Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

                                                                                          Référence : 2013 COMC 160

Date de la décision : 2013-09-30
TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Tequila Supremo S.A. de C.V. à l’encontre de la demande d’enregistrement n1470856 pour la marque de commerce CASARENA au nom de Bodegas Y Vinedos Filippo Figari S.A.

Dossier

[1]        Le 24 février 2010, Bodegas Y Vinedos Filippo Figari S.A. a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce CASARENA, fondée sur un emploi projeté au Canada, en liaison avec des « vins et vins mousseux ».

 

[2]        La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 20 octobre 2010 et Tequila Supremo S.A. de C.V. s’y est opposé le 20 décembre 2010. Le Registraire a fait parvenir un exemplaire de la déclaration d’opposition à la Requérante le 13 janvier 2011, comme l’exige le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13. La Requérante a répondu en produisant et signifiant une contre-déclaration dans laquelle elle nie généralement les allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

 

[3]        La preuve de l’Opposante se compose de l’affidavit d’Ismael Abran Navarro Zermeno de même que des exemplaires certifiés d’enregistrements de marques de commerce nos 1455648 et 1455649 pour CAMARENA et FAMILIA CAMARENA, respectivement, visant les marchandises « tequila ». Je remarque que les demandes susmentionnées sont fondées sur un emploi projeté au Canada et ont été produites le 16 octobre 2009, c’est-à-dire avant la production de la demande pour CASARENA.

 

[4]        La preuve de la Requérante se compose de l’affidavit de Carlos J. MacCulloch. La preuve en réponse de l’Opposante consiste en l’affidavit de Cesar Omar Castellanos Veloz. Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit. Toutefois, seule l’Opposante était représentée lors de l’audience du 23 septembre 2013.

 

Déclaration d’opposition

[5]        Plusieurs motifs d’opposition sont soulevés, mais la principale question à trancher en l’espèce est celle de savoir si la marque visée par la demande CASARENA crée de la confusion avec la marque CAMARENA de l’Opposante. À cet égard, l’Opposante soutient que la Requérante n’a pas le droit d’enregistrer sa marque, en vertu de l’alinéa 16(3)(b) de la Loi sur les marques de commerce, compte tenu de la demande produite antérieurement par l’Opposante pour CAMARENA :

 

16(3) Tout requérant qui a produit une demande . . . en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce projetée . . . a droit . . . d’en obtenir l’enregistrement à l’égard des marchandises ou services spécifiés dans la demande, à moins que, à la date de production de la demande, elle n’ait créé de la confusion :

                                         . . . . .

(b) soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

                                  (je souligne)

 

En conséquence, la date pertinente pour déterminer s’il existe une probabilité de confusion entre les marques des parties est la date de production de la demande pour CASARENA, c’est-à-dire le 24 février 2010.

 

Preuve de l’Opposante

Ismael Abran Navarro Zermeno

[6]        M.  Zermeno se présente comme un gestionnaire de projet de l’Opposante au Mexique. L’Opposante est une entreprise de distillation de plusieurs tequilas différentes vendues dans plusieurs pays à travers le monde, y compris au Canada. L’Opposante vend ses tequilas sous diverses marques y compris, par exemple, MARACAME et ANTGUO ORIGEN. Aux États-Unis, chaque bouteille de tequila de l’Opposante qui est vendue porte la marque de même que l’une ou plusieurs des « marques maison » CAMARENA et FAMILIA CAMARENA de l’Opposante, comme l’indique la pièce 1 de l’affidavit de M. Zereno. L’Opposante a vendu environ 3 millions de bouteilles de tequila (format de 750 ml) aux É.-U. en 2010 et les ventes estimatives de 2011 sont de 6,6 millions de bouteilles.

 

[7]        En date de l’affidavit de M. Zereno, c’est-à-dire le 19 décembre 2011, l’Opposante a vendu de la tequila au Canada sous sa marque, mais non sous ses marques maison. L’Opposante a l’intention de commencer à employer ses marques maison au Canada en 2012.

 

[8]        La preuve de M. Zereno n’est guère utile à la cause de l’Opposante, toutefois, elle fournit un contexte pour son objection à la marque visée par la demande CASARENA.

 

Preuve de la Requérante

Carlos J. MacCulloch

[9]        M. MacCulloch se présente comme un avocat de la Requérante en Argentine. Son affidavit vise à présenter en preuve des exemplaires des enregistrements de la marque de commerce CASARENA de la Requérante en Colombie, au Japon, au Mexique et dans la Communauté européenne.

 

[10]      La preuve de M. MacCulloch n’est pas utile à la cause de la Requérante au Canada.

 

Preuve en réponse de l’Opposante

Cesar Omar Castellanos Veloz

[11]      M. Veloz se présente comme l’avocat général de l’Opposante au Mexique. Son affidavit vise à présenter les pièces suivantes en preuve :

 

  Pièce 1

[12]      Un exemplaire de l’enregistrement no 1038206 au Mexique pour la marque de commerce CAMARENA, couvrant les marchandises « boissons alcoolisées », inscrit au nom d’Elena Herrera Orendain.

 

   Pièce 2

[13]      Un exemplaire d’un certificat, du 9 décembre 2009, confirmant l’octroi de l’enregistrement mexicain no 1038206 susmentionné à l’Opposante.

 

  Pièce 3

[14]      Un exemplaire de l’enregistrement no 1143292 pour la marque de commerce FAMILIA CAMARENA de l’Opposante au Mexique, couvrant les marchandises « boissons alcoolisées ».

 

  Pièce  4

[15]      Un exemplaire d’une résolution finale du 26 juillet 2011émise par l’Office des brevets et des marques de commerce du Mexique. La cour a déclaré que l’enregistrement no 1148103 pour la marque de commerce CASARENA de la Requérante, couvrant des vins mousseux et des vins, était invalide parce qu’il « crée de la confusion » avec la marque CAMARENA de l’Opposante.

 

[16]      La preuve de M. Veloz n’est pas utile à la cause de l’Opposante au Canada.

 

Principale question

[17]      Comme susmentionné, la principale question à trancher en l’espèce est celle de savoir si la marque visée par la demande CASARENA crée de la confusion avec la marque CAMARENA de l’Opposante. La Requérante a le fardeau ultime de démontrer qu’il n’y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion, au sens du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, reproduit ci-dessous, entre la marque visée par la demande et la marque de l’Opposante :

 

L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[18]      Ainsi, le paragraphe 6(2) ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur la probabilité que des biens ou des services provenant d’une source soient perçus comme provenant d’une autre source. En l’espèce, la question que soulève le paragraphe 6(2) est celle de savoir s’il y aurait un risque que les consommateurs canadiens de vin croient que les vins vendus sous la marque CASARENA ont été produits, autorisés ou licenciés par l’Opposante qui envisage de vendre de la tequila sous la marque CAMARENA.

 

    Test en matière de confusion

[19]      Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Pour déterminer s’il y a risque de confusion entre deux marques, il faut tenir compte de « toutes les circonstances de l’espèce », y compris celles expressément énoncées aux alinéas 6(5)(a) à 6(5)(e) de la Loi, à savoir le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques ont été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive, et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. En outre, ces facteurs n’ont pas nécessairement tous le même poids. L’importance qu’il convient d’accorder à chacun varie selon les circonstances : voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et Registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR (3d) 308 (CF 1re inst.). Toutefois, comme l’a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu au paragraphe 6(5).

 

   Examen des facteurs énumérés au paragraphe 6(5)

   Premier et deuxième facteurs

[20]      Les marques des parties possèdent des caractères distinctifs inhérents équivalents. Aucune partie n’a établi la réputation de sa marque au Canada à la date pertinente du 24 février 2010, c’est-à-dire que les marques en question n’avaient pas acquis de caractère distinctif au Canada à la date de production de la demande. Le premier facteur du paragraphe 6(5), qui concerne aussi bien le caractère distinctif inhérent que le caractère distinctif acquis, ne favorise donc aucune partie. De même, puisqu’aucune partie n’a démontré un emploi de sa marque au Canada avant la date pertinente, le deuxième facteur du paragraphe  6(5), c’est-à-dire, la période d’emploi de la marque, ne favorise aucune partie.

 

    Troisième et quatrième facteurs

[21]      En ce qui concerne le genre de marchandises et d’entreprises, les marchandises « bière, vin et spiritueux » sont des produits d’une seule industrie : voir Carling Breweries Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1972), 8 CPR (2d) 247 (CF 1re inst.).

 

[22]      Dans Molson Companies Ltd. c. Gustav Adolf Schmittsches Weingut (1991), 35 CPR (3d) 371, cette Commission a examiné la question de la confusion entre la marque GOLDEN EAGLE visée par la demande pour du vin et la marque GOLDEN de l’Opposante pour de la bière. Les commentaires de la Commission quant aux voies de commercialisation pour le vin et la bière sont tout aussi valides pour le vin et la tequila :

 

[traduction]

à la p. 375

En ce qui concerne le genre de marchandises et les voies de commercialisation respectives associées aux marchandises des parties, les boissons alcoolisées brassées et les vins sont tous deux des produits de l’industrie des alcools et pourraient très bien être vendus par les mêmes établissements ou points de vente au détail.

à la p. 376

. . . le consommateur moyen ne percevrait pas de différence appréciable entre les marchandises des parties et que les voies de commercialisation en lien avec ces marchandises pourraient en fait se chevaucher en ce sens où la bière et le vin pourraient être vendus à proximité l’un de l’autre dans le même point de vente au détail.

 

En conséquence, en l’espèce, les troisième et quatrième facteurs du paragraphe 6(5) favorisent l’Opposante.

 

   Cinquième facteur

[23]      Les marques CASARENA et CAMARENA des parties se ressemblent passablement dans la présentation et le son, mais pas dans les idées qu’elles suggèrent. La ressemblance dans la présentation et le son provient du fait que les marques des parties ne diffèrent que dans la deuxième syllabe. Toutefois, aucune marque ne suggère une idée en particulier et, par conséquent, il ne peut y avoir aucun chevauchement dans les idées suggérées par les marques. Dans l’ensemble, le dernier et plus important facteur favorise l’Opposante.

 

Décision

[24]      Compte tenu des facteurs énoncés au paragraphe 6(5), examinés ci-dessus, je conclus qu’à la date de production de la demande, et à toutes les dates pertinentes, la Requérante ne s’est pas acquittée du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la marque visée par la demande CASARENA et la marque CAMARENA de l’Opposante.

 

[25]      En conséquence, la demande est refusée. Cette décision a été prise en vertu des pouvoirs que me confère le paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

 

___________________

Myer Herzig

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay

 

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