Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                                                              Référence : 2010 COMC 149

                                                                                          Date de la décision : 2010-09-16

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Canadian Fly-In Fishing (Red Lake) Ltd. à l'encontre de la demande d'enregistrement no 1134529 pour la marque de commerce WWW.CANADIANFLYINFISHING.COM & Dessin au nom de Lac Seul Airways, Ltd.

Le dossier

[1]        Lac Seul Airways, Ltd. a produit le 18 mars 2002 une demande d'enregistrement de la marque de commerce WWW.CANADIANFLYINFISHING.COM & Dessin, reproduite ci‑dessous :

 

 

Il se pourrait que l'illustration ci‑dessus ne permette pas de voir nettement que les mots LAC SEUL AIRWAYS, LTD figurent dans le quadrant inférieur droit de la marque, et les mots AMIK OUTPOSTS dans son quadrant inférieur gauche. La demande est fondée sur l'emploi de la marque depuis le 30 novembre 2000 en liaison avec les services suivants :

fourniture de transport aérien et d'hébergement

dans des cabines isolées.

 

[2]        Selon un examinateur des demandes d'enregistrement de marques de commerce à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, i) WWW.CANADIANFLYINFISHING.COM, ii) OUTPOSTS [camps isolés] et iii) AIRWAYS, LTD donnaient une description claire des services de la requérante, tandis que iv) l'expression LAC SEUL donnait une description claire du lieu d'origine des mêmes services, et il a en conséquence exigé de la requérante qu'elle se désiste du droit à l'usage exclusif de tous ces termes. L'examinateur a aussi indiqué que la marque visée par la demande créait de la confusion avec deux autres demandes d'enregistrement, également pendantes, visant respectivement la marque CANADIAN FLY‑IN FISHING et la marque nominale et figurative reproduite ci‑dessous, qui appartenaient toutes deux à la même entité et s'appliquaient à des services semblables à ceux que spécifiait la demande considérée.

 

 

L'examinateur a en outre exigé de la requérante qu'elle fournisse une traduction du mot AMIK que comporte la marque (dans le quadrant inférieur gauche, juste avant le mot OUPOSTS).

[3]        La requérante a répondu à l'examinateur en expliquant que le mot AMIK appartient à une langue amérindienne et signifie « castor », et en modifiant la demande de manière à se désister du droit à l'usage exclusif de tous les éléments verbaux de la marque, à l'exception du mot AMIK. La requérante a en outre fait valoir qu'il convenait de n'accorder qu'une protection restreinte aux marques citées par l'examinateur, et que les différences d'ensemble entre celles‑ci et la marque visée par la demande suffisaient à les distinguer. L'examinateur a accepté les observations de la requérante, et la demande considérée a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce le 18 février 2004. Canadian Fly‑In Fishing (Red Lake) Ltd. (CFF), propriétaire des demandes d'enregistrement de marques de commerce susmentionnées citées par l'examinateur, a produit une déclaration d'opposition à l'encontre de la présente demande le 15 juillet 2004. Le registraire a fait parvenir une copie de cette déclaration d'opposition à la requérante le 7 septembre 2004, conformément au paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13. La requérante a produit et signifié en réponse une contre-déclaration contestant l'ensemble des allégations de la déclaration d'opposition.

[4]        La requérante a aussi demandé une décision interlocutoire sur le caractère suffisant de certains paragraphes de la déclaration d'opposition. En définitive, les actes de procédure versés au dossier sont la déclaration d'opposition modifiée en date du 7 juillet 2005 et la contre-déclaration modifiée en date du 5 juillet 2005.

[5]        La preuve de l'opposante consiste en deux affidavits d'Evelyn Manning, ainsi que dans des affidavits respectivement signés par Ben A. Blackshire, Peter Hagerdon, Thomas Howe, Robert Garner et Guy Manning. La preuve de la requérante consiste dans les affidavits de John Myers, Jill Deborah Terris, Vernon Jones, Paul Leonard Britton et Shannon Smith. Seule l'opposante a produit un plaidoyer écrit, mais les deux parties étaient représentées à l'audience, tenue le 24 août 2010.

 

La déclaration d'opposition

[6]        Suivant le premier motif d'opposition, fondé sur l'alinéa 16(1)a) de la Loi sur les marques de commerce, la requérante n'aurait pas droit à l'enregistrement de la marque visée par la demande parce que, à la date de son premier emploi, soit au 30 novembre 2000, elle créait de la confusion avec les marques de l'opposante CANADIAN FLY‑IN FISHING et CANADIAN FLY‑IN FISHING & Dessin (reproduite ci‑dessus), employées au Canada par l'opposante et par son prédécesseur en titre, Clibbery, Ltd., respectivement depuis au moins mai 1997 et depuis 1965.

[7]        Suivant le deuxième motif d'opposition, fondé sur l'alinéa 16(1)b) de la Loi, la requérante n'aurait pas droit à l'enregistrement de la marque visée par la demande parce que, à la date de son premier emploi, soit au 30 novembre 2000, elle créait de la confusion avec les marques de l'opposante CANADIAN FLY‑IN FISHING et CANADIAN FLY‑IN FISHING & Dessin, dont l'opposante avait antérieurement produit des demandes d'enregistrement (portant respectivement les numéros 1064423 et 1064424).

 [8]       Suivant le troisième motif d'opposition, fondé sur l'alinéa 16(1)c), la requérante n'aurait pas droit à l'enregistrement de la marque visée par la demande parce que, à la date de son premier emploi, soit au 30 novembre 2000, elle créait de la confusion avec le nom commercial CANADIAN FLY‑IN FISHING de l'opposante, que cette dernière et son prédécesseur en titre Clibbery avaient antérieurement employé au Canada à compter de 1965.

[9]        Suivant le quatrième motif d'opposition, la demande ne serait pas conforme à l'alinéa 30i) parce que la requérante avait ou aurait dû avoir connaissance des faits allégués ci‑dessus.  

 

La preuve de l'opposante

Evelyn Manning

[10]      Madame Manning atteste qu'elle est présidente et actionnaire majoritaire de l'opposante, la compagnie CFF. Le prédécesseur en titre de l'opposante, Clibbery, Ltd., a exercé son activité et fourni ses services sous le nom commercial et la marque de commerce CANADIAN FLY‑IN FISHING de 1965 à 1980. CFF a été constituée en société en 1980, assumant dès lors la totalité des actifs et des passifs de Clibbery, Ltd., qui est devenue inactive. CFF emploie la marque CANADIAN FLY‑IN FISHING depuis cette date. CFF et son prédécesseur en titre ont fourni des services récréatifs et touristiques à Red Lake (Ontario) et aux environs durant quelque 38 ans. L'opposante offre des services d'hébergement dans dix camps isolés situés au bord de sept lacs du Nord-Ouest ontarien, ainsi que des services de transport vers ces camps. Elle fournit des cabanes, des embarcations, des moteurs et d'autres équipements nécessaires pour des séjours d'une semaine en milieu sauvage.

[11]      L'opposante a commencé à employer la marque CANADIAN FLY‑IN FISHING & Dessin en 1990. Elle emploie ses marques pour faire reconnaître ses services aux consommateurs, aux marchands et aux fournisseurs. Elle commercialise ses services sous sa marque et son nom commercial par divers moyens, soit la publicité imprimée, la publicité télévisée et la participation à des salons professionnels de l'industrie des sports, dont la plupart semblent se tenir aux États-Unis. Les dépenses annuelles afférentes à ces activités de publicité et de promotion se situent dans les 100 000 $.

[12]      Madame Manning a appris en février 2000 que la requérante avait enregistré et commencé à employer le nom de domaine Internet www.canadianflyinfishing.com. Par suite, l'opposante a introduit en Ontario contre la requérante une action en commercialisation trompeuse et en contrefaçon. Je n'ai pas tenu compte des copies d'affidavits déposés dans cette action que Mme Manning a annexées à son propre affidavit sous les cotes 6 à 9.

 

Les autres éléments de preuve de l'opposante

[13]      Messieurs Blackshire, Howe, Garner et Manning sont des résidents des États-Unis. Leurs affidavits corroborent dans l'ensemble les affirmations de Mme Manning comme quoi l'opposante emploie depuis longtemps ses marques et son nom commercial en liaison avec ses services de pêche sportive et de navigation de plaisance dans des régions isolées du Nord-Ouest ontarien.

[14]      Monsieur Hagerdon est un résident de Red Lake (Ontario), où il possède et exploite une entreprise appelée Chimo Lodge depuis 1975. Monsieur Hagerdon est un concurrent direct de l'opposante. Depuis 1960, affirme‑t‑il, le nom commercial CANADIAN FLY‑IN FISHING [TRADUCTION] « est uniquement lié à CFF et n'est associé à aucune autre entreprise que je sache, ni dans le secteur d'activité où nous nous faisons concurrence, ni à Red Lake ou dans les localités voisines ».

 

La preuve de la requérante

Jill Terris

[15]      Madame Terris atteste qu'elle est agent de marques de commerce au cabinet qui représente la requérante. Elle déclare, se fondant sur des recherches dans les archives du Bureau des marques de commerce (qui relève d'Industrie Canada), que la Division de l'examen audit Bureau a élevé des objections à l'égard des demandes d'enregistrement des marques de commerce CANADIAN FLY‑IN FISHING et CANADIAN FLY‑IN FISHING & Dessin produites par l'opposante. Ces objections sont que les marques visées par ces demandes paraissent ne pas être enregistrables, au motif qu'elles donnent une description claire des services de l'opposante, présentés comme étant la [TRADUCTION] « fourniture d'hébergement dans des lieux isolés en milieu sauvage et de transport vers ces lieux ». J'ai noté que ces demandes sont encore pendantes à la date de la présente décision.

 

Vernon Jones

[16]      Monsieur Jones réside aux États-Unis, plus précisément au Minnesota. Dans les années 1950, il avait pour activité professionnelle le transport par avion vers des camps de pêche (appartenant à d'autres personnes) situés dans la nature sauvage canadienne. Cette forme d’hébergement a alors commencé à se développer du fait de l'offre de services spéciaux de transport aérien dits « fly‑in ». [TRADUCTION] « Mon entreprise, déclare M. Jones, a commencé à utiliser les expressions fly‑in fishing [pêche avec transport par avion] et Canadian fly‑in fishing [pêche au Canada avec transport par avion] dans la région de Fort Francis, et je crois comprendre qu'elles sont maintenant employées dans l'ensemble du Canada. » Monsieur Jones se rappelle que Rusty Myers Flying Service lui faisait concurrence à l'époque.

 

John Myers

[17]      John Myers est un résident de Fort Francis (Ontario). Il est le fils de Rusty Myers, de l'entreprise susmentionnée. John Myers a commencé à travailler dans l'entreprise de son père en 1959 et à piloter pour celle‑ci en 1964. Le paragraphe 6 de son affidavit est rédigé comme suit :

[TRADUCTION] Du plus loin que je me souvienne, le genre de service que l'entreprise de mon père offrait aux pêcheurs sportifs était connu sous la désignation Canadian fly‑in fishing. Je me rappelle aussi que dans divers salons de sports auxquels j'ai participé, un grand nombre d'exposants concurrents de notre entreprise employaient l'expression Canadian fly‑in fishing sur leurs toiles de fond pour désigner les services qu'ils offraient aux amateurs de pêche.

 

Shannon Smith

[18]      Madame Smith est une étudiante à qui les agents de la requérante ont demandé de faire des recherches dans des magazines et autres publications antérieures à octobre 2000 pour y trouver des occurrences des expressions fly‑in, fly‑in fishing, fly in fishing et Canadian fly in fishing. Elle en a relevé de nombreuses dans des publications relatives aux sports et autres activités récréatives de plein air.

 

Paul Britton

[19]      En 2001, M. Britton, alors étudiant en emploi d'été chez les agents de la requérante, a effectué sur Internet une recherche relative à l'expression Canadian fly‑in fishing. Il a synthétisé les résultats de cette recherche dans un affidavit en date du 13 décembre 2001, qu'il a annexé sous la cote A à son présent affidavit. Il a trouvé d'innombrables occurrences de cette expression, dans des contextes tels que les suivants :

[TRADUCTION]

 

[...] Vous avez envie d'un voyage de pêche par avion [fly‑in fishing trip] au Canada? [...] Nous offrons le summum de l'hébergement en milieu sauvage ontarien, au bord de lacs accessibles seulement par avion [fly‑in] : vous trouverez chez nous des équipements exceptionnels et tous les aménagements nécessaires pour un séjour vraiment inoubliable.

 

[...] avant que le pilote survole le camp dans son approche finale, vous pouvez être certain que vous êtes sur le point de faire l'expérience de ce qu'il y a de mieux en fait de pêche sportive dans la nature sauvage canadienne [Canadian fly‑in fishing].

 

Bienvenue [...] Vous souhaitez faire un voyage de pêche par avion dans la nature sauvage canadienne [Canadian fly‑in fishing trip]? Un séjour de pêche au doré jaune, au grand brochet et à la truite grise dans un camp de Loon Haunt isolé au milieu de la forêt canadienne : voilà une expérience que vous n'oublierez pas de sitôt.

 

Les fardeaux de preuve

[20]      Il incombe au requérant d’établir que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce, contrairement à ce qu’allègue l'opposant dans la déclaration d'opposition. L'existence d’un fardeau ultime au requérant signifie que si, après la production de la totalité de la preuve, on ne peut tirer une conclusion donnée sur cette question, celle-ci doit être tranchée à son encontre. Cependant, conformément aux règles de preuve habituelles, l'opposant a également le fardeau de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels il appuie chacun des motifs invoqués dans sa déclaration d’opposition : voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, 30 C.P.R. (3d) 293, page 298. L'existence d’un fardeau incombant à l'opposant au sujet d’une question en particulier signifie que cette question ne pourra être prise en considération que s’il existe des éléments de preuve suffisants à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à L’existence des faits allégués à l’appui de cette question.

 

Dans la présente espèce, la preuve de l'opposante suffit à établir qu'elle emploie l'expression CANADIAN FLY‑IN FISHING comme marque de commerce et comme nom commercial depuis environ 1965.

 

La principale question en litige et les dates pertinentes

[21]      La principale question que met en litige la déclaration d'opposition est celle de savoir si la marque visée par la demande, WWW.CANADIANFLYINFISHING.COM & Dessin, crée de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial de l'opposante, CANADIAN FLY‑IN FISHING. Il incombe à la requérante d'établir qu'il n'y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion au sens de l'article 6 de la Loi, reproduit ci‑dessous avec les adaptations nécessaires, entre la marque visée par la demande et la marque ou le nom commercial de l'opposante :

L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce [ou avec un nom commercial] lorsque l'emploi des deux marques de commerce [ou de la marque de commerce et du nom commercial] dans la même région serait susceptible de faire conclure que [...] les services liés à ces marques [ou à cette marque et à ce nom commercial] sont loués ou exécutés [...] par la même personne, que [...] ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[22]      On voit donc que le paragraphe 6(2) ne concerne pas la confusion des marques ou des noms commerciaux eux-mêmes, mais plutôt la confusion des sources des services. Dans la présente espèce, la question que pose le paragraphe 6(2) est celle de savoir si l'on risquerait de conclure que les services de la requérante, vendus sous la marque WWW.CANADIANFLYINFISHING.COM & Dessin, sont fournis ou avalisés par l'opposante. La date pertinente pour examiner la question de la confusion est la date de premier emploi déclarée par le requérant, qui est dans la présente espèce le 30 novembre 2000.

 

Le test en matière de confusion

[23]      Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour établir si deux marques (ou une marque et un nom commercial) créent de la confusion sont énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques, ou de la marque et du nom commercial, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle chacun a été en usage; le genre de marchandises, de services ou d’entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques, ou entre la marque et le nom commercial, dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive : tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération. En outre, tous les facteurs n’ont pas nécessairement un poids égal; le poids à donner à chacun d’eux dépend des circonstances de l’espèce. Voir Gainers Inc. c. Tammy L. Marchildon et le registraire des marques de commerce (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.).

 

Application des facteurs énumérés au paragraphe 6(5)

[24]      La marque et le nom commercial de l'opposante, CANADIAN FLY‑IN FISHING, ne possédaient pas à mon sens de caractère distinctif inhérent à la date pertinente, soit au 30 novembre 2000. Selon la prépondérance de la preuve, en effet, Canadian fly‑in fishing était alors devenu une expression d'usage courant pour désigner la pêche sportive dans des lieux isolés du Canada accessibles seulement par petit avion. Cependant, la preuve établit aussi que la marque et le nom commercial de l'opposante avaient alors acquis un certain caractère distinctif par suite de l'emploi et de la publicité dont ils faisaient depuis longtemps l'objet. À mon avis, la marque visée par la demande, WWW.CANADIANFLYINFISHING.COM & Dessin, ne possède que très peu de caractère distinctif inhérent pour les raisons suivantes : i) on se rend immédiatement compte que le préfixe WWW. désigne le Web, et le suffixe .COM, le niveau de nom de domaine; et ii) l'élément dominant de la marque est la suite de lettres CANADIANFLYINFISHING, où l'on reconnait facilement l'expression CANADIAN FLY‑IN FISHING, qui donne une description claire de son objet. Aucun élément de la preuve ne tend à établir que la marque visée par la demande ait acquis un caractère distinctif à l'une ou l’autre des dates pertinentes. Le caractère distinctif inhérent de la marque visée par la demande réside principalement dans ses éléments figuratifs. Cependant, ceux‑ci évoquent, s'ils ne la décrivent pas, la nature des services de la requérante. Le terme AMIK ajoute un certain degré de caractère distinctif inhérent, mais un degré restreint. En effet, l'inscription de ce mot est minuscule et s'efface devant l'élément verbal dominant, CANADIANFLYINFISHING, et les éléments figuratifs. Par conséquent, j’estime que le premier facteur ‑ à la fois le caractère distinctif inhérent et acquis ‑, favorise légèrement l'opposante ou est au moins neutre, c'est‑à‑dire ne favorise aucune des parties.

[25]      Je ferai remarquer en passant que la preuve qu'a produite l'opposante dans la présente procédure d'opposition afin d'établir le caractère distinctif de sa marque et de son nom commercial serait probablement insuffisante pour permettre l'enregistrement de ses marques en vertu de l'exception que prévoit le paragraphe 12(2) de la Loi sur les marques de commerce à l'interdiction générale frappant l'enregistrement de marques qui donnent une description claire de leur objet. Cependant, l'issue des demandes d'enregistrement des marques des marques de l'opposante n'est pas particulièrement pertinente pour notre décision dans la présente procédure d'opposition, étant donné la différence des questions en litige, des normes de preuve et des facteurs juridiques à prendre en considération.

[26]      Le facteur de la durée pendant laquelle les marques des parties (et le nom commercial de l'opposante) ont été en usage favorise l'opposante, étant donné que l'emploi par celle‑ci est antérieur de quelque 35 ans à l'emploi par la requérante. Quant aux natures respectives des entreprises et des commerce des parties, elles paraissent être identiques ou à tout le moins coïncider dans une très grande mesure, ce qui défavorise la requérante. Enfin, il me semble y avoir un degré très élevé de ressemblance entre la marque et le nom commercial de l'opposante CANADIAN FLY‑IN FISHING, d'une part, et d'autre part la marque visée par la demande, WWW.CANADIANFLYINFISHING.COM & Dessin, et ce, à tous égards par l'aspect visuel, par le son et par les idées qu'ils suggèrent , étant donné que l'élément dominant de cette dernière marque comprend la totalité de la marque de l'opposante. Par conséquent, l'application du critère de la ressemblance entre les marques des parties fait pencher la balance contre la requérante.

 

La jurisprudence

[27]      À l'audience, l'avocat de la requérante a soutenu que les principes posés par Questor Commercial Inc. c. Discoverer Services Ltd. (1979), 46 C.P.R.(2d) 58 (C.F. 1re inst.) ont force obligatoire en vertu de la doctrine stare decisis, d'où il suit selon lui que la présente opposition doit être rejetée. Dans Questor, l'opposante invoquait seulement l'enregistrement de sa marque de commerce SPEEDY MUFFLER CENTRE (pour emploi en liaison avec des silencieux et leur installation) à l'encontre de la demande d'enregistrement de la marque MUFFLER CENTRE & Dessin (pour emploi en liaison avec des silencieux). À part une copie conforme de l'enregistrement de l'opposante, aucune des parties n'avait présenté d'éléments de preuve à notre Commission. Celle‑ci avait repoussé la demande au motif de la probabilité de confusion avec la marque déposée de l'opposante. La requérante a exercé devant la Section de première instance de la Cour fédérale un recours dans le cadre duquel elle a cette fois présenté des éléments de preuve, tandis que l'opposante n'a pas participé à cette procédure. La Cour a accueilli le recours au motif que l'expression muffler centre [« centre du silencieux »] possédait une signification générale et était d'usage courant dans le secteur d'activité, de sorte que l'opposante ne pouvait invoquer les éléments communs aux marques pour établir la probabilité de confusion.

[28]      Je ne vois pas en quoi la décision Questor est applicable à l’espèce. Comme l'a fait remarquer l'avocat de l'opposante à la présente espèce, aucun élément de preuve dans Questor ne tendait à établir le caractère distinctif acquis de la marque de l'opposante, de sorte que la Cour n'y a pas examiné l'effet du caractère distinctif acquis sur la question de la confusion. Qui plus est, comme l'a aussi fait observer l'avocat de l'opposante à la présente procédure, la Cour d'appel fédérale a pris en considération dans des affaires plus récentes le caractère distinctif acquis des marques qui donnent une description claire de leur objet; voir par exemple Miss Universe, Inc. c. Bohna (1995), 58 C.P.R. (3d) 381.

[29]      Même dans l'hypothèse où l'avocat de la requérante aurait raison de dire qu'il convient de suivre Questor dans la présente espèce, je ne suis pas convaincu que cette décision peut s'appliquer à l'examen de la question de la confusion entre un nom commercial et une marque de commerce. En effet, il y a une différence fondamentale entre un nom commercial et une marque de commerce. Le nom commercial n'est pas défini comme étant une marque de commerce à l'article 2 de la Loi (alors que c'est le cas pour la marque de certification, le signe distinctif et la marque de commerce projetée). En outre, la Loi n’exige pas que le nom commercial distingue les marchandises ou services en liaison avec lesquels il est employé. Par conséquent, même si Questor interdisait à l'opposante à la présente espèce d'invoquer ses marques de commerce, il lui resterait possible de faire valoir son nom commercial.

 

Décision

[30]      Vu les considérations qui précèdent, concernant en particulier la ressemblance entre les marques en question, le chevauchement des services des parties, ainsi que le caractère distinctif acquis par les marques et le nom commercial de l'opposante, je conclus que la requérante n'a pas établi suivant la prépondérance des probabilités que la marque visée par sa demande ne crée aucune confusion avec les marques et le nom commercial de l'opposante à la date pertinente, soit au 30 novembre 2000.

[31]      Pour les raisons exposées plus haut, la demande considérée est repoussée. Je rends cette décision en vertu des pouvoirs qui me sont délégués sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce. L'issue de la présente procédure aurait été la même si l'opposante n'avait invoqué que son nom commercial.

 

 

 

_________________________

Myer Herzig                             

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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