Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION DE 88766 Canada Inc. à la demande n° 1,071,676 produite par Ego Sport Hungaria Kreskedelmi Korlatolt Felelosségu Tarsasag, exerçant également ses activités sous le nom d’Ego Sport Hungaria Kft., en vue de l’enregistrement de la marque de commerce EGO & Design            

 

 

 

I Les actes de procédure

 

Le 18 août 2000, Ego sport Hungaria Kereskedelmi Korlatolt Felelosségu Tarsasag, exerçant également ses activités sous le nom d’Ego Sport Hungaria Kft. (la requérante), a produit une demande qu’elle a subséquemment modifiée en vue de faire enregistrer la marque de commerce suivante :

 

EGO & DESIGN ( la marque en cause)

 

en se fondant sur l’emploi projeté de ladite marque au Canada en liaison avec des sacs, sacs de voyage, sacs de sport, vêtements d’exercice, vêtements de plage, vêtements de sport, vêtements pour enfants, vêtements pour bébés, vêtements imperméables, vêtements d’exercice, vêtements de maternité, tenues de soirée, sous‑vêtements et souliers de sport (les marchandises en cause), ainsi que sur son emploi et son enregistrement en Hongrie, le 4 mars 1997, sous le numéro 142,978, en liaison avec les marchandises en cause. La demande a été publiée le 18 septembre 2002 dans le Journal des marques de commerce à des fins d’opposition.

 

88766 Canada Inc. (l’opposante) a produit une déclaration d’opposition que le registraire a fait parvenir à la requérante le 6 mai 2003. La requérante a répondu le 8 septembre 2003 dans une contre‑déclaration dans laquelle elle a nié essentiellement les allégations énoncées dans la déclaration d’opposition.

 

L’opposante a produit deux affidavits que Michèle Thibaudeau a signés le 2 avril 2004 et le 8 avril 2004 ainsi qu’une copie certifiée de l’enregistrement n° TMA299,050 à l’égard de la marque de commerce EGO. Pour sa part, la requérante a produit les affidavits de Sandor Toth et de Meghan Dillon. Le 30 novembre 2004, à la demande de l’opposante, le registraire a ordonné le contre‑interrogatoire de l’auteur des deux affidavits de la requérante. Dans une lettre du 9 juin 2005, la requérante a informé le registraire qu’elle avait décidé de ne pas permettre le contre‑interrogatoire de ces personnes. En conséquence, conformément aux dispositions du paragraphe 44(5) du Règlement sur les marques de commerce (1996), les affidavits en question ont été renvoyés à la requérante, de sorte qu’il n’y a aucune preuve dans le dossier que celle‑ci a produit.

 

Le 19 novembre 2004, l’opposante a demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition et le registraire a accordé cette autorisation le 2 mars 2005. Seule la requérante a produit des observations écrites et une audience au cours de laquelle seule l’opposante était représentée a été tenue.

 

II Demande d’autorisation de modifier à nouveau la déclaration d’opposition

 

Le 31 août 2006, huit (8) jours avant l’audience, l’opposante a demandé la permission de modifier à nouveau sa déclaration d’opposition; si elle obtenait cette autorisation, elle était disposée à reporter l’audience afin de permettre à la requérante de se préparer à répondre au motif d’opposition supplémentaire qui serait ajouté. Dans une décision que j’ai rendue le 7 septembre 2006, j’ai refusé de permettre la modification, pour les motifs que j’ai communiqués aux parties le jour même. J’ajouterais, à titre de motif supplémentaire au soutien du refus de cette demande, que l’opposante a révisé son acte de procédure initial en novembre 2004, lorsqu’elle a demandé l’autorisation de modifier pour la première fois sa déclaration d’opposition. Le registraire n’a été informé d’aucune raison permettant de comprendre pourquoi l’opposante n’a pas sollicité cette modification supplémentaire, qui lui a semblé évidente avant l’audience, dès sa première demande visant à modifier sa déclaration d’opposition.

 

III Les motifs d’opposition d’après la déclaration d’opposition modifiée

 

Dans sa déclaration d’opposition modifiée, l’opposante invoque les motifs d’opposition suivants :

 

            [traduction]

1)      Compte tenu e l’alinéa 38(2)a) et de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T‑13 (la Loi), en ce qui concerne l’enregistrement et l’emploi à l’étranger :

(i)                 la requérante n’a pas employé ou dûment enregistré la marque en cause en liaison avec les marchandises en cause, contrairement à ce qu’elle a déclaré;

(ii)               subsidiairement ou cumulativement, la requérante a abandonné la marque en cause, en tout ou en partie, en cessant de l’employer;

(iii)             la requérante a déclaré à tort qu’elle avait le droit d’employer la marque en cause au Canada, eu égard à ce qui suit.

 

En ce qui a trait à la partie de la demande fondée sur l’emploi projeté de la marque en cause en liaison avec les marchandises en cause :

 

2)      Compte tenu de l’alinéa 38(2)a) de la Loi, la demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30, pour les raisons suivantes :

(i)                 la requérante avait déjà employé la marque en cause au Canada, en tout ou en partie;

(ii)               subsidiairement ou cumulativement, la requérante n’a jamais eu l’intention d’employer la marque en cause au Canada ou a abandonné celle‑ci, en tout ou en partie, en cessant de l’employer;

(iii)             la requérante a déclaré à tort qu’elle avait le droit d’employer la marque en cause au Canada, eu égard à ce qui suit.

 

3)      Compte tenu des alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, la marque en cause n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes :

(i)                 EGO, marque enregistrée sous le numéro TMA299,050, qui appartient à U L Canada Inc. et qui est employée en liaison avec du parfum;

(ii)               EGO, marque enregistrée sous le numéro TMA343,038, qui appartient à Myrna Dudovitch Harrison et qui est employée en liaison avec des revues de mode;

(iii)             EGO, marque enregistrée sous le numéro TMA232,047, qui appartient à Brooklo Industries Ltd. et qui est employée en liaison avec des sous‑vêtements

 

4)      Compte tenu de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi, la marque en cause n’est pas distinctive des marchandises en cause ni n’est adaptée à les distinguer d’avec celles d’autres propriétaires, notamment celles de l’opposante;

 

a)         Eu égard à l’adoption, à l’emploi, à la révélation et à l’enregistrement au Canada des marques de commerce et des noms commerciaux intégrant le mot « EGO » en liaison avec des marchandises et des services, y compris les marques suivantes :

(i)                 EGO, marque employée par Intergold en liaison avec des bijoux et des horloges;

(ii)               EGO, marque employée par Brooklo Industries Ltd. en liaison avec des sous‑vêtements et des vêtements;

(iii)             EGO, marque employée par Effigi Inc. en liaison avec des vêtements et des accessoires;

(iv)             EGO, marque employée par Myrna Dudovitch Harrison en liaison avec des revues de mode;

(v)               EGO‑EGO, marque employée par Velo‑City Cycle en liaison avec des vêtements;

(vi)             EGO JAMA, marque employée par Brooklo Industries Ltd. en liaison avec des vêtements;

 

ainsi que des noms commerciaux suivants :

(vii)           EGO CONCEPT, nom commercial employé en liaison avec la coiffure;

(viii)         EGO JAMA, nom commercial employé en liaison avec des vêtements;

(ix)             EGO, nom commercial employé en liaison avec des sacs et des produits d’emballage;

(x)               EGO FASHIONS, nom commercial employé en liaison avec l’importation et la vente de vêtements;

(xi)             MODES EGO, nom commercial employé en liaison avec l’importation et la vente de vêtements;

(xii)           EGO JEANS, nom commercial employé en liaison avec des vêtements;

(xiii)         COMMUNICATION EGO, nom commercial employé en liaison avec des annonces de vêtements;

(xiv)         EGO GRAPHIC, nom commercial employé en liaison avec des vêtements et de la publicité relative à la mode;

(xv)           tout nom commercial comportant les mots « ALTER EGO ».

 

b)                  Après le transfert de la marque en cause, il subsistait des droits, chez deux ou plusieurs entités, y compris Ego Sport Hungary Ltd., Ego Sport Ltd. et Ego Sport GmbH, à l’emploi de ladite marque et ces entités ont exercé ces droits de façon concurrente, contrairement aux dispositions du paragraphe 48(2) de la Loi.

 

c)                  La requérante a autorisé des tierces parties, y compris Ego Sport Hungary Ltd., Ego Sport Ltd. et Ego Sport GmbH, à employer la marque en cause au Canada et, effectivement, ces parties ont employé ladite marque sans respecter les dispositions régissant l’emploi d’une marque de commerce et l’octroi d’une licence à son égard, contrairement aux dispositions de l’article 50 de la Loi.

 

L’opposante a réitéré les motifs d’opposition liés à la conformité, à l’enregistrabilité et au caractère distinctif en se fondant sur le texte préliminaire des paragraphes 16(2) et 16(3) de la Loi. Ce texte préliminaire ne peut être invoqué au soutien de ces motifs d’opposition, parce que l’ensemble de l’article 16 constitue le fondement d’un motif d’opposition distinct, soit le droit à l’enregistrement de la marque en cause.

 

III Analyse des différents motifs d’opposition

 

(i)                 L’opposante s’est‑elle déchargée de son fardeau de preuve initial?

 

Il incombe à la requérante de montrer que sa demande respecte les dispositions de la Loi; cependant, l’opposante doit d’abord établir les faits qu’elle invoque au soutien de chaque motif d’opposition. Une fois que l’opposante s’est déchargée de ce fardeau initial, la requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition en question ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque en cause [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, aux pages 329 et 330; John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd., 30 C.P.R. (3d) 293, et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, [2005] CF 722].

 

L’opposante a soutenu que la marque de commerce enregistrée en Hongrie ne correspondait pas à la marque en cause visée par la demande au Canada. Elle a fait valoir que le dessin de la marque de commerce enregistrée en Hongrie ne contenait pas le rectangle qui entoure les mots de celle‑ci. En conséquence, il y aurait une différence entre la marque de commerce enregistrée à l’étranger et la marque en cause. Même si j’en arrive à la conclusion que les motifs d’opposition décrits ci‑dessus permettraient à l’opposante de formuler cet argument, aucun élément de preuve n’a été produit dans la présente opposition au sujet de l’enregistrement à l’étranger. La requérante doit connaître à l’avance les allégations qu’elle doit réfuter et se préparer en conséquence. Si l’opposante avait voulu se fonder sur des documents produits pendant le traitement de la demande, elle aurait dû présenter cette preuve par voie d’affidavit, conformément à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce (1996), ou produire une copie certifiée de l’enveloppe du dossier [voir la demande n° 857320 relative à la marque de commerce RESIDENT’S CHOICE, décision que le registraire a rendue le 15 décembre 2004 et que la Cour fédérale a infirmée sur la foi d’éléments de preuve supplémentaires produits : Loblaws Inc. c. Telecombo Inc., 2006 CF 634].

 

Il n’y a aucun élément de preuve à l’appui des motifs d’opposition 1 (ii) et (iii) décrits ci‑dessus. En conséquence, le premier motif d’opposition est rejeté en entier, l’opposante ne s’étant pas déchargée de son fardeau de preuve initial à cet égard.

 

Le quatrième motif d’opposition est également rejeté pour cette même raison. La preuve produite ne porte nullement sur un emploi antérieur de marques de commerce ou de noms commerciaux qui sont énumérés sous ce motif et qui prêteraient apparemment à confusion, ou encore sur l’emploi de la marque en cause par une tierce partie, lequel emploi irait à l’encontre des dispositions de l’article 48 ou 50 de la Loi.

 

(ii)               Non‑conformité de la demande aux dispositions de la Loi

 

La preuve produite au moyen des affidavits de Mme Thibodeau comporte des extraits du registre, des résultats de recherches menées sur l’Internet et des définitions de dictionnaires. Cette preuve aurait peut‑être été pertinente si l’opposante avait soutenu que les marchandises en cause n’étaient pas décrites dans les termes ordinaires du commerce, comme l’exige l’alinéa 30a) de la Loi. Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai refusé de permettre à l’opposante de modifier à nouveau sa déclaration d’opposition afin de l’autoriser à formuler cet argument. Au cours de l’audience, l’opposante a fait valoir que, malgré ce refus, elle pouvait encore invoquer un motif d’opposition mentionné dans cette disposition, parce que la déclaration d’opposition renvoie clairement à l’article 30 de la Loi. Cependant, l’article 30 comporte neuf (9) alinéas dont chacun pourrait constituer le fondement d’un motif d’opposition distinct. De plus, les premier et deuxième motifs d’opposition décrits plus haut comportent des allégations précises qui, si elles étaient établies, pourraient mener à la conclusion que la demande ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 30 de la Loi. Aucune de ces allégations ne renvoie à l’omission de la requérante de décrire les marchandises en cause dans les termes ordinaires du commerce.

 

L’opposante a cité la décision Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA The Engineered Wood Association (2000), 7 C.P.R. (4th) 239, pour soutenir que, même sans la modification demandée, le registraire devrait examiner le motif de la non‑conformité fondé sur l’alinéa 30a) de la Loi. Pour bien comprendre la position de l’opposante, je reproduis ci‑dessous les extraits pertinents de cette décision :

[…] Toutefois, les circonstances de l'espèce diffèrent des deux affaires précitées : le registraire n'a pas examiné un motif d'opposition qui n'était pas mentionné par l'opposant (l'appelant), et l'appelant n'a pas non plus soulevé de nouveau motif d'opposition dans son appel devant la présente Cour. Apparemment, la raison pour laquelle cette question est soulevée devant moi découle de la conviction que, puisque le registraire a déclaré que l'expression « THE ENGINEERED WOOD ASSOCIATION » pouvait donner une description claire d'une association qui fait la promotion des intérêts des producteurs de cette industrie (voir le paragraphe 8 ci‑dessus), il aurait accueilli l'opposition pour ce motif, s'il n'avait pas conclu qu'il n'avait pas compétence pour examiner un motif d'opposition autre que celui énoncé dans la déclaration d'opposition. L'appelant ne s'est opposé à l'enregistrement qu'en s'appuyant sur le fait que les marques projetées donnaient une description claire ou donnaient une description fausse et trompeuse des personnes qui produisaient les marchandises ou les services.

[62]       Je crois qu'il suffira de dire que le fait que « THE ENGINEERED WOOD ASSOCIATION » peut décrire clairement une association qui fait la promotion des intérêts des producteurs de l'industrie ne donne pas naissance à un motif de non‑enregistrabilité aux termes de l'alinéa 12(1)b) de la Loi. Une marque projetée non enregistrable doit donner une description claire des services offerts ( « nettoyage à sec » , « commercialisation » , « services de consultation » , « services d'association » ), ce que ne font pas les marques projetées de l'intimé.

[63]       Toutefois, je suis également d'avis que le registraire ne doit pas indûment limiter son analyse dans une procédure d'opposition. En l'espèce, l'appelant avait clairement formulé son opposition à l'enregistrement de la marque de commerce en vertu de l'alinéa 12(1)b) dans sa déclaration d'opposition. Il ne serait pas raisonnable que le registraire permette que ce qui, à son avis, est une marque non enregistrable soit enregistrée simplement parce que les motifs restreints de non‑enregistrabilité prévus à l'alinéa 12(1)b) et soulevés par l'opposant n'ont pas été retenus. Cela dit, cette analyse élargie doit examiner la mesure dans laquelle le requérant subirait un préjudice du fait de ces mesures, et tenir compte de son droit d'être avisé des motifs d'opposition, de façon à pouvoir exercer effectivement ses droits de présenter des observations sous forme de contre‑déclaration [non souligné à l’original].

 

La situation exposée en l’espèce est différente à certains égards. Dans APA, l’opposant a invoqué l’alinéa 12(1)b), mais a limité son allégation à une partie de cette disposition. Dans la présente affaire, il n’y a aucune mention d’un alinéa précis de l’article 30. En fait, l’opposante a utilisé une formulation semblable à quelques‑uns des alinéas de cet article, mais son texte ne se rapproche nullement de celui de l’alinéa 30a). L’article 38 de la Loi ainsi que les articles 35 à 47 du Règlement sur les marques de commerce (1996) énoncent un code de procédure régissant les oppositions à l’enregistrement d’une marque de commerce. Le registraire dispose encore de certains pouvoirs discrétionnaires qu’il doit exercer de manière judicieuse. Dans les circonstances particulières de la présente affaire, comme je l’ai expliqué dans ma décision interlocutoire précédente du 7 septembre 2006, je suis d’avis que la requérante subirait un préjudice plus grave si l’opposante était autorisée à invoquer un motif d’opposition précis qu’elle n’a pas allégué dans sa déclaration d’opposition. Enfin, j’ajouterais qu’en tout état de cause, conformément au Manuel des marchandises et services, modifié en janvier 2006, le registraire accepte la plupart des termes que la requérante a employés dans la description des marchandises en cause. En conséquence, le deuxième motif d’opposition est rejeté.

 

(iii)             Enregistrabilité de la marque en cause

 

L’opposante s’est déchargée de son fardeau de preuve initial en produisant une copie certifiée de l’enregistrement  numéro TMA299,050 à l’égard de la marque de commerce EGO qui se rapporte à des parfums, désodorisants et émulsions pour le corps. En ce qui a trait aux autres enregistrements de marques de commerce énumérés sous le troisième motif d’opposition, l’opposante a admis qu’ils ne figurent plus au registre. Je n’en tiendrai pas compte dans mon analyse de ce troisième motif d’opposition, parce que la date pertinente selon l’alinéa 12(1)d) est la date de ma décision [voir Andres Wines Ltd. et E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la page 130 (CAF) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424 (CAF)].

 

Le risque de confusion doit être évalué du point de vue du consommateur moyen qui a un souvenir imparfait de la marque de commerce invoquée dans l’opposition et qui verrait les marchandises en cause portant la marque en cause de la requérante : le consommateur penserait‑il que les marchandises en cause proviennent de la même source?

 

Le critère relatif à la confusion est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi et je dois tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; les genres de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce et le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Ces critères ne sont pas exhaustifs et il n’est pas nécessaire d’attribuer le même poids à chacun [voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)].

 

Dans Polo Ralph Lauren Corp. c. United States Polo Association et al. (2000), 9 C.P.R. (4th) 51 (CAF), aux pages 58 et 59, le juge Malone, de la Cour d’appel fédérale, a énoncé comme suit les principes directeurs à appliquer au moment d’évaluer le risque de confusion :

L’examen de certains arrêts‑clés fournit également des principes directeurs pratiques. Par exemples, la cour doit se mettre à la place d’une personne ordinaire qui est familière avec la marque antérieure mais qui n’en a qu’un vague souvenir; la question à se poser est de savoir si un consommateur ordinaire, au vu de la marque postérieure, aura comme première impression que les marchandises avec lesquelles la seconde marque est employée sont en quelque façon associées à celles de la marque antérieure. S’agissant du degré de ressemblance dans la présentation, le son ou l’idée dont il est question à l’alinéa 6(5)e), les marques de commerce en cause doivent être examinées comme un tout. De la même façon, puisque c’est la combinaison des éléments qui constitue la marque de commerce et lui confère son caractère distinctif, il n’est pas correct, pour l’application du critère de la confusion, de placer les marques l’une en regard de l’autre et de comparer ou observer les ressemblances ou les différences des éléments ou des composantes de ces marques. En outre, les marques de commerce ne doivent pas être considérées séparément des marchandises ou services avec lesquels elles sont associées, mais en liaison avec ces marchandises ou services. Quand il s’agit de marques célèbres ou notoirement connues, il peut être plus difficile d’établir qu’il n’y a pas de probabilité de confusion, particulièrement quand le genre des marchandises est similaire. En dernier lieu, les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) ne doivent pas nécessairement se voir attribuer le même poids. chaque cas de confusion peut justifier qu’on accorde plus d’importance à l’un de ces critères.

 

Les marques de commerce en litige sont foncièrement distinctives lorsqu’elles sont employées en liaison avec leurs marchandises respectives. Le caractère distinctif inhérent d’une marque de commerce peut être rehaussé par un emploi répandu de ladite marque. Il n’y a aucun élément de preuve montrant l’emploi de l’une ou l’autre des marques de commerce en litige. Ce facteur ne favorise aucune des parties.

 

Au moment de déterminer l’enregistrabilité de la marque en cause, le registraire peut examiner les renseignements contenus dans le certificat d’enregistrement produit afin de savoir si la marque de commerce en question a été employée [voir Cartier Men’s Shops Ltd. c. Cartier Inc. (1981), 58 C.P.R. (2d) 58]. Sur le certificat d’enregistrement TMA299,050 se rapportant à la marque de commerce EGO, il est mentionné que celle‑ci est en usage depuis le 5 mars 1984. J’en arrive donc à la conclusion qu’il y a eu emploi de minimis de la marque de commerce EGO [voir Entre Computer Centers Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (COMC)], mais je ne puis accorder une grande importance à cet emploi en soi. Il n’y a aucune preuve montrant l’emploi de la marque en cause.

 

Les marchandises en cause consistent en des articles de vêtement, des chaussures et des sacs, alors que le certificat d’enregistrement invoqué par l’opposante vise des désodorisants, des parfums et des émulsions pour le corps. La nature des marchandises est différente. L’opposante a soutenu que certains des enregistrements mentionnés dans l’affidavit de Mme Thibodeau visent des vêtements et des articles de toilette. Le fait que les deux catégories de marchandises soient mentionnées sur un certificat d’enregistrement ne signifie pas que la nature des marchandises est semblable. De plus, dans le cas des enregistrements en question, je n’ai pas le moindre élément de preuve montrant que la marque de commerce est effectivement employée en liaison avec des marchandises appartenant à chacune de ces catégories générales de marchandises. Ce facteur favorise la requérante.

 

Je ne suis saisi d’aucun élément de preuve concernant les réseaux de distribution. En l’absence de cette preuve, je ne puis conclure que les réseaux de distribution utilisés pour la vente d’articles de vêtement sont semblables à ceux qui sont employés pour la vente d’articles de toilette. Ce facteur favorise également la requérante.

 

Les marques en cause sont identiques dans le son et dans les idées qu’elles suggèrent. Leur présentation varie légèrement, comme le montre le dessin de la marque en cause. Ce facteur favorise l’opposante.

 

Après avoir analysé les circonstances à prendre en compte, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le consommateur pressé moyen qui a un souvenir imparfait de la marque de commerce EGO employée en liaison avec des articles de toilette et qui verrait la marque en cause de la requérante en liaison avec les marchandises en cause sur le marché ne serait pas dupé quant à la source des marchandises en question. Ma conclusion est fondée sur l’existence d’une différence quant à la nature des marchandises et sur l’absence d’élément de preuve qui me permettrait de conclure à un chevauchement de leurs réseaux de distribution respectifs.

 

En conséquence, le troisième motif d’opposition est également rejeté.

 

 

IV Conclusion

 

La requérante s’est déchargée du fardeau qui lui incombait de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la marque en cause ne créera vraisemblablement pas de la confusion avec la marque de commerce déposée EGO, dont le certificat d’enregistrement porte le numéro TMA299,050. En conséquence, dans l’exercice des pouvoirs que m’a conférés le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition de l’opposante, le tout conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À BOUCHERVILLE (QUÉBEC), LE 27 SEPTEMBRE 2006.

 

 

 

Jean Carrière,

Membre,

Commission des oppositions des marques de commerce

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