Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LOPPOSITION de

Advance Magazine Publishers Inc. à la demande no 823,634

déposée par le Dr Robert Casciato en vue de

lenregistrement de la marque de commerce

GOURMET GUYS

 

 

 

Le 18 septembre 1996, le requérant, le Dr Robert Casciato, a déposé une demande denregistrement de la marque de commerce GOURMET GUYS. La demande est fondée sur un emploi projeté de la marque de commerce au Canada en liaison avec des publications (nommément livres de cuisine et guides dinstruction sur le jeu) accompagnées darticles de fantaisie, nommément tee-shirts, pulls molletonnés et tabliers. Le requérant a renoncé au droit à lusage exclusif du mot GOURMET en dehors de la marque de commerce.

 

Le 18 mars 1998, la demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce à des fins dopposition. Le 18 août 1998, lopposante, Advance Magazine Publishers Inc., a produit une déclaration dopposition. Le requérant a produit et signifié une contre‑déclaration.

 

Lopposante a déposé des éléments de preuve, soit les affidavits de Eric C. Anderson et Jennifer Nahorniak et des copies certifiées conformes des enregistrements nos TMA392,189 et TMA277,151.

 


Le requérant a déposé en preuve laffidavit de Kathryn Ann Marshall. Lopposante a obtenu une ordonnance lui permettant de contre-interroger Mme Marshall sur son affidavit. La transcription du contre-interrogatoire ainsi que les réponses données par suite des engagements ont été versées au dossier.

 

En contre-preuve, lopposante a déposé des copies certifiées conformes des demandes nos 802,009, 1,071,929, 1,059,570 et 823,634 et des enregistrements nos 349,314, 205,209, 404,229, 463,162 et 489,931.

 

Aucune des parties na présenté dobservations écrites, mais elles ont toutes deux pris part à laudience.

 


Dans sa déclaration dopposition, lopposante affirme être propriétaire des marques de commerce GOURMET et GOURMET Dessin, qui sont visées par les enregistrements de marques de commerce canadiens nos 392,189 et 277,151. Elle invoque ces marques de commerce à lappui des motifs dopposition fondés sur les alinéas 38(2)a), b), c) et d) de la Loi sur les marques de commerce. La date pertinente en ce qui concerne le motif dopposition fondé sur lalinéa 38(2)a) (non-conformité à lalinéa 30i)) est la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. v. Scott Paper Ltd., 3 C.P.R. (3d) 469, à la p. 475]. La date pertinente pour apprécier le risque de confusion quant aux motifs dopposition fondés sur lalinéa 38(2)b) (caractère enregistrable selon lalinéa 12(1)d)) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation v. Wickes/Simmons Bedding Ltd. and The Registrar of Trade Marks, 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)]. La date pertinente pour apprécier le risque de confusion quant aux motifs dopposition fondés sur lalinéa 38(2)c) (droit à lenregistrement selon larticle 16) est la date de production de la demande. La date pertinente en ce qui concerne le motif dopposition fondé sur lalinéa 38(2)d) (caractère non distinctif) est la date de production de lopposition [voir Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, à la p. 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation v. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, à la p. 424 (C.A.F.)].

 

Preuve principale de lopposante

M. Anderson est le vice-président de lopposante. Il atteste que lopposante est un éditeur de magazines et quelle publie le magazine GOURMET depuis 1952. Le magazine GOURMET contiendrait régulièrement [traduction] « des articles, des reportages et de la publicité se rapportant à la nourriture, aux repas, aux voyages et à un mode de vie raffiné, ainsi que de nombreuses recettes et directives de cuisson ».

 

Le magazine GOURMET de lopposante est vendu dans le monde entier sur abonnement et en kiosque. En 1999, le tirage annuel canadien avait atteint une moyenne de [traduction] « presque 500 000 » copies. M. Anderson a également fourni les chiffres liés au tirage annuel canadien réalisé au cours des années 1984 à 1997. Les pièces jointes à laffidavit de M. Anderson comprennent un spécimen du magazine GOURMET, des pages couvertures et des pages titres choisies au hasard ainsi que des extraits du site Web de lopposante.

 


M. Anderson affirme que [traduction] « [s]a compagnie fabrique également des livres de cuisine qui sont vendus au Canada [bon] É.-U. et qui contiennent quelques recettes tirées du magazine GOURMET ». Des copies de pages couvertures et des extraits de ces livres ont été fournis, mais aucun détail na été donné quant aux ventes réalisées au Canada ni quant au moment où ces ventes ont été réalisées. M. Anderson affirme également que lopposante fait la promotion de son magazine au moyen de démonstrations de chefs et en commanditant des expositions sur la cuisine, mais aucun détail sur ces promotions na été fourni.

 

Je reconnais que lopposante sest servi du mot GOURMET au Canada comme dun nom de magazine consacré à la nourriture, aux repas, aux voyages et au style avant que la présente demande soit déposée. Cependant, la preuve nétaye pas la prétention de M. Anderson selon laquelle le magazine GOURMET est connu au Canada.

 

Lagent du requérant a contesté une bonne partie du témoignage de M. Anderson au motif quil sagissait de ouï-dire inadmissible. Plus particulièrement, il fait valoir que même si M. Anderson a affirmé ce qui suit : « [J]ai accès aux dossiers, livres et registres pertinents de ma compagnie tenus dans le cours normal des affaires. Jai donc une connaissance personnelle des questions visées pas le présent affidavit et jai accès aux renseignements concernant les autres questions traitées ici », il na pas dit quil avait examiné ces registres. La position du requérant est que le témoignage de M. Anderson ne peut donc bénéficier de lexception à la règle du ouï-dire applicable aux documents commerciaux. Cependant, le requérant a choisi de ne pas contre‑interroger M. Anderson, et je ne vois aucune raison de mettre en doute la fiabilité des renseignements sur les ventes [voir Imax Corp. v. Kukje Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 546 (C.O.M.C.), à la p. 552]. Je note également que le requérant admet que des ventes du magazine GOURMET de lopposante ont été réalisées au Canada.

 


Lagent du requérant sest également opposé au témoignage dopinion de M. Anderson, et je conviens quil ne faut pas accorder dimportance à celui-ci. Il nest pas rare que les souscripteurs daffidavits expriment leur opinion sur le risque de confusion et ainsi de suite, mais le registraire ne tient pas compte de ces déclarations intéressées parce quil nappartient généralement pas au souscripteur daffidavit de tirer de telles conclusions.

 

Mme Nahorniak, une commis juridique, a acheté des exemplaires du magazine GOURMET et du livre de cuisine GOURMETS SWEETS à Toronto en 1999. Elle a également remarqué que les trois autres livres de cuisine GOURMET suivants étaient en vente : GOURMETS PARTIES, GOURMETS QUICK KITCHEN et GOURMETS WEEKENDS. Elle dit connaître une émission de télévision intitulée COOKING LIVE diffusion au Canada sur le canal Food Network. Elle affirme que cette émission est animée par le premier chef du magazine GOURMET, et fournit un TV GUIDE qui indique lheure de diffusion de cette émission de cuisine, ainsi que des pages du site Web du canal Food Network qui parlent de lémission et de son animateur. Elle fournit également les résultats partiels dune recherche quelle a effectuée dans Internet concernant les mots GOURMET MAGAZINE. Il semble que les sites Web trouvés ne mentionnent pas tous le magazine de lopposante; par exemple, la première occurrence se rapporte au Diabetic Gourmet Magazine alors que la sixième concerne le Gourmet Connexion Magazine.

 

Lenregistrement no TMA277,151 vise la marque de commerce GOURMET Dessin. Cet enregistrement, fondé sur lemploi de la marque au Canada en liaison avec des magazines depuis août 1957, a été effectué le 4 mars 1983. Le prédécesseur en titre de lopposante a obtenu lenregistrement après avoir démontré le caractère enregistrable selon larticle 14 de la Loi. Lenregistrement no TMA392,189 est lié à lenregistrement no TMA277,151. Il a été effectué le 20 décembre 1991 à légard de la marque GOURMET et est fondé sur lemploi de la marque au Canada en liaison avec des magazines depuis août 1957 au moins.

 


Preuve du requérant

Mme Marshall, une technicienne juridique, a fait des recherches en lan 2000 pour déterminer lusage du mot « gourmet » comme marque de commerce en liaison avec des publications de toute sorte et des services liés aux aliments et aux breuvages. Elle a cherché dans les annuaires téléphoniques canadiens, le registre canadien des marques de commerce, Internet et les titres de livres.

 

Lors du contre-interrogatoire, lagent de lopposante a mis laccent sur la question de savoir si Mme Marshall savait si les entreprises figurant dans les annuaires téléphoniques étaient actives et à quelle fréquence léditeur supprimait les entreprises inactives des annuaires, si Mme Marshall savait combien des documents imprimés auxquels elle faisait référence étaient distribués au Canada, si les sites Web quelle avait trouvés provenaient du Canada et si elle savait à quelle fréquence ils étaient visités, si les différents noms et marques Gourmet quelle avait trouvés figuraient dans des recettes, des livres de cuisine, des magazines et ainsi de suite, et si elle savait combien des livres quelle avait désignés comme contenant le mot « gourmet » sont vendus au Canada.

 

Preuve en réponse de lopposante

Les copies certifiées conformes produites montrent que des changements sont survenus dans létat du registre après les recherches de Mme Marshall.

 

 


Droit à lenregistrement

La date pertinente en ce qui concerne les motifs de lopposante fondés sur larticle 16 est le 18 septembre 1996. Je vais dabord me concentrer sur le risque de confusion entre la marque de commerce GOURMET GUYS employée en liaison avec des livres de cuisine et la marque de commerce GOURMET de lopposante antérieurement employée en liaison avec des magazines.

 

Le critère de la confusion en est un de première impression et de vague souvenir. En appliquant le critère de la confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de lespèce, y compris celles expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi.  Ces facteurs expressément énoncés au paragraphe 6(5) sont les suivants : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chacune delles a été utilisée; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées quelles suggèrent.

 

Dans Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et le registraire des marques de commerce [2000] A.C.F. no 395 (QL), (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.), aux p. 160 à 163, le juge Décary a dit ce qui suit au sujet de la question de la confusion :

Le juge Malone suggère certains points de repère pratiques au paragraphe 18 des

motifs quil a rédigés dans laffaire Polo Ralph Lauren [(2000), 9 C.P.R. (4th)

51 (C.A.F.)] :

 


L'examen de certains arrêts-clés fournit également des principes directeurs pratiques. Par exemple, la Cour doit se mettre à la place d'une personne ordinaire qui est familière avec la marque antérieure mais qui n'en a qu'un vague souvenir; la question à se poser est de savoir si un consommateur ordinaire, au vu de la marque postérieure, aura comme première impression que les marchandises avec lesquelles la seconde marque est employée sont en quelque façon associées à celles de la marque antérieure. S'agissant du degré de ressemblance dans la présentation, le son ou l'idée dont il est question à l'alinéa 6(5)e), les marques de commerce en cause doivent être examinées comme un tout. De la même façon, puisque c'est la combinaison des éléments qui constitue la marque de commerce et lui confère son caractère distinctif, il n'est pas correct, pour l'application du critère de la confusion, de placer les marques l'une en regard de l'autre et de comparer ou observer les ressemblances ou les différences des éléments ou des composantes de ces marques. En outre, les marques de commerce ne doivent pas être considérées séparément des marchandises ou services avec lesquels elles sont associées, mais en liaison avec ces marchandises ou services. Quant il s'agit de marques célèbres ou notoirement connues, il peut être plus difficile d'établir qu'il n'y a pas de probabilité de confusion, particulièrement quand le genre des marchandises est similaire. En dernier lieu, les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) ne doivent pas nécessairement se voir attribuer le même poids. Chaque cas de confusion peut justifier qu'on accorde plus d'importance à l'un de ces critères.

 

 

Le registraire doit donc être raisonnablement convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l'enregistrement n'est pas susceptible de créer de la confusion. Il n'est pas nécessaire qu'il soit convaincu hors de tout doute qu'il n'y a aucun risque de confusion. Si la norme de preuve « hors de tout doute » s'appliquait, les requérants seraient, dans la plupart des cas, confrontés à un fardeau insurmontable parce qu'en matière de risque de confusion, la certitude est une denrée rare. Dans le meilleur des scénarios, ce n'est que lorsque les probabilités sont égales qu'on peut dire qu'il existe une sorte de doute, lequel doute doit être résolu en faveur de l'opposant. Mais la notion de doute est un concept trompeur et déroutant en matière civile et le registraire devrait éviter d'y recourir.

 

 

La marque GOURMET est une marque intrinsèquement faible en ce qui a trait aux magazines, étant donné quelle suggère le sujet du magazine. Il en est de même de la marque GOURMET GUYS, qui est aussi intrinsèquement faible en ce qui concerne les livres de cuisine.

 

Le magazine GOURMET est devenu connu au Canada après plusieurs années dutilisation. Rien ne prouve que la marque GOURMET GUYS est devenue connue de quelque façon que ce soit.

 


Le requérant na pas fourni de preuve demploi de la marque GOURMET GUYS au Canada, alors que la marque GOURMET de lopposante est employée depuis 1957.

 

Lenregistrement de la marque GOURMET vise des magazines, et la preuve indique que ces magazines contiennent des recettes. Il existe donc une grande ressemblance entre les magazines de lopposante et les livres de cuisine du requérant.

 

M. Anderson affirme que le magazine de lopposante est vendu sur abonnement ou en kiosque, mais la preuve indique également quil est disponible en librairie et sur Internet. Même si aucune preuve na été présentée quant aux circuits commerciaux du requérant, il est raisonnable de penser quils pourraient, à tout le moins, empiéter sur ceux de lopposante.

 


Lorsquon les considère dans leur ensemble, on constate quil existe un degré assez élevé de ressemblance entre les marques GOURMET et GOURMET GUYS dans la présentation ou le son, ou dans les idées quelles suggèrent. Non seulement la marque du requérant contient-elle la totalité de la marque de lopposante, mais celle-ci figure en premier dans la marque du requérant. Évidemment, le premier élément dune marque est souvent considéré plus important en matière de détermination du caractère distinctif, mais lorsquil consiste en un mot commun, descriptif ou suggestif, il peut perdre de son importance [voir Conde Nast Publications Inc. v. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.); Park Avenue Furniture Corp. v. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Phantom Industries Inc. v. Sara Lee Corp. (2000), 8 C.P.R. (4th) 109 (C.O.M.C.)]. Le Gage Canadian Dictionary définit le « gourmet » comme une [traduction] « personne qui est experte dans lappréciation et le choix de lalimentation fine, des vins, etc.; épicurien » [pièce S-3, affidavit Marshall]. Lidée suggérée par la marque du requérant est que les livres de cuisine employés en liaison avec celle-ci contiennent des recettes de « gourmet » conçues pour/par des hommes.

 

Il nexiste aucun élément de preuve relatif à létat du registre ou du marché à la date pertinente du 18 septembre 1996.

 

Après avoir examiné toutes les circonstances de lespèce, je ne suis pas convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, il ny avait pas de risque raisonnable de confusion entre le magazine GOURMET et le livre de cuisine GOURMET GUYS en date du 18 septembre 1996.

 

En ce qui concerne les autres marchandises visées par la demande, je tire une conclusion différente. Je suis convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, il ny avait pas de risque raisonnable de confusion entre le magazine GOURMET de lopposante et les guides dinstruction sur le jeu accompagnés darticles de fantaisie, nommément tee-shirts, pulls molletonnés et tabliers GOURMET GUYS en date du 18 septembre 1996. Les principales raisons qui justifient cette conclusion différente sont que la marque GOURMET GUYS n’est pas intrinsèquement faible en ce qui a trait aux guides d’instruction sur le jeu et qu’il n’y a pas beaucoup de ressemblance entre les magazines de l’opposante et les guides d’instruction sur le jeu du requérant.

 


Mes conclusions quant au risque de confusion avec la marque GOURMET Dessin de l’opposante sont les mêmes que celles formulées à l’égard de la marque GOURMET.

 

Je note qu’à l’audience, le requérant s’est fondé sur l’arrêt Conde Nast Publications, Inc. v. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538 (C.O.M.C.), dans lequel le commissaire Martin a rejeté une opposition par le prédécesseur de l’opposante en l’espèce à une demande fondée sur un emploi en vue d’enregistrer la marque GOURMET WORLD en liaison avec [traduction] « [la] tenue d’un salon professionnel sur les produits, équipement et services de l’industrie alimentaire ». Cependant, j’établis une distinction entre cette décision et la présente affaire parce que l’opposante n’y a pas déposé d’éléments de preuve et que la différence entre les services de la requérante et les marchandises de l’opposante était plus importante que celle qui existe entre deux types de publications liées à l’alimentation.

 

Caractère distinctif

Le 18 août 1998 est la date pertinente en ce qui concerne le motif d’opposition du caractère distinctif. La preuve quant à cette date n’est pas très différente de la preuve relative au 18 septembre 1996. Par conséquent, j’arrive à la même conclusion en ce qui concerne le risque de confusion selon ce motif que celle à laquelle je suis arrivée sous le motif d’opposition du droit à l’enregistrement.

 


Caractère enregistrable

Je vais maintenant examiner le motif d’opposition du paragraphe 12(1)d) fondé sur l’enregistrement no 392,189 du mot servant de marque GOURMET. La plupart des commentaires qui ont été faits ci‑dessus concernant les circonstances de l’espèce énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi s’appliquent autant, sinon plus, en date d’aujourd’hui. La principale différence entre les circonstances de l’espèce en date d’aujourd’hui et celles en date du 18 septembre 1996 concerne l’état du registre et du marché.

 

Mme Marshall a trouvé plus de 100 inscriptions téléphoniques d’entreprises canadiennes dont les noms commencent par le mot GOURMET. Rien n’indique cependant que les activités de l’une ou l’autre de ces entreprises consistent à vendre des publications, par opposition à de la nourriture.

 

Parmi les marques trouvées par Mme Marshall dans le cadre de ses recherches effectuées dans le registre des marques de commerce, marques qui ne semblent pas avoir été radiées par la suite, les plus pertinentes sont, à mon sens, les suivantes :

_   ELECTRONIC GOURMET & Dessin en liaison avec un logiciel permettant de saisir, demmagasiner et dextraire des recettes, menus...;

_   GARLIC GOURMET enregistrée en liaison, entre autres, avec des livres de cuisine et des recettes à base dail;

_   WHOLE HOME GOURMET & Dessin enregistrée en liaison, entre autres, avec des livres de cuisine.

 


Le nombre de ces marques est insuffisant pour tirer une conclusion valable quant à létat du marché [voir Ports International Ltd. v. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432; Del Monte Corporation v. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Kellogg Salada Canada Inc. v. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

 

Mme Marshall a toutefois fourni quelques éléments de preuve de lusage de ces marques déposées sur le marché. Elle fournit une copie de deux pages tirées du site Internet de ELECTRONIC GOURMET & Dessin, qui contient une base de données de plus de 1 000 recettes dans laquelle on peut faire des recherches. Ladresse Internet est canadienne et le propriétaire inscrit sur lenregistrement de la marque de commerce est situé au Canada. Elle a également fourni des pages tirées du site Internet de THE GARLIC GOURMET, qui est une entreprise située à Ottawa à ladresse mentionnée dans lenregistrement de la marque de commerce GARLIC GOURMET. Mme Marshall fournit également des pages tirées du catalogue Sears faisant la publicité de la batterie de cuisine WHOLE HOME GOURMET.

 


Comme pièces I-1 à I-39, Mme Marshall fournit des pages Internet concernant des publications commercialisées sous un nom de « gourmet », dont les suivantes : le magazine GOURMET CONNECTION, le magazine THE DIABETIC GOURMET, le magazine GOURMET FARE, le magazine THE GOURMET RETAILER, le magazine LE FIN GOURMET, le magazine GOURMET BUSINESS, le GOURMET GUIDE, le magazine THE BODY GOURMET, le magazine ASIAN HOME GOURMET, le magazine GOURMET TRAVELLER, le guide des repas THE GRUMPY GOURMET, le GOURMET TRADE de THE GOURMET GAZETTE sur les livres de cuisine, le livre de cuisine THE HEALTHY GOURMET, le livre de cuisine GUILT FREE GOURMET, le livre de cuisine THE RAW GOURMET, le livre de cuisine TOO EASY GOURMET, les GOURMET GUIDES sur les livres de cuisine, les recettes GOURMET WORLD, le bulletin dinformation GUILTLESS GOURMET, THE INTERNATIONAL GOURMET sur les livres de cuisine, le livre de cuisine THE NATURAL GOURMET, etc. Même sil est clair que lon peut accéder à ces sites Web du Canada, rien ne prouve que lune quelconque de ces publications a déjà été vendue au Canada ou que des Canadiens autres que Mme Marshall ont déjà visité ces sites. Rien ne prouve non plus que lun quelconque des 34 livres de cuisine pour « gourmet » énumérés à www.gourmets-choice.com a été vendu au Canada.

 

Mme Marshall a toutefois constaté que le magazine culinaire australien GOURMET TRAVELLER était en vente dans une librairie de Toronto, mais celui-ci n’était pas disponible lorsqu’elle s’y est rendue. Dans le même magasin, elle a trouvé un livre intitulé « GOURMET GETAWAY – A Taste of North America’s Top Resorts » publié au Canada en 1998. Une recherche dans la base de données de ce magasin a permis de trouver 673 titres de livres contenant le mot GOURMET, mais rien ne prouve que l’un quelconque de ces livres a été vendu au Canada.

 

Mme Marshall a constaté que la liste de magazines d’une autre librairie de Toronto comprenait le GOURMET TRAVELLER et le ASIAN HOME GOURMET susmentionnés, ainsi que le magazine GOURMET de l’opposante. Dans ce magasin, elle a également pris un dépliant publicitaire concernant un livre de cuisine intitulé « Nice Timing: Gourmet Meals in Minutes ». La base de données de ce magasin comprenait 315 titres de livres contenant le mot GOURMET, mais encore là, rien ne prouve que l’un d’entre eux a été vendu au Canada.

 


Malgré le fait que la plupart des éléments de preuve fournis par Mme Marshall ne concernent par le Canada, je suis prête à accepter, sur la foi des autres éléments de preuve qu’elle a fournis (ainsi que de certains des éléments de preuve fournis par Mme Nahorniak, auteure de l’affidavit présenté par l’opposante), que les Canadiens ont lhabitude de voir le mot GOURMET dans de nombreux noms dentreprises, ainsi que dans les titres de différentes publications. Étant donné le sens du mot « gourmet », ces entreprises et publications ont tendance à se rapporter, dune façon ou dune autre, à la nourriture.

 

Comme circonstance de lespèce additionnelle, jai tenu compte des éléments de preuve établissant que des livres de cuisine ont été vendus au Canada en liaison avec la marque GOURMET de lopposante. Ceux-ci comprennent les titres GOURMETS QUICK KITCHEN, GOURMETS WEEKENDS et GOURMETS PARTIES.

 

Après avoir examiné l’ensemble des circonstances de l’espèce, je suis convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, il n’existe pas de risque raisonnable de confusion entre le magazine GOURMET et le livre de cuisine GOURMET GUYS ou les autres marchandises visées par la demande d’enregistrement, en date d’aujourd’hui. Des différences relativement petites peuvent être suffisantes pour rendre la confusion peu probable entre les marques GOURMET et GOURMET GUYS lorsqu’il existe une preuve de l’adoption du mot descriptif GOURMET par d’autres publications [voir Molson Companies Ltd. v. John Labatt Ltd. (1994), 58 C.P.R. (3d) 527 (C.A.F.), aux p. 529 et 530].

 


Lanalyse qui précède sapplique également à la marque GOURMET Dessin de lopposante.

 

En résumé, le requérant sest acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait à légard de chacun des motifs dopposition de lalinéa 12(1)d), et ces motifs sont par conséquent rejetés.

 

À laudience, lopposante a invoqué la décision, non publiée, rendue le 27 juin 2001 dans Advance Magazine Publishers Inc. c. Quarto Publishing Plc à légard de la demande no 802,009 visant la marque de commerce MAGNET GOURMET. Cette demande était fondée sur un emploi projeté en liaison avec [traduction] « une série de livres miniatures, de brochures, de cartes, de décalcomanies, dautocollants, daffiches, de calendriers, munis daimants de façon à adhérer aux surfaces des réfrigérateurs ou à dautres surfaces métalliques semblables ». Le commissaire Martin a refusé la demande après avoir affirmé ce qui suit : « au sujet de la ressemblance des marchandises, du commerce et des marques des parties et au sujet de la réputation acquise par les marques de lopposante, la question de confusion me laisse devant un doute.  Étant donné que la requérante a le fardeau de prouver labsence de probabilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce en litige, le doute en question joue contre elle. Si la requérante avait été en mesure de prouver lemploi répandu de marques de commerce supplémentaires composées du mot GOURMET, en liaison avec des marchandises semblables, ma conclusion au sujet de la confusion aurait peut-être été différente. »

 


La preuve de lopposante, dans cette instance, était semblable à celle quelle a présentée dans la présente instance. Par contre, la preuve fournie par la requérante concernant létat du marché consistait essentiellement en un enregistrement de marque de commerce, et jétablis une distinction entre cette instance et la présente affaire pour ce motif.

 

Alinéa 30i)

Lopposante fait valoir [traduction] « [qu]une recherche effectuée dans le registre des marques de commerce à la date de la demande aurait révélé les marques de lopposante invoquées dans la présente instance et que, par conséquent, le requérant naurait pas pu être convaincu quil avait le droit demployer ladite marque conformément à lalinéa 30i). Le requérant connaissait ou aurait dû connaître lexistence de lemploi, de lenregistrement et de la notoriété de lopposante avant la date de sa demande. » Cependant, rien dans la preuve nindique que le requérant était au courant des droits de lopposante à légard de la marque GOURMET lorsquil a déposé sa demande. Ce motif est donc rejeté parce que lopposante ne sest pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

 

Décision

Conformément aux pouvoirs qui mont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi sur les marques de commerce, je repousse la demande en ce qui concerne les « livres de cuisine » et rejette lopposition en ce qui concerne les autres marchandises, conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi. Le pouvoir de rendre une décision partagée est énoncé dans Produits Ménagers Coronet Inc. v. Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH, 10 C.P.R. (3d) 492 (C.F. 1re inst.).

 

 


FAIT À TORONTO (ONTARIO), CE 14e JOUR DAVRIL 2004.

 

 

 

Jill W. Bradbury

Commissaire

Commission des oppositions des marques de commerce

 

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