Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION PAR TBG The Bicycle Group Inc  à la demande d’enregistrement No. 1086191 pour la marque de commerce EQUIPE CYCLISTE RONA CYCLING TEAM et dessin produite par Rona Inc.____________

 

 

I Les Procédures

 

Rona Inc. (la « Requérante ») a déposé le 12 décembre 2000 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce ÉQUIPE CYCLISTE RONA CYCLING TEAM et dessin telle que ci-dessous illustrée :

 

(la «Marque»), fondée sur un emploi projeté en liaison avec les marchandises suivantes :

 

Articles promotionnels distribués en magasins ou sur sites extérieurs, nommément: circulaires, affiches, macarons, épinglettes, règles à mesurer, rubans à mesurer, crayons, stylos, marqueurs; vêtements, nommément: chandails, polos, chemises, pantalons, vestes, blousons, manteaux, casquettes, tabliers; (les « Marchandises »)

 

et les services suivants : Service de sponsor de coureurs cyclistes. (les « Services »)

 

La demande d’enregistrement fut publiée le 2 octobre 2002 dans le journal des marques de commerce.

 

TBG The Bicycle Group Inc (l’« Opposante ») a produit le 15 octobre 2002 une déclaration d’opposition soulevant les motifs d’opposition suivants :

 

1)      Contrairement aux dispositions des articles 38(2)(a) et 30(a) de la loi sur les Marques de commerce, L.R.C. 1985, c. T-13 (la « Loi »), la demande d’enregistrement ne contient pas un état, dressé dans les termes ordinaires du commerce, des marchandises et des services avec lesquels la marque sera employée;

2)      Contrairement aux dispositions des articles 38(2)(a) et 30(b) de la Loi, à la date de production de la demande, la Requérante, soit elle-même ou par l’entremise d’un licencié, n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et les Services;

3)      Contrairement aux dispositions des articles 38(2)(b) et 12(1)(a) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable car le mot RONA est principalement le nom de famille d’un individu vivant ou qui est décédé dans les trente années précédentes;

4)      Contrairement aux dispositions des articles 38(2)(b) et 12(1)(d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable car elle porte à confusion avec la marque de commerce de l’Opposante KONA, certificat d’enregistrement numéro TMA370624, en liaison avec des bicyclettes;

5)      Contrairement aux dispositions des articles 38(2)(c ) et 16(3)(a) et 16(5) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque car à la date de production de la demande d’enregistrement, la Marque portait à confusion avec la marque de commerce KONA de l’Opposante antérieurement employée au Canada en liaison avec des bicyclettes, des vêtements pour le cyclisme, nommément des maillots, pantalons, T-shirts, shorts, chapeaux, casquettes, tuques et gants; sacs à dos, sacs en bandoulière, sacs de transport d’eau, sacs de voyage; protecteur pour cyclisme; serviettes, cloches à bière, verres à bière et pichets; et les services d’exploitation et gestion d'une équipe de cyclistes participant à des courses; exploitation et gestion d'événements ayant trait aux courses de cyclisme et qui n’avait pas été abandonnée à la date de publication de la demande d’enregistrement de la Requérante;

6)      Contrairement aux dispositions des articles 38(2)(d) et 2 de la Loi la Marque n’est pas distinctive car elle ne distingue ou n’est pas apte à distinguer les Marchandises et Services des marchandises et services des tiers et en particulier des bicyclettes, des vêtements pour le cyclisme, nommément des maillots, pantalons, T-shirts, shorts, chapeaux, casquettes, tuques et gants; sacs à dos, sacs en bandoulière, sacs de transport d’eau, sacs de voyage; protecteur pour cyclisme; serviettes, cloches à bière, verres à bière et pichets; et les services d’exploitation et gestion d'une équipe de cyclistes participant à des courses; exploitation et gestion d'événements ayant trait aux courses de cyclisme vendus ou offerts par l’Opposante en liaison avec la marque de commerce KONA;

7)      Contrairement aux dispositions des articles 38(2)(d) et 2 de la loi la Marque n’a pas été employée par la Requérante pour distinguer les Marchandises et les Services des marchandises et les services des tiers sur le marché.

 

La Requérante a produit le 12 juin 2003 une contre-déclaration d’opposition niant essentiellement les motifs d’opposition ci-haut décrits.

 

L’Opposante a produit l’affidavit de M. Jacob Heilbron alors que la Requérante a produit celui de M. Micheal Brossard. L’Opposante n’a versé au dossier aucune preuve en réplique. Chacune des parties a produit un plaidoyer écrit et était représentée lors de l’audience.

 

II La preuve de l’Opposante

 

M. Heilbron est président du conseil d’administration et un des fondateurs de l’Opposante. Il a produit une copie du certificat d’enregistrement TMA370624 pour la marque de commerce KONA en liaison avec des bicyclettes, des vêtements pour le cyclisme, nommément des maillots, pantalons, T-shirts, shorts, chapeaux, casquettes, tuques et gants; sacs à dos, sacs en bandoulière, sacs de transport d’eau, sacs de voyage; protecteur pour cyclisme; serviettes, cloches à bière, verres à bière et pichets; et les services d’exploitation et gestion d'une équipe de cyclistes participant à des courses; exploitation et gestion d'événements ayant trait aux courses de cyclisme. L’Opposante fut créée en décembre 1987 et a débuté en août 1988 l’emploi au Canada de la marque de commerce KONA en liaison avec ses bicyclettes. Les chiffres de ventes annuelles de bicyclettes portant la marque KONA au Canada au cours des années 1999 à 2003 sont supérieurs à $10 millions. Ces bicyclettes sont vendues dans plus de 40 pays à travers le monde. Ils sont vendus à des magasins spécialisés dans la vente de bicyclettes et accessoires qui à leur tour les revendent aux consommateurs. Ces magasins font la promotion des bicyclettes portant la marque KONA notamment dans les annuaires téléphoniques.

 

L’Opposante fait également la promotion de ses bicyclettes portant la marque KONA par la distribution de catalogues et par l’entremise de son site web. Un exemplaire du catalogue pour l’année 2003 et un extrait du site web ont été produits au soutien de son affidavit. Nous n’avons cependant aucune information quant aux modes de distribution des catalogues et le nombre de personnes qui ont visité le site web de l’Opposante.

 

Un des moyens utilisés par l’Opposante pour promouvoir la vente de ses bicyclettes en liaison avec la marque KONA est l’endossement et l’organisation de courses de vélos de montagne par l’entremise de sa propre équipe de course de vélos de montagne et de cyclo-cross. M. Heilbron énumère 35 courses tenues au Canada et aux États-Unis en 2003 commanditées en partie par l’Opposante. Il est à noter que l’équipe cycliste commanditée par l’Opposante portait le nom de KONA FACTORY TEAM pour la période de 1989 à 2000. Depuis 2000, la même équipe cycliste est co-commanditée par l’Opposante et un manufacturier de composantes de bicyclettes du nom de Clarks. Ainsi l’équipe est maintenant désignée sous le nom de KONA-CLARKS FACTORY TEAM. Des extraits du site web de l’Opposante concernant la commandite de cette équipe ont été produits au dossier. L’illustration suivante apparaît sur l’une de ces pages :

 

 

 

 

 

L’Opposante commandite également une équipe de cyclo-cross mais nous ne savons pas depuis quelle date. Un communiqué de presse tiré d’un site web a été produit. Il fait état d’une série de courses dont certaines se tiendraient au Canada sans toutefois spécifier les lieux de ces compétitions. Ce communiqué fait référence à la saison 2000-2001 sans date précise. L’affiant a également produit des extraits du site web de l’Opposante qui traitent des activités de l’équipe commanditée durant la saison 2003. Tous les extraits font référence à « KONA-CLARKS FACTORY TEAM ou KONA-CLARKS TEAM. Entre 2000 et 2003 l’Opposante a dépensé près de $1,5 millions au Canada pour la promotion de ses produits portant la marque KONA.

 

L’Opposante vend également des vêtements et accessoires pour la pratique de la bicyclette sous la marque KONA. Ces ventes peuvent se faire par catalogue ou via le site Internet de l’Opposante. Des extraits du site web, où l’on retrouve des photographies de ces marchandises, ont également été produits au dossier. L’affiant explique que ces marchandises sont également vendues chez les détaillants autorisés de l’Opposante. Ces ventes se chiffrent à plus de $500,000 par année au cours des cinq dernières années. Les catalogues des années 2003 et 2004 ont été produits au dossier. On y retrouve des bicyclettes, des vêtements pour le cyclisme, nommément des maillots, pantalons, T-shirts, shorts, chapeaux, casquettes, tuques et gants; sacs à dos, sacs en bandoulière, sacs de transport d’eau, sacs de voyage; protecteur pour cyclisme; serviettes, cloches à bière, verres à bière et pichets. Des factures, dont les plus anciennes remontent en octobre 1990, ont été produites pour démontrer la vente de chandails et de bouteilles d’eau portant la marque de commerce KONA. L’affiant allègue que la vente des autres accessoires de bicyclettes portant la marque KONA au Canada a débuté en 2000 et des factures prouvant ce fait se retrouvent au dossier.

 

L’affiant a produit des extraits de sites web, sans nous fournir des détails sur leur provenance, contenant des articles et des photos de l’équipe cycliste RONA. La Marque n’apparaît sur aucune de ces photos sauf possiblement sur une casquette portée par une coureuse cycliste mais la photo n’est pas assez précise pour conclure qu’on y aperçoit la Marque. Finalement il a produit une photo, publiée dans le journal Globe & Mail, édition du 30 juin 2003, d’un coureur cycliste portant un maillot sur lequel apparaît la marque de commerce RONA. Il allègue que les maillots de l’équipe cycliste RONA sont similaires aux maillots de l’équipe cycliste KONA. Je ne retiendrai pas ce commentaire qui est non-pertinent dans le cadre de la procédure d’opposition à l’enregistrement de la Marque. En effet, la Marque telle que ci-haut illustrée n’apparaît pas sur ledit maillot de l’équipe cycliste RONA.

 

III La preuve de la Requérante

 

La Requérante a produit l’affidavit de M. Micheal Brossard, directeur principal marketing national de la Requérante. Il explique que la Requérante gère et dirige un regroupement d’achats de distribution de produits et de services pour le bénéfice de marchands indépendants. Ces marchands approvisionnés par la Requérante exploitent un magasin sous l’une ou l’autre des marques de commerce suivantes : RONA L’entrepôt, RONA le Régional, RONA le Rénovateur, RONA le Quincaillier, RONA l’Express, RONA l’Express Matériaux, RONA Hardware, RONA Home Centre, RONA Cashway, RONA Home and Garden, RONA Lancing et RONA Building Center. Il y a plus de 540 magasins au Canada. La superficie de ces magasins totalise plus de 12 millions de pieds carrés et les ventes au détail annuelles dépassent $3,7 milliards. Les commerçants indépendants exploitent ces magasins sous licence pour l’usage de l’une ou l’autre des marques RONA citées ci-haut en liaison avec l’exploitation de centres de rénovation et/ou de matériaux de construction, une quincaillerie, un centre jardin ou pépinière avec produits horticoles. Ces services sont offerts sous la marque RONA ou RO-NA depuis 1960. La Requérante serait devenue le plus important distributeur canadien de produits de quincaillerie, de rénovation et de jardinage.

 

Il allègue que la Requérante est propriétaire d’une famille de marques de commerce RONA et a produit un relevé informatique de plusieurs des marques enregistrées RONA pour des services dans le domaine de la rénovation, quincaillerie et jardinage sans pour autant fournir de la preuve d’un emploi de l’une ou l’autre de ces marques de commerce. L’affiant allègue que la Requérante ne se spécialise aucunement dans le domaine du cyclisme. De plus elle ne vend pas de bicyclettes en liaison avec la Marque ou la marque de commerce RONA.

 

Le 22 août 2000 la Requérante a annoncé qu’elle commanditait la cycliste Geneviève Jeanson. Par la suite, soit le 2 novembre 2000, elle annonçait la création du groupe l’ÉQUIPE CYCLISTE RONA et M. Brossard a produit un extrait du site Internet de Radio-Canada concernant cette annonce. Le 13 mars 2001 un groupe de cyclistes courrant sous la bannière l’ÉQUIPE CYCLISTE RONA participait à sa première course en Californie aux États-Unis d’Amérique.

 

Le 30 mai 2002 la Requérante annonçait le lancement d’une gamme de produits officiels portant la Marque à savoir : des maillots et cuissards officiels de l’équipe, t-shirts, cotons ouatés, chandails en polar, casquettes, chapeaux, bouteilles pour vélo, épinglettes, portes clés et affiches officielles de l’équipe, tous portant la Marque. Les ventes de ces marchandises au cours de l’année 2002 ont totalisé $14150 et environ $5000 pour l’année 2003. Des échantillons de factures démontrant la vente des ces marchandises ont été produits au dossier. Divers éléments de matériel promotionnel utilisés en 2001, 2002 et 2004 se rapportant aux Marchandises et Services associés à la Marque ont pareillement été produits au dossier.

 

Depuis 2000, la Requérante a dépensé $1,6 millions pour la commandite des activités du groupe l’ÉQUIPE CYCLISTE RONA. La Requérante vise à associer cette commandite à sa marque de commerce RONA reconnue au Canada en liaison avec ses services de vente de matériaux de construction, de rénovation et d’horticulture. C’est ainsi qu’elle a commandité d’autres événements ou clubs sportifs au cours des années.

 

Il allègue que les marques de commerce RONA de la Requérante sont bien connues du public et qu’il n’y a pas de vraisemblance de confusion entre KONA et la Marque. Je ne tiendrai pas compte de cette allégation car il s’agit d’une opinion légale sur l’une des questions que je dois trancher.

 

IV Les questions en litige

 

Je me propose de répondre à chacune des interrogations soulevées par l’Opposante dans le cadre de son argumentation écrite tout en gardant à l’esprit les motifs d’opposition plaidés et ci-haut décrits. L’Opposante soulève les points suivants :

1)      L’usage de la marque de commerce d’une entreprise dans le cadre d’une commandite d’une équipe sportive pour promouvoir l’entité corporative constitue-t-elle un emploi de la marque de commerce en liaison avec des services de commandites?

2)      Si oui, la Requérante s’est-elle conformée aux dispositions de l’article 30(e) en commanditant une équipe sportive avant la date de production de sa demande d’enregistrement fondée sur un emploi projeté?

3)      L’usage de la marque de commerce d’une entreprise sur des produits dans le cadre d’une commandite d’une équipe sportive dans le but de promouvoir la marque de commerce de l’entité corporative constitue-t-elle un emploi de la marque de commerce en liaison avec ces marchandises?

4)      La Requérante a-t-elle prouvé qu’il n’existe pas de risque raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce KONA de l’Opposante

 

V Le droit applicable

 

Dans le cadre de procédures en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, l’Opposante doit présenter suffisamment d’éléments de preuve concernant les motifs d’opposition qu’elle soulève afin qu’il soit apparent qu’il existe des faits qui peuvent supporter ces motifs d’opposition. Si l’Opposante rencontre cette exigence, la Requérante devra convaincre le registraire, selon la balance des probabilités, que les motifs d’opposition ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque. [Voir Sunshine Biscuits Inc. c. Corporate Foods Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 53, Joseph Seagram & Sons Ltd. v. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 et John Labatt Ltd. c Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293]

 

La date pertinente pour analyser les différents motifs d’opposition varie selon le motif d’opposition soulevé. Les deux premiers motifs d’opposition fondés sur l’article 30 de la loi doivent s’analyser à la date de production de la demande d’enregistrement. [Voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (TMOB) et Dic Dac Holdings (Canada) Ltd c. Yao Tsai Co. (1999), 1 C.P.R. (4th) 263]. Le troisième motif d’opposition doit être tranché à la date de la production de la demande d’enregistrement. [Voir art 12(2) de la loi et dans l’affaire de l’opposition de Waterford Wedgwood PLC à la demande d’enregistrement numéro1013012, décision non-rapportée datée du 9 janvier 2006]. La date pertinente pour trancher la question de l’enregistrabilité de la Marque (article 12(1)(d) de la loi) est celle de la décision du registraire. [Voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 at 424 (F.C.A)]. Le cinquième motif d’opposition (la Requérante n’ayant pas droit à l’enregistrement) doit s’apprécier à la date de la production de la demande d’enregistrement (article 16(3) de la loi). Finalement les deux derniers motifs d’opposition (absence de caractère distinctif de la Marque) devront s’analyser à la date de la production de la déclaration d’opposition. [Voir Andres Wines Ltd. and E&J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (F.C.A.) à la page 130 , Park Avenue Furniture op. cit., et Metro-Goldwyn-Meyer Inc c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317]

 

L’Opposante a indiqué dans son argumentation écrite qu’elle se désistait de son troisième motif d’opposition.

 

J’analyserai d’abord le premier motif d’opposition soulevé par l’Opposante. Elle prétend que les Services ne sont pas décrits de façon spécifique en ce qu’ils ne spécifient pas les activités englobées sous le terme « sponsor ». Je me réfère à l’arrêt Everything for a Dollar Store c. Dollar Plus Bargain (1998), 86 C.P.R. (3d) 269 (C.O.M.C.) où le registraire déclara :

 

 While a statement of services may be more difficult to define in terms of the specific services as contrasted to a statement of wares, Subsection 30(a) of the Trade-marks Act does require a measure of specificity in respect of the services covered in a trade-mark application where it is reasonable to expect that a specific statement of services in ordinary commercial terms can be provided by an applicant.

 

 

 

Or les termes “sponsor” et « sponsoriser » sont ainsi définis dans le dictionnaire Le Petit Robert :

   « sponsor : personne, organisme qui soutient financièrement une entreprise à des fins publicitaires »

            « sponsoriser : Financer à des fins publicitaires (une entreprise, un sport) »

 

La description des services ou des marchandises associés à une marque de commerce sert à délimiter le champs d’activités liés à cette marque de commerce. Un terme trop large ne respectera pas les critères de l’article 30(a) de la loi. Il est toujours plus difficile de décrire des services mais dans le présent cas j’en arrive à la conclusion que le terme « sponsor » est adéquat, vu sa définition. La Requérante n’a pas à décrire toutes les activités de soutien aux coureurs cyclistes qu’elle supporte financièrement.

 

L’Opposante plaide aussi que les services de « sponsors de coureurs cyclistes » ne constituent pas des services au sens de l’article 4 de la Loi puisqu’ils ne seraient que des activités de promotion de ses services de vente de matériaux de construction, quincaillerie, rénovation et articles de jardinage. Pour appuyer ses prétentions elle se réfère à Carling O’Keefe Breweries c Anheuser-Bush, Inc. (1985), 4 C.P.R. (3d) 216. Dans cette décision le registraire émit l’opinion suivante:

 

4.The applicant submitted that the opponent's first ground of opposition should be rejected initially on the basis that the services in association with which the opponent has alleged that it has used its CARLSBERG TEAM AND WAGON mark, i.e., "the services of promoting the sale of the opponent's Carlsberg beer in Canada", are not services within the meaning of s. 4 of the Trade Marks Act and that therefore whatever use has been made by the opponent of its mark in association with such services is not use within the meaning of s. 4 of the Act and cannot form the basis of a ground of opposition pursuant to s. 16(3)(a) of the Trade Marks Act. I agree with this submission. In my view, the opponent's promotion of the sale of its Carlsberg beer should be regarded as merely being part of the sale of its beer.

5.In order for an activity to be considered as a service, it would seem logical that there must be some members of the public, some consumers or purchasers, who receive a benefit from the existence of that activity. With respect to the opponent's promotion of the sale of its Carlsberg beer, the only one who could reasonably be said to have received a benefit is the opponent itself. The opponent's agent submitted that because the opponent promotes its beer by displaying its team of horses (known as the Carlsberg Championship Team or the Carlsberg Team and Wagon), a benefit is provided to the public. Such displays may well provide a benefit to the public; however, even if this is so it would only in my view establish use of the opponent's mark in association with the service of displaying its team of horses and not in association with the service of promotion of its Carlsberg beer.

 

Comme le sponsoring est un service d’aide financière à des fins publicitaires, il est normal que le commanditaire, dans notre cas la Requérante, en retire une certaine visibilité. Le consommateur de ce service, soit le ou les coureurs cyclistes, recevra(ont) cette aide financière en contrepartie de sa performance durant la course et le public en général bénéficiera de ce service car il assistera à un événement sportif (une course). Le fait que la Requérante en retire un certain bénéfice, soit la promotion de son entreprise, n’enlève rien à la nature même des Services pour lesquels la demande d’enregistrement a été produite.

 

Finalement l’Opposante allègue que la preuve démontre que la Requérante a employé la Marque en liaison avec les Services avant la date de production de la présente demande d’enregistrement. Or le libellé du motif d’opposition fondé sur l’article 30 (b) de la loi ne fait pas état d’un prétendu emploi de la Marque antérieurement à la date de production de la demande d’enregistrement. Puisque ce motif d’opposition n’a pas été soulevé dans la déclaration d’opposition de l’Opposante je me dois de rejeter cet argument. Nonobstant ce qui précède, l’Opposante fonde ses prétentions sur l’article de journal publié le 8 décembre 2000 et le contenu du site web de Radio-Canada en date du 7 décembre 2000 (pièce MB-4 à l’affidavit de M. Brossard) où il est fait état de la composition de l’équipe cycliste de la Requérante. Or la Marque tel qu’illustrée ci-haut n’apparaît aucunement dans ces articles ni sur les photos.

 

Malgré l’habile présentation de l’Opposante sur ce premier motif d’opposition, je me dois de le rejeter.

 

L’Opposante plaide au soutien de son deuxième motif d’opposition que la Requérante n’a aucunement l’intention d’employer la Marque en liaison avec les Marchandises pour identifier la source de ces marchandises mais plutôt dans le but de promouvoir ses services de vente en détail et de distribution. Ces deux finalités n’entrent pas nécessairement en contradiction l’une avec l’autre. Il peut exister une certaine complémentarité entre ces objectifs. La description des Marchandises est spécifique : « articles promotionnels… » Il va de soit donc que la Requérante désire se servir de la vente des Marchandises pour promouvoir ses activités commerciales.

 

La remise à titre gracieux d’objets promotionnels pourrait causer problème quant à l’emploi de la Marque au sens de l’article 4 de la Loi en liaison avec ces produits. Toutefois la demande est fondée sur un emploi projeté et il serait prématuré de trancher cette question puisque la date pertinente sous l’article 30 de la Loi est la date de production de la demande. À tout événement la Requérante a fournit des chiffres de vente pour les Marchandises ce qui démontre qu’il y a eu transfert de propriété de ces produits moyennant une contrepartie. Pour toutes ces raisons, je rejette aussi le deuxième motif d’opposition.

 

Les motifs décrits précédemment pour rejeter le deuxième moyen d’opposition s’appliquent tout autant pour disposer en faveur de la Requérante du dernier motif d’opposition tel que libellé. Il ne reste donc que les quatrième, cinquième et sixième motifs d’opposition qui sont intimement reliés au concept de confusion tel que décrit à l’article 6 de la Loi qui se lit comme suit :

 

 

6. (1) Pour l'application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

 

 

(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

(3) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial, lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à cette marque et les marchandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l'entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

(4) L'emploi d'un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom et les marchandises liées à cette marque sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à l'entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

 

 

 

Il est clairement établi que la liste des circonstances énumérées ci-haut n’est pas exhaustive et qu’il n’est pas nécessaire d’accorder autant de poids à chacun de ces critères [voir à titre d’exemple Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R.(3d) 483 (F.C.T.D.), Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R.(3d) 308 (F.C.T.D.) et Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22 au par. 54].

 

La preuve versée au dossier par l’Opposante et ci-haut décrite satisfait amplement son fardeau de preuve initial. La Requérante se voit donc dans l’obligation de démontrer, selon la balance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et la marque KONA de l’Opposante. Je procéderai d’abord à l’analyse du quatrième motif d’opposition (article 12(1)(d) de la Loi).

 

  caractère distinctif des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

 

La marque déposée KONA de l’Opposante jouit d’un caractère distinctif inhérent supérieur à celui de la Marque en raison de l’emploi dans ce dernier cas des mots « équipe cycliste » et « cycling team » qui sont descriptifs de la nature ou qualité des Marchandises et Services. Ils ont d’ailleurs fait l’objet d’un désistement en dehors de la Marque dans son ensemble. KONA n’a aucune signification reliée au domaine du cyclisme.

 

La marque déposée de l’Opposante est pour le vocable KONA. Or la preuve révèle l’emploi de la marque KONA et graphisme tel que ci-après illustrée :

 

 

 

 

Il ne fait aucun doute que cet emploi constitue l’emploi de la marque déposée KONA de l’Opposante en vertu des principes énoncés dans les affaires Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 et Registrar of Trade Marks c. Compagnie L’informatique CII Honeywell Bull, Société Anonyme et al. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523. L’Opposante a prouvé l’emploi de sa marque de commerce KONA depuis au moins 1989 en liaison avec des bicyclettes, depuis octobre 1989 en liaison avec des chandails et des bouteilles d’eau et depuis février 2000 (voir factures pièce K à l’affidavit de M. Heilbron) en liaison avec des accessoires reliés à la pratique du cyclisme.

 

Il y a également au dossier de la preuve d’emploi de ladite marque de commerce depuis 1989 en liaison avec les services d’exploitation et gestion d'une équipe de cyclistes participant à des courses; et depuis au moins 2003 en liaison avec les services d’exploitation et gestion d'événements ayant trait aux courses de cyclistes. Les chiffres de vente de l’Opposante et la preuve versée au dossier dans son ensemble permettent de conclure que la marque KONA de l’Opposante est mieux connue que la Marque en liaison avec les Marchandises et les Services; la Requérante ne prouvant que des ventes bien modestes pour les années 2002 et 2003. Donc ce facteur favorise l’Opposante.

 

  la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

 

Pour les motifs exprimés sous la rubrique précédente ce facteur favorise également l’Opposante.

 

  Le genre de marchandises, de services et la nature du commerce

 

Il y a chevauchement entre certaines des Marchandises énumérées dans la présente demande d’enregistrement et des marchandises couvertes par le certificat d’enregistrement TMA370624 de l’Opposante, soit les vêtements. La requérante a mentionné dans l’état déclaratif des marchandises et services que les objets promotionnels seraient vendus en magasin ou sur des sites extérieurs. Rien ne restreint toutefois la Requérante de vendre ses marchandises dans des magasins autres que ceux qu’elle opère. De plus il existe un certain lien entre le sponsoring de coureurs cyclistes et les services d’exploitation et gestion d'une équipe de cyclistes participant à des courses. Il n’est point farfelu d’imaginer à une même course la présence de coureurs supportés financièrement par la Requérante avec des dossards portant la Marque et des coureurs de l’équipe gérée par l’Opposante arborant des dossards avec la marque de commerce KONA. Ce facteur favorise également l’Opposante.

 

   Le degré de ressemblance entre les marques en présence

 

Le degré de ressemblance entre les marques en présence a maintes fois été considéré comme étant un des facteurs les plus importants à considérer lors de l’analyse du risque de confusion qu’il peut y avoir entre deux marques de commerce. [Voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, conf. 60 C.P.R. (2d) 70].

 

Les marques doivent être considérées dans leur ensemble et non pas comparer chacun de leurs éléments. [Voir Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd. (1994), 58 C.P.R. (3d) 527 (CAF)].

 

Il est vrai que la Marque comporte un volet graphique mais il n’en demeure pas moins que le facteur dominant de la Marque est le mot RONA. En effet les autres éléments vocables sont descriptifs. Il y a une certaine ressemblance phonétique entre la Marque et la marque de commerce KONA. Bien que la première portion de la Marque soit différente de la marque de commerce de l’Opposante, il n’en demeure pas moins que visuellement le mot RONA ressort de l’ensemble de la Marque. De plus les lettres K et R se ressemblent visuellement.

 

  Autres facteurs à considérer

 

La Requérante plaide qu’en raison de la notoriété de sa marque de commerce RONA dans le domaine de l’exploitation de centres de rénovation et/ou ou de matériaux de construction, une quincaillerie, un centre jardin ou pépinière avec produits horticoles il ne pourrait y avoir de confusion chez le consommateur quant à la source des Services et Marchandises. Il faut se placer dans la peau d’un consommateur moyen ayant un vague souvenir de la marque de commerce de l’Opposante en liaison avec le même type de marchandises et services que ceux couverts par la présente demande d’enregistrement. Ainsi à titre d’exemple ce consommateur qui a un vague souvenir de la marque de commerce KONA en liaison avec un chandail pour la pratique du cyclisme ou en liaison avec une équipe cycliste sera-t-il porté à croire qu’un chandail pour la pratique du cyclisme portant la Marque ou qu’une équipe cycliste qui court sous la Marque ont la même source? Je n’accorde que très peu d’importance au fait que la marque RONA serait connue dans le domaine tout à fait différent de la construction ou rénovation. Même si je concluais que la marque RONA est une marque connue, les enseignements de la cour suprême dans l’arrêt Mattel, op. cit., nous amènent à considérer l’ensemble de tous les facteurs pertinents. La proposition de la Requérante d’accorder plus de poids au fait qu’elle est connue dans le domaine de la construction et rénovation, bien qu’attrayante à première vue, ne peut compenser pour l’ensemble des autres facteurs, tous en faveur de l’Opposante.

 

J’arrive à la conclusion que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau de prouver, selon la balance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et la marque de commerce KONA de l’Opposante lorsque employée en liaison avec les Marchandises et Services. J’appuie ma conclusion sur le fait que la marque de commerce KONA bénéficie d’un caractère distinctif inhérent supérieur à la Marque, qu’elle est mieux connue que la Marque en rapport avec les Marchandises et Services, qu’elle est employée depuis plus longtemps que la Marque en liaison avec les Marchandises et Services, que les Marchandises et Services sont semblables à ceux couverts par le certificat d’enregistrement LMC370624 et qu’il existe une ressemblance entre les marques en présence. Dans les circonstances j’accueille le quatrième motif d’opposition.

 

Quant au cinquième motif d’opposition (article 16(3) de la Loi), la preuve révèle l’emploi de la marque de commerce KONA par l’Opposante en liaison avec des bicyclettes, chandails et des bouteilles d’eau depuis 1989 et en liaison avec des accessoires reliés à la pratique du cyclisme depuis février 2000, et qu’elle n’avait pas abandonnée cet usage à la date de publication de la présente demande d’enregistrement (article 16(5) de la Loi). L’Opposante s’est ainsi déchargée de son fardeau de preuve initial et les mêmes conclusions concernant le risque confusion décrites dans le cadre de l’analyse du quatrième motif d’opposition s’appliquent en ce qui concerne les Marchandises. Toutefois la preuve révèle l’emploi antérieur des marques de commerce KONA FACTORY TEAM et KONA-CLARKS FACTORY TEAM plutôt que la marque KONA en liaison avec la commandite d’une équipe cycliste. Or dans son ensemble, la Marque diffère tant visuellement que phonétiquement de ces marques de commerce. Cette différence fait en sorte qu’il n’y aurait pas de risque de confusion entre ces marques de commerce et la Marque en liaison avec les Services. J’accueille donc le cinquième motif d’opposition que pour les Marchandises.

 

Ma conclusion concernant le sixième motif d’opposition (absence de caractère distinctif de la Marque) serait la même que pour le motif précédent puisque la différence entre les dates pertinentes n’aurait aucun impact sur la preuve admissible. J’accueille donc également ce motif que pour les Marchandises.

 

VI Conclusion

 

En raison des pouvoirs qui m’ont été délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la loi, je repousse la demande d’enregistrement de la Requérante pour la Marque en liaison avec les Marchandises et Services, le tout selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

 

 

 

DATÉ À MONTRÉAL, QUÉBEC, CE 23 AOÛT 2006.

 

Jean Carrière

Membre de la commission des oppositions des marques de commerce

 

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