Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 83

Date de la décision : 2011-05-31

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION PRODUITE par Canada Safeway Limited à l’encontre de la demande d’enregistrement no  1360632 pour la marque de commerce OM ORGANICS & Dessin au nom de Meadowfresh Dairy Corporation

[1]               Le 22 août 2007, Meadowfresh Dairy Corporation (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce OM ORGANICS & Dessin (la Marque) fondée sur son emploi projeté au Canada. L’enregistrement de la marque, reproduite ci-dessous, a été demandé en liaison avec les marchandises suivantes (les Marchandises) :

(1) Produits laitiers.
(2) Boissons non alcoolisées, nommément boissons à base de yogourt, boissons à base de soya, boissons lactées, boissons à base de fruits, boissons à base de légumes, boissons énergisantes, boissons à base de thé, boissons à base de café, boissons à base de chocolat, boissons à base de cacao, jus de fruit, jus de légumes, thés, cafés et potable.
(3) Aliments et repas préparés frais et congelés, nommément fruits frais et congelés, légumes frais et congelés, fromages frais et congelés, produits laitiers frais et congelés, viandes cuites ou non cuites fraîches et congelées, nommément poulet, dinde, porc, bœuf et agneau, poissons et fruits de mer cuits ou non, frais et congelés, ragoûts et plats mijotés frais et congelés, plats préparés frais et congelés, soupes fraîches et congelées ainsi que salades fraîches et congelées.
(4) Aliments secs préemballés, nommément préparations pour carrés au chocolat, gâteaux, biscuits, scones, crèmes-desserts, crêpes, gaufres et soupes; nouilles; pâtes alimentaires; riz.
(5) Desserts, nommément gâteaux, tartes, pâtisseries, biscuits, carrés au chocolat et crèmes-desserts; confiseries, nommément aux amandes, au chocolat, congelées, à la gomme, aux arachides et au sucre; grignotines, nommément grignotines à base de céréales, e de maïs, de fruits, de granola, de riz et de blé.

OM ORGANICS & Design

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le numéro du Journal des marques de commerce daté du 1er octobre 2008 et a fait l’objet d’une opposition de la part de Canada Safeway Limited, le 9 décembre 2008. Le registraire a transmis une copie de la déclaration d’opposition à la Requérante, le 20 janvier 2009, comme l’exige le paragraphe 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi).

[3]               Les motifs d’opposition peuvent être résumés de la façon suivante :

  • Suivant l’alinéa 38(2)a) de la Loi, la demande ne satisfait pas aux exigences des alinéas 30b), 30e) et 30i) de la Loi, dans la mesure où la requérante n’a pas indiqué la date de premier emploi en liaison avec chacune des marchandises (al. 30b)), ne mentionne pas l’intention d’employer la marque en liaison avec chacune des marchandises (al. 30e)), et ne peut avoir été convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque, compte tenu de la connaissance qu’avait la Requérante des droits et de l’emploi antérieurs de l’opposante à l’égard de ses marques de commerce semblables au point de créer de la confusion (al. 30i));

 

  • Suivant l’alinéa 38(2)b) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable selon l’alinéa 12(1)d) de la Loi étant donné qu’elle est semblable au point de créer de la confusion avec la marque de commerce déposée O ORGANICS & Dessin (enregistrement no LMC 674881) de l’opposante;

          Suivant l’alinéa 38(2)c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement compte tenu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, étant donné qu’à la date pertinente, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce O ORGANICS & Dessin et O ORGANICS de l’opposante, qui avaient déjà été employées au Canada; compte tenu de l’al. 16(3)b) de la Loi, à la date pertinente, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce O ORGANICS et O ORGANICS & Dessin visées par les demandes no 1352600 et no 1355683 respectivement, lesquelles ont été antérieurement produites au Canada et étaient pendantes à la date de la présente demande;

          Suivant l’alinéa 38(2)d) de la Loi, la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, plus précisément parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce de l’opposante tel que je l’ai mentionné précédemment.

[4]               La Requérante a répondu en produisant et en signifiant une contre-déclaration dans laquelle elle nie de façon générale les allégations contenues dans la déclaration d’opposition.

[5]               L’opposante a produit l’affidavit de Ted Middleton souscrit le 29 mai 2009, ainsi que l’affidavit de Susan Burkhardt souscrit le 2 juin 2009. La Requérante a produit l’affidavit de Rahim Z. Talib, souscrit le 30 septembre 2009.

[6]               Seule l’opposante a produit des observations écrites. La tenue d’une audience n’a pas été demandée dans le présent dossier.

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[7]               Le fardeau d’établir selon la prépondérance des probabilités que sa demande satisfait aux dispositions de la Loi incombe à la Requérante. Toutefois, l’opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la p. 298].

[8]               Les dates pertinentes associées aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         al. 38(2)a)/art. 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la p. 475];

      al. 38(2)b)/al. 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation v. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Le registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

      al. 38(2)c)/par. 16(3) – la date de production de la demande, à savoir le 22 août 2007;

         al. 38(2)d)/art. 2 – la date de production de l’opposition [Metro-Goldwyn-Mayer Inc. v. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

 

La preuve de l’opposante

 

Affidavit de Susan Burkhardt

[9]               Madame Susan Burkhardt est stagiaire en droit dans le cabinet d’avocats de l’opposante; elle fournit des détails sur l’accès à la base de données électronique de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) et joint des exemplaires des détails concernant les enregistrements et les demandes exposées ci-dessous dont l’opposante est la propriétaire ou la requérante.

[10]           La marque de commerce O ORGANICS & Dessin no LMC674881, reproduite ci‑dessous, a été enregistrée le 13 octobre 2006 en liaison avec les marchandises suivantes :

Aliments et boissons biologiques, nommément pain, fruits surgelés, légumes surgelés, macaroni et fromage, sirop d’érable, beurre d’arachide, vinaigrette, jus, fèves en conserve, œufs, sauce pour pâtes alimentaires, plats surgelés, poulets surgelés.

O ORGANICS & DESIGN

[11]           La même marque de commerce était visée dans la demande produite le 16 juillet 2007 sous le no 1355683 en liaison avec les marchandises suivantes :

(1) Aliments et boissons biologiques, nommément confitures, marmelade, ketchup, moutarde, huile d’olive, vinaigre, thé, bouillon, pâtes alimentaires, lait de soya, produits laitiers, épices, légumes frais, compote de pommes.
(2) Aliments et boissons biologiques, nommément farine, sucre, noix, salsa, préparations pour bébés, aliments pour bébés, céréales pour bébés, biscuits, céréales de déjeuner.

[12]           Le déposant fournit les détails de la demande no 1352600 de l’opposante pour O ORGANICS produite le 21 juin 2007 en liaison avec les marchandises suivantes :

(1) Aliments et boissons biologiques, nommément pain, fruits congelés, légumes congelés, macaroni au fromage, sirop d’érable, beurre d’arachide, sauce à salade, jus, haricots en conserve, œufs, sauce pour pâtes alimentaires, plats principaux congelés, poulet congelé.
(2) Aliments et boissons biologiques, nommément confitures, marmelade, ketchup, moutarde, huile d’olive, vinaigre, thé, bouillon, pâtes alimentaires, lait de soya, produits laitiers, épices, légumes frais, compote de pommes.  
(3) Aliments et boissons biologiques, nommément farine, sucre, noix, salsa, préparations pour bébés, aliments pour bébés, céréales pour bébés, biscuits, céréales de déjeuner.

[13]           Madame Burkhardt joint également les détails des demandes d’enregistrement nos 1391797 et 1391920 des marques de commerce O ORGANICS FOR BABY & Dessin et O ORGANICS FOR TODDLER & Dessin qui ont été produites par l’opposante les 17 et 18 avril 2008 respectivement. Les états déclaratifs des marchandises sont reproduits ci-dessous, respectivement :

(Demande no 1391797) Grignotines nommément craquelins, barres à base de céréales, barres à base de fruits, grignotines à base de fruits; compote de pommes; biscuits; aliments pour bébés; préparation pour nourissons; céréales de riz; jus de fruits et boissons aux fruits.

(Demande no 1391920) Grignotines, nommément craquelins, barres à base de fruits, grignotines à base de fruits; biscuits.

[14]           Je ferai remarquer que, bien que Mme Burkhardt fournisse ces détails, aucun des motifs d’opposition ne fait directement référence à ces deux demandes, lesquelles ont été produites après la demande visée en l’espèce.

Affidavit de Ted Middleton

[15]           Monsieur Middleton est le directeur des marques de consommation chez Canada Safeway Limited – l’opposante. Il déclare que l’opposante exploite 215 points de vente au détail dans les supermarchés situés en Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario et en Saskatchewan; il indique l’emplacement et l’adresse de chacun des magasins. Il énonce également que l’opposante exploite également plusieurs établissements de fabrication et de traitement des aliments dans l’Ouest du Canada et que l’opposante exerce ses activités de façon continue depuis 1929.

[16]           Le déposant affirme que, dans la pratique normale du commerce, les produits portant la marque de commerce de l’opposante (que désignerai dans la présente comme étant la marque de commerce O ORGANICS) sont fabriqués et empaquetés par Lucerne Foods. Lucerne Foods était auparavant une entité distincte, mais elle est actuellement une unité d’exploitation de l’opposante; M. Middleton affirme que [traduction] « Canada Safeway a toujours exercé un contrôle direct ou indirect sur la nature et la qualité des produits de la marque O ORGANICS ».

[17]           Il semble que la marque de commerce O ORGANICS est actuellement employée sur une large gamme de produits. Le déposant énumère plus de 160 produits et les dates de début d’emploi vont de février 2006 au 27 avril 2009. Il fait également la déclaration suivante : [traduction] « Tous ces produits ont été vendus et la plupart d’entre eux sont offerts en vente dans tous les supermarchés Canada Safeway et ils portent tous la marque de commerce O ORGANICS. » Je souligne que les diverses gammes de produits correspondent en général avec l’état déclaratif des marchandises pour les marques de commerce de l’opposante; des étiquettes représentatives de la plupart des gammes de produits sont également jointes et elles portent toutes le dessin-marque tel qu’il figure dans l’enregistrement no LMC674881; certaines des étiquettes comprennent également des descriptions de produit qui commencent avec la marque de commerce « O Organics » ( « O » stylisé et « Organique » -- en lettres majuscules, mais suivies par des lettres minuscules) sans caractéristique graphique.

[18]           Les ventes des produits O ORGANICS au Canada se sont élevées à 15 M$ en 2006, 39 M$ en 2007, 49 M $ en 2008 et 16 M$ pour la partie pertinente de 2009 (janvier à mai). Monsieur Middleton fournit également une ventilation partielle des chiffres pour 2008 : les boissons représentent plus de 2 M$, les mets cuisinés frais et congelés plus de 28 M$, les pâtes alimentaires et aliments préemballés plus de 2,7 M$, les grignotines et les desserts représentent plus de 800 k$ et les produits laitiers (y compris le yogourt et le fromage) plus de 1,5 M$.

[19]           Monsieur Middleton déclare que l’opposante fait activement la promotion et l’annonce des produits associés à sa marque de commerce O ORGANICS en faisant de la publicité dans les magasins, dans les médias écrits et en ligne. La publicité dans les magasins est faite au moyen de panneaux-réclames, d'affichettes d’étagère et de panneaux de caisse sur lesquels figurent de façon proéminente les marques de commerce de l’opposante. Divers panneaux représentatifs ont été versés comme pièces au dossier. L’opposante distribue fréquemment des coupons, et des échantillons de coupon portant la marque de commerce de l’opposante ont également été produits. Les annonces dans les médias écrits prennent la forme de circulaires hebdomadaires qui mentionnent divers produits, y compris les produits portant la marque de commerce de l’opposante; sont joints des échantillons de circulaires datés de mai 2006, mars 2007, septembre 2008, janvier, février, mars et avril 2009, qui semblent tous comprendre au moins un de ces produits. Monsieur Middleton affirme que les circulaires de l’opposante ont un contenu identique dans l’ensemble du Canada; entre 3,3 M$ et 3,5 M$ de circulaires publicitaires sont distribuées chaque semaine soit dans les supermarchés, soit au domicile des consommateurs.

[20]           En outre, le site Web de l’opposante, www.safeway.ca, comporte un certain nombre de pages consacrées aux produits O ORGANICS, y compris une liste de produits.

[21]           Monsieur Middleton affirme qu’un bulletin appelé « Shelf Talk » produit par le service des marques de consommation de Safeway est distribué à plus de 30 000 employés et fournit des renseignements concernant les marques de l’opposante. Ces produits ont été présentés dans divers numéros du bulletin; le bulletin qui a coïncidé avec le lancement des produits O ORGANICS en mars 2006 a été fourni à titre d’échantillon. Le déposant a également joint une illustration d’un sac fourre-tout portant la marque de commerce O ORGANICS; la vente de ces sacs représente plus de 900 k$ depuis 2007.

[22]           Depuis au moins le début de décembre 2006, Canada Safeway a vendu des produits laitiers (yogourt et fromage) au Canada, en liaison avec la marque de commerce O ORGANICS. Est jointe à titre de pièce E une copie de l’emballage d’un yogourt qui serait représentatif de la façon dont la marque de commerce de l’opposante figure en liaison avec le yogourt et le fromage. Je constate que l’emballage montre le dessin-marque (LMC674881), mais en couleur. Le grand O figure en arrière-plan sur une bande de couleur verte et orange vif qui encercle le contenant du yogourt; en dessous figure le mot ORGANICS en lettres blanches sur une étroite bande noire qui entoure le contenant. Il s’agit d’un autre exemple où figure sur le côté du contenant un paragraphe contenant des renseignements sur le produit, qui porte le titre [traduction] « Produit biologique de la Source » et commence par « Le yogourt O Organics est fabriqué à… ».

[23]           Les autres échantillons d’étiquettes, mentionnés au paragraphe [17] ci-dessus, montrent que la marque de commerce de l’opposante est employée de façon semblable, un grand O sur une bande verte et orange de couleur et de longueur différente selon le genre d’emballage, avec le mot « ORGANICS » en dessous. Je remarque que le symbole TM figure à côté du grand O. Lorsque la forme lexicale de la marque de commerce est utilisée dans un document descriptif, comme dans l’exemple décrit ci-dessus, le O est en italiques et en caractères gras et la police et la taille sont les mêmes que celles du mot Organics.

La preuve de la Requérante

Affidavit de Rahim Z. Talib

[24]           Rahim Z. Talib atteste qu’il est le président et directeur général de la Requérante. La Requérante est une laiterie polyvalente qui transforme, conditionne et distribue une gamme de produits laitiers comprenant le lait, la crème, la crème à fouetter, le beurre, la crème sûre, le fromage à la crème, le fromage cottage et le yogourt au Canada; elle exerce ses activités depuis plus de 15 ans.

[25]           La Requérante est propriétaire de la marque de commerce déposée OM NATURAL & Dessin (LMC734957) reproduite ci-dessous, qui a été enregistrée le 23 février 2009 en liaison avec des marchandises identiques à celles qui sont énumérées ci-dessus. Le déposant a fourni des échantillons d’étiquettes, de factures de produit, et de pages du site Web, www.omnaturalproducts.com, qui concernent des boissons à base de yogourt vendues au Canada depuis septembre 2007.

[26]           Monsieur Talib fournit des données relatives aux ventes annuelles au Canada de 2007 à 2009 qui s’élèvent à 12 298 $ pour 2007, à 28 160 $ pour 2008 et à 3 035 $ pour 2009 (au 30 septembre). La Requérante a dépensé environ 131 476 $ en 2007 et 33 043 $ en 2008 pour la commercialisation de marchandises portant la marque de commerce OM NATURAL & Dessin. Le déposant affirme que la Requérante a consacré beaucoup de ressources et de temps à effectuer des études de marché et exercé des activités de promotion pour les produits portant la marque de commerce OM NATURAL & Dessin; des groupes de discussion, un processus d’échantillonnage de produits et des programmes de démonstration dans les épiceries au Canada ont été mis sur pied depuis septembre 2007. Des t-shirts promotionnels portant le dessin OM NATURAL & Dessin ont été distribués au cours de l’échantillonnage des produits et une photographie de ce t-shirt est jointe à titre de pièce D. Les produits OM NATURAL & Dessin sont présentés en ligne sur le site Web, www.omnaturalproducts.com; ce site Web est accessible au Canada et existe depuis juillet 2007. Ce site Web est régulièrement visité depuis le début et continue de l’être.

[27]           La Requérante a également fait, pendant trois années de suite, à partir de 2007, la promotion de ses marchandises portant la marque de commerce OM NATURAL & Dessin dans la principale foire commerciale de l’industrie de l’accueil tenue dans l’Ouest du Canada.

[28]           Monsieur Talib affirme dans son affidavit que la gamme des produits qui porteront la Marque est une extension naturelle de la « marque OM », en déclarant que la Marque n’a pas encore été employée au Canada en liaison avec les Marchandises. La Requérante n’avait pas (à l’époque) obtenu un contingent de lait biologique auprès de la British Columbia Marketing Board, ce qui, d’après M. Talib, était un élément essentiel au lancement de la nouvelle marque de commerce.

[29]           Monsieur Talib énonce qu’il ne connaît pas de cas où un consommateur ait communiqué avec la Requérante parce qu’il a confondu les produits de la Requérante portant la marque OM NATURAL & Dessin avec la marque de commerce de l’opposante.

L’analyse des motifs d’opposition

Alinéa 38(2)a)

[30]           Tel que je l’ai exposé ci-dessus, l’opposante allègue que la demande ne respecte pas les exigences des alinéas 30b), 30e) et 30i) de la Loi; elle n’a toutefois pas allégué de faits susceptibles d’étayer ces motifs.

[31]           L’opposante ne s’est pas acquittée du fardeau que lui impose l’alinéa 30b), étant donné que la demande est fondée sur un emploi projeté; ce motif est donc écarté.

[32]           Pour ce qui est des motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30e) de la Loi, l’opposante peut se fonder sur les preuves apportées par la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial à l’égard de ce motif, mais elle doit démontrer que les preuves sont clairement incompatibles avec la demande de la Requérante [voir Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc., (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F. 1re inst.), et York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health et Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)].

[33]           En l’espèce, aucune des preuves présentées par la Requérante n’est clairement incompatible avec la prétention selon laquelle elle a l’intention d’employer la Marque en liaison avec les marchandises mentionnées. Le déposant explique qu’il attend l’attribution d’un contingent de lait biologique avant de mettre en vente les produits en liaison avec la Marque, mais M. Talib n’a fait aucune déclaration indiquant que la Requérante projetait d’employer la Marque uniquement à l’égard du lait ou des produits laitiers. La Requérante est manifestement une entreprise commercialement viable dont les activités pourraient fort bien entraîner une extension de ses gammes de produits. J’en conclus donc que la preuve ne semble pas incompatible avec la prétention de la Requérante selon laquelle elle a l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises mentionnées. Le motif fondé sur l’alinéa 30e) est donc écarté.

[34]           Pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi, aucune preuve susceptible de démontrer que la Requérante connaissait l’existence des droits antérieurs de l’opposante n’a été produite avec la demande. Même si la Requérante savait que l’opposante employait au Canada ces marques de commerce, ce seul fait n’empêcherait pas la Requérante de faire de bonne foi la déclaration exigée. Lorsque la requérante a fourni la déclaration exigée par l’alinéa 30i), ce motif ne peut être retenu que dans des cas exceptionnels, par exemple, lorsque la mauvaise foi de la Requérante est établie. [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la p. 155]. Étant donné que l’opposante n’a pas démontré la mauvaise foi de la Requérante, ce motif est écarté.

Alinéa 38(2)b) / Alinéa 12(1)d)

[35]           Les autres motifs d’opposition, à savoir l’absence de droit à l’enregistrement fondé sur l’alinéa 12(1)d) et le paragraphe 16(3) et l’absence de caractère distinctif fondé sur l’article 2, portent tous sur la question de la probabilité de confusion visée au paragraphe 6(5). J’examinerai cette question en rapport avec l’alinéa 12(1)d), puisque c’est le meilleur argument de l’opposante compte tenu de la dernière date pertinente (la date de la décision).

[36]           L’opposante allègue que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée no LMC674881 pour O ORGANICS & Dessin, comme indiqué ci-dessus. L’opposante s’est acquittée du fardeau initial que lui imposait ce motif, étant donné que son enregistrement est valide. Il incombe donc à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre sa Marque et la marque de commerce de l’opposante.

[37]           Pour appliquer le critère relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances, y compris de celles qui sont expressément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle chacune des marques a été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprise; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[38]           L’appréciation de ces facteurs dépend des faits uniques de chaque affaire; il n’est pas nécessaire d’attribuer une importance égale à ces facteurs énumérés; cette liste de facteurs n’exclut pas la prise en compte d’autres aspects. [Voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.) [Mattel]; United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1988), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.), aux p. 263 et 264; Veuve Cliquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée. (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.)].

[39]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du vague souvenir. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. L’acheteur en question est décrit comme étant le consommateur occasionnel plutôt pressé (Mattel, au par. 58). Il s’agit de savoir si ce consommateur mythique qui a un vague souvenir de la première marque aura comme première impression, au vu de la seconde marque, que les marchandises avec lesquelles la seconde marque est employée sont d’une certaine façon associées à celles de la première marque (United States Polo Assn. c. Polo Ralph Lauren Corp., [2000] 9. C.P.R. (4th) 51 (C.A.F.), à p. 58).

[40]           Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son ou dans les idées qu’elles suggèrent est le facteur dominant dans les circonstances de l’espèce [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2d) 145, (C.F. 1re inst.), conf. par (1982), 60 C.P.R. (2d) 70 (C.A.F.)]. Je commencerai par examiner ce facteur, parce que cette analyse déterminera la nécessité d’examiner les autres facteurs.

Alinéa 6(5)e) – Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

[41]           Il convient d’examiner les marques dans leur ensemble (et ne pas les disséquer pour les examiner minutieusement), mais il est quand même possible de s’attacher à certains aspects particuliers de la marque de commerce qui peuvent avoir une influence déterminante sur la perception qu’en a le public [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Editions Modernes (1979), 46 C.P.R. (2d) 183 (C.F. 1re inst.), à la p. 188]. Dans le cadre de l’analyse de la ressemblance entre les marques de commerce, il est donc important de déterminer s’il existe un aspect de la marque de commerce qui est particulièrement unique.

[42]           En l’espèce, les marques de commerce en question ne sont pas manifestement identiques sur le plan visuel; la marque contient en outre certains éléments uniques. Elle comporte un dessin d’une forme unique sur un fond uni, et en dessous, le mot ORGANICS et le mot stylisé « Om » sont des éléments graphiques distinctifs qui semblent être des caractères d’une langue indo-aryenne. Par contraste, la marque de commerce de l’opposante est décrite dans l’enregistrement sous la forme d’un « O » majuscule stylisé, un mot descriptif, avec un fond ombré et un dessin linéaire. Autrement dit, j’estime que dans l’ensemble, la marque de commerce de l’opposante ne possède aucun des éléments uniques ou particulièrement frappants de la Marque.

[43]           Sur le plan du son, les marques de commerce sont semblables, puisque l’élément commun est le mot « organics » précédé de « O » ou « Om ». J’estime toutefois que cette ressemblance n’a pas une influence déterminante sur la perception qu’aura le public de ces marques de commerce. Premièrement, il me paraît évident que ORGANICS est un élément qui décrit des produits alimentaires, et donc que l’aspect vocable est faible. Deuxièmement, les idées suggérées par les mots sont différentes dans la mesure où l’utilisation de « Om » dans la Marque évoque un contexte lié à la religion et à la méditation. Sur ce point, je constate que les définitions que donne le dictionnaire de « Om » montrent que c’est un mantra associé au bouddhisme et à l’hindouisme; Om est défini de la façon suivante dans divers dictionnaires :

          Miriam-Webster Dictionary Online – [traduction] « Un mantra consistant dans le son ōm utilisé dans la contemplation de la réalité ultime »; origine – Premier usage connu en sanskrit : 1788

          Canadian Oxford Dictionary [traduction] « Une syllabe mystique utilisée comme mantra, au début et à la fin de prières, etc. »

          Concise Oxford Dictionary [traduction] « Dans l’hindouisme et le bouddhisme tibétain, une syllabe mystique, considérée comme étant le mantra le plus sacré. »

[44]           Vu ce qui précède, j’estime que, si les marques de commerce en cause comportent certaines ressemblances sur le plan du son, dans l’ensemble, ce facteur favorise la Requérante, étant donné que les différences d’apparence et d’idées suggérées exerceraient une influence déterminante sur la perception des marques de commerce qu’aurait le public.

[45]           Après avoir tiré cette conclusion, j’examinerai brièvement les autres facteurs, au sujet desquels je dirai d’emblée que, dans les circonstances de l’espèce, ils ne l’emportent pas sur les différences qui existent entre les deux marques de commerce sur le plan de l’apparence et des idées suggérées.

Alinéa 6(5)a) – Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues.

[46]           Comme cela a été mentionné ci-dessus, la Marque comprend des éléments graphiques uniques et le mot « om »; en conséquence, j’estime qu’elle possède un degré important de caractère distinctif inhérent. Par contre, la marque de commerce de l’opposante n’a pas un caractère distinctif inhérent très fort, étant donné que la partie vocable est descriptive, (O est la première lettre du mot « Organics » et laisse entendre que les marchandises en question sont biologiques [organic]); j’estime que la ligne qui se trouve en arrière-plan et l’ombrage n’offrent que peu d’intérêt visuel. Dans l’ensemble, après avoir examiné chacune des marques de commerce dans son intégralité, j’estime que la Marque possède un caractère distinctif inhérent plus fort que celui de la marque de commerce de l’opposante.

[47]           Étant donné qu’une marque de commerce peut être renforcée lorsqu’elle devient connue au Canada par son emploi ou sa promotion, j’examinerai maintenant la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.

[48]           Pour ce qui est du caractère distinctif acquis grâce à l’emploi des marques en question, il est clair que l’opposante a utilisé sa marque de commerce au Canada de façon beaucoup plus fréquente que ne l’a fait la Requérante. Dans l’ensemble, si je prends en compte le fait que la Marque possède un caractère distinctif inhérent sensiblement plus important, mais que la marque de commerce de l’opposante a acquis ce caractère distinctif par son emploi, je ne crois pas que l’analyse de ce facteur favorise sensiblement une partie par rapport à l’autre; je ne crois pas non plus qu’elle l’emporte sur la conclusion tirée à l’égard de l’alinéa (6)(5)e).

Alinéa 6(5)b) – La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage.

[49]           La marque de commerce de l’opposante est en usage depuis février 2006; la requérante n’a pas encore commencé à employer sa marque. Par conséquent, j’estime que ce facteur favorise l’opposante; toutefois, compte tenu des différences qui existent entre les marques de commerce, je ne pense pas que cet aspect l’emporte sur la décision prise aux termes de l’alinéa (6)(5)e).

6(5)c) et d) – La nature des marchandises et du commerce

[50]           Pour ce qui est de la nature des marchandises, je note que l’enregistrement de la marque de commerce de l’opposante est relié à divers produits alimentaires, tout comme la demande en cause ici. Manifestement, il y a un certain chevauchement sur la nature de certains produits. En outre, les deux parties vendent des aliments dans des points de vente au détail de produits d’épicerie, et il me paraît raisonnable de penser que la requérante va continuer ses activités et vendre des produits sous cette marque. L’opposante a toutefois déclaré qu’elle vendait ses produits exclusivement dans ses propres magasins de détail. Il existe néanmoins un certain degré de chevauchement entre les marchandises et le commerce, même si je n’estime pas que cet aspect l’emporte sur la décision prise aux termes de l’alinéa 6(5)e).

Autres circonstances de l’espèce

[51]           À titre de circonstances supplémentaires, j’ai pris en considération l’existence et l’emploi qu’a fait la Requérante de la marque de commerce, OM NATURAL & Dessin, puisque celle-ci reprend ce qui me paraît être un des éléments distinctifs uniques ou frappants de la marque visée par la demande. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, les éléments du dessin et le mot OM possèdent un caractère distinctif inhérent, et étant donné qu’ils sont utilisés depuis septembre 2007, il me paraît raisonnable d’en déduire que l’apparence générale et le dessin de la Marque ont acquis de ce fait un caractère distinctif supplémentaire.

[52]           Après avoir examiné l’ensemble des circonstances, j’estime que la Requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion quant à la source des marchandises des parties.

Alinéa 38(2)c) – Absence de droit à l’enregistrement

[53]           L’opposante allègue que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant les alinéas 16(3)a) et 16(3)b), étant donné que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce de l’opposante, O ORGANICS et O ORGANICS & Dessin, déjà utilisées au Canada, ainsi qu’avec sa demande de marque de commerce nos 1352600 (O ORGANICS) et 1355683 (O ORGANICS & Dessin) qui ont toutes deux déjà été produites au Canada et qui étaient en traitement à la date de l’annonce de la Marque. Les autres demandes d’enregistrement des marques de commerce mentionnées dans les documents et dans la preuve de l’opposante ne peuvent être prises en considération parce qu’elles ont été produites après la date de production de la demande en cause.

[54]           L’opposante s’est acquittée du fardeau que lui imposait l’alinéa 16(3)a), étant donné qu’elle a établi l’emploi des deux marques de commerce à la date de production de la demande; elle s’est également acquittée du fardeau que lui impose l’alinéa 16(3)b), étant donné que ces demandes ont été produites avant la demande en cause, et étaient encore en traitement à la date de l’annonce de la Marque. Cependant, étant donné que les motifs invoquant le droit à l’enregistrement fondés sur l’art. 16 reposent sur la confusion, dont l’appréciation est prévue au par. 6(5) de la Loi ‑ la différence entre les dates pertinentes n’ayant aucune incidence sur la conclusion relative à la confusion en l’espèce ‑, j’estime, pour les motifs exposés ci-dessus à l’égard de l’alinéa 12(1)d), qu’il n’y a aucune probabilité de confusion avec l’une des marques de commerce O ORGANICS de l’opposante (c.-à-d., avec ou sans le dessin). Par conséquent, les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(3)a) et 16(3)b) sont rejetés.

Alinéa 38(2)d) – Absence de caractère distinctif

[55]           L’opposant s’acquitte du fardeau qui lui incombe à l’égard du caractère distinctif s’il établit qu’à la date de production de son opposition, sa marque de commerce était devenue connue dans une certaine mesure, au moins au point de faire perdre le caractère distinctif de la marque visée par la demande [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.)]. Comme je l’ai mentionné ci-dessus, l’opposante a établi l’emploi des marques de commerce O ORGANICS et il est possible d’en déduire que celle-ci a acquis un certain caractère distinctif; cependant, compte tenu de ma conclusion au sujet de l’absence de confusion, (la différence entre les dates pertinentes n’ayant aucune incidence sur cette conclusion), j’estime qu’à la date pertinente, l’emploi de la marque par l’opposante n’a pas eu pour effet de faire perdre le caractère distinctif inhérent de la marque visée par la demande.

[56]           Cette conclusion s’applique également aux demandes postérieures à la date de production de la demande présentée par la Requérante (O ORGANICS FOR BABY & Design et O ORGANICS FOR TODDLER & Dessin) pour lesquelles il a été démontré qu’elles avaient été employées, puisqu’il est manifestement moins probable qu’il y ait confusion entre ces marques de commerce en raison des éléments supplémentaires qui y figurent.

[57]           Ce motif est donc également écarté.

[58]           Compte tenu de tout ce qui précède, et conformément au pouvoir qui m’est délégué en vertu du par. 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du par. 38(8) de la Loi.

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P. Heidi Sprung

Commissaire

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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