Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE‑MARKS

 

Référence : 2012 COMC 156

Date de la décision : 2012‑08‑29

 

TRADUCTION

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Thai President Foods Public Company Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no 0807217 pour la marque de commerce MA·MA au nom de Nisshin Seifun Group Inc.

 

 

[1]               Le 9 février 2007, Nisshin Seifun Group Inc. (la Requérante) a produit, sur la base d’un emploi et d’un enregistrement aux États‑Unis d’Amérique, une demande en vue d’étendre l’état déclaratif des marchandises visées par l’enregistrement no LMC677617 relatif à la marque de commerce MA·MA (la Marque) de manière à inclure les « pâtes alimentaires ». Cet enregistrement vise actuellement de la « sauce pour pâtes alimentaires ».

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans l’édition du 27 mai 2009 du Journal des marques de commerce.

[3]               Le 27 juillet 2009, Thai President Foods Public Company Limited (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition. La Requérante a produit une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante. Elle demande en même temps que le registraire rende une décision interlocutoire sur le caractère suffisant de certains paragraphes de la déclaration d’opposition. Dans une lettre datée du 5 février 2010, le registraire a radié l’alinéa 2 d) de la déclaration d’opposition. Les autres motifs d’opposition peuvent être ainsi résumés :

1.      la demande relative à la Marque n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30d) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi) puisqu’à la date de production, la Requérante n’avait pas employé la Marque aux États‑Unis en liaison avec des « pâtes alimentaires » contrairement à ce qu’indique la demande;

2.      la demande relative à la Marque n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30d) de la Loi puisqu’au moment où la demande a été produite, les États‑Unis n’étaient pas un « pays d’origine » de la Requérante contrairement à ce qu’indique la demande;

3.      la demande relative à la Marque n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi puisque la Requérante n’avait pas employé la Marque au Canada en liaison avec les marchandises « pâtes alimentaires » indiquées dans la demande, et qu’en fait elle n’a pas vraiment l’intention de le faire;

4.      la Marque n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)d) de la Loi puisqu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce MAMA et Dessin (reproduite ci‑dessous) appartenant à l’Opposante et employée par cette dernière et/ou son ou ses licenciés canadiens sous le no d’enregistrement LMC557343.

MAMA & Design

La Base de données sur les marques de commerce canadiennes indique ceci :

La traduction anglaise telle que fournie par [l’Opposante] des caractères chinois et thaïlandais est Mama et la translittération telle que fournie par [l’Opposante] de ces caractères est Ma‑Ma.

En outre, cet enregistrement revendique l’emploi de la marque depuis au moins le 10 avril 1991 en liaison avec les marchandises suivantes :

Nouilles instantanées aromatisées, riz aromatisé, vermicelle, riz bouilli instantané, riz blanchi, macaroni, spaghetti et biscuits à levure chimique

5.      aux termes de l’alinéa 16(2)a) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque puisqu’au moment où elle a produit la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce MAMA, MAMA BRAND et MAMA et Dessin qui avaient déjà été employées et révélées au Canada par l’Opposante et/ou son ou ses licenciés canadiens en liaison avec des produits alimentaires, notamment les marchandises énoncées dans l’enregistrement susmentionné;

6.      la Marque ne distingue pas les marchandises « pâtes alimentaires » de la Requérante puisqu’elle n’est pas adaptée à distinguer les marchandises de cette dernière de celles de l’Opposante, qui avait employé antérieurement les marques de commerce MAMA, MAMA BRAND et MAMA et Dessin.

[4]               À l’appui de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit souscrit le 8 juillet 2010 par Saran Na Songkhla, avocat travaillant pour elle. L’Opposante y a joint deux [traduction] « déclarations de distributeurs canadiens » censées confirmer que la gamme de nouilles instantanées MAMA Brand de l’Opposante était commercialisée et vendue au Canada. Cependant, comme l’a fait valoir la Requérante et l’a reconnu l’Opposante à l’audience, ces « déclarations » ne sont pas conformes à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce (le Règlement), DORS/96‑195, qui prévoit que la preuve de l’Opposante doit être soumise par voie d’affidavit ou de déclaration solennelle. Par conséquent, je n’en tiendrai pas compte et, de toute façon, cela ne change rien à ma décision.

[5]               À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit souscrit le 12 octobre 2010 par Thelma Thibodeau, agente de marques de commerce autonome. Conformément à l’article 54 de la Loi, la Requérante a également produit une copie certifiée conforme de l’enregistrement no LMC677617 susmentionné relatif à la Marque.

[6]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à l’audience par des avocats.

Fardeau de preuve

[7]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. L’Opposante a toutefois le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition. [Voir John Labatt Ltd. c Molson Companies Ltd. (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd. c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[8]               En appliquant ces principes à la présente affaire, les motifs d’opposition fondés sur l’article 30 peuvent être sommairement rejetés pour les raisons suivantes :

         les motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30d) doivent être rejetés au motif que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial en la matière. Rien ne vient mettre en doute la véracité de l’affirmation figurant dans la demande de la Requérante quant à l’emploi et l’enregistrement à l’étranger. Par ailleurs, l’Opposante n’a présenté aucune observation concernant ces motifs d’opposition précis, que ce soit dans son plaidoyer écrit ou à l’audience;

         le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e), tel qu’il a été exposé, n’est pas valable puisque la demande de la Requérante n’est pas basée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada, mais seulement sur l’emploi et l’enregistrement à l’étranger (visés à l’alinéa 30d) de la Loi). En outre, l’Opposante n’a présenté aucune observation concernant ce motif d’opposition précis, que ce soit dans son plaidoyer écrit ou à l’audience.

[9]               J’aborderai maintenant les autres motifs d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[10]           L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable compte tenu des dispositions de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, étant donné qu’elle créée de la confusion avec la marque de commerce MAMA & Dessin de l’Opposante enregistrée sous le no LMC557343.

[11]           J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire pour confirmer que cet enregistrement est en règle en date d’aujourd’hui, date pertinente pour évaluer un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) [voir Park Avenue Furniture Corp c Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[12]           Comme l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve, la Requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque MAMA & Dessin de l’Opposante.

[13]           Le test en matière de confusion est une affaire de première impression et de vagues souvenirs. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[14]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances en l’espèce, notamment celles qui sont énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération et ne se verront pas nécessairement accorder le même poids [voir Mattel, Inc. c 3894207 Canada Inc, (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC), Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC), et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[15]           La Marque de la Requérante et la marque MAMA et Dessin de l’Opposante possèdent toutes les deux un caractère distinctif inhérent puisqu’elles ne décrivent ni ne suggèrent les marchandises qui leur sont associées.

[16]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion ou l’usage. Toutefois, aucune preuve ne permet d’établir que la Marque de la Requérante a été employée au Canada conformément à l’article 4 de la Loi ou qu’elle y est devenue connue dans quelque mesure que ce soit. Pour ce qui est de la marque MAMA & Dessin de l’Opposante, l’affidavit de M. Songkhla établit ce qui suit.

[17]           M. Songkhla présente d’abord un bref historique de l’Opposante, rappelant qu’elle a été fondée en Thaïlande le 18 avril 1972 et qu’elle n’a cessé, depuis cette date, de vendre des nouilles emballées et des produits alimentaires [traduction] « sous le ou les noms commerciaux MAMA » [paragraphes 2 et 3 de son affidavit; pièces A et B]. La Requérante a fait remarquer à l’audience que les copies du certificat de constitution en personne morale (vraisemblablement en caractères thaïs) et sa traduction anglaise jointe à l’affidavit de M. Songkhla en pièce A, indiquent que l’Opposante a été enregistrée comme [traduction] « une société ouverte à responsabilité limitée le 16 mai 1994 », et que cette date contredit apparemment la date de constitution susmentionnée. Je ne suis pas d’accord. Le document imprimé à partir du site Web de l’Opposante (www.mama.co.th) joint en pièce B confirme ce que M. Songkhla a déclaré quant à la date de constitution de l’Opposante en personne morale, dans la mesure où il indique que cette dernière a été établie en 1972 et qu’elle [traduction] « a officiellement présenté son nouveau statut de société ouverte le 16 mai 1994 ».

[18]           M. Songkhla explique que l’Opposante fabrique et vend une grande variété de produits à base de nouilles instantanées, des soupes de riz, du riz frit, du porridge de riz précuit, du jus de fruits, des biscuits à la levure chimique, des biscuits, des craquelins et des gaufrettes. Elle a plus de 3 000 employés, qui travaillent au siège social et dans trois usines en Thaïlande. Par ailleurs, l’Opposante est à la tête d’un groupe d’entreprises, comme le décrit plus en détail un autre document imprimé à partir de son site Web et joint en pièce C à l’affidavit de M. Songkhla [paragraphe 4 de son affidavit].

[19]           M. Songkhla joint en pièce E de son affidavit une photocopie d’une version imprimée du rapport annuel des ventes totales de l’Opposante pour les années financières 2005‑2008. Il a également soumis le montant des ventes mondiales de l’Opposante et celui des ventes liées à l’exportation au Canada pour les mêmes années, soit 133 millions et 6 millions de dollars canadiens respectivement [paragraphe 5 de son affidavit]. Cependant, la ventilation des ventes annuelles de chacun des produits de l’Opposante n’a pas été fournie.

[20]           En ce qui concerne plus particulièrement les ventes de l’Opposante au Canada, M. Songkhla précise qu’en dehors des produits à base de nouilles instantanées, l’Opposante vend également du jus de fruits, du riz frit instantané, des bols de porridge de riz instantané (Jok Cup) et des nouilles de riz instantanées. Il affirme par ailleurs que tous les produits de l’Opposante [traduction] « arborent bien en évidence la marque de commerce MAMA, tout comme l’emballage dans lequel ils sont vendus » [paragraphes 4 et 6 de son affidavit]. Cependant, après avoir examiné les différentes pièces jointes à cet affidavit, je note que la marque « MAMA Brand » ne semble se rapporter qu’à la ligne de nouilles instantanées de l’Opposante. Je remarque également que cette dernière emploie apparemment plusieurs variantes de la marque « MAMA Brand » (en utilisant notamment des caractères chinois et/ou thaïs/latins/arabes, etc.), selon les pays où les nouilles instantanées « MAMA Brand » sont distribuées et vendues, comme l’illustre la liste des marques de commerce enregistrées par l’Opposante dans le monde entier qu’a fournie M. Songkhla [paragraphe 7 de son affidavit] – la marque de commerce MAMA et Dessin, telle qu’elle figure dans l’enregistrement no LMC557343, correspond à la variante que l’Opposante a, de façon générale, enregistrée en Occident, où l’alphabet latin domine. Je me dois de mentionner à ce stade de mon analyse de l’affidavit de M. Songkhla que les nouilles instantanées sont décrites comme les principaux produits de l’Opposante. Cette dernière est apparemment la première fabricante de nouilles instantanées en Thaïlande et se classe parmi les dix premiers fabricants de ce produit dans le monde. Plus précisément, le nombre quotidien de paquets de soupe de nouilles instantanées « MAMA Brand » exportées s’élèverait à cinq millions [voir les pièces B et E décrites plus haut, ainsi que la pièce D (qui inclut un extrait de Wikipédia) et la pièce H (qui est la copie d’un extrait de document du ministère de la Propriété intellectuelle (MPI) de la Thaïlande, attestant que la marque de commerce MAMA figurant sur la liste est une marque bien connue au MPI)].

[21]           Pour ce qui est de l’emploi de la marque MAMA et Dessin par l’Opposante au Canada, M. Songkhla indique que les clients de l’entreprise au Canada comprennent Loblaws Inc., Thai United Food Trading Ltd., Dong Phuong Oriental Market Ltd. et Thai Indochine Trading Inc. [paragraphe 6 de son affidavit]. À cet égard, il joint en pièce K (celle‑ci a été intervertie avec la pièce L) des photocopies d’un échantillonnage représentatif des documents d’expédition et des factures remis par l’Opposante à ces détaillants. Les factures concernent entre autres les nouilles instantanées « MAMA BRAND » (saveurs de poulet, crevettes et porc), les vermicelles de riz instantanés « MAMA BRAND », le riz frit instantané « MAMA BRAND », etc. M. Songkhla joint également en pièce N des photographies de certains produits de nouilles instantanées MAMA arborant la marque MAMA et Dessin présentés lors d’une foire alimentaire au Canada. Il joint également en pièce M [traduction] « des documents imprimés montrant les produits présentés sur le site Web [de l’Opposante]. » Après avoir examiné cette dernière pièce, je note qu’il s’agit d’échantillons d’étiquettes apposées sur les produits de l’Opposante. Même si tous ces échantillons n’arborent pas de façon exacte la marque de commerce MAMA et Dessin enregistrée, celle‑ci apparaît clairement sur les emballages des [traduction] « nouilles instantanées à l’orientale » (saveurs de poulet, crevettes et porc) et du [traduction] « potage clair de vermicelles de riz instantanés à l’orientale ». Les étiquettes indiquent que ces produits proviennent de la Thaïlande et sont destinés exclusivement à l’exportation, et désignent visiblement l’Opposante comme fabricant.

[22]           Pour résumer, l’analyse de l’affidavit de M. Songkhla m’a convaincue que l’Opposante vend au Canada depuis un certain temps des produits à base de nouilles instantanées de marque de commerce MAMA et Dessin. Même si la preuve concernant l’emploi de la marque de commerce MAMA et Dessin soumise par l’Opposante dans le cadre de la présente instance n’établit pas son emploi continu au Canada en liaison avec l’ensemble des marchandises enregistrées depuis la date de premier emploi indiquée dans son enregistrement, les chiffres de ventes fournis pour les années 2005‑2008 (qui peuvent, en majorité, être légitimement rapportés aux produits de l’Opposante à base de nouilles instantanées, comme je l’ai conclu précédemment dans mon analyse et comme elle l’a fait valoir à l’audience), de même que les énoncés des faits et les pièces évoqués plus haut, confirment que la marque MAMA et Dessin est employée au Canada depuis au moins le milieu des années 2000 et qu’elle y est devenue connue dans une certaine mesure en liaison avec des produits à base de nouilles instantanées, comme le soutient l’Opposante.

[23]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le facteur touchant le caractère distinctif inhérent des marques des parties et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues est favorable à l’Opposante.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[24]           Compte tenu de mes remarques précédentes, ce facteur est également favorable à l’Opposante.

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[25]           En ce qui concerne le genre des marchandises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises de la Requérante à celui qui figure dans l’enregistrement de l’Opposante [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF), et Mr. Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd. (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[26]           Je conviens avec l’Opposante que les marchandises des parties se chevauchent visiblement. Comme je l’ai déjà indiqué, l’enregistrement de l’Opposante vise notamment des nouilles instantanées aromatisées, du riz aromatisé, des vermicelles, des macaronis et des spaghettis, alors que la demande de la Requérante concerne des « pâtes alimentaires ». La Requérante ne semble pas le contester. Elle fait cependant valoir que la preuve d’emploi de la marque de commerce MAMA et Dessin, que l’Opposante a produite au moyen de l’affidavit de M. Songkhla, se limite essentiellement aux nouilles instantanées, et que même si elles peuvent être considérées comme des articles alimentaires de la même famille, les « nouilles instantanées » et les « pâtes alimentaires » ne sont pas des produits identiques. Cet argument de la Requérante ne me convainc pas.

[27]           Premièrement, le fait que la preuve d’emploi de la marque MAMA et Dessin de l’Opposante se limite essentiellement à sa gamme de nouilles instantanées n’est pas déterminant. Comme je l’ai indiqué précédemment, c’est l’état déclaratif des marchandises se rapportant à l’enregistrement de l’Opposante qu’il faut examiner. Deuxièmement, il n’est pas nécessaire que les marchandises des parties soient identiques. Comme le prévoit le paragraphe 6(2) de la Loi, il peut y avoir confusion « que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale ». Troisièmement, rien ne distingue clairement les « nouilles instantanées » des « pâtes alimentaires » puisque les premières sont une catégorie des secondes, d’après les définitions du dictionnaire reproduites plus bas. En effet, en vertu du pouvoir discrétionnaire dont jouit le registraire, j’ai consulté le dictionnaire pour élucider le sens d’un mot et j’ai trouvé les définitions suivantes dans le Canadian Oxford Dictionary :

[traduction

‑ pâtes alimentaires : n. 1 type de pâte moulée par extrusion ou emboutie en diverses formes destiné à la cuisson, p. ex. lasagne ou spaghetti. 2 plat composé de ce produit.

‑ nouille : n. 1 bande de pâte fine et plate utilisée dans les soupes, etc.

[28]           En l’absence de preuve du contraire, j’estime qu’il existe une possibilité de chevauchement entre les activités commerciales des parties. Comme je l’ai indiqué dans mon examen de l’affidavit de M. Songkhla, les marchandises de l’Opposante sont vendues dans des épiceries et d’autres magasins d’alimentation au détail. Les marchandises de la Requérante seront ou pourront vraisemblablement être vendues dans les mêmes types de points de vente.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[29]           La Requérante fait valoir que les marques des parties peuvent facilement être distinguées, du moins d’un point de vue visuel. D’une part, la marque de commerce de l’Opposante est une marque figurative composée de différents types de caractères, alors que la Marque est constituée des deux syllabes « MA » « MA », en caractères latins, séparées par un point. La Requérante soutient en outre qu’il est important de tenir compte de l’élément figuratif dominant de la marque de commerce de l’Opposante.

[30]           L’Opposante soutient pour sa part que l’élément figuratif ne change rien au fait que le consommateur canadien moyen désignerait malgré tout sa marque de commerce comme la marque « MAMA ». Je suis d’accord.

[31]           Comme je l’ai déjà indiqué, les caractères chinois et thaïs dans la marque de commerce MAMA et Dessin de l’Opposante se traduisent par « Mama », et la translittération de ces caractères est « Ma‑Ma ». Ainsi, si l’on considère que le consommateur canadien moyen des marchandises de l’Opposante peut lire et comprendre le chinois ou le thaï, comme peut permettre de le penser la preuve de l’Opposante suivant laquelle ses clients au Canada incluent Thai United Food Trading Ltd., Dong Phuong Oriental Market Ltd. et Thai Indochine Trading Inc. [voir Cheung’s Bakery Products Ltd c Saint Honore Cake Shop (2011), 93 CPR (4th) 438 (COMC); et Cheung Kong (Holdings) Ltd c Living Realty Inc (1999), 4 CPR (4th) 71 (CF 1re inst)], ce consommateur désignerait malgré tout la marque de commerce de l’Opposante comme la marque « MAMA ». Par ailleurs, si l’on considère que le consommateur canadien moyen ne peut ni lire ni comprendre le chinois ou le thaï, comme tend à indiquer la preuve de l’Opposante selon laquelle ses clients comprennent également des épiceries comme Loblaws Inc., il désignerait malgré tout la marque de commerce de l’Opposante comme la marque « MAMA », en s’appuyant pour cela sur les caractères latins plutôt que chinois et thaïs, dont l’importance se trouve atténuée puisqu’ils ne signifient rien pour les consommateurs anglophones et/ou francophones.

[32]           Ceci m’amène à examiner, en tant que facteur supplémentaire, la preuve relative à l’état du registre soumise par la Requérante par le biais de l’affidavit de Mme Thibodeau.

Preuve concernant l’état du registre

[33]           La preuve concernant l’état du registre sert à établir le caractère commun ou distinctif d’une marque ou d’une partie de marque par rapport à l’ensemble du registre. Elle n’est utile que dans la mesure où elle permet de tirer des inférences sur l’état du marché, ce qui n’est possible que si on découvre un nombre important d’enregistrements pertinents [voir Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)].

[34]           Mme Thibodeau déclare qu’elle a personnellement effectué une recherche en ligne sur la base de données sur les marques de commerce canadiennes. Sa tâche consistait à imprimer les renseignements concernant les enregistrements de marques de commerce énumérés au paragraphe 5 de son affidavit, qui incluaient :

-          Casa di Mama (LMC670676, enregistrée le 22 août 2006) à l’égard notamment des marchandises suivantes : pizzas; pâtes alimentaires; repas de pâtes alimentaires préparés à partir de…; sauces sucrées et salées;

-          JUST LIKE MAMA’S (LMC543531, enregistrée le 6 avril 2001) à l’égard de mets préparés frais ou surgelés;

-          MAMA BRAVO (LMC406448, enregistrée le 18 décembre 1992) à l’égard de sauce pour spaghettis, sauce aux tomates;

-          Mama Mucci’s Pasta (LMC676230, enregistrée le 2 novembre 2006) à l’égard de pâtes alimentaires fraîches et séchées, spaghetti, macaroni; […]; sauces pour pâtes alimentaires;

-          MAMA THELKA (LMC542609, enregistrée le 19 mars 2001) à l’égard notamment des marchandises suivantes : sauces, nommément sauces aux tomates, pâtes alimentaires, pizzas, sauces piquantes et sauces chili;…; pâtes alimentaires et riz;

-          MAMMA ASSANTE (LMC631763, enregistrée le 2 février 2005) à l’égard notamment des marchandises suivantes : pâtes alimentaires et sauces pour pâtes;

-          MAMMA G’S (LMC523466, enregistrée le 21 février 2000); MAMMA GRAZZI’S et MAMMA GRAZZI’S et Dessin (LMC523384 et LMC523383, enregistrées toutes deux le 18 février 2000) à l’égard notamment des marchandises suivantes : pâtes alimentaires, nouilles et sauces;

-          MAMMA LUCIA (LMC480499, enregistrée le 14 août 1997) à l’égard notamment des marchandises suivantes : vermicelles de farine de riz,..., sauces aux tomates et concentré de tomates, spaghetti et pâtes alimentaires;

-          MAMMA MIA (LMC452931, enregistrée le 26 janvier 1996) à l’égard notamment des marchandises suivantes : pâtes alimentaires;

-          MAMMA TERESA (LMC305598, enregistrée le 9 août 1985) à l’égard de sauces;

-          MAMMA’S PIZZA (LMC123742, enregistrée le 29 septembre 1961); MAMMA’S PIZZA et Dessin (LMC609091, enregistrée le 30 avril 2004); et MAMA’S PIZZA (LMC347810, enregistrée le 10 novembre 1988) toutes à l’égard notamment des marchandises suivantes : pâtes alimentaires.

[Voir la pièce TT‑1 jointe à son affidavit].

[35]           Mme Thibodeau déclare par ailleurs qu’elle s’est rendu dans un magasin Walmart à Montréal le 24 août 2010 pour acheter notamment des nouilles instantanées de marque MAMEE, comme en témoigne la copie de la facture jointe à son affidavit en pièce TT‑2, et la photographie numérique du devant et de l’arrière de l’emballage de ce produit jointe en pièce TT‑3.

[36]           La Requérante fait valoir qu’il est raisonnable de déduire de ces éléments de preuve que les termes « MAMA », « MA‑MA » ou « MAMMA » ont été communément adoptés dans le commerce des produits alimentaires, vraisemblablement parce qu’ils renvoient à l’image des mères. Elle prétend qu’on peut en conclure que les consommateurs de ces produits sont habitués à faire les distinctions qui conviennent entre les diverses marques « MAMA » (et leurs variantes) offertes sur le marché, en étant plus attentifs aux petites différences. Je souscris dans l’ensemble à cette position de la Requérante pour ce qui concerne le mot « MAMA », qu’on trouve dans le dictionnaire, et sa variante familière « MAMMA ».

Enregistrement antérieur de la marque de commerce MA·MA

[37]           La Requérante soutient qu’il faut également tenir compte du fait qu’elle a réussi à enregistrer sa marque de commerce MA·MA à l’égard d’une sauce pour pâtes alimentaires (enregistrement no LMC677617). Cependant, rien n’indique que les marques des parties ont coexisté sur le marché. Plus important encore, l’état déclaratif des marchandises quant à la présente demande diffère de celui qui se rapporte à l’enregistrement no LMC677617. L’article 19 de la Loi ne donne pas automatiquement au propriétaire d’un enregistrement le droit de faire enregistrer d’autres marques, peu importe l’étroitesse des liens unissant ces marques [voir Coronet‑Werke Heinrich Schlerf GmbH c Produits Ménagers Coronet Inc (1984), 4 CPR (3d) 108 (COMC); Groupe Lavo Inc c Proctor & Gamble Inc (1990), 32 CPR (3d) 533 (COMC)]. Par conséquent, je ne suis pas disposée à accorder beaucoup de poids à ce facteur en l’espèce.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[38]           Comme je l’ai déjà indiqué, le paragraphe 6(2) de la Loi ne porte pas tant sur la confusion entre les marques elles‑mêmes que sur le fait que les marchandises et services provenant d’une source puissent être perçus comme provenant d’une autre source. Dans le cas présent, la question est de savoir si une personne ayant de vagues souvenirs de la marque MAMA et Dessin de l’Opposante en liaison avec ses marchandises enregistrées serait susceptible de conclure, en se fiant à sa première impression et à ses vagues souvenirs, que les pâtes alimentaires de la Requérante sont fabriquées ou vendues par l’Opposante.

[39]           Même si je conviens avec la Requérante que l’affidavit de Mme Thibodeau permet de conclure que les consommateurs de produits alimentaires sont plutôt habitués à faire les distinctions qui conviennent entre les diverses marques de commerce « MAMA » offertes sur le marché en étant plus attentifs aux petites différences, je ne suis pas convaincue que la Requérante a suffisamment distingué sa Marque de celle de l’Opposante.

[40]           Les marques des parties sont identiques du point de vue du son, et elles renvoient toutes deux à l’idée de « mère », bien qu’on puisse peut-être soutenir que cette idée est moins présente chez les consommateurs anglophones et/ou francophones qui sont exposés à la Marque de la Requérante, car les deux syllabes « MA » « MA » sont séparées par un point. Visuellement, l’épellation de la Marque de la Requérante a sans doute une connotation orientale, tout comme la Marque de l’Opposante, qui est constituée de caractères chinois et thaïs. Contrairement aux diverses marques de commerce « MAMA » mentionnées dans la preuve relative à l’état du registre, la Marque ne comprend aucun autre élément additionnel en dehors du terme « MAMA » qui puisse la distinguer de la marque MAMA et Dessin de l’Opposante. À ce titre, j’estime que la preuve relative à l’état du registre n’est pas probante au point de l’emporter sur tous les facteurs énumérés aux alinéas 6(5)a) à e) analysés précédemment, qui sont tous favorables à l’Opposante. En ce qui concerne la Requérante, j’estime que dans le meilleur des cas la preuve relative à l’état du registre ramène à un point d’équilibre la question de la probabilité de confusion quant à la source des marchandises des parties. Comme il incombe à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion, je dois trancher la question à l’encontre de la Requérante.

[41]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est accueilli.

Le motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement

[42]           L’Opposante fait valoir que la Requérante n’est pas la personne qui a le droit de faire enregistrer la Marque aux termes de l’alinéa 16(2)a) de la Loi étant donné que, à la date de production de la demande de la Requérante, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce MAMA, MAMA BRAND, et MAMA & Dessin, lesquelles avaient déjà été employées et révélées au Canada par l’Opposante et/ou ses licenciés canadiens en liaison avec des produits alimentaires, notamment [traduction] « des nouilles instantanées aromatisées, du riz aromatisé, des vermicelles, du riz bouilli instantané, du riz blanchi, des macaronis, des spaghettis et des petits gâteaux secs ».

[43]           Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve relativement à un motif fondé sur l’alinéa 16(2)a) s’il démontre qu’à la date de production de la demande du requérant, sa marque de commerce avait déjà été employée ou révélée au Canada et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement [paragraphe 16(5) de la Loi]. Comme le montre l’analyse de l’affidavit de M. Songkhla effectuée précédemment, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve pour ce qui est de l’emploi de la marque MAMA et Dessin. Vu ma conclusion ci‑dessous, je n’ai pas à établir si l’Opposante s’est déchargée de son fardeau pour ce qui est de l’emploi ou de la révélation au Canada des marques de commerce « MAMA » et « MAMA BRAND ».

[44]           La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence importante sur mon analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d). Il s’ensuit que ma conclusion quant à la probabilité de confusion entre la marque de commerce MAMA et Dessin de l’Opposante et la Marque reste applicable. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(2)a) est accueilli à l’égard de la marque de commerce MAMA et Dessin de l’Opposante.

Le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[45]           L’Opposante fait valoir que la Marque ne permet pas de distinguer les « pâtes alimentaires », car elle n’est pas adaptée à distinguer les marchandises visées par la demande de la Requérante de celle de l’Opposante, puisque cette dernière employait déjà les marques de commerce MAMA, MAMA BRAND et MAMA et Dessin.

[46]           Un opposant s’acquitte de son fardeau de preuve concernant le caractère distinctif lorsqu’il établit qu’à la date de production de l’opposition, en l’occurrence le 27 juillet 2009, sa marque de commerce était devenue connue dans une certaine mesure, du moins assez pour faire perdre à la marque visée par la demande son caractère distinctif [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst)]. L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve à l’égard de sa marque MAMA et Dessin. Vu ma conclusion ci‑dessous, je n’ai pas à établir si l’Opposante s’est déchargée de son fardeau à l’égard de ses marques de commerce « MAMA » et « MAMA BRAND ».

[47]           La différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence importante sur mon analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d). Il s’ensuit que ma conclusion quant à la probabilité de confusion entre la marque de commerce MAMA et Dessin de l’Opposante et la Marque reste applicable. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est accueilli à l’égard de la marque de commerce MAMA et Dessin de l’Opposante.

 

Décision

[48]           En conséquence, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par le paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 

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