Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2016 COMC 185

Date de la décision: 2016-12-06

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Michel Germain Parfums Ltd.

Opposante

et

 

DIESEL S.P.A.

Requérante

 

 

 



1,571,824 pour DIESEL ONLY THE BRAVE TATTOO et dessin

Demande

Introduction

[1]               Michel Germain Parfums Ltd. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce DIESEL ONLY THE BRAVE TATTOO et dessin (reproduite ci-après) (la Marque) faisant l’objet de la demande no 1,571,824 au nom de DIESEL S.P.A. (la Requérante), basée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les produits « eaux de toilette » :

.

[2]               La couleur est revendiquée comme caractéristique de la Marque. Tous les mots sont bleu pâle sur fond noir.

[3]               L’Opposante fonde son opposition sur divers motifs tournant autour soit de la question de la conformité de la demande au sens de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi), soit de la question de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce TATTOO enregistrée le 31 octobre 2007 sous le no LMC699,947 en liaison avec les produits [traduction] «  parfums, eau de parfum, eau de toilette » appartenant à l’Opposante et ayant été prétendument employée par celle-ci au Canada.

[4]               Tel qu’il ressortira de mon analyse, j’estime qu’il y a lieu de rejeter l’opposition.

Le dossier

[5]               La déclaration d’opposition fut originalement produite le 13 août 2013, puis amendée par l’Opposante le 19 août 2014, avec la permission du registraire.

[6]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit à titre de preuve en chef, un affidavit de l’un de ses directeurs fondateurs, Steven M. Bailey, daté du 21 février 2014. M. Bailey a été contre-interrogé sur son affidavit et la transcription de son contre-interrogatoire de même que les réponses aux engagements souscrits lors de celui-ci ont été versées au dossier. L’Opposante a également produit à titre de preuve en réplique, un affidavit de Kerry Biggs, agent de marques de commerce au sein du cabinent représentant l’Opposante dans la présente procédure, daté du 15 octobre 2015.

[7]               Au soutien de sa demande, la Requérante a pour sa part produit un affidavit de Naomi Côté-Laporte, étudiante en droit au sein du cabinet représentant la Requérante dans la présente procédure, daté du 11 décembre 2014, et un affidavit de Dean Philip Michaud, diplômé en droit civil de l’Université d’Ottawa, daté du 4 février 2015. M. Michaud a été contre-interrogé sur son affidavit et la transcription de son contre-interrogatoire a été versée au dossier.

[8]               Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et participé à l’audience tenue dans ce dossier.

Analyse

Le fardeau qui repose sur les parties

[9]               C’est à l’Opposante qu’il appartient au départ d’établir le bien-fondé de son opposition. Le fardeau ultime de démontrer que la Marque est enregistrable repose toutefois sur la Requérante, selon la prépondérance de preuve [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[10]           Appliquant ces principes au présent dossier, quatre motifs d’opposition plaidés par l’Opposante peuvent être sommairement rejetés, sans qu’il soit nécessaire pour cela de les reproduire et d’en discourir longuement.

Motifs d’opposition sommairement rejetés

[11]           Tel que concédé d’emblée par l’Opposante au début de l’audience, les motifs d’opposition fondés sur la non-conformité de la demande avec les paragraphes 30(b) et (e) de la Loi doivent être rejetés étant donné que l’Opposante n’a pas satisfait le fardeau de preuve lui incombant en regard de ceux-ci.

[12]           Tel qu’également concédé par l’Opposante, le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement au sens de l’article 16(3)(b) de la Loi doit être rejeté étant donné que la demande d’enregistrement pour la marque de commerce TATTOO alléguée par l’Opposante au soutien de pareil motif, avait procédé à l’enregistrement et, partant, n’était pas pendante au moment de l’annonce de la présente demande dans le Journal des marques de commerce le 13 mars 2013.

[13]           Par ailleurs, le motif d’opposition fondé sur la non-conformité de la demande avec le paragraphe 30(i) de la Loi au motif que la Requérante ne pouvait être convaincue de son droit d’employer la Marque au Canada en ce qu’elle aurait dû savoir que celle-ci portait à confusion avec la marque de commerce TATTOO de l’Opposante, doit également être rejeté. Lorsqu’un requérant a produit la déclaration exigée par l’article 30(i) de la Loi, pareil motif ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la preuve démontre que le requérant était de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Rien ne démontre que la Requérante était de mauvaise foi en l’espèce. Au surplus, l’Opposante n’a fait aucune représentation au soutien de ce motif.

Motifs d’opposition restants

[14]           Les trois motifs d’opposition restants tournent tous autour de la question de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce TATTOO de l’Opposante.

[15]           Tel qu’il ressortira de mon analyse, bien que le test en matière de confusion demeure le même, le fardeau de preuve initial imposé à l’Opposante de même que les dates pertinentes applicables varient en fonction de chacun de ces motifs.

[16]           Je débuterai mon analyse en regard du motif fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque au sens de l’article 12(1)(d) de la Loi, lequel représente le motif d’opposition le plus solide de l’Opposante.

Non-enregistrabilité de la Marque

[17]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable au sens de l’article 12(1)(d) de la Loi au motif qu’elle crée de la confusion avec la marque enregistrée TATTOO de l’Opposante décrite plus haut.

[18]           La date pertinente pour décider d’un motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité d’une marque de commerce au regard de la confusion créée avec une marque de commerce enregistrée est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[19]           J’ai exercé ma discrétion et vérifié que l’enregistrement allégué par l’Opposante au soutien du présent motif est toujours en vigueur sur le registre des marques de commerce. Puisque cela est le cas, l’Opposante a satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant. La Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et cette marque enregistrée de l’Opposante.

Le test en matière de confusion

[20]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[21]           En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour un examen plus approfondi des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[22]           Les marques des parties possèdent toutes deux un caractère distinctif inhérent dans le contexte des produits de parfumerie leur étant associés en ce qu’elles ne sont pas descriptives de ceux-ci.

[23]           La Marque étant constituée de plusieurs éléments distinctifs, dont le mot « DIESEL » n’ayant aucune relation avec les eaux de toilette de la Requérante, plutôt que du seul mot « TATTOO », je conviens avec la Requérante que le caractère distinctif inhérent de celle-ci est plus grand que celui de la marque de l’Opposante. Le mot « TATTOO », employé seul dans le contexte des produits de parfumerie de l’Opposante, évoque l’idée d’un produit appliqué sur la peau (comme un tatouage). Je reviendrai plus loin sur les idées suggérées par les marques en cause dans mon appréciation du facteur énoncé à l’article 6(5)(e) de la Loi.

[24]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion et l’emploi.

[25]           Tel qu’indiqué plus haut, la présente demande est fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada. Comme aucune preuve n’a été versée au dossier relativement à la mesure dans laquelle celle-ci serait devenue connue au Canada, je ne peux conclure à quelque caractère distinctif acquis de la Marque.

[26]           En ce qui concerne la preuve de l’Opposante, je ne peux davantage conclure que la marque de commerce TATTOO est devenue connue au Canada de manière à en accroître significativement le caractère distinctif, tel qu’il ressort de ma revue ci-après de l’affidavit de M. Bailey, considéré à la lumière de quelque uns des points saillants de son contre-interrogatoire et des réponses aux engagements souscrits lors de celui-ci.

Affidavit de M. Bailey

[27]           M. Bailey affirme que l’Opposante vend des produits de parfumerie sous la marque de commerce TATTOO au Canada depuis 2004. Au paragraphe 4 de son affidavit, il affirme que depuis la toute première fois où l’Opposante a considéré commercialiser ses produits sous cette marque, incluant la toute première vente de ces produits jusqu’à aujourd’hui, l’Opposante a toujours cru que :

…the trend of tattooing is and will become increasingly appealing to the Canadian public, and around the world, and that the trade-mark TATTOO used in association with the products that [the Opponent] develops and sells would therefore also likely appeal to a broad cross-section of the population.

[28]           M. Bailey explique que ceci est la raison pour laquelle l’Opposante a entrepris les démarches pour l’enregistrement de la marque de commerce TATTOO en liaison avec les produits [traduction] «  parfums, eau de parfum, eau de toilette ». M. Bailey réfère collectivement à ces produits comme les « Produits » (« Products ») et je ferai de même dans ma revue de son affidavit.

[29]           M. Bailey affirme que tous les Produits vendus en liaison avec la marque de commerce TATTOO au Canada ou exportés internationalement sont manufacturés au Canada et arborent la marque tant directement sur les bouteilles contenant les Produits que sur leurs emballages extérieurs cartonnés.

[30]           M. Bailey affirme que l’emballage des Produits a évolué au cours des ans. Il produit sous les pièces B et C de son affidavit, des photos couleurs des emballages ainsi employés pour les Produits - version pour hommes, entre les années 2007 et aujourd’hui, et - version pour femmes, entre les années 2009 et aujourd’hui.

[31]           M. Bailey affirme que la toute première vente des Produits arborant la marque de commerce TATTOO fut faite par exportation aux États-Unis le 21 juin 2004. Il produit à cet égard sous la pièce D de son affidavit, une copie de la facture attestant de la vente de 11 « tattoo edp [eau de parfum] spray 75ml » et d’un « tattoo edp [eau de parfum] spray tester 75 ml », parmi d’autres produits, pour une valeur cumulative de 341 dollars.

[32]           M. Bailey affirme que l’Opposante a par la suite eu beaucoup de succès (« much success ») à vendre les Produits TATTOO au Canada de même qu’à l’exportation aux États-Unis.

[33]           M. Bailey fournit au paragraphe 9 de son affidavit, les chiffres de vente des Produits TATTOO se détaillant comme suit :

Année

Ventes au Canada

Ventes à l’exportation aux É-U.

2009

« In excess of » $126

« In excess of » $332,300

2010

« In excess of » $4,400

« In excess of » $5,800

2011

« In excess of » $359

« In excess of » $10,300

2012

« In excess of » $15,900

« In excess of » $24,400

2013

« In excess of » $13,100

« In excess of » $42,100

[34]           M. Bailey produit également sous la pièce E de son affidavit, un échantillonnage représentatif de factures attestant de la vente des Produits entre les années 2009 et 2013.

[35]           M. Bailey affirme que ces ventes résultent, en partie, de la publicité que l’Opposante a réalisé pour les Produits sur son site Web www.michelgermain.com, à partir duquel les Produits TATTOO peuvent être achetés et livrés tant au Canada qu’aux États-Unis depuis le 10 septembre 2009. Il produit à cet effet sous la pièce F de son affidavit, des extraits du site Web. Il ajoute que le site reçoit 61,000 visiteurs par année.

[36]           M. Bailey affirme que l’Opposante a également vendu les Produits TATTOO à divers détaillants au Canada et aux États-Unis à des fins de revente au grand public, y compris dans des pharmacies, des grands magasins, des boutiques hors taxes et des boutiques indépendantes, telles les pharmacies CVS Caremark Corporation (CVS) aux États-Unis et Winners Merchants International au Canada.

[37]           M. Bailey affirme qu’en 2009 et 2010, l’Opposante a dépensé 10,982,88 $ pour développer une unité de présentation pour afficher les Produits TATTOO chez divers de ses détaillants. Il produit au soutien de son affidavit sous la pièce G, des photos représentatives de l’unité de présentation ayant été employée chez des boutiques indépendantes, incluant Tweed & Hickory à Cornwall, Ontario, Scents Forever à Calgary, Alberta, et Fragrance Boutique à Yellowknife, Territoires du Nord-Ouest.

[38]           M. Bailey ajoute qu’un autre outil promotionnel consiste en des testeurs de parfums arborant la marque de commerce TATTOO, ayant été distribués sans frais aux détaillants de l’Opposante au Canada et aux États-Unis. Il affirme qu’entre 2009 et 2011, plus de 100 testeurs ont été distribués au Canada et plus de 6200 l’ont été aux États-Unis.

[39]           M. Bailey affirme que l’Opposante surveille le marché régulièrement afin de s’assurer que sa marque de commerce TATTOO demeure distinctive (« polices the marketplace regularly to ensure [its] TATTOO trade-mark is distinctive »).

[40]           M. Bailey termine son affidavit en émettant son opinion personnelle quant à la probabilité de confusion entre les marques en cause, laquelle opinion s’avère non pertinente en l’espèce. C’est au registraire qu’il revient de trancher cette question mixte de fait et de droit en regard de la preuve au présent dossier.

[41]           Lors du contre-interrogatoire de M. Bailey, la Requérante a tenté d’obtenir davantage d’information concernant l’étendue de l’emploi qui aurait été fait de la marque de commerce TATTOO par l’Opposante entre les années 2004 et 2009, au-delà de la seule et unique facture du 21 juin 2004 produite sous la pièce D. Sans entrer dans le détail des objections et/ou questions prises sous réserve et des réponses obtenues, il ressort de l’ensemble du contre-interrogatoire de M. Bailey qu’aucune information additionnelle n’a pu être obtenue de l’Opposante. Qu’il suffise de noter que l’Opposante est allée jusqu’à affirmer que pareille information s’avérait non pertinente dans le présent dossier. Or, cette position est contradictoire avec celle prise tant dans son plaidoyer écrit que lors de l’audience, qu’elle avait démontré l’emploi continu et substantiel de la marque de commerce TATTOO au Canada depuis plus d’une décennie.

[42]           Bien qu’aucune preuve d’emploi de la marque enregistrée de l’Opposante ne soit requise en tant que telle afin de faire valoir un motif d’opposition sous l’article 12(1)(d) de la Loi, il n’en demeure pas moins que l’étendue et la durée de l’emploi fait de la marque de commerce TATTOO s’avèrent des circonstances pertinentes en regard du test en matière de confusion édicté à l’article 6(5) de la Loi. Dans les circonstances, compte tenu du peu d’information dont je dispose, et tel que souligné à l’Opposante lors de l’audience, je ne peux déterminer la durée et la mesure dans laquelle la marque de commerce TATTOO est devenue connue et a effectivement été employée au Canada entre les années 2004 et 2009.

[43]           Pour ce qui est de la période comprise entre les années 2009 et 2013, la Requérante fait valoir que la preuve de l’Opposante contient également nombre de lacunes et de contradictions. Sans entrer dans le détail de celles-ci, la Requérante fait principalement valoir les lacunes et contradictions dans les chiffres de vente fournis au paragraphe 9 de l’affidavit de M. Bailey et le fait que la marque de commerce TATTOO de l’Opposante est employée essentiellement pour exportation aux États-Unis et de manière « résiduelle » à l’interne au Canada.

[44]           Concernant plus particulièrement les chiffres de vente, il ressort du contre-interrogatoire de M. Bailey que celui-ci n’a pas vérifié personnellement les chiffres de vente indiqués au paragraphe 9 de son affidavit, mais qu’il les avait plutôt obtenus de son associé Eric Cook. En réponse aux engagements de M. Bailey, un deuxième tableau comprenant des chiffres de vente plus précis (« more specific sales figures ») a été fourni par l’Opposante, soit :

Année

Ventes au Canada

Ventes à l’exportation aux É-U.

2009

$486.58

$333,819.47

2010

$4,617.55

$6,481.16

2011

$2,923.45

$47,785.94

2012

$39,637.00

$269,203.00

2013

$24,632.80

$174,054.20

[45]           En faisant un exercice de comparaison entre ce deuxième tableau et celui fourni précédemment au paragraphe 9 de l’affidavit de M. Bailey, la Requérante fait valoir que des différences importantes, tout simplement inexplicables, existent. Elle soumet que les chiffres allégués au paragraphe 9 sont douteux et que rien ne permet de dire que ce n’est pas la même chose pour les chiffres fournis en réponse aux engagements. Partant, la Requérante soumet que le registraire ne peut tenir compte des chiffres de vente de l’Opposante et doit considérer que celle-ci n’a pas démontré que sa marque avait acquis un caractère distinctif par l’emploi et/ou la promotion. À défaut d’adhérer à ce raisonnement, la Requérante soumet que le registraire doit au moins prendre en compte « ces contradictions et lacunes entre deux documents qui sont censés se répondre, et en tirer des inférences négatives » quant à l’emploi et/ou la promotion de la marque de l’Opposante depuis 2009.

[46]           Je ne suis pas convaincue qu’il s’agit d’un cas où pareilles inférences négatives doivent être tirées.

[47]           Tel qu’indiqué dans le tableau présenté au paragraphe 9 de l’affidavit de M. Bailey, les chiffres de vente originalement soumis étaient accompagnés de la mention « In excess of ». Dans les réponses aux engagements incorporant le deuxième tableau décrit plus haut, l’Opposante explique que :

Upon reviewing the sales figures supplied to Mr. Bailey in support of his statement in paragraph 9, it was discovered that the sales figures for 2009-2013 are actually in excess of the figures in paragraph 9.

[48]           Les chiffres précisés excèdent ceux fournis dans le premier tableau. Ils ne les contredisent pas.

[49]           En somme, j’estime qu’il n’y a pas lieu de remettre en question les chiffres de vente fournis dans le deuxième tableau.

[50]           Concernant par ailleurs l’emploi pour exportation, la Requérante fait valoir qu’il ressort de l’ensemble du contre-interrogatoire de M. Bailey que la vaste majorité des visiteurs du site web de l’Opposante proviennent des États-Unis. De plus, la vaste majorité des ventes indiquées au paragraphe 9 de l’affidavit de M. Bailey (et dans le deuxième tableau) concernent des ventes pour exportation aux États-Unis. La Requérante souligne que lors de son contre-interrogatoire, M. Bailey a admis que les Canadiens, autres que le transporteur des produits (« other than the truck driver or a theft »), ne sont pas exposés aux produits destinés à l’exportation aux États-Unis. Traçant un parallèle avec l’affaire Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1985), 7 CPR (3d) 254 (CF 1e inst), dans laquelle il fut déterminé que l’appréciation du caractère distinctif d’une marque de commerce doit se faire en regard du marché canadien par opposition aux marchés étrangers, la Requérante soumet que la preuve d’emploi de la marque de commerce TATTOO aux États-Unis ne permet pas d’inférer que cette marque a acquis pour autant un caractère distinctif auprès des consommateurs canadiens. La Requérante soumet qu’il revenait à l’Opposante d’établir le rejaillissement positif des exportations aux États-Unis sur le marché interne canadien, sur la réputation de sa marque auprès des consommateurs canadiens, ce qui n’a pas été fait.

[51]           À ce sujet, la Requérante fait valoir que la notion d’emploi au sens de l’article 4(3) de la Loi, qui prend en compte les exportations, est différente de celle de l’article 6 de la Loi. Elle fait valoir que ce dernier article s’intéresse en effet au caractère distinctif acquis d’une marque de commerce, qui dépend exclusivement de la connaissance que peuvent avoir des consommateurs canadiens de cette marque.

[52]           Concernant l’affirmation de M. Bailey à l’effet que l’Opposante « has had much success selling TATTOO-branded [registered products] in Canada and exporting [same] from Canada to the United States », la Requérante soumet que l’Opposante jouit plutôt d’une réputation discutable auprès de ses consommateurs.

[53]           La Requérante fait notamment valoir que l’Opposante n’a fourni aucune preuve démontrant la bonne réputation dont jouit la marque de commerce TATTOO, bien que questionnée à ce sujet lors du contre-interrogatoire de M. Bailey. La Requérante tentait notamment de démontrer que la chaîne de pharmacies américaine CVS (à l’origine de la commande de plus de $300,000.00 survenue en 2009) avait arrêté de commander les produits TATTOO de l’Opposante à l’automne 2009 (ce qui a été admis par l’Opposante) parce qu’elle avait eu une mauvaise expérience avec ces produits. La Requérante tentait également de savoir dans quelle mesure les produits de marque TATTOO de l’Opposante avaient fait l’objet de plaintes de la part de consommateurs. L’Opposante ayant ultimement refusé de répondre à ces questions au motif que celles-ci étaient non pertinentes dans le cadre de la présente procédure, la Requérante demande au registraire de tirer une inférence négative de tous ces refus et de considérer que la marque de l’Opposante jouit d’une réputation douteuse auprès des consommateurs.

[54]           À défaut d’adhérer à ce raisonnement, la Requérante soumet que le registraire doit au moins admettre que l’Opposante n’a fourni aucune preuve indiquant la bonne réputation de sa marque auprès des consommateurs, ce qui amoindrit sensiblement les prétentions de l’Opposante quant à l’emploi et la promotion de sa marque depuis 2009.

[55]           Il est un fait que la majorité des ventes réalisées par l’Opposante concernent des ventes pour exportation aux États-Unis. Tant les chiffres de vente fournis dans le premier tableau que dans le deuxième, parlent d’eux-mêmes. Je conviens de plus avec la Requérante que dans les circonstances du présent dossier, l’on ne peut conclure que l’emploi fait par le biais des ventes pour exportation aux États-Unis ait contribué de quelque manière à accroître la mesure dans laquelle la marque de commerce TATTOO est devenue connue au Canada.

[56]           Toutefois, je ne suis pas prête à tirer des inférences négatives suite au refus de l’Opposante de répondre aux questions de la Requérante concernant les raisons de la cessation de la relation d’affaires avec CVS ou les plaintes de consommateurs que l’Opposante aurait pu recevoir ou non. Qu’il suffise de remarquer que ce n’est pas parce qu’un produit a pu faire l’objet de plaintes qu’il ne peut pas pour autant être devenu connu. En ce sens, l’Opposante était justifiée de refuser de répondre aux questions de la Requérante au motif que celles-ci s’avéraient non pertinentes dans le contexte de la présente opposition.

[57]           Ceci étant dit, je conviens avec la Requérante que l’on ne peut conclure que la marque TATTOO de l’Opposante est devenue connue de manière substantielle au Canada. Les chiffres concernant les ventes réalisées au Canada pour la période comprise entre les années 2009 et 2013 sont modestes. De plus, hormis la simple publicité réalisée sur le site Web de l’Opposante à partir de l’année 2009, ou par le biais de l’unité de présentation pour afficher les Produits TATTOO chez certains détaillants en 2009 et 2010, je ne peux conclure que les Produits TATTOO ont fait l’objet de publicité ou de promotion significatives.

[58]           En résumé, je ne suis pas prête à conclure que la marque de commerce TATTOO de l’Opposante est devenue connue au Canada de manière à en accroître le caractère distinctif de manière significative. Tout au plus suis-je prête à conclure que la marque de commerce TATTOO a été employée et devenue connue modestement au Canada, de manière à amoindrir un tant soit peu la différence existant entre le caractère distinctif inhérent plus faible de celle-ci en comparaison de celui plus élevé de la Marque.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[59]           Lors de l’audience, l’Opposante a fait valoir que la marque TATTOO avait été employée au Canada depuis plus d’une décennie, contrastant ainsi avec l’absence totale d’emploi de la Marque.

[60]           Compte tenu des ambiguïtés et lacunes relevées plus haut dans ma revue du témoignage de M. Bailey, j’estime toutefois que la preuve de l’Opposante permet tout au plus de conclure à l’emploi continu de la marque TATTOO au Canada depuis 2009.

[61]           Quoiqu’il en soit, je conviens avec l’Opposante que ce facteur la favorise tout de même étant donné l’absence d’emploi de la Marque.

Le genre de produits, services ou entreprises et la nature du commerce

[62]           Les produits des parties sont identiques, ou à toutes fins pratiques identiques.

[63]           Je conviens avec l’Opposante qu’en l’absence de preuve à l’effet contraire, l’on ne saurait conclure que leurs voix de commercialisation diffèrent.

[64]           Partant, ces facteurs favorisent également l’Opposante.

Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[65]           Tel que rappelé par la Cour suprême dans l’affaire Masterpiece, précitée, au paragraphe 49, le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et celui qui est décisif dans la plupart des cas, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.

[66]           Par ailleurs, tel que mentionné plus haut, il est bien établi en jurisprudence que la probabilité de confusion est une question de première impression et de souvenir imparfait. À cet égard, « [m]ême s'il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d'en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [voir Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF), au paragraphe 34].

[67]           Aussi, s’il est vrai que dans certains cas le premier mot sera l’élément le plus important pour établir le caractère distinctif d’une marque de commerce, la Cour suprême précise au paragraphe 64 de l’affaire Masterpiece qu’il est préférable de se demander d’abord si l’un des aspects de celle-ci est particulièrement frappant ou unique.

[68]           Appliquant ces principes au présent dossier, je conviens avec la Requérante qu’il existe des différences significatives entre les marques en cause et qu’il est facile de les distinguer.

[69]           La marque de commerce TATTOO de l’Opposante est composée uniquement du mot « TATTOO », alors que la Marque est composée de cinq mots. Au plan visuel, de par la disposition du mot « DIESEL » et la police de caractères différente employée pour celui-ci par rapport aux mots « ONLY THE BRAVE TATTOO », je conviens avec la Requérante que le mot « DIESEL » est l’élément dominant. Tel que souligné par la Requérante, les mots « ONLY THE BRAVE TATTOO » sont sous forme cursive ce qui les rend moins facilement lisibles que le mot « DIESEL » utilisant une écriture scripte. En outre, le dernier mot « TATTOO » utilise les plus petits caractères de police, il n’est pas si facile à lire. Finalement, on voit bien que la Marque s’apparente à une phrase, « DIESEL, ONLY THE BRAVE TATTOO », à l’opposé de la marque de commerce de l’Opposante qui se limite au seul mot « TATTOO ».

[70]           Au plan phonétique, je conviens avec la Requérante que la Marque diffère également significativement de celle de l’Opposante. Une locution verbale de cinq mots contre un seul mot sera nécessairement prononcée de manière différente et dans un laps de temps plus long par les consommateurs, qu’ils soient anglophones, francophones, ou bilingues.

[71]           Revenant sur les idées suggérées par les marques en cause, je conviens avec la Requérante que celles-ci ne font pas surgir « la même idée dans l’esprit du consommateur plutôt pressé » [Veuve Clicquot, supra, para 35].

[72]           Sans aller jusqu’à convenir avec la Requérante que le mot « DIESEL » inclus dans la Marque « bénéficie d’une notoriété incontestable » en tant que marque de commerce de la Requérante (aucune preuve quelle qu’elle soit n’ayant été produite par la Requérante pour soutenir pareille prétention), je conviens avec la Requérante que la Marque « vise un consommateur intéressé par les produits Diesel et qui se considère non conformiste, sûr de lui, prêt à oser ». La nette emphase mise sur le mot « DIESEL », suivi de la phrase « ONLY THE BRAVE TATTOO » évoquant l’idée de bravoure associé au geste de tatouer, supporte cette conclusion.

[73]           En comparaison, la marque de l’Opposante n’évoque pas cet aspect de non-conformité ou de bravoure. Le mot « TATTOO », employé seul dans le contexte des produits de parfumerie de l’Opposante, évoque l’idée d’un parfum qui imprègne la peau de la personne qui le porte et possiblement la distingue (comme un tatouage).

[74]           La Requérante soumet à cet égard que la marque de l’Opposante transmet un message d’acceptation sociale de la tendance des tatouages de la part du consommateur, plutôt qu’un message de non-conformité. Elle rappelle en outre que M. Bailey confirme clairement cette hypothèse en attestant au paragraphe 4 de son affidavit que la tendance du tatouage est et deviendra de plus en plus attrayante (« increasingly appealing ») pour la population canadienne et partout dans le monde, et que la marque de commerce TATTOO employée en association avec les produits que l’Opposante développe et vend, deviendrait aussi attrayante pour une large section de la population.

[75]           En ce sens, la Requérante soumet que la marque de commerce TATTOO de l’Opposante s’adresse à un public plus large qui cherche à suivre la majorité, la tendance. Bref, que les marques possèdent des assises différentes.

[76]           Je suis d’accord avec la Requérante. Tel que noté plus haut, M. Bailey affirme sans équivoque que la marque de commerce TATTOO a été adoptée par l’Opposante prenant en considération la tendance du tatouage en tant que pratique « attrayante » au sein de la population canadienne. J’estime raisonnable d’accorder foi à cette affirmation de M. Bailey, laquelle concerne directement l’idée évoquée par la marque de commerce TATTOO.

[77]           En terminant, j’ajouterai que contrairement à la position prise par l’Opposante lors de l’audience, le fait que le mot « TATTOO » est employé comme verbe dans la phrase « ONLY THE BRAVE TATTOO », répondant en cela à la question formulée par l’agent de l’Opposante lors de l’audience « Only the brave do what? They tattoo », ne fait pas de ce mot l’élément dominant de la Marque. La Marque doit être considérée dans son ensemble, ce qui inclut la première portion constituée du mot « DIESEL » n’ayant en soi aucun rapport avec les produits de parfumerie de la Requérante, et le « groupe sujet » « ONLY THE BRAVE » précédant le verbe « TATTOO ».

[78]           En résumé, le fait que la Marque incorpore la totalité de la marque de commerce TATTOO ne m’amène pas à conclure que la Marque partage une ressemblance importante avec celle-ci dans la présentation, dans le son ou dans les idées suggérées. J’estime au contraire qu’il existe des différences significatives aux plans visuel, phonétique et des idées suggérées par les marques des parties. Par conséquent, mon appréciation globale de ce cinquième facteur favorise la Requérante.

Circonstances additionnelles

[79]           La Requérante soumet que le tatouage n’est plus seulement une mode mais un véritable « phénomène de société » qui ne peut donc appartenir à personne. Elle soumet que le terme “TATTOO” est couramment employé « dans tous les types d’industrie [sic] », et spécifiquement dans « l’industrie des produits appliqués sur la peau ».

[80]           Sans entrer dans le détail des prétentions de la Requérante, je retiens que celle-ci s’appuie, entre autres, sur les éléments suivants :

-        la preuve soumise par le biais de l’affidavit de M. Michaud;

-        la preuve soumise par le témoignage de M. Bailey;

-        la preuve soumise par le biais de l’affidavit de Mme Biggs; et

-        le dossier complet d’examen relatif à la marque de commerce enregistrée TATTOO de l’Opposante produit par le biais de l’affidavit de Mme Côté-Laporte.

L’affidavit de M. Michaud

[81]           L’affidavit de M. Michaud a pour but de démontrer que celui-ci a été à même de commander en ligne divers produits de parfumerie contenant le mot « TATTOO » à partir du Canada, soit les produits suivants :

-        Tattooed for women, by Inky Perfume [pièce DPM-1];

-        That’s Amore! Tattoo Lei for women by Gai Mattiolo; et That’s Amore! Tattoo Lei for men by Gai Mattiolo [pièces DPM-2 et DPM-3];

-        Rose Tattoo for men & women by Neil Morris [pièces DPM-4 et 5]; et

-        Tattoo Girl by Johan B [pièce DPM-6].

[82]           Il convient de noter toutefois que M. Michaud indique dans son affidavit qu’il était toujours sur une liste d’attente afin de pouvoir acheter les produits That’s Amore! Tattoo for men and women au moment de la signature de son affidavit. Il ressort également du contre-interrogatoire de M. Michaud que les achats effectués en ligne par celui-ci ne sont pas nécessairement représentatifs de ce que l’on retrouve dans les magasins physiques traditionnels.

Le témoignage de M. Bailey

[83]           La Requérante rappelle qu’au paragraphe 17 de son affidavit, M. Bailey affirme que l’Opposante « polices the marketplace regularly to ensure [its] Tattoo Trade-mark is distinctive ».

[84]           Lorsque questionné à ce sujet lors de son contre-interrogatoire, M. Bailey a répondu par l’affirmative à la question « Have you found potentially offending products in the Canadian and U.S. Marketplace as a result of the policing in the marketplace that you have been conducting […]?”.

[85]           S’en suivent les questions suivantes:

Q. So my first question will be : Have you found offending products in the Canadian Markeplace?

A. Yes, “Diesel Only The Brave Tattoo”.

Q. Okay. Any others?

A. I believe so; but I would need that to be confirmed.

[86]           La Requérante fait également valoir que lors de son contre-interrogatoire, M. Bailey a répondu à la question « Are you aware that there are manufacturers/producers of products that put the word ʽTattooʼ on their product, in various industries, various fields of business » par « Somewhat aware ». Je reproduis l’échange complet :

A. Somewhat aware. But in general, the reason why the ʽTattooʼ Mark is of interest to us is the fact that there is so little and that we would be the only ones in the Perfume Sector to have the Mark all on our own.

Q. Okay. But do you agree that there are other companies out there which --

A. Somewhat. There are not many. So it is something that -- I can’t say that it’s prolific. I am somewhat aware. But in comparison to, you know, many – You know, it is very small, very tiny, in comparison to – It is very small. There is nothing to compare it to. Somewhat aware. There are very few.

Mr. MIKUS : I would like the Witness, as an Undertaking, to identify the other uses of the word « Tattoo » by Traders in different industries that he is aware of, that he just mentioned.

Ms. DUMOUCHEL: Subject to that being physical correspondence and being more than “somewhat aware” of it, if anything exists in his files, we will take it under Advisement.

[87]           La Requérante soumet que M. Bailey a refusé par la suite de répondre, tant dans son contre-interrogatoire que dans le cadre des réponses aux engagements souscrits lors de celui-ci, aux questions subséquentes en lien avec l’affirmation contenue au paragraphe 17 de son affidavit. Je note toutefois qu’en réponse à l’engagement particulier reproduit plus haut, l’Opposante a indiqué que « The affiant is unable to confirm any use of TATTOO in Canada in association with any particular goods or services, apart from the applicant. »

[88]           La Requérante demande au registraire de tirer des inférences négatives de ces nombreux refus de répondre et de considérer que « M. Bailey avait connaissance de nombreux produits de tiers vendus au Canada au cours de la période pertinente dont le nom ou la marque incorpore le terme ʽtattooʼ ».

L’affidavit de Mme Biggs

[89]           L’affidavit de Mme Biggs a pour but de répondre à l’affidavit de M. Michaud, en produisant notamment des extraits du dossier de demande d’enregistrement pour la marque de commerce TATTOOED BY INKY soumise par Apra International LLC (Apra) devant le United States Patent & Trademark Office (USPTO). Ces extraits font voir que cette demande a fait l’objet d’un abandon par Apra auprès du USPTO suite à une opposition par l’Opposante.

[90]           La Requérante souligne que cette preuve démontre que la première utilisation de la marque TATTOOED BY INKY remonte au 1er juillet 2009 et que par conséquent, l’Opposante avait connaissance de ce parfum depuis longtemps. De plus, même si la marque TATTOOED BY INKY n’est pas enregistrée, elle demeure toujours en usage puisque M. Michaud a été à même de se procurer pareil parfum.

L’affidavit de Mme Côté-Laporte

[91]           La Requérante fait valoir que dans une lettre datée du 21 septembre 2005, en réponse à un rapport d’examen, l’Opposante a tenu la position suivante :

The cited application and subject trade-mark both include the common element TATTOO. However, this word has been commonly registered in the name of different traders in different fields of interest. […] The cited applicant’s TATTOO GOO product is a cream merely used for tattoos. […] In summary, given the co-existence of the common element TATTOO on the register, and the differences in their respective wares and areas of trade, there is no likelihood of confusion on the Register, or in the marketplace between the subject application and the cited application. [Soulignement ajouté par la Requérante].

[92]           La Requérante fait valoir que par ces propos, l’Opposante concède que le mot « TATTOO » est couramment employé dans toutes les industries, mais surtout, et plus spécifiquement, elle précise que ce mot est couramment utilisé dans l’industrie des produits cosmétiques. Par conséquent, la marque de commerce TATTOO de l’Opposante ne bénéficie pas d’un degré élevé de caractère distinctif. La Requérante soumet que l’Opposante est mal venue de prétendre le contraire dans le cadre de la présente procédure et elle devrait se faire opposer une fin de non-recevoir (ou estoppel).

Conclusion – circonstances additionnelles

[93]           J’estime qu’il n’est pas nécessaire de décider du poids à accorder à l’ensemble de ces circonstances additionnelles pour conclure en faveur de la Requérante dans le présent dossier.

[94]           Ceci étant dit, je noterai simplement que je la preuve de l’état du registre à laquelle il est fait référence dans la réponse au rapport d’examen reproduit dans l’affidavit de Mme Côté-Laporte remonte à plus de 10 ans. De plus, même si j’acceptais de tirer des inférences négatives du refus de l’Opposante de répondre aux questions concernant sa connaissance de l’existence de produits de tiers comprenant le mot « TATTOO » dans leurs noms ou marques de commerce, j’estime que cela ne saurait m’autoriser à aller aussi loin que de conclure à l’existence de nombreux tels produits sur le marché canadien. Tout au plus serais-je prête à reconnaître l’existence des trois produits achetés par M. Michaud. En d’autres mots, je ne serais pas prête à conclure que le mot « TATTOO » est largement répandu comme composante de marque de commerce en liaison avec des produits de parfumerie au vu de la preuve (ou absence de preuve) au présent dossier.

Conclusion – probabilité de confusion

[95]           Tel qu’indiqué dans l’affaire Dion Neckwear précitée à la page 163, il n’est pas nécessaire que le registraire soit convaincu hors de tout doute qu’il n’y a aucun risque de confusion. En effet, « [traduction] [s]i la norme de preuve ‘hors de tout doute’ devait s’appliquer, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu'en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare. » [Voir également John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd, précitée].

[96]           Compte tenu de mon analyse ci-dessus, j’estime que la Requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque de commerce TATTOO de l’Opposante ne serait pas porté à conclure que les eaux de toilette de la Requérante proviennent de la même source ou sont autrement apparentés ou associés aux produits de l’Opposante.

[97]           J’estime que les différences entre les marques des parties sont déterminantes en soi et plus que suffisantes pour faire contrepoids aux facteurs qui sont favorables à l’Opposante en l’espèce.

[98]           Par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque.

Absence de droit à l’enregistrement

[99]                Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’article 16(3)(a) de la Loi, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce TATTOO avait été employée au Canada antérieurement à la date de production de la présente demande et n’avait pas été abandonnée à la date de son annonce dans le Journal des marques de commerce, en l’occurrence le 13 mars 2013 [article 16(5) de la Loi]. Contrairement à la position prise par la Requérante, j’estime que ce fardeau de preuve initial a été satisfait en l’espèce. Bien que non exhaustive et imparfaite, la preuve d’emploi de la marque TATTOO au Canada introduite par le biais de l’affidavit de M. Bailey est suffisante.

[100]       La différence entre les dates pertinentes n’a pas vraiment d’incidence sur mon analyse précédente en regard du motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque sous l’article 12(1)(d) de la Loi.

[101]       Conséquemment, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement en vertu de l’article 16(3)(a) de la Loi.

Absence de caractère distinctif de la Marque

[102]       Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’absence de caractère distinctif, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce TATTOO était devenue suffisamment connue au Canada à la date de la déclaration d’opposition, soit le 13 août 2013, de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF 1re inst)].

[103]       Contrairement à la position prise par la Requérante, j’estime que ce fardeau de preuve initial a été satisfait en l’espèce. Bien que non exhaustive et imparfaite, la preuve d’emploi de la marque TATTOO au Canada introduite par le biais de l’affidavit de M. Bailey est suffisante. La marque de commerce TATTOO n’a pas besoin d’être devenue « bien connue » (well-known) au Canada. J’estime les ventes de produits de parfumerie TATTOO réalisées par l’Opposante, bien que modestes, suffisantes dans le présent cas.

[104]       Quoiqu’il en soit, la différence entre les dates pertinentes n’a pas vraiment d’incidence sur mon analyse précédente en regard du motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque sous l’article 12(1)(d) de la Loi.

[105]       Par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Décision

[106]       En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L’AUDIENCE: 2016-11-15

 

COMPARUTIONS

 

Ashley Dumouchel                                                                              POUR L’OPPOSANTE

 

Jean-Philippe Mikus                                                                             POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENTS AU DOSSIER

 

Shapiro Cohen                                                                                     POUR L’OPPOSANTE

 

Fasken Martineau Dumoulin LLP                                                       POUR LA REQUÉRANTE

 

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