Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 12

Date de la décision : 2011-01-18

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de CMRG Apparel s.r.l. visant l’enregistrement no LMC382319 pour la marque de commerce CASUAL MAN & Dessin au nom de Grafton-Fraser Inc.

[1]               Le 13 novembre 2008, à la demande de CMRG Apparel s.r.l. (la partie requérante), le registraire a donné l’avis prévu à l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce à Grafton‑Fraser Inc. (l’inscrivante), la propriétaire inscrite de la marque de commerce susmentionnée.

[2]               La marque de commerce CASUAL MAN & Dessin (la Marque), illustrée ci‑dessous, est déposée en liaison avec « chemises habillées pour hommes, chemises sport, chemises en tricot, tee‑shirts, pulls, chandails, cardigans, pantalons habillés, pantalons tout‑aller, jeans, shorts de ville, chemises sport, shorts sport, hauts d’entraînement, pantalons d’entraînement, vestes de printemps, vestes d’échauffement, coquilles légères, vestes en cuir, vestes d’hiver, vestes de ski, parkas, tenues de motoneige, tenues de jogging, pyjamas, robes de chambre, tenues de bain et bonneterie ».

 

[3]               Selon l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985,ch. T‑13, le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit, à l’égard de chacune des marchandises et des services que spécifie l’enregistrement, indiquer si la marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis, et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi commence le 13 novembre 2005 et se termine le 13 novembre 2008.

[4]               Il est bien établi que l’objet et la portée de l’article 45 de la Loi est de prévoir une procédure simple, sommaire et expéditive visant à débarrasser le registre du « bois mort »; c’est pourquoi la norme de preuve imposée au propriétaire inscrit est peu exigeante. Comme l’a affirmé le juge Russell dans la décision Performance Apparel Corp. c. Uvex Toko Canada Ltd.  (2004), 31 C.P.R. (4th) 270 (C.F), à la page 282 :

[…] Nous savons que l’objet de l’article 45 est de débarrasser le registre du « bois mort ». Nous savons que la simple affirmation par le propriétaire de l’emploi de sa marque de commerce ne suffit pas et que le propriétaire doit « indiquer » quand et où la marque a été employée. Il nous faut des éléments de preuve suffisants pour être en mesure de nous former une opinion en vertu de l’article 45 et d’appliquer cette disposition. Également, nous devons maintenir le sens des proportions et éviter la preuve surabondante. Nous savons également que le genre de preuve exigée varie d’une affaire à l’autre, en fonction d’une gamme de facteurs tels que la nature du commerce et les pratiques commerciales du propriétaire de la marque de commerce.

[5]               Bien que le critère relatif à la preuve d’emploi dans le cadre de la procédure prévue à l’article 45 soit peu exigeant [Woods Canada Ltd. c. Lang Michener (1996), 71 C.P.R. (3d) 477 (C.F. 1re inst.), à la page 480], et qu’une surabondance de preuve ne soit pas requise, il faut toujours fournir suffisamment de faits pour que le registraire puisse conclure que la marque de commerce a été employée au cours de la période pertinente en liaison avec les marchandises ou les services que spécifie l’enregistrement.

[6]               L’emploi en liaison avec les marchandises est défini au paragraphe 4(1) de la Loi sur les marques de commerce :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

[7]               En réponse à l’avis du registraire, l’inscrivante a fourni l’affidavit de Norman Cooper. Les deux parties ont produit des observations écrites et étaient représentées à l’audience. 

[8]               M. Cooper affirme être le président de l’Inscrivante; il travaille pour celle‑ci depuis novembre 1985 et il exerce ses fonctions actuelles depuis juillet 2006. M. Cooper a occupé divers postes auprès de l’inscrivante; il a notamment été gérant de magasin, acheteur, vice‑président et directeur du service de marchandises de divers réseaux de magasins de détail (tels Mr. Big & Tall, Tip top Tailors, Grafton & Co.), appartenant tous à l’inscrivante. Je suis disposée à inférer de l’historique des acquisitions fourni que ces sociétés appartiennent à l’inscrivante. M. Cooper a accès à tous les livres comptables de sa société qu’il a consultés aux fins de son affidavit.

[9]               Le souscripteur d’affidavit affirme que l’inscrivante [traduction] « vend des vêtements » portant la Marque « par l’intermédiaire » de ses magasins de vêtements pour hommes Mr. Big & Tall; une liste de magasins Mr. Big & Tall à travers le Canada est jointe à son affidavit à titre de pièce B. M. Cooper affirme également que sa société « appose des étiquettes » portant la Marque sur les produits énumérés dans l’enregistrement. À l’appui de son assertion, il joint à son affidavit des photographies illustrant divers tee-shirts, un gros plan d’un tee‑shirt et une chemise sport, à titre de pièces C-1, C‑2 et C-3 respectivement; des étiquettes de col portant la Marque sont fixées sur ces marchandises.

[10]           La partie requérante soutient que le souscripteur d’affidavit affirme simplement que sa société (l’inscrivante) vend les marchandises « par l’intermédiaire » de ses magasins Big & Tall, sans préciser qui fabrique les marchandises ou quelles sont les relations d’affaires entre l’inscrivante et les magasins de détail Mr. Big & Tall. L’inscrivante a répondu qu’il était évident que c’était elle‑même qui apposait la marque de commerce sur les marchandises puisque les magasins Mr. Big & Tall constituent simplement des points de vente au détail de ses marchandises. Je conviens avec l’inscrivante qu’en l’espèce il n’est pas exigé de fournir une preuve de l’existence d’un contrat de licence, aux termes de l’article 50 de la Loi.

[11]           Le souscripteur d’affidavit fournit également trois reçus de vente représentatifs pour divers tee-shirts portant la Marque, tous datés d’octobre 2008. M. Cooper présente une liste de codes de produit correspondant aux codes permettant d’identifier les tee-shirts dans les factures. La partie requérante s’est opposée à cette preuve au motif qu’il n’a pas été clairement énoncé que ces articles étaient vendus au Canada. Toutefois, en tenant compte de la liste de magasins au Canada, fournie à titre de pièce B, de l’historique de Mr. Big & Tall, à titre d’entreprise canadienne (lancée dans l’Ouest du Canada vers 1977), je suis disposée à inférer, à la lecture de l’affidavit dans son ensemble, que les ventes dont fait état l’affidavit ont été effectuées dans des magasins au Canada.

[12]           La partie requérante a accordé beaucoup d’importance au fait que l’affidavit est rédigé au présent, notamment les paragraphes décrivant la manière d’apposer la Marque sur les marchandises, et que dans ces paragraphes il n’est pas précisé que ces pratiques étaient en place pendant la période pertinente. Je souligne que M. Cooper affirme toutefois, de manière générale, que l’inscrivante emploie la Marque en liaison avec divers vêtements pour hommes au moins depuis février 1991 et qu’elle continue toujours d’employer la Marque au Canada. De plus, l’affidavit, dans son ensemble, vu la preuve des ventes de tee‑shirts (portant la Marque) pendant la période pertinente, montre que les énoncés doivent être considérés comme englobant les activités antérieures. En me fondant sur l’affidavit, dans son ensemble, je conclus qu’il existe une preuve des ventes, pendant la période pertinente, de tee-shirts portant la Marque, comme il est illustré aux pièces C-1, C-2, et C-3.

[13]           En ce qui concerne la nature des marchandises à l’égard desquelles l’emploi a été établi, je constate que M. Cooper désigne les marchandises dans son affidavit comme étant des « vêtements pour hommes » ou des « tee-shirts ». Je constate qu’il fait également référence à une chemise polo sport qui est montrée à la pièce C‑3 portant la Marque. Il n’existe aucun énoncé clair selon lequel la Marque a été employée à l’égard de chacune des marchandises que spécifie l’enregistrement. Mis à part la référence précise aux tee-shirts et aux chemises sport, les marchandises sont désignées simplement comme étant des [traduction] « vêtements » ou « divers vêtements pour hommes ». Je conviens avec la partie requérante qu’il aurait été fort simple d’affirmer que la Marque avait été apposée sur chacune des marchandises que spécifie l’enregistrement et que les marchandises avaient été vendues de cette façon.

[14]           M. Cooper fournit des exemples de publicité interne et sur Internet et dit que le catalogue de Noël 2008 a été directement envoyé à 44 746 foyers canadiens dans toutes les provinces. Une copie du catalogue est jointe à l’affidavit, à titre de pièce E. Je constate que le catalogue ne contient aucune illustration des marchandises portant la Marque, même si la Marque apparaît sur la dernière page parmi les marques vendues par les magasins Mr. Big & Tall. La partie requérante s’est opposée à cette preuve et a dit qu’il n’était pas clair que ces catalogues ont effectivement été distribués pendant la période pertinente. L’inscrivante a répondu à cet égard que le catalogue en question contient un coupon dont l’échéance était le 30 novembre 2008, et a invité le registraire à conclure que ledit catalogue a ainsi dû être distribué au plus tard vers la mi‑novembre. Quoi qu’il en soit, ce catalogue n’est pas pertinent, parce que rien n’indique qu’il était utilisé pour commander les marchandises. Un principe élémentaire de droit veut que la preuve de l’annonce des marchandises ne constitue pas une preuve d’emploi au sens du paragraphe 4(1) de la Loi. Dans le même ordre d’idées, en l’absence d’une preuve relative aux ventes de marchandises sur le site Web, la publicité sur Internet n’est pas pertinente à la question de l’emploi au sens du paragraphe 4(1). De plus, en ce qui concerne le site Web, je souligne qu’il a été créé tout de suite après la date pertinente.

[15]           Le souscripteur d’affidavit fournit également une photographie d’une enseigne portant la Marque et qui est accrochée dans une section d’un magasin de détail (pièce D). Bien que la publicité interne sous forme de matériel de promotion sur le lieu de vente soit parfois considérée comme preuve de l’association d’une marque de commerce aux marchandises lors du transfert (en fonction de facteurs tels l’exposition tout à côté des marchandises), en l’espèce, la photographie est insuffisante. On ne fournit aucune indication sur l’affichage de l’enseigne pendant la période pertinente et aucun renseignement quant à savoir quels articles vestimentaires illustrés dans la photographie sont considérés comme faisant partie de cette section du magasin. Il n’est pas évident non plus quels sont les articles vestimentaires montrés dans la photographie (certains sont présentés sur des cintres, d’autres sur des étagères), et si la section en question comprend divers articles tels des parkas de ski, des maillots de bain ou des articles chaussants, par exemple. Malheureusement, lorsqu’il décrit les marchandises présentées dans cette section du magasin, le souscripteur d’affidavit ne fait mention que des « vêtements pour hommes ».  

[16]           Selon l’inscrivante, le matériel de promotion devrait être pris en compte puisqu’il étaye la preuve des ventes de vêtements pour hommes. Toutefois, la seule preuve vise les ventes de tee‑shirts et peut‑être de chemises sport. Il n’y a aucune preuve établissant les ventes d’autres marchandises, ni même une affirmation claire par le souscripteur d’affidavit que le matériel de promotion puisse étayer. Par conséquent, j’estime que le principe voulant que la simple annonce de la marque ou la distribution de matériels de promotion ne peuvent démontrer l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec les marchandises s’applique en l’espèce [Gowling & Henderson c. John Morton Ltd (1992) 47 C.P.R. (3d) 268, à la page 270].

[17]           La preuve ne permet pas de démontrer l’emploi à l’égard des marchandises à l’exception des tee‑shirts et des chemises sport. De plus, en l’absence de preuve relative à des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi, je conclus que l’emploi n’a pas été démontré au sens de l’article 45 à l’égard d’autres marchandises que les « tee‑shirts » et les « chemises de sport ».

[18]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera modifié afin de radier toutes les marchandises, à l’exception des marchandises suivantes : « chemises sport » et « tee‑shirts », en application du paragraphe 45(5) de la Loi.

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P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

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