Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 128

Date de la décision: 2015-07-17

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Nutripur Inc.

Opposante

et

 

INSTITUT DE RECHERCHE BIOLOGIQUE SAS

Requérant(e)

 

 

 

 



1,578,865 pour la marque de commerce LERITONE GENIUS

Demande

 

Introduction

[1]               INSTITUT DE RECHERCHE BIOLOGIQUE SAS (la Requérante) a produit le 23 mai 2012 une demande pour l’enregistrement de la marque de commerce LERITONE GENIUS (la Marque) portant le numéro no 1,578,865.

[2]               La demande est fondée sur un emploi projeté au Canada. Cette demande d’enregistrement couvre les produits suivants : produits de santé naturelle, nommément suppléments diététiques et suppléments nutritionnels à base de vitamines, minéraux, acides gras, phospholipides et oligo-éléments (les Produits).

[3]               Cette demande fut annoncée le 30 janvier 2013 dans le Journal des marques de commerce pour fins d’opposition.

[4]               Nutripur Inc. (l’Opposante) a produit le 22 mars 2013 une déclaration d’opposition. Suite à une décision interlocutoire du registraire en date du 4 septembre 2013 les motifs d’opposition à être considérés dans la présente opposition sont ceux fondés sur les articles 30 a), 30 b), 30 e), 12(1)d), 16(3)a) et 2 (caractère distinctif) de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13 (la Loi). Ils sont plus amplement décrits à l’annexe A ci-jointe.

[5]               La Requérante a produit une contre-déclaration niant tous et chacun des motifs d’opposition.

[6]               L’Opposante a produit les affidavits de Madame Esther Leon et Monsieur Jack Bartczak, tous deux datés du 13 janvier 2014; la Requérante a pour sa part produit celui de Madame Françoise Garcia daté du 13 mai 2014.

[7]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Toutefois les deux parties étaient représentées lors de l’audience.

[8]               Pour les raisons plus amplement décrites ci-après, j’estime que l’opposition doit être rejetée.

Fardeau de preuve

[9]               Dans le cadre de la procédure en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce, c’est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi. Cela signifie que, si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve ait été présentée, la question doit être tranchée en sa défaveur. Toutefois, l’Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à l'Opposante signifie qu'un motif d'opposition sera pris en considération que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF); et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company (2005), 41 CPR (4th) 223 (CF 1re inst)].

 

Remarques préliminaires

[10]           J’ai pris connaissance de toute la preuve versée au dossier. Toutefois, je me référerai uniquement à ce que je considère pertinent pour les fins de ma décision.

Motifs d’opposition rejetés sommairement

[11]           À l’audience l’agent de l’Opposante a admis qu’il n’y avait pas assez de preuve ou absence de preuve pour supporter les motifs d’opposition fondés sur les articles 30 a), 30 e), 30 i) et 2 (caractère distinctif). Par conséquent, ils sont tous rejetés.

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi

[12]           La date pertinente pour analyser ce motif d’opposition est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413, à la page 424 (CAF)].

[13]           Mme Leon est la présidente de l’Opposante et ce depuis le 21 octobre 1993. Elle a produit un certificat d’authenticité pour la marque GENIUS Kids and Teens ̴ Enfants et Adolescents, numéro d’enregistrement LMC632,984 obtenu le 17 février 2005 en liaison avec:

supplément alimentaire en gélules molles nommément une combinaison d'acides gras essentiels (AGE), source riche en ADH et AEP, support nutritionnel pour aider à l'apprentissage, la mémoire, au bon fonctionnement du cerveau et de la rétine de l'œil.

[14]           J’ai vérifié le registre et je peux confirmer que cet enregistrement est toujours valide. Ainsi, l’Opposante s’est déchargée de son fardeau initial de preuve.

[15]           Il incombe donc à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits ne risque pas de créer de la confusion avec la marque GENIUS Kids and Teens ̴ Enfants et Adolescents de l’Opposante. Le test à appliquer pour trancher cette question est énoncé à l’article 6(2) de la Loi. Ce test ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais plutôt la confusion quant à l’origine des produits et services. Ainsi je dois déterminer si un consommateur qui voit les Produits en liaison avec la Marque, croirait qu’ils proviennent de l’Opposante ou sont autorisés par cette dernière.

[16]           Je dois tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun de ces facteurs.

[17]           La Cour suprême du Canada dans l’arrêt de Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc et al 2011 CSC 27 a interprété l’article 6(2) de la Loi et nous a éclairés sur la portée des différents critères énumérés à l’article 6(5) de la Loi.

Le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[18]           Je suis d’accord avec la Requérante lorsqu’elle prétend que la Marque possède un caractère distinctif inhérent supérieur à celui de la marque de commerce GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents de l’Opposante. En effet, bien que les marques en présence possèdent une composante commune, soit le mot GENIUS, la première composante de la Marque, le mot LERITONE, est un mot inventé alors que les éléments additionnels de la marque de commerce de l’Opposante sont des mots usuels que nous retrouvons dans les langues française et anglaise selon le cas.

[19]           Le caractère distinctif d’une marque peut être rehaussé par son emploi et/ou promotion au Canada. Or, la demande d’enregistrement est fondée sur un emploi projeté. Toutefois, la Requérante a présenté une preuve d’emploi de la Marque.

[20]           Mme Garcia est, depuis le 1er juillet 2001, présidente et secrétaire de la société Institut de Recherche Biologique Yves Ponroy (Canada) Inc. (IRB Canada), une filiale de la Requérante. Mme Garcia allègue que IRB Canada commercialise au Canada des compléments alimentaires favorisant la santé cognitive, la concentration et la mémoire en liaison avec la marque de commerce LERITONE, propriété de la Requérante. IRB Canada emploie cette marque au Canada en vertu d’une licence verbale conclue avec la Requérante. Elle affirme que la Requérante contrôle la qualité des produits vendus sous licence et approuve toute modification aux emballages.

[21]           Mme Garcia affirme qu’en 2012 IRB Canada a développé une nouvelle gamme de compléments destinés aux enfants sous la Marque et elle a joint comme pièce FG-4 une copie de l’emballage portant la Marque. IRB Canada a commencé à vendre les Produits en liaison avec la Marque en août 2012. En moins de vingt mois, les ventes ont dépassé les 225,000$. Elle a produit comme pièce FG-5 des copies de factures émises par IRB Canada entre 2012 et 2014.

[22]           Mme Garcia allègue que la promotion des Produits en liaison avec la Marque se fait par le biais du site web www.nutrisante.ca et de la publicité dans des revues telles que Châtelaine. Elle a produit comme pièce FG-6 des échantillons de publicités publiées en 2014.

[23]           Quant à la preuve présentée par l’Opposante concernant l’emploi de sa marque GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents, outre une simple allégation d’emploi depuis 2003 contenue dans l’affidavit de Mme Leon, elle peut se résumer ainsi :

         production de factures de ventes, toutes datées du mois d’avril 2003 et totalisant moins de 100 unités vendues;

         production d’une étiquette portant la marque GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents (pièce EL-5) employée entre 2003 et 2006 et d’autres étiquettes (pièces EL-6 et EL-7) portant cette marque, employées entre 2006 et 2013.

[24]           Mme Leon ne nous indique pas le volume des ventes de l’Opposante en liaison avec sa marque de commerce GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents.

[25]           J’ai noté que Mme Leon a également produit une copie d’une publicité publiée dans le journal L’Actualité Pharmaceutique parue en septembre 2004 (pièce EL-8). Toutefois, nous n’avons aucune information sur la distribution de cette publication.

[26]           De l’ensemble de cette preuve je conclus que la Marque de la Requérante est plus connue que la marque GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents de l’Opposante. Ce facteur favorise la Requérante.

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[27]           Il y a une certaine preuve d’emploi de la marque de commerce GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents remontant à 2003 tel que mentionné précédemment alors que la l’emploi de la Marque, selon la preuve versée au dossier, a débuté en 2012.

[28]           Ce facteur favorise donc l’Opposante.

Le genre de produits et la nature du commerce

[29]           En considérant le genre de produits, et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des produits couverts par la demande sous opposition avec les produits énumérés au certificat d’enregistrement pour la marque GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents de l’Opposante.

[30]           Je n’ai pas vraiment à résumer et analyser la preuve au dossier concernant ces deux critères puisqu’aux paragraphes 43 et 44 de son plaidoyer écrit la Requérante admet que ces deux facteurs favorisent l’Opposante car les produits des parties et leurs créneaux de distribution sont similaires.

Degré de ressemblance entre les marques en présence

[31]           Je rappelle que la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Masterpiece, cité plus haut, a clairement indiqué que le degré de ressemblance entre les marques est le facteur souvent susceptible d’avoir la plus grande incidence sur l’examen de la confusion.

[32]           L’Opposante plaide qu’il y a ressemblance entre les marques des parties en raison de la présence du mot GENIUS dans chacune d’elles. Toutefois, tel que mentionné par la Requérante, l’arrêt Masterpiece nous enseigne que nous devons déterminer quel est l’élément dominant de chacune des marques des parties. Il ne fait aucun doute que LERITONE, un mot inventé, est l’élément dominant de la Marque. De plus, il s’agit de la première composante de la Marque [voir Conde Nast Publication Inc c Union des Éditions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CFPI)]. Quant à la marque de l'Opposante, l’élément dominant est le mot GENIUS qui est un mot courant de la langue anglaise.

[33]           Il est assez difficile de déterminer une idée associée à la Marque malgré la présence du mot GENIUS puisque le premier mot de la Marque est un mot inventé. Quant à la marque de l’Opposante, lorsqu’elle est employée en liaison avec des suppléments alimentaires, elle suggère que la consommation de ce produit aura un effet positif sur les capacités intellectuelles de l’usager, qu’il soit un enfant ou un adolescent.

[34]           Hormis la présence du mot anglais GENIUS, il y a très peu de ressemblance entre les marques en présence tant au niveau visuel, sonore et dans les idées qu’elles suggèrent.

[35]           Je considère que ce facteur favorise la Requérante.

Autres circonstances pertinentes

[36]           L’Opposante a produit l’affidavit de M. Bartczak, directeur des ventes de l’Opposante de 2003 à 2011. Depuis cette date, il est vice-président de l’Opposante. Il explique que le 10 décembre 2013 il s’est rendu à un magasin Wal-Mart à Laval, qui offre pour la vente les produits des parties et il a constaté que ce commerçant s’est trompé dans la disposition du produit de l’Opposante. En effet, il soutient que les produits de l’Opposante ont été placés parmi les produits de la Requérante au lieu de les placer avec les produits de l’Opposante. Il a produit des photos des étagères où se trouvaient les différents produits des parties.

[37]           En réponse à cette preuve, Mme Garcia affirme que la disposition des produits d’aliments naturels dans les pharmacies et les magasins de grandes surfaces se fait à l’aide de  planogrammes. L’idée sous-jacente à l’emploi de ces planogrammes est que le consommateur puisse retrouver les produits aux mêmes endroits dans toutes les succursales opérées sous la même bannière.

[38]           Mme Garcia a ainsi produit comme pièce FG-7 une copie des planogrammes des bannières Wal-Mart, Jean Coutu et Uniprix. Elle note que les produits GENIUS de l’Opposante n’y apparaissent pas. Elle soutient que, si un fournisseur veut que son produit soit vendu dans l’une des grandes bannières pharmaceutiques, et que ce produit ne se retrouve pas sur le planogramme de la bannière, il est possible de demander au gérant de chaque succursale de cette bannière de trouver un endroit sur les étagères pour offrir le produit. Le gérant placera alors ce produit là où il y a un espace de disponible.

[39]           Elle affirme donc que la photo annexée à l’affidavit de M. Bartczak montrant des produits de IRB Canada et ceux de l’Opposante ne prouve pas qu’il a eu confusion. Ainsi, le produit de l’Opposante aurait été placé ainsi à cet endroit car ce produit ne fait pas partie du planogramme de Wal-Mart et que cet emplacement était disponible. De plus, Mme Garcia souligne que le produit de l’Opposante n’a pas été placé côte-à-côte avec les produits de la Requérante tel qu’en font foi les photos produites par M. Bartczak. Ainsi, les produits de l’Opposante se retrouvent sur la première rangée du haut alors que ceux de la Requérante sont étalés sur la troisième rangée. Finalement, le produit de l’Opposante auquel fait référence M. Bartczak a été placé sur la deuxième rangée, à côté de produits de tierces parties.

[40]           Je suis d’accord avec la Requérante. Les faits décrits dans l’affidavit de M. Bartczak ne démontrent pas qu’il y a de la confusion réelle concernant l’origine des Produits de la Requérante.

Renommée de la marque LERITONE

[41]           Mme Garcia atteste que les compléments alimentaires LERITONE sont vendus au Canada depuis 1992 à travers des magasins de grande surface tels que Wal-Mart, et les grandes chaines de pharmacie, telles que Pharmaprix/Shoppers, Drug Mart, Jean Coutu, Uniprix et les chaines de magasins de produits naturels comme Rachelle Berry, Panier Santé. Elle a produit (pièce FG-1) une image d’un emballage employé au Canada portant la marque LERITONE.

[42]           Mme Garcia fournit les chiffres des ventes au Canada de compléments alimentaires de marque LERITONE depuis 2004 et elle a produit des factures émises entre 2004 et 2013. Ces ventes se chiffrent à près de 3 millions de dollars.

[43]           Mme Garcia affirme que IRB Canada a dépensé plus de 1.7 millions $ pour la promotion de compléments alimentaires LERITONE dans les médias imprimés et à la radio. De plus, il y a eu promotion de ces produits sur le site web www.nutrisante.ca. Il y a eu des annonces publiées dans des revues telles que Châtelaine, Coup de Pouce, 7 jours, Le Lundi, La Semaine et Moi & Compagnie. Elle a produit comme pièce FG-3 des exemplaires de publicités parues sur ledit site web et dans lesdites revues entre 2004 et 2009 et en mars, avril et mai 2014.

[44]           Mme Garcia explique par la suite qu’IRB Canada vend depuis 1992 une gamme de compléments alimentaires pour enfants et adolescents sous la marque LERITONE JUNIOR.

[45]           À l’audience, l’agent de la Requérante a plaidé que cette preuve démontre que sa marque de commerce maison LERITONE est connue au Canada en liaison avec les Produits; que cette marque jouit d’une réputation établie. Elle trace un parallèle entre la présente situation et l’affaire Great Western Brewing Co c Molson Canada (2005), 68 CPR (4th) 305 (COMC). Dans ce dossier, la requérante désirait enregistrer la marque de commerce RICKARD’S BREW HOUSE en liaison avec de la bière. L’Opposante prétendait que cette marque de commerce portait à confusion avec sa marque BREWHOUSE employée en liaison  avec les mêmes produits. La Requérante avait produit une preuve démontrant l’emploi de sa marque maison RICKARD’S. Le registraire avait accordé une certaine importance à la preuve du caractère distinctif acquis de la marque maison RICKARD'S, constituant ainsi un motif additionnel pour conclure que le consommateur moyen porterait son attention sur la première portion de la marque qui faisait l’objet de la demande.

[46]           J’ai déjà conclu en faveur de la Requérante concernant l’importance de la première composante de la Marque. Non seulement dans notre cas LERITONE possède un caractère distinctif inhérent de beaucoup supérieur au mot GENIUS, mais jouit également d’une certaine renommée au Canada.

Conclusion

[47]           Compte tenu de cette analyse, et plus particulièrement dû au fait qu’il n’y a pas de ressemblance entre les marques en présence et que la Marque est plus connue que celle de l’Opposante, j’estime que la Requérante s’est déchargée de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et la marque GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents de l’Opposante.

[48]           Dans les circonstances, je rejette également ce motif d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) de la loi

[49]           La date pertinente pour analyser ce motif d’opposition est la date de production de la demande d’enregistrement (23 mai 2012) [voir l’article 16(3) de la Loi].

[50]           Dans sa déclaration d’opposition, l’Opposante se réfère à l’emploi antérieur des marques de commerce GENIUS et GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents.

GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents

[51]           Tout d’abord, il y a lieu de se demander si l’Opposante a rencontré son fardeau de preuve initial, à savoir de prouver qu’elle a employé la marque de commerce GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents avant la date pertinente et qu’elle n’avait pas abandonné un tel emploi à la date de publication de la présente demande d’enregistrement (30 janvier 2013) [article 16(5) de la Loi]. J’estime que oui selon la preuve déjà décrite sous le motif d’opposition précédent.

[52]           L’Opposante a plaidé durant l’audience que ses chances de succès avec cette marque de commerce étaient meilleures sous ce motif d’opposition que celui fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi en raison de la date pertinente. En effet, la Requérante ne peut pas se référer à sa preuve d’emploi de la Marque puisque cet usage remonte à une date postérieure à la date pertinente. Ainsi selon l’Opposante, le premier facteur ne serait plus à l’avantage de la Requérante, ce qui aurait pour effet de faire pencher la prépondérance des probabilités en sa faveur.

[53]           Bien que je sois d’accord avec l’Opposante au sujet de la preuve pertinente concernant le premier facteur, il n’en demeure pas moins que la Marque possède un degré de caractère distinctif inhérent supérieur à la marque de l’Opposante. Bien que la preuve démontre un emploi de la marque de l’Opposante au Canada antérieur à la date pertinente, j’estime que cette preuve est nettement insuffisante pour conclure que ce facteur favoriserait l’Opposante au même degré qu’il favorise la Requérante sous le motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)d) de la Loi. Je n’ai aucune information sur le volume des ventes de l’Opposante, sauf pour ce qui est de 4 factures (pièce EL-4) pour la vente de 78 unités durant le mois d’avril 2003.

[54]           Quant à l’analyse du degré de ressemblance entre les marques, il conduit au même constat : absence de ressemblance quand les marques sont comparées dans leur ensemble.

[55]           Ainsi ce motif d’opposition est également rejeté en ce qui concerne la marque GENIUS Kids and Teens~Enfants et Adolescents.

Marque GENIUS

[56]           Lors de l’audience l’Opposante a plaidé qu’elle avait démontré l’emploi de la marque GENIUS seule. Dans un premier temps, l’Opposante se réfère aux factures produites comme pièce EL-4. Sous la rubrique ‘description’ on peut y lire ‘Genius kids’. Or la production de factures ne fait pas preuve en soi de l’emploi d’une marque de commerce. Il n’y a pas de date de livraison sur les factures. En l’absence d’éléments additionnels de preuve, je ne peux inférer que les factures accompagnaient les produits vendus au moment de leur livraison [voir Riches, McKenzie & Herbert c Pepper King Ltd (2000), 8 CPR (4th) 471 (CF)].

[57]           L’Opposante se réfère également aux étiquettes produites comme pièces EL-5 et EL-6. Hormis le texte apparaissant sur les étiquettes, la marque NUTRIPUR GENIUS Kids and Teens~Enfants et adolescents y apposée est identique. Je  reproduis ci-après l’étiquette EL-5:

[58]           L’Opposante prétend que cette représentation peut constituer un emploi de la marque de commerce GENIUS seule. Je ne peux pas souscrire à un tel argument. Cette situation est similaire à celle discutée dans l’arrêt Registrar of Trade Marks c Compagnie L’informatique CII Honeywell Bull, Société Anonyme et al (1985), 4 CPR (3d) 523 (CAF). En effet, dans cette affaire la Cour d’appel fédérale devait déterminer si elle pouvait conclure à l’emploi de la marque BULL seule alors que la marque employée était la marque composite CII HONEYWELL BULL.

[59]           Pour répondre à cette question la Cour a établi le test suivant :

Le critère pratique qu'il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu'un acheteur non averti concluerait (sic), selon toute probabilité, qu'elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.

[60]           En appliquant ce test, j’arrive à la conclusion que l’emploi de la marque de commerce ci-haut illustrée ne peut pas constituer un emploi de la marque GENIUS seule. En effet, cette marque a perdu son identité car l’ajout des termes ‘NUTRIPUR’ et  ‘Kids and Teens~Enfants et Adolescents’ ne sont pas des modifications minimes.

[61]           Par conséquent je conclus que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial de prouver l’emploi de la marque GENIUS antérieurement à la date pertinente.

[62]           Le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3) de la Loi est donc également rejeté en ce qui concerne la marque GENIUS seule.

 

 

 

 

 

 

Décision

[63]            Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Date de l'audience: 2015-06-18

 

Comparutions

 

Pascal Lauzon                                                                                      Pour l’Opposante

 

Giovanna Spataro                                                                                Pour la Requérante

 

Agent(s) au dossier

 

BCF                                                                                                     Pour l’Opposante

 

Gowlings                                                                                             Pour la Requérante




 

Annexe A

 

 

Les motifs d’opposition peuvent se résumer ainsi :

 

  1. La demande d’enregistrement n’est pas conforme aux dispositions de l’article 30(e) de la Loi sur les marques de commerce, SRC 1985, c. T-13 (la Loi) en ce que la Requérante n’a pas l’intention et n’a jamais eu l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits;
  2. La demande d’enregistrement n’est pas conforme aux dispositions de l’article 30(a) de la Loi en ce que les Produits ne sont pas décrits dans les termes ordinaires du commerce;
  3. La demande d’enregistrement n’est pas conforme aux dispositions de l’article 30(i) de la Loi en ce que la Requérante et l’Opposante œuvrent dans le même domaine soit la production et vente de suppléments alimentaires. Conséquemment, la Requérante est familière avec les produits et les marques de commerce de l’Opposante. L’Opposante emploie ainsi la marque GENIUS Kids and Teens ̴ Enfants et Adolescents depuis au moins aussitôt que le 20 janvier 2003 et la marque de commerce GENIUS depuis au moins aussitôt que le mois d’avril 2003 en liaison avec des suppléments alimentaires. De ce fait l’Opposante soumet que la Requérante ne pouvait et ne peut être convaincue qu’elle a droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits puisqu’elle avait connaissance de l’emploi par l’Opposante des marques de commerce GENIUS Kids and Teens ̴ Enfants et Adolescents et GENIUS;
  4. La Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle ne respecte pas les dispositions de l’article 12(1)(d) de la Loi puisqu’elle porte à confusion avec la marque déposée GENIUS Kids and Teens ̴ Enfants et Adolescents, certificat d’enregistrement LMC632,984, enregistrée le 17 février 2005;
  5. La Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des dispositions de l’article 16(3)(a) de la Loi puisqu’à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce GENIUS Kids and Teens ̴ Enfants et Adolescents et GENIUS employées antérieurement au Canada par l’Opposante;
  6. La Marque n’est pas distinctive au Canada des Produits de la Requérante puisque la Marque ne distingue pas et n’est pas apte à distinguer les Produits des produits des autres personnes, plus particulièrement des produits de l’Opposante en liaison avec lesquels l’Opposante a employé et emploie toujours au Canada ses marques GENIUS Kids and Teens ̴ Enfants et Adolescents et GENIUS.
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