Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 99

Date de la décision : 2010-07-02

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Payless ShoeSource Worldwide, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,158,214 pour la marque de commerce SMART COMFORT au nom de The Timerland Company

[1]               Le 6 novembre 2002, The Timberland Company (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce SMART COMFORT (la Marque); la demande, qui porte le numéro 1,158,214, est fondée sur l’emploi et l’enregistrement de la marque dans son pays d’origine, les États-Unis d’Amérique, et sur son emploi projeté au Canada. La demande porte sur des articles chaussants, nommément chaussures d’athlétisme, chaussures habillées, chaussures tout aller, bottes, sandales, pantoufles; gants et ceintures (les Marchandises).  

[2]               La demande a été annoncée aux fins de la procédure d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 18 octobre 2006. Payless ShoeSource Worldwide, Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition le 26 juin 2007, et cette déclaration a été transmise par le registraire à la Requérante le 31 juillet 2007. Le 31 août 2007, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie tous les motifs d’opposition.

[3]               La preuve de l’Opposante est constituée de l’affidavit de Bonnie MacDonald et de copies certifiées conformes des enregistrements LMC514,014 pour la marque de commerce SMART FIT & Dessin, LMC545,393 pour la marque de commerce SMART FIT & Dessin et LMC551,735 pour la marque de commerce SMART FIT. Pour sa part, la Requérante a produit les affidavits d’Anthony Kunkel, de Michelle B. Hanson, de James Blonde et de Mary P. Noonan. Chacune des deux parties a présenté un plaidoyer écrit, mais seule la Requérante était représentée à l’audience.

Les motifs d’opposition

[4]               Les motifs d’opposition soulevés en l’espèce sont les suivants :

1.      La demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi); en effet, la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises puisqu’à la date de production de la demande, la Requérante connaissait ou aurait dû connaître les marques de commerce de l’Opposante;

2.      La Marque n’est pas enregistrable eu égard à l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes :

SMART FIT, dont le numéro d’enregistrement est LMC551,735

SMART FIT & Dessin, dont le numéro d’enregistrement est LMC545,393

SMART FIT & Dessin, dont le numéro d’enregistrement est LMC514,014

(désignées collectivement comme les Marques de commerce de l’Opposante);

3.      La Requérante n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement de la Marque, compte tenu des dispositions des alinéas 38(2)c) et 16(3)a) de la Loi, parce qu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les Marques de commerce de l’Opposante, qui avaient été antérieurement employées et révélées au Canada en liaison avec des : souliers, bottes, sandales, semelles, coussins de talon, fers de talon, talonnettes‑doublures, chaussettes, bonneterie, bas‑culottes, mi‑bas et collants, et avec des services de magasin de chaussures au détail;

4.      Aux termes de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi, la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, parce qu’elle ne distingue pas les Marchandises des marchandises ou services d’autres propriétaires, en l’occurrence les marchandises l’Opposante vendues en liaison avec les Marques de commerce de l’Opposante, ni n’est adaptée à distinguer ainsi les Marchandises de la Requérante.

 

Fardeau de preuve dans la procédure d’opposition en matière de marques de commerce

[5]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande est conforme aux dispositions de la Loi, mais l’Opposante doit néanmoins s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués au soutien de chacun des motifs d’opposition. Dès lors que l’Opposante a satisfait à ce fardeau initial, la Requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325; John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293; Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company, 2005 CF 722].

Motifs d’opposition rejetés pour défaut de satisfaire au fardeau de preuve initial

[6]               La preuve de l’Opposante peut être décrite comme suit. Mme Bonnie MacDonald est la présidente de Payless ShoeSource Canada GP Inc. (Payless GP), l’associée commanditée de Payless ShoeSource Canada LP (Payless Canada), une société en commandite constituée en vertu des lois de la province d’Ontario. Elle a travaillé chez Payless ShoeSource Canada Inc. (PSCI), une société affiliée de l’Opposante, d’août 1999 à février 2007.

[7]               Mme MacDonald présente un bref historique de l’Opposante, fondée en 1956 à Topeka (Kansas), aux États-Unis d’Amérique. Elle affirme que la société affiliée de l’Opposante, Payless ShoeSource, Inc. (PSSI), est aujourd’hui le plus important détaillant spécialisé dans les articles chaussants dans tout l’hémisphère occidental. Elle décrit les activités de PSSI dans des pays autres que le Canada. Pour des motifs qui deviendront évidents à la lecture de la présente décision, les activités exercées à l’extérieur du Canada sont sans pertinence à l’égard des questions soulevées dans la déclaration d’opposition en l’espèce.  

[8]               Mme MacDonald précise que l’Opposante est propriétaire des Marques de commerce de l’Opposante. PSSI et d’autres sociétés affiliées de l’Opposante poursuivent des activités sous licence dans tous les pays, y compris le Canada. Des sociétés affiliées de l’Opposante, dont actuellement Payless Canada, sont actives au Canada depuis 1997. En vertu de ces licences, l’Opposante a le droit de contrôler les caractéristiques et la qualité des marchandises et services en liaison avec lesquels ses Marques de commerce sont employées au Canada par Payless Canada, et elle exerce effectivement un tel contrôle. Il y a plus de 300 magasins PAYLESS SHOESOURCE partout au Canada, dans chaque province à l’exception de Terre‑Neuve‑et‑Labrador. L’auteure de l’affidavit déclare que ces magasins sont situés en divers environnements au Canada, aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural, notamment dans des mails locaux, des centres commerciaux, des quartiers commerciaux centraux, des immeubles autonomes et d’autres emplacements de vente au détail.

[9]               Dans un magasin PAYLESS SHOESOURCE représentatif, au Canada, on vend des chaussures, des articles chaussants, des articles vestimentaires et des accessoires personnels pour hommes, femmes et enfants. Mme MacDonald allègue que Payless Canada est actuellement un des plus grands détaillants d’articles chaussants et accessoires connexes au Canada, tant pour ce qui est du volume de paires de chaussures que du nombre de magasins. 

[10]           Elle déclare que l’Opposante est propriétaire de la marque de commerce SMART FIT et SMART FIT & Dessin au Canada en vue de son emploi en liaison avec divers articles chaussants et services connexes, et elle fait état des trois enregistrements décrits dans la déclaration d’opposition.

[11]           Elle allègue que les marques SMART FIT ont été employées pour la première fois au Canada en octobre 1997 ou vers cette date en liaison avec des articles chaussants et accessoires et des services connexes de vente au détail. Depuis 1997, affirme-t-elle, une ou plusieurs des marques SMART FIT ont été employées de façon continue par l’Opposante en liaison avec des articles chaussants et accessoires et des services de vente au détail, par l’intermédiaire d’une ou de plusieurs licenciées de l’Opposante, soit PSSI, PSCI et Payless Canada.

[12]           Mme MacDonald allègue en outre que les marques SMART FIT sont affichées sur des enseignes exposées aux magasins de détail, sur du matériel d’étalage à l’intérieur des magasins et sur les reçus de caisse.

[13]           Elle fournit les chiffres d’affaires annuels pour les produits vendus depuis 2001 en liaison avec une ou plusieurs des marques SMART FIT. Elle conclut son affidavit en mentionnant un site Web qui appartient à une société affiliée de l’Opposante et qui est exploité par cette affiliée, sans toutefois nommer celle‑ci. Elle indique le nombre de visiteurs canadiens de ce site Web durant la période du 18 janvier 2007 au 17 avril 2007.

[14]           Mme MacDonald fait plusieurs déclarations dans son affidavit, mais ces déclarations ne sont étayées par aucun élément de preuve documentaire, par exemple des photos d’enseignes extérieures affichant une des Marques de commerce de l’Opposante, des catalogues montrant des produits de l’Opposante affichant une de ces marques de commerce, des photos d’échantillons de chaussures de l’Opposante portant ces marques de commerce, des factures attestant la vente de ces produits, des échantillons de matériel publicitaire ou même des extraits du site Web de l’affiliée de l’Opposante sur lesquels on pourrait voir les Marques de commerce de l’Opposante.

[15]           Sans une telle preuve, ces allégations demeurent de simples déclarations auxquelles je ne peux accorder qu’un poids minime, voire aucun. Même si j’accordais un poids minime à ces déclarations, ce ne serait pas suffisant pour conclure que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial de prouver l’emploi antérieur des Marques de commerce de l’Opposante au Canada. Puisque ce fardeau incombait à l’Opposante au regard des troisième et quatrième motifs d’opposition, ceux‑ci sont tous deux rejetés.

[16]           Par ailleurs, l’Opposante n’a produit aucun élément de preuve pour satisfaire à son fardeau initial relativement au premier motif d’opposition. Aucune preuve au dossier ne donne à penser que la Requérante connaissait les Marques de commerce de l’Opposante au moment où elle a présenté sa demande. Le premier motif d’opposition est donc rejeté.

[17]           J’ajouterai, en ce qui touche le premier motif d’opposition, que tout ce qui est exigé d’un requérant en vertu de l’alinéa 30i) de la Loi est une déclaration portant que le requérant est convaincu qu’il a le droit d’employer la marque de commerce qui fait l’objet de la demande au Canada en liaison avec les marchandises et les services décrits dans la demande. En l’espèce, la demande contient effectivement cette déclaration. Même si la Requérante savait que l’Opposante employait les Marques de commerce de l’Opposante au Canada, ce seul fait ne suffirait pas à l’empêcher de faire en toute bonne foi la déclaration prescrite. Un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) ne devrait être retenu que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu’il existe une preuve de mauvaise foi de la part du requérant [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol‑Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152, à la page 155].

[18]           Enfin, l’Opposante n’a fait aucune allusion à l’alinéa 30i) de la Loi dans sa déclaration d’opposition. Toutefois, le libellé du motif d’opposition soulevé indique clairement que l’Opposante entendait se fonder sur cette disposition. C’est la raison pour laquelle j’ai traité le premier motif d’opposition comme si l’Opposante s’appuyait sur l’alinéa 30i) de la Loi.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi (enregistrabilité)

[19]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau initial relativement au deuxième motif d’opposition en produisant un certificat d’enregistrement pour chacune des Marques de commerce de l’Opposante. J’ai vérifié le registre et je confirme que ces enregistrements demeurent en règle. La liste de marchandises de chacun de ces enregistrements inclut des chaussures.

[20]           La date pertinente pour l’analyse d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413, à la page 424].

[21]           Je dois en conséquence décider si, selon la prépondérance des probabilités, il existe une probabilité de confusion entre la Marque et les Marques de commerce de l’Opposante. Dans l’affirmative, la Marque ne peut pas être enregistrée. Le scénario le plus favorable à l’Opposante réside dans la marque nominale SMART FIT, car la partie dessin des deux autres marques déposées, reproduites ci‑dessous, pourrait avoir pour effet de distinguer davantage ces marques de la Marque :

SMART FIT & DESIGN         SMART FIT & DESIGN

LMC545,393                                                              LMC514,014.

[22]           Le test applicable pour arrêter s’il y a probabilité de confusion est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Cette disposition prévoit que l'emploi d'une marque crée de la confusion avec une autre marque lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. Pour procéder à cette appréciation, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; le genre de marchandises, de services ou d'entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. La Cour suprême du Canada a analysé ces critères dans l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321.

[23]           Ni la Marque, ni la marque de commerce SMART FIT de l’Opposante ne possèdent un caractère distinctif inhérent. Ces marques sont formées de mots courants de la langue anglaise, et lorsqu’elles sont employées en liaison avec leurs marchandises respectives, elles évoquent les caractéristiques des marchandises. La Requérante a versé en preuve des éléments visant à démontrer qu’il existe sur le marché des marques de commerce ou des noms commerciaux comportant l’élément SMART et qui sont employés en liaison avec des articles chaussants et des accessoires. De l’avis de la Requérante, cette preuve démontre que la marque de commerce SMART FIT est une marque faible.

[24]           M. Kunkel est vice-président et directeur général de l’agence privée d’enquête Mitchell Partners Investigation Services (Mitchell Partners). Il est enquêteur privé depuis plus de 21 ans. Le cabinet de l’agent de la Requérante lui a demandé, en octobre 2008, d’enquêter sur l’emploi, au Canada, du mot SMART comme marque de commerce ou partie d’une marque de commerce liée à des articles vestimentaires et des articles chaussants, par des personnes autres que la Requérante et l’Opposante. M. Kunkel a d’abord fait des recherches préliminaires en utilisant le moteur de recherche Internet Google.  

[25]           En premier lieu, il a trouvé une chaîne de magasins de détail exploités sous la marque de commerce SMART SET et a visité un des magasins de cette chaîne, à Woodbridge, en Ontario. Il a produit des photographies de l’enseigne extérieure. Il y a acheté une paire de bas portant une étiquette qui affiche la marque de commerce SMART SET.

[26]           Il a visité un magasin exploité sous le nom commercial Work Wearhouse, à Woodbridge, en Ontario, et y a acheté des bas de marque SMARTWOOL, dont il a produit une photographie.

[27]           Il s’est aussi rendu à un magasin exploité sous le nom commercial Soldier Gear à Angus, en Ontario. Il a constaté que de nombreux vêtements de marque SMART PARTS y étaient présentés, notamment des tee‑shirts, des chemises à manches et des pulls à capuchon. Il a acheté un pull à capuchon dont il a produit des photos sur lesquelles on peut voir la marque SMART PARTS apposée sur le vêtement même ainsi que sur une étiquette volante et une autre étiquette.

[28]           Enfin, il a trouvé une ligne d’articles chaussants vendus sous la marque de commerce STREET SMART. Il a communiqué avec une entreprise du nom de Rocky Canada, située à Waterloo, en Ontario, et on l’a informé qu’il était possible de commander des bottes de marque STREET SMART par l’intermédiaire de concessionnaires au Canada.

[29]           Le reste des allégations formulées par M. Kunkel porte sur des sites Web de tiers. Ces éléments ne font pas foi de leur contenu, mais ils établissent que ces sites Web étaient accessibles aux Canadiens.

[30]           M. Blonde est un collaborateur au sein du cabinet de l’agent de la Requérante. Le 21 octobre 2008, dans un magasin de détail FeetFirst situé au Centre Eaton à Toronto, il a acheté une paire de chaussures affichant la Marque sur la semelle. Il a produit diverses photos du magasin, des chaussures qu’il a achetées et du reçu y afférent.

[31]           M. Blonde s’est également rendu dans un magasin exploité sous la marque de commerce SMART WEAR et qui propose des articles vestimentaires et des chaussures. Il a produit des photos de l’extérieur et de l’intérieur du magasin. Il a remarqué un deuxième magasin de détail du même nom, en face du premier magasin. Ce commerce vend des articles de voyage, des vêtements et des chaussures. Il a versé en preuve des photos montrant ce magasin et les marchandises susmentionnées.  

[32]           Mme Noonan travaille comme chercheuse en matière de marques de commerce au cabinet de l’agent de la Requérante. Elle décrit la nature de son travail, dans le cadre duquel elle effectue des recherches de marques de commerce en utilisant des systèmes de recherche de marques de commerce en ligne.

[33]           Mme Noonan a d’abord fait une recherche dans le registre canadien des marques de commerce au moyen de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes OnScope, afin de repérer toutes les demandes de marques de commerce accueillies et tous les enregistrements de marques de commerce qui comprennent l’élément SMART en vue de leur emploi en liaison avec des produits et services liés aux articles vestimentaires et articles chaussants. Elle a joint à son affidavit, comme pièce A‑2, une liste de 31 références renvoyant à des demandes ou enregistrements qui comptent les articles chaussants dans la liste des marchandises.

[34]           Elle a effectué une recherche dans l’annuaire des entreprises InfoCanada pour trouver des noms d’entreprises comportant le mot « Smart » dans les domaines des articles vestimentaires et des articles chaussants. Elle a obtenu plus de 150 résultats.

[35]           Elle a tenté de repérer, en utilisant l’annuaire sur CD-ROM Select Phone Canada des pages blanches et pages jaunes canadiennes, des noms d’entreprises comportant le mot « Smart » et oeuvrant dans le domaine des articles chaussants ou celui des vêtements. Elle a obtenu plus de 175 résultats. Elle a effectué une recherche semblable dans le site Web Canada411 et a découvert plusieurs inscriptions, parmi lesquelles Smart Save Shoes Store, Smart Shoes, City Smart, Smart Wear, Smart Selection, Smart Woman et Smart Kids. Elle a communiqué avec ces magasins et a obtenu confirmation qu’on y vendait soit des chaussures, soit des vêtements.

[36]           Cette preuve appuie l’argument selon lequel les marques de commerce comportant le mot « smart » en liaison avec des articles chaussants et accessoires sont courantes. Partant, SMART FIT est une marque de commerce faible.

[37]           L’emploi ou la promotion d’une marque de commerce peuvent en accroître le caractère distinctif. La demande de la Requérante est fondée sur l’emploi et l’enregistrement à l’étranger alors que, comme il a été mentionné, il n’y a aucune preuve concrète d’emploi des Marques de commerce de l’Opposante au Canada.

[38]           Mme Hanson est secrétaire adjointe et avocate générale adjointe de la Requérante. Elle travaille chez la Requérante depuis 2002. Elle fournit des renseignements sur la société requérante et ses prédécesseurs en titre.

[39]           La Requérante crée, fabrique et commercialise des articles chaussants, articles vestimentaires et accessoires sous la marque TIMBERLAND partout dans le monde. Les produits vendus sous la marque de commerce TIMBERLAND comprennent des bottes, des chaussures tout aller et des chaussures de bateau de qualité supérieure pour hommes, femmes et enfants. Ces articles sont vendus dans les magasins TIMBERLAND ainsi que dans des magasins spécialisés, grands magasins, boutiques concept et magasins de chaussures dans le monde entier, notamment au Canada où ils sont offerts dans les magasins Foot Locker, Sears, La Baie, Brown’s et The Shoe Company.

[40]           La Requérant a mis au point une formule d’articles chaussants qui est intégrée dans une ligne de produits vendus en liaison avec la Marque. Mme Hanson décrit la formule en attente de brevet, qui constitue une des caractéristiques des articles chaussants vendus en liaison avec la Marque. Elle a produit un catalogue qui montre les différents produits offerts à la vente en liaison avec la Marque. Elle affirme que la Marque est employée au Canada au moins depuis le début de 2003 à l’égard d’articles chaussants pour hommes et femmes. La Marque est apposée sur les semelles des articles chaussants dotés de la technologie SMART COMFORT. Elle a produit une photographie sur laquelle on voit une paire de flâneurs pour hommes qui portent la Marque ainsi qu’une boîte et une étiquette de prix portant aussi la Marque.

[41]           Mme Hanson allègue que les chaussures qui portent la Marque sont proposées à la vente et vendues par l’intermédiaire du site Web de l’Opposante et de sites Web de tiers. Elle verse en preuve des extraits de ces sites Web pour étayer ses prétentions. Elle précise le nombre de Canadiens qui ont consulté le site Web de l’Opposante chaque mois entre septembre 2003 et septembre 2008.

[42]           Elle indique les chiffres d’affaires annuels réalisés entre 2004 et 2008, tant en termes de dollars qu’en termes du nombre d’articles chaussants affichant la Marque (plus de 15,5 millions de dollars, ce qui représente plus de 227 000 paires au total).

[43]           Elle fournit les montants dépensés pour la promotion des articles chaussants de l’Opposante, dont la Marque, à l’échelle mondiale. Toutefois, elle n’a pas ventilé les montants relatifs à la Marque même ni ceux applicables au Canada seulement. Elle a produit un échantillon de publicité par publipostage utilisée pour promouvoir les articles chaussants portant la Marque. Le site Web de l’Opposante constitue une autre forme de publicité destinée à promouvoir la vente d’articles chaussante portant la Marque.

[44]           Mme Hanson a aussi produit une photographie d’un étalage intérieur représentatif visant à favoriser la vente d’articles chaussants portant la Marque, et une copie d’un article publié dans The National Post où l’on mentionne la Marque.

[45]           Suivant la preuve mise à ma disposition, je conclus que la Marque est plus connue au Canada, en liaison avec des chaussures, que la marque de commerce SMART FIT de l’Opposante. Dans l’ensemble, le premier critère du paragraphe 6(5) favorise la Requérante.

[46]           De simples déclarations d’emploi ne constituent pas une preuve acceptable d’emploi d’une marque de commerce. Toutefois, il a été décidé que dans l’appréciation du second critère énoncé au paragraphe 6(5) de la Loi, le registraire peut se référer à la date de premier emploi revendiquée dans les certificats d’enregistrement des marques invoquées par une partie opposante [voir Cartier Men’s Shop Ltd. c. Cartier Inc. (1981), 58 C.P.R. (2d) 68]. Par contre, le registraire peut seulement conclure à un emploi de minimis de ces marques de commerce [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427]. Bien que ce facteur puisse favoriser l’Opposante, puisque la date de premier emploi revendiquée ou la date de production d’une déclaration d’emploi pour chacune des Marques de commerce de l’Opposante est antérieure à la date de premier emploi de la Marque (2003), je ne considère pas ce facteur comme déterminant en l’absence de preuve de leur emploi au Canada.

[47]           Il y a chevauchement entre les marchandises respectives des parties. Selon la preuve de la Requérante versée au moyen de l’affidavit de Mme Hanson, les Marchandises sont vendues chez divers détaillants, notamment La Baie, Sears, The Shoe Company et Brown’s. Aucune preuve au dossier n’indique que les Marchandises ne pourraient pas être offertes à la vente dans les magasins de détail de l’Opposante. Par conséquent, les troisième et quatrième critères favorisent l’Opposante.

[48]           Le degré de ressemblance est une circonstance importante dans l’appréciation du risque de confusion entre deux marques de commerce, particulièrement lorsque les marchandises sont semblables ou identiques. Je dois comparer les marques de commerce SMART COMFORT et SMART FIT.

[49]           La ressemblance entre les marques en cause en l’espèce vient de ce qu’elles partagent le même premier élément, le mot SMART. Toutefois, cet élément ne possède pas un caractère distinctif inhérent puisqu’il s’agit d’un qualificatif élogieux. L’ajout du mot COMFORT a pour effet de distinguer la Marque de la marque de commerce SMART FIT de l’Opposante tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique. Quant à la signification des marques, SMART COMFORT donne à penser que les chaussures seront confortables, alors que SMART FIT évoque des chaussures dont les proportions, la forme et la taille sont bien adaptées. 

[50]           La Requérante invoque deux circonstances additionnelles, soit l’état du marché et l’absence d’incidents de confusion malgré la coexistence de longue date des deux marques de commerce.

[51]           Pour ce qui est de l’état du marché, la Requérante a produit les affidavits de M. Kunkel, de M. Blonde et de Mme Noonan. La teneur de leurs affidavits a été résumée ci‑dessus. M. Kunkel a trouvé des articles chaussants et accessoires et des commerces de détail portant quatre noms commerciaux ou marques de commerce différents dont le premier élément est le mot SMART. M. Blonde a repéré deux magasins différents exploités sous le nom commercial SMART WEAR et où l’on vend des chaussures. Mme Noonan, enfin, a réussi à répertorier au moins 31 inscriptions, dans le registre canadien des marques de commerce, comportant le mot SMART comme élément d’une marque de commerce liée à des articles chaussants. Au paragraphe 20 de son plaidoyer écrit, la Requérante dresse une liste de références pertinentes qui inclut 9 de ces 31 inscriptions. Les annuaires téléphoniques comportent de nombreuses inscriptions dans lesquelles le mot « smart » est un élément d’un nom commercial. Mme Noonan a communiqué avec cinq de ces entreprises. 

[52]           Tous ces éléments de preuve me permettent de conclure que les marques de commerce ou les noms commerciaux qui comportent le mot SMART et qui sont employées en liaison avec des chaussures ou des services de vente de chaussures sont répandus au Canada, de sorte qu’un consommateur qui voit une marque de commerce ou un nom commercial comportant le mot SMART est capable de distinguer les différentes marques afin de reconnaître la source des marchandises ou services liés à chacune de ces marques.

[53]           La preuve atteste l’emploi de la Marque depuis au moins 2003. Selon Mme MacDonald, l’Opposante emploie la marque de commerce SMART FIT depuis au moins 1997. Il y aurait donc coexistence des marques en cause au Canada depuis plus de six ans sans aucune preuve d’incidents de confusion. Je suis bien conscient qu’il n’est pas nécessaire de prouver l’existence de cas réels de confusion puisque le test applicable est la « probabilité de confusion », mais cette circonstance additionnelle peut constituer un fait pertinent au soutien de la prétention selon laquelle il n’y a pas probabilité de confusion entre les deux marques de commerce. Si l’Opposante a employé sa marque SMART FIT dans la mesure des ventes dont fait état l’affidavit de Mme MacDonald, et si l’on tient compte du volume des ventes de chaussures de la Requérante en liaison avec la Marque, j’estime que ce facteur est une circonstance pertinente qui favorise la Requérante [voir l’arrêt Mattel, précité, au paragraphe 89].

[54]           Je conclus que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il est improbable que la Marque crée de la confusion avec l’une ou l’autre des Marques de commerce de l’Opposante. Il ressort de la preuve que la marque SMART FIT de l’Opposante est une marque faible qui ne peut prétendre qu’à un degré restreint de protection. Dans les circonstances, l’ajout de l’élément COMFORT au mot SMART suffit à distinguer la Marque des Marques de commerce de l’Opposante. Le fait qu’on n’a présenté aucune preuve de confusion réelle sur le marché entre les marques SMART COMFORT et SMART FIT, malgré l’emploi concurrent de ces marques durant une longue période, étaye cette conclusion. Pour tous ces motifs, le deuxième motif d’opposition est également rejeté.

Décision

[55]           Conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.