Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 35

Date de la décision : 2015-02-26

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de 88766 Canada Inc., visant l’enregistrement nº LMC703,812 de la marque de commerce ECO-CONFORT au nom de Beaudin Le Prohon Inc.

[1]               La présente décision a trait à une procédure de radiation sommaire engagée à l’encontre de l’enregistrement no LMC703,812 pour la marque de commerce ECO-CONFORT.

[2]               Les produits et services visés par l’enregistrement sont :

Produits: Climatiseur ou thermo-pompe bi-bloc, sans conduit, pour installation murale, comprenant un déshumidificateur, pour des applications résidentielles ou commerciales, controlées [sic] électroniquement avec manette à distance.

Services: Installation, mise en marche, vérification et service après vente [sic] pour climatisateur et thermo-pompe.

[3]               Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’enregistrement doit être radié.

La procédure

[4]               Le 25 octobre 2013, le registraire des marques de commerce a adressé un avis sous l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13 (la Loi) à Beaudin Le Prohon Inc., propriétaire inscrite de l’enregistrement no LMC703,812 pour la marque de commerce ECO-CONFORT (la Marque). Cet avis a été adressé à la demande de 88766 Canada Inc. (la Partie Requérante).

[5]               L’avis du registraire enjoignait Beaudin Le Prohon Inc. (la Propriétaire) de prouver l’emploi de la Marque au Canada, à un moment quelconque entre les 25 octobre 2010 et 25 octobre 2013, en liaison avec chacun des produits et chacun des services que spécifie l’enregistrement. À défaut d’emploi, l’avis du registraire enjoignait la Propriétaire de démontrer la date à laquelle la Marque a été employée pour la dernière fois et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

[6]               Il est bien établi que l’objet et la portée de l’article 45 de la Loi est de prévoir une procédure simple, sommaire et expéditive visant à débarrasser le registre du « bois mort ». Le critère pour établir l’emploi n’est pas exigeant et une surabondance de preuve n’est pas nécessaire. Cependant, des faits suffisants doivent être présentés pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chaque produit ou service mentionné dans l’enregistrement durant la période pertinente [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp (2004), 31 CPR (4th) 270 (CF)]. De simples allégations d’emploi ne suffisent pas pour démontrer l’emploi de la marque [voir Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)].

[7]               L’article 4 de la Loi définit l’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des produits et services comme suit :

 (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des produits ou sur les emballages qui les contiennent est réputée, quand ces produits sont exportés du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces produits.

[8]               En réponse à l’avis du registraire, la Propriétaire a produit, sous couvert d’une lettre de son agent de marques de commerce, des factures et une déclaration solennelle de Guillaume LeProhon, vice-président Développement stratégique de la Cie Leprohon, Maître ès Celsius.

[9]               Aucune partie n’a produit de représentations écrites. Les deux parties étaient représentées à l’audience où M. LeProhon, qui représentait la Propriétaire, a indiqué que cette dernière et la Cie Leprohon, Maître ès Celsius sont une seule et même entité.

La preuve

[10]           Je reproduis ci-dessous la déclaration solennelle de M. LeProhon:

[11]           Il n’y a aucune référence dans la déclaration solennelle aux quatre factures produites concurremment à la déclaration. Ces factures ont été présentées dans la lettre d’accompagnement comme des factures de ventes ou réparations concernant les appareils vendus sous la Marque. Je note que les factures ont été émises en 2013 par « lephrohon Maître ès Celsius ».


 

Représentations des parties

[12]           Lors de l’audience, l’agent de la Partie Requérante a d’abord et avant tout soumis que la déclaration solennelle de M. LeProhon n’est pas recevable à titre de preuve. Outre que la date de signature est incomplète, l’agent de la Partie Requérante a noté l’absence de « jurat », c.-à-d. un constat d’assermentation.

[13]           Dans l’éventualité où la déclaration solennelle serait jugée recevable, l’agent de la Partie Requérante a fait des représentations subsidiaires que je résume ainsi qu’il suit :

i)          la déclaration solennelle, laquelle ne contient qu’une simple affirmation d’emploi de la Marque, est insuffisante pour établir l’emploi aux termes de l’article 45 de la Loi;

ii)        il n’y a aucune preuve démontrant que la Propriétaire et la Cie Leprohon, Maître ès Celsius est une seule et même entreprise; et

iii)      en l’absence de référence aux factures dans la déclaration, celles-ci ne sont pas recevables en preuve. Subsidiairement, les factures ne démontrent pas l’emploi de la Marque en liaison avec des produits au sens de l’article 4 de la Loi; encore moins en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l’enregistrement. Elles ne démontrent pas non plus l’emploi de la Marque en liaison avec chacun des services tels que libellés dans l’enregistrement.

[14]           M. LeProhon a répondu aux représentations de la Partie Requérante concernant l’irrecevabilité de la preuve en soumettant qu’il avait signé sa déclaration solennelle en présence d’un témoin et attesté de la véracité de son contenu. En ce qui concerne les représentations subsidiaires de la Partie Requérante, il suffit de dire que M. LeProhon y a répondu en invoquant des faits qui ne sont pas allégués, ni expliqués dans sa déclaration solennelle.

Examen des questions en l’espèce

[15]           La première question à examiner est la recevabilité de la déclaration solennelle de M. LeProhon. Cette question peut être déterminante puisque si je conclus à l’irrecevabilité de la déclaration solennelle, je devrai conclure que la Propriétaire n’a pas produit de preuve en réponse à l’avis du registraire.

[16]           Comme le mentionnait mon collègue Jean Carrière (agissant au nom du registraire) dans l’affaire Gowling Lafleur Henderson LLP c 81392 Canada Ltée 2008 CarswellNat 3659 (COMC) au paragraphe 13 :

Bien que la procédure sous l’article 45 soit simple, il n’en demeure pas moins que la preuve produite doit être sous la forme d’une déclaration solennelle ou d’un affidavit afin de s’assurer de la véracité de son contenu d’autant plus que la partie requérante ne peut contre-interroger son auteur.

[17]           Afin de déterminer si la déclaration solennelle de M. LeProhon constitue une véritable déclaration solennelle, je me suis référée à l’article 41 de la Loi sur la preuve, LRC (1985) ch C‑5. Cet article stipule ce qui suit :

 Tout juge, notaire public, juge de paix, juge de la cour provinciale, recorder, maire ou commissaire autorisé à recevoir les affidavits destinés à servir dans les tribunaux provinciaux ou fédéraux, ou autre fonctionnaire autorisé par la loi à faire prêter serment en quelque matière que ce soit, peut recevoir la déclaration solennelle de quiconque la fait volontairement devant lui, selon la formule qui suit, pour attester soit l’exécution d’un écrit, d’un acte ou d’une pièce, soit la vérité d’un fait, soit l’exactitude d’un compte rendu par écrit :

Je,http://laws-lois.justice.gc.ca/img/ii_spacer.gif …….. , déclare solennellement que (exposer le ou les faits déclarés), et je fais cette déclaration solennelle, la croyant consciencieusement vraie et sachant qu’elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment.

Déclaré devant moi à …… http://laws-lois.justice.gc.ca/img/ii_spacer.gif, ce …… http://laws-lois.justice.gc.ca/img/ii_spacer.gifjour de …… 19http://laws-lois.justice.gc.ca/img/ii_spacer.gif …… 

[18]           Même si je conviens que M. LeProhon affirme déclarer plutôt que déclarer solennellement le contenu de sa déclaration, le dernier paragraphe constitue clairement la formule requise pour attester de la véracité du contenu d’une déclaration solennelle.

[19]           Par contre, comme l’a correctement fait valoir la Partie Requérante, l’exigence qu’une déclaration solennelle soit faite devant une personne habilitée à la recevoir en application de l’article 41 de la Loi sur la preuve n’est pas une exigence purement formaliste que je peux écarter. En l’absence de serment ou d’affirmation solennelle régulièrement souscrit, il n’y a pas d’affidavit ou de déclaration solennelle. Or, il m’est impossible en l’espèce de conclure que le « témoin » était une personne habilitée à recevoir la déclaration solennelle de M. LeProhon

[20]           Par conséquent, je conclus que la déclaration solennelle de M. LeProhon n’est pas une véritable déclaration solennelle et donc n’est pas recevable en l’espèce.

[21]           Puisque la Propriétaire en ne produisant pas sa preuve sous la forme d’un affidavit ou d’une déclaration solennelle ne s’est pas conformée aux exigences de l’article 45 de la Loi, je conclus qu’elle n’a pas fourni la preuve requise. Il y a donc lieu de radier l’enregistrement.

[22]           J’ajouterai que si j’avais jugé la déclaration de M. LeProhon recevable, j’aurais conclu que la Propriétaire ne s’était pas déchargée de son fardeau de preuve. Qu’il suffise de dire que j’aurais essentiellement souscris aux représentations subsidiaires de la Partie Requérante pour conclure que la preuve était insuffisante pour démontrer l’emploi de la Marque au Canada, au sens des articles 4 et 45 de la Loi, en liaison avec chacun des produits et des services que spécifie l’enregistrement.

Décision

[23]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement nº LMC703,812 sera radié conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

                                                             

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

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