes pour permettre à un consommateur qui n'a qu'une vague connaissance de la marque de commerce MEMORIA de l'Opposante de conclure, sous le coup de la première impression, que la Requérante est à l'origine des Produits et des Services.

[88]    Par conséquent, j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) de la Loi.

Absence de caractère distinctif de la Marque

[89]           Ce motif d’opposition doit être évalué en fonction de la date de production de la déclaration d’opposition (le 23 août 2013) [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317 (CF)].

[90]           Pour s'acquitter du fardeau initial qui lui incombait à l'égard de ce motif d'opposition, l'Opposante devait démontrer que sa marque de commerce MEMORIA était devenue suffisamment connue au Canada à la date du 23 août 2013 pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44, p. 58 (CF 1re inst)].

[91]           La preuve décrite dans le cadre de mon analyse du motif d'opposition fondé sur l'enregistrabilité est suffisante pour me permettre de conclure que la marque de commerce MEMORIA de l'Opposante était connue au Canada, ou à tout le moins dans la région métropolitaine de Montréal, à la date pertinente. Par conséquent, le fardeau de preuve se déplace sur la Requérante qui doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne risquait pas de créer de la confusion avec la susdite marque de commerce de l'Opposante et que, à la date pertinente, elle était, de ce fait, adaptée à distinguer ou distinguait véritablement partout au Canada les Produits et les Services des Produits MEMORIA et des Services MEMORIA de l'Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)].

[92]           La date pertinente antérieure qui s'applique à ce motif d'opposition n'aurait pas d'incidence substantielle sur mon analyse des critères pertinents aux fins de l'appréciation de la probabilité de confusion entre les marques en cause, excepté en ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques étaient devenues connues à la date pertinente et la période pendant laquelle elles avaient jusque-là été en usage. Dans le contexte de ce motif d'opposition, la Marque de la Requérante aurait, dans le meilleur des cas, été en usage du 3 juin 2013 au 23 août 2013. Une période aussi courte ne serait pas suffisante pour me permettre de conclure que la Marque était connue dans une certaine mesure au Canada à la date pertinente. Qui plus est, la période pendant laquelle les marques des parties ont été en usage favoriserait l'Opposante dans une mesure plus importante. Par conséquent, mon analyse des critères pertinents en vue de déterminer si la Marque risque de créer de la confusion avec la marque de commerce de l'Opposante aurait produit des résultats similaires, si ce n'est des résultats encore plus favorables à l'Opposante que ceux auxquels je suis parvenu au terme de mon examen du motif fondé sur l'enregistrabilité.

[93]           Cela étant, je conclus que la Requérante n'a pas démontré que la Marque était distinctive ou adaptée à distinguer les Produits et les Services des Produits MEMORIA et des Services MEMORIA de l'Opposante. Par conséquent, j'accueille ce motif d'opposition.

Autres motifs d’opposition

[94]    L'Opposante ayant obtenu gain de cause relativement à deux motifs d'opposition distincts, il n'est pas nécessaire que j'examine les autres motifs d'opposition.

Décision

[95]    Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

_____________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

Date de l’audience : 2015-08-13

 

Comparutions

 

M. Barry Gamache                                                                                        Pour l'Opposante

 

Mme Stephanie Roberts                                                                                Pour la Requérante

 

Agents au dossier

 

Robic                                                                                                                    Pour l'Opposante

 

Sim & McBurney                                                                                           Pour la Requérante


 

Annexe A

Les motifs d'opposition, dans leur version actuelle, peuvent être résumés comme suit :

 

1.              La demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30e) de la Loi sur les marques de commerce LRC 1985, ch T-13 (la Loi) en ce que la Requérante, à la date de production de la demande, employait déjà la Marque au Canada en liaison avec chacun des Produits ou chacun des Services;

2.              La demande n'est pas conforme aux exigences des articles 30e) et h) de la Loi en ce que la marque de commerce que la Requérante projette d'employer au Canada n'est pas la Marque, mais une autre marque, différente de celle mentionnée dans la demande;

3.              La demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30e) de la Loi en ce que la Requérante, à la date de production de la demande, n'avait nullement l'intention d'employer la Marque au Canada en liaison avec chacun des Produits ou des Services;

4.              La déclaration portant que la Requérante est convaincue d'avoir droit à l'emploi de la Marque au Canada est fausse compte tenu des motifs invoqués dans la présente opposition, notamment sa connaissance des droits de l’Opposante allégués aux présentes et l’illégalité d’un tel emploi, le cas échéant, car :

a.       un tel emploi violerait les droits de l'Opposante, ainsi qu'ils sont exposés en détail aux présentes, le tout au su de la Requérante;

b.      un tel emploi aurait pour effet d'entraîner une diminution de la valeur de l'achalandage attaché aux marques de commerce alléguées par l'Opposante, en contravention de l'article 22 de la Loi;

c.       un tel emploi appellerait l'attention du public sur les produits, les services ou l'entreprise de la Requérante et créerait ainsi de la confusion au Canada entre ces produits, ces services ou cette entreprise et les produits, les services ou l'entreprise de l'Opposante, en contravention de l'article 7b) de la Loi.

5.              La Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi, car la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de l'Opposante :

         MEMORIA, certificat d’enregistrement no LMC647,454 détenu par l'Opposante en liaison avec divers produits et services;

         COLLECTION MEMORIA, certificat d’enregistrement no LMC786,566 détenu par l'Opposante en liaison avec divers produits et services;

6.              La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque aux termes de l'article 16(3)a) de la Loi en ce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce susmentionnées qui avaient été antérieurement employées au Canada ou révélées au Canada par l'Opposante ou par ses prédécesseurs en titre en liaison avec les produits et les services visés par les enregistrements susmentionnés, ainsi qu'en liaison avec des bijoux tels que des bracelets et des colliers;

7.              La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque aux termes de l'article 16(3)c) de la Loi en ce que, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial MEMORIA antérieurement employé au Canada par l'Opposante et par ses prédécesseurs en titre et licenciés en liaison avec les produits et les services visés par les enregistrements susmentionnés, ainsi qu'en liaison avec des bijoux tels que des bracelets et des colliers;

8.              Suivant l'article 38(2)d) de la Loi, la Marque n'est pas distinctive des produits ou des services de la Requérante, car :

a.       la Marque ne distingue pas véritablement les produits ou les services en liaison avec lesquels la Requérante aurait employé la Marque ou aurait projeté de l'employer des produits ou services de tiers, y compris ceux de l'Opposante, et n'est pas adaptée à les distinguer ainsi;

b.      La Requérante a permis à des tiers d'employer la Marque au Canada et le fait est que ces derniers l'ont employée hors des limites des dispositions qui régissent l'emploi sous licence d'une marque de commerce, le tout en contravention des dispositions de l'article 50 de la Loi;

c.       À la suite du transfert de la Marque, il subsistait des droits, chez deux ou plusieurs personnes, à l'emploi de la Marque et ces droits ont été exercés concurremment par ces personnes, en contravention de l'article 48(2) de la Loi.

 

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