Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 100

Date de la décision : 2010-06-28

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Indigo Books & Music, Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1117987 pour la marque de commerce iReward au nom de Preferred One Inc.

[1]               Le 15 octobre 2001, Sean Snyder a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce reproduite ci-dessous (la Marque) fondée sur un emploi projeté en liaison avec des marchandises et des services.

iReward

[2]                L’Office de la propriété intellectuelle du Canada a inscrit Preferred One Inc. (la Requérante) à titre de propriétaire de la demande le 28 août 2002 à la suite d’une cession datée du 27 juin 2002.

[3]               Durant l’instruction de la demande, l’état déclaratif des marchandises et services a été modifié comme suit :

Marchandises : (1) Cartes de débit et cartes de crédit; cartes à valeur stockée, cartes de fidélité ; à une marque ou à un marchand; cartes de membre en plastique; cartes de membre, nommément cartes de fidélité, cartes de crédit et de débit utilisées en marketing relationnel, marketing affinitaire et marketing de base de données.

Services : (1) Production, distribution et vente de cartes de fidélité à une marque, cartes de fidélité à un marchand, cartes de débit, cartes de crédit, cartes à valeur stockée et cartes de membre; compilation, définition de profils et vente de données sur les consommateurs; exploitation d’une entreprise de commercialisation et de vente, pour le requérant et pour d’autres, de cartes de fidélité à une marque ou à un marchand, de cartes de débit, cartes de crédit, de cartes à valeur stockée et de cartes de membre à des fins de vente, d’adhésion, de récompense et d’escomptes; services de publicité et de commercialisation pour promouvoir la vente de marchandises de détaillants dans une région géographique particulière au moyen de la commercialisation, de promotions et de concours par publipostage direct et par courrier électronique.

[4]               Le droit à l’usage exclusif du mot REWARD en dehors de la Marque n’a pas été accordé.

[5]               La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 24 décembre 2003.

[6]               Le 21 mai 2004, Indigo Books & Music, Inc. (Indigo) a produit une déclaration d’opposition. À titre de préambule aux motifs d’opposition, Indigo allègue son droit de propriété dans la demande no 1122616 relative à la marque de commerce iREWARDS en liaison avec [TRADUCTION] « exploitation d’un programme incitatif de récompenses et de fidélité » fondée sur un emploi au Canada depuis au moins octobre 2001. De manière générale, les motifs d’opposition sont les suivants : (i) la demande n’est pas conforme aux exigences des alinéas 30e) et 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi); (ii) la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi en raison d’une confusion avec la marque de commerce iREWARDS employée antérieurement par Indigo; et (iii) la Marque n’est pas distinctive.

[7]               Le 29 septembre 2004, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle niait les allégations contenues dans la déclaration d’opposition et formulait plusieurs allégations relativement à l’adoption de la marque de commerce iREWARDS par Indigo.

[8]               Conformément à l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement), Indigo a produit un affidavit souscrit par Kathleen Flynn, daté du 4 août 2005. La Requérante a contre-interrogé Mme Flynn. La transcription du contre-interrogatoire et des réponses à des engagements ont été déposées auprès du registraire le 11 septembre 2006.

[9]               Conformément à l’article 42 du Règlement, la Requérante a produit un affidavit souscrit par Sean Snyder, daté du 1er mars 2007, un affidavit souscrit par Gennaro « Jerry » Rotondaro, daté du 1er mars 2007, et un affidavit souscrit par Lynda Palmer, daté du 7 mars 2007. Bien qu’Indigo ait obtenu une ordonnance l’autorisant à contre-interroger chacun des auteurs d’affidavit, elle a seulement procédé aux contre-interrogatoires de MM. Snyder et Rotondaro. Les transcriptions de ces contre-interrogatoires et des réponses à des engagements ont été déposées auprès du registraire le 17 décembre 2007.

[10]           Conformément à l’article 43 du Règlement, Indigo a produit des copies certifiées de la demande originale et du document de cession déposés auprès de l’OPIC.

[11]           Les deux parties ont produit des observations écrites et ont été représentées à une audience.

Fardeau de preuve

[12]           C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, Indigo doit s’acquitter du fardeau de preuve initial en produisant suffisamment d’éléments de preuve admissibles à partir desquels on pourrait raisonnablement conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chaque motif d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), p. 298].

Dates pertinentes

[13]           Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

         al. 38(2)a)/art. 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];

         al. 38(2)c)/al. 16(3)a) – la date de production de la demande [voir le par. 16(3)];

         al. 38(2)d) / absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

Remarques préliminaires

[14]           Mme Flynn est conseillère juridique interne d’Indigo. Elle affirme qu’elle occupe ce poste au service d’Indigo [TRADUCTION] « ou de la société que cette dernière a remplacée » depuis février 2000 [paragraphe 1]. Je crois comprendre que lorsque que Mme Flynn fait allusion à la société qu’Indigo a remplacée, elle entend par là l’« ancienne Indigo » constituée en personne morale en 1996 [Q16-Q18] qui a « fusionné avec Chapters en août 2001 »; l’entité résultant de la fusion a été prorogée « sous la dénomination sociale “Indigo” » [paragraphe 2]. Le terme « Opposante » sera employé ci-après pour désigner Indigo ou la société qu’elle a remplacée à l’époque pertinente.

[15]           Selon leurs affidavits respectifs, MM. Snyder et Rotondaro ont fondé la Requérante ensemble avec Frank Anderson. M. Snyder affirme qu’il est vice-président de la Requérante depuis mars 2000, et M. Rotondaro affirme qu’il est président de la Requérante depuis mars 2000. Ces déclarations ont été clarifiées et précisées au moyen de réponses à des engagements : la Requérante a confirmé qu’elle avait été constituée en personne morale le 1er août 2000 sous le nom d’Edealcard Inc. et qu’à ce moment, M. Snyder était inscrit comme président, M. Anderson était inscrit comme président du conseil d’administration, et M. Rotondaro était inscrit comme secrétaire du conseil d’administration. Il appert de la pièce 1 jointe au contre-interrogatoire de M. Snyder que la Requérante a changé de nom, en remplaçant le nom « Edealcard Inc. » par le nom « Preferred One Inc. », le 25 avril 2001.

Aperçu général de la preuve

[16]           J’examinerai la preuve plus en détail lorsque j’analyserai les motifs d’opposition, mais je commencerai par un aperçu général des éléments de preuve pertinents. Je renverrai aux contre-interrogatoires seulement dans la mesure où ils sont pertinents pour mon analyse de la preuve et des arguments des parties.

L’entreprise de l’Opposante

[17]           Mme Flynn témoigne que l’Opposante exploite une entreprise de librairies au Canada et une entreprise en ligne. L’Opposante a commencé à exploiter des librairies partout au Canada en 1997, et elle est devenue le [TRADUCTION] « plus grand vendeur de livres au détail au Canada » lorsqu’elle a fusionné avec Chapters [paragraphe 2]. De 2000 jusqu’à la date de l’affidavit de Mme Flynn, l’Opposante a exploité sans interruption plus de 250 librairies au Canada sous plusieurs noms différents [paragraphes 3 et 4]. Les services de librairie en ligne sont accessibles sur Internet à l’adresse www.chapters.indigo.ca [paragraphe 3]. D’après la ventilation annuelle (années financières) exposée dans l’affidavit de Mme Flynn, de 2002 à 2004, le total des recettes des ventes réalisées par les librairies que l’Opposante exploite s’est élevé à plus de 2,3 milliards de dollars [paragraphe 5]. Différents articles cadeau ont toujours été vendus dans les librairies de l’Opposante, en plus de livres et d’autres publications imprimées [paragraphe 6].

L’entreprise de la Requérante

[18]           M. Snyder, qui est le propriétaire original de la demande relative à la Marque, témoigne que la Requérante exploite une entreprise de [TRADUCTION] « fourniture de solutions de commercialisation intégrées à des détaillants et des prestataires de services au Canada, en élaborant et en gérant des programmes et des campagnes de commercialisation à service complet » depuis 2000 [paragraphe 4]. Il produit des imprimés des sites Web de la Requérante décrivant certains des services de la Requérante et ses programmes de cartes cadeau sur mesure [pièces 1 et 2]. La requérante offre « une vaste gamme de cartes, notamment des cartes à valeur stockée, des cartes de fidélité et des cartes cadeau » ainsi que des services de commercialisation et de publicité conçus pour promouvoir les produits et services des détaillants partenaires de la Requérante [paragraphe 5]. La Requérante est aussi propriétaire d’enregistrements des marques PREFERRED ONE, EVERYONE LOVES A DEAL et EDEALCARD ainsi que d’une demande d’enregistrement de la marque CASHCARD [paragraphe 8, pièce 5].

La relation entre les parties

[19]           Les éléments de preuve démontrent clairement que les parties se connaissent.

[20]           Il est acquis aux débats qu’en février 2001 Sean Snyder et Frank Anderson ont rencontré Nathalie Stern, alors directrice de la commercialisation de l’Opposante, pour discuter de la possibilité que l’Opposante participe à un programme de fidélisation de la clientèle dont la Requérante faisait alors la promotion sous la marque de commerce EDEALCARD. Il est aussi acquis aux débats que les parties ont eu des échanges ultérieurs. Cependant, M. Snyder conteste les allégations de Mme Flynn quant au nombre de ces échanges, y compris l’allégation selon laquelle Mme Stern l’aurait informé de l’intérêt d’Indigo à employer la marque de commerce iREWARDS. J’examinerai cet élément de preuve contesté lorsque j’analyserai le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i).

[21]           En réponse à un engagement [Q62-Q63], Mme Flynn indique qu’elle [TRADUCTION] « est au courant » de la demande relative à la Marque depuis au moins le 27 novembre 2001.

La marque de commerce iREWARDS de l’Opposante

[22]             Selon l’affidavit de Mme Flynn, l’Opposante a commencé à employer la marque de commerce iREWARDS au Canada en liaison avec l’exploitation d’un programme incitatif de récompenses et de fidélité en octobre 2001, et a produit la demande no 1212616 le 16 novembre 2001 [pièce « A »]. Une recherche de marques de commerce a été effectuée avant la production de la demande. La recherche a d’abord fait l’objet de discussions le 20 septembre 2001, et les résultats de la recherche ont été dûment compilés le 1er octobre 2001, auquel moment les enregistrements et les demandes en instance au 27 juillet 2001 avaient été indexés aux fins de recherche [Q55-Q57, réponse à un engagement]. Je note que la demande no 1212616 n’est pas en cause dans la présente instance.

[23]           Selon l’affidavit et le contre-interrogatoire de M. Snyder, la Requérante a eu connaissance du programme iREWARDS de l’Opposante en novembre 2001 [paragraphe 18, Q451-Q460]. La Requérante a [TRADUCTION] « trouvé cela préoccupant et choquant », et, par l’entremise de ses avocats, elle a envoyé une lettre à l’Opposante le 18 décembre 2001 pour l’aviser des « droits antérieurs [de la Requérante] dans la marque de commerce iREWARDS » [paragraphe 18, pièce 13]. Mme Flynn admet avoir reçu la lettre [paragraphe 23, pièce « O »]. M. Snyder admet que la Requérante a reçu une lettre des avocats de l’Opposante le 17 janvier 2002, qu’il produit comme pièce 14 [paragraphe 20]. Je note que, dans cette lettre, l’Opposante allègue notamment qu’au lieu de « respecter la relation confidentielle » dans le cadre de laquelle il avait été avisé du travail réalisé par l’Opposante relativement au programme de fidélisation de la clientèle iREWARDS, « M. Snyder a prétendu adopter la marque IREWARDS ». Entre autres choses, l’Opposante demandait à M. Snyder de retirer la demande. J’admets la preuve d’un échange de lettres entre  les parties, mais je n’admets pas que les lettres font foi des allégations qui y sont formulées.

L’emploi de la Marque

[24]            Les témoignages écrits et de vive voix de MM. Snyder et Rotondaro établissent que, bien qu’ils aient commencé à planifier le programme relié à la Marque avant de produire la demande, la Marque n’avait été employée en liaison avec aucune des marchandises ou des services énumérés dans la demande à la date de sa production. Selon leurs témoignages écrits, MM. Snyder et Rotondaro ignoraient tous deux le sens précis du mot « emploi » en liaison avec des marques de commerce au moment de l’envoi de la lettre à l’Opposante le 18 décembre 2001.

[25]           MM. Snyder et Rotondaro ont tous deux témoigné que la Marque avait été choisie en septembre 2001. M. Snyder indique que Jerry Rotondaro et lui ont consulté le registre des marques de commerce et ont conclu que la Marque était disponible. Il ajoute que le nom de domaine « ireward.com » a été enregistré le 27 septembre 2001 [paragraphe 15] et qu’il a produit une demande d’enregistrement de la Marque le 15 octobre 2001 [paragraphe 14].

[26]           Il n’y a aucune preuve d’emploi de la Marque au sens de l’article 4 de la Loi, suite à la production de la demande, et la Requérante n’en allègue aucun non plus. Au contraire, M. Snyder affirme, au paragraphe 21 de son affidavit :

[TRADUCTION] Le travail relatif au site Web iREWARD a été interrompu peu [après le 17 janvier 2002] en raison de notre incertitude quant aux droits afférents à la marque de commerce et des implications financières pour Preferred One. Nous avons décidé que nous ne disposions pas des ressources financières nécessaires pour intenter un recours contre un grand détaillant puissant comme Indigo à l’époque. Voilà pourquoi notre programme iREWARD a été essentiellement suspendu et demeure suspendu dans une large mesure, en attendant le dénouement de la procédure d’opposition introduite par Indigo.

L’affidavit de Mme Palmer

[27]           Mme Palmer produit en preuve les résultats de recherches effectuées dans le Registre des marques de commerce du Canada le 2 mars 2007 pour repérer des enregistrements et des demandes qui comportent le mot « REWARD » [pièce A] et des enregistrements et des demandes qui commencent par la lettre ou le mot « i » [pièce B] en liaison avec [TRADUCTION] « différentes cartes, c.-à-d. des cartes de débit, des cartes de crédit, des cartes de fidélité, des cartes de membre, des cartes de primes et des cartes de points, et des services reliés à différentes cartes, c.-à-d. des cartes de débit, des cartes de crédit, des cartes de fidélité, des cartes de membre, des cartes de primes et des cartes de points ». Les observations de la Requérante concernant ces recherches se limitent à prendre acte du fait que la pièce « A » a révélé 132 entrées et que la pièce « B » a révélé 39 entrées. Quant à l’Opposante, elle soutient que la pièce A révèle seulement 5 entrées commençant par la lettre « i », incluant la Marque et la marque de commerce de l’Opposante, et que la Marque et la marque de commerce de l’Opposante sont les seules entrées comportant à la fois la lettre initiale « i » et le mot « reward » révélées par la pièce B.

[28]           Mme Palmer produit aussi en preuve les résultats de la recherche qu’elle a effectuée pour repérer des [TRADUCTION] « marques de commerce multiples » appartenant à l’Opposante « dont les marchandises et les services afférents sont décrits de la même façon » [pièce C]. La Requérante note que la recherche a révélé « plusieurs demandes enregistrées et en instance ».

Analyse des motifs d’opposition

[29]           Il ressort très clairement de la contre-déclaration, des éléments de preuve et des observations tant écrites que verbales de la Requérante que celle-ci ne conteste pas la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce iREWARDS de l’Opposante. En fait, dans sa contre-déclaration, la Requérante allègue que l’Opposante porte atteinte aux droits antérieurs de la Requérante dans la Marque.

[30]           J’estime que le paragraphe 27 des observations écrites de la Requérante, que je reproduis ci-dessous, résume bien la position de la Requérante à l’égard de la présente procédure d’opposition :

[TRADUCTION] Au terme d’un examen de l’ensemble de la preuve, la conclusion l’on peut raisonnablement tirer est que Sean Snyder et les autres chez Preferred One Inc. en sont arrivés de façon indépendante à la marque de commerce iReward et qu’ils ont pris les mesures habituelles pour protéger la marque en produisant des demandes d’enregistrement du nom de domaine et de la marque de commerce. Malheureusement pour Indigo, qui avait choisi une marque quasi identique presqu’au même moment, Sean Snyder a produit sa demande de marque de commerce en premier, et il a donc acquis les droits que la loi confère au propriétaire de la première demande. En outre, lorsqu’elle a été informée de la demande d’enregistrement de la marque de commerce iREWARDS d’Indigo, la Requérante a avisé sans délai Indigo de ses droits antérieurs. Bien qu’elle ait été rapidement avisée du fait que la Requérante avait revendiqué des droits antérieurs dans la marque iReward, l’Opposante a choisi, en pleine connaissance de cause, de poursuivre ses démarches en vue de l’enregistrement de la marque de commerce problématique iREWARDS, en feignant d’avoir affaire à un trafiquant de marques de commerce amoral et sans scrupules plutôt qu’à une petite entreprise faisant affaires de bonne foi au Canada.

[31]           L’agent de la Requérante a consacré une bonne part de sa plaidoirie à soutenir qu’il serait contraire à l’intention du législateur et à l’économie de la Loi d’accueillir l’opposition de l’Opposante. L’agent a invoqué en particulier la décision McCabe c. Yamamoto & Co. (America) Inc. (1989), 23 C.P.R. (3d) 498 (C.F. 1re inst.) (McCabe) relative à une procédure d’opposition. S’agissant de l’économie de la Loi, le juge de première instance a affirmé, à la page 504 : « Cette loi a pour objet de promouvoir et de réglementer l'utilisation licite des marques de commerce. », et, à la page 505 :

On peut conclure, en règle générale, que lorsqu'une loi a pour objet de protéger les propriétaires de marques de commerce, enregistrées ou non enregistrées, on ne saurait invoquer cette même loi pour en légitimer l'utilisation illicite.

[32]            Dans sa plaidoirie orale, l’agent de l’Opposante a soutenu que je ne devrais pas tenir compte de la décision McCabe dans la mesure où la Cour suprême du Canada a jugé que l’alinéa 7e) de la Loi est inconstitutionnel. Je note que dans l’arrêt Smith & Nephew Inc. v. Glen Oak Inc. (1996), 68 C.P.R. (3d) 153, la Cour d’appel fédéral a affirmé que la décision McCabe était une décision erronée. Quoi qu’il en soit, j’estime que la décision McCabe se distingue de la présente affaire, ne serait-ce que parce les faits de la présente procédure d’opposition n’ont rien en commun avec les faits de l’affaire McCabe.

[33]           À l’audience, j’ai fait remarquer à l’agent de la Requérante que la question à trancher dans la présente procédure n’est pas celle de savoir si l’Opposante a le droit d’employer ou d’enregistrer la marque de commerce iREWARDS au Canada en liaison avec l’exploitation d’un programme incitatif de récompenses et de fidélité. En l’espèce, il s’agit plutôt de déterminer si la Requérante a le droit d’enregistrer la Marque en liaison avec les marchandises et services énumérés dans la demande. L’agent de la Requérante a ensuite soutenu que si la partie qui est la première à produire une demande en vue d’un emploi projeté ne se voyait conférer aucun droit, il serait futile de demander l’enregistrement d’une marque de commerce sur le fondement d’un emploi projeté.

[34]           Soit dit avec égards pour la Requérante, les procédures d’opposition font partie du processus d’enregistrement prévu par la Loi. Selon le régime qui y est établi, quiconque a des motifs valables peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque de commerce à la suite de sa publication dans le Journal des marques de commerce. Il doit être statué sur chaque procédure d’opposition en fonction des faits de l’affaire et de la preuve au dossier. En d’autres mots, chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres.

[35]           J’analyserai maintenant les motifs d’opposition au regard des éléments de preuve au dossier, mais pas nécessairement dans l’ordre dans lequel ils ont été soulevés dans la déclaration d’opposition.

Absence de caractère distinctif

[36]           Ce motif d’opposition soulève essentiellement la question de la confusion entre la Marque et la marque de commerce iREWARDS de l’Opposante.

[37]           L’Opposante a le fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce iREWARDS était devenue suffisamment connue le 21 mai 2004 pour détruire le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd., 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.); Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc. c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.)].

[38]           Étant donné sa position générale à l’égard de l’opposition, la Requérante soutient dans ses observations écrites [paragraphe 50] :

[TRADUCTION] Le contexte factuel de la présente opposition est assez inhabituel, mais les droits des parties sont clairs. Compte tenu des faits de la présente affaire, Indigo ne devrait pas pouvoir obtenir gain de cause en soutenant que son propre emploi de la marque de commerce iREWARDS détruit le caractère distinctif de la marque de commerce visée par la demande.

[39]           Subsidiairement, la Requérante soutient que je devrais écarter toute preuve d’emploi de la marque de l’Opposante après que celle-ci a été avisée de la revendication antérieure de la Requérante relativement à la Marque, soit le 27 novembre 2001 (date à laquelle Mme Flynn a été mise au courant de la demande) ou le 18 décembre 2001 (date de la lettre envoyée à l’Opposante). S’appuyant sur des décisions de la Cour fédérale et de la Commission, la Requérante soutient, au paragraphe 51 de ses observations écrites :

[TRADUCTION] Dans un contexte où l’opposante est rapidement avisée de l’existence d’une revendication antérieure de la marque, elle ne saurait équitablement être admise à invoquer des preuves d’emploi ultérieur à ce moment au soutien de sa position concernant le caractère distinctif.

[40]           Dans sa plaidoirie, l’agent de l’Opposante a reconnu que la Requérante n’était nullement tenue d’employer la marque projetée avant qu’elle ait été approuvée. Il a toutefois souligné que la Requérante avait décidé volontairement de suspendre le programme relié à la Marque. En outre, l’agent de l’Opposante a répondu à l’argument de la Requérante relatif à l’equity en citant la décision Molson Canada 2005 c. Anheuser-Busch Incorporated, 2010 CF 283, où le juge Near a affirmé, au paragraphe 66 : « L’article 38 définit les pouvoirs du registraire en cas d’opposition et il ne fait pas allusion aux règles d’equity. »

[41]           Tout en soutenant qu’il n’y avait aucun fondement juridique à la position de la Requérante selon laquelle l’Opposante ne devrait pas pouvoir obtenir gain de cause au titre de ce motif d’opposition, l’agent de l’Opposante a ajouté qu’il ne s’agissait clairement pas en l’espèce d’une situation où la marque de commerce iREWARDS avait été adoptée de mauvaise foi. En réponse aux arguments subsidiaires de la Requérante, l’agent de l’Opposante a soutenu qu’il n’y avait aucun élément de preuve qui indiquait ni que l’Opposante avait entrepris de « détruire » le caractère distinctif de la Marque ni qu’elle avait mis en œuvre une stratégie visant à « miner » la demande relative à la Marque.

[42]           Pour bien comprendre les observations de l’Opposante concernant son adoption et son emploi de la marque de commerce iREWARDS, j’examinerai maintenant plus en détail les éléments de preuve produits relativement à l’emploi de la marque de commerce depuis octobre 2001.

[43]           Selon l’affidavit de Mme Flynn, le programme incitatif de récompenses et de fidélité relié à la marque de commerce iREWARDS de l’Opposante permet aux clients d’obtenir des rabais sur leurs achats de la plupart des produits vendus dans les librairies de l’Opposante, y compris par l’entremise de sa librairie en ligne [paragraphe 8]. En décembre 2001, environ 1,2 million de clients de l’Opposante étaient inscrits à son programme iREWARDS. Le nombre de membres a varié entre 900 000 et 1,3 million depuis décembre 2001 [paragraphe 9]. Les membres du programme de l’Opposante présentent leur carte de membre à un employé au moment d’effectuer leur achat [paragraphe 10]. Des images d’échantillons représentatifs de cartes de membre, qui arborent la marque de commerce iREWARDS, sont produits en preuve sous la cote « C ».

[44]           Mme Flynn témoigne qu’au cours de chaque année civile depuis le lancement de son programme iREWARDS, l’Opposante [TRADUCTION] « a dépensé plus de 2 millions de dollars en publicité, promotion et frais d’exploitation du programme » [paragraphe 18]. Selon l’affidavit de Mme Flynn [paragraphes 11 à 19], les moyens de promotion et de publicité du programme iREWARDS de l’Opposante peuvent se résumer comme suit : « affiches et publicité dans les librairies [pièces D à G]; les employés de l’Opposante promeuvent et encouragent la participation au programme en demandant aux clients qui se présentent à la caisse pour payer leurs achats s’ils sont membres du programme; correspondances envoyées par courrier régulier et par courriel [pièces H et J]; message téléphonique enregistré; annonce sur le site Web de l’Opposante [pièce K]; publicités imprimées [pièce L]; et commercialisation croisée avec des tiers [pièce M].

[45]           Compte tenu des éléments de preuve au dossier, j’estime que je ne puis raisonnablement conclure que l’Opposante n’a pas adopté et employé la marque de commerce iREWARDS de bonne foi. Qui plus est, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial relativement au motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

[46]           Pour appliquer le test en matière de confusion, j’ai examiné la question sous l’angle de la première impression et du souvenir imparfait. Après examen de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles qui sont énumérées expressément au paragraphe 6(5) de la Loi, je conclus que l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne.

[47]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il n’y avait aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce iREWARDS de l’Opposante le 21 mai 2004. En conséquence, j’accueille le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

            Droit à l’enregistrement en vertu de l’alinéa 16(3)a) de la Loi

[48]           Bien que le fardeau ultime incombe à la Requérante, l’Opposante a le fardeau initial de démontrer que sa marque de commerce iREWARDS a été employée avant la date pertinente (le 15 octobre 2001) et qu’elle n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande (le 24 décembre 2003) [par. 16(5) de la Loi].

[49]           Tout au long de son affidavit, Mme Flynn affirme que l’Opposante emploie la marque de commerce iREWARDS depuis octobre 2001. Cependant, elle ne donne pas de date précise. Après avoir examiné tout l’affidavit de Mme Flynn, je conclus que la date de premier emploi au sens du paragraphe 4(2) de la Loi indiquée dans l’affidavit est le 29 octobre 2001 [pièce « M »]. À l’audience, l’agent de l’Opposante a reconnu que l’affidavit de Mme Flynn indiquait le 29 octobre 2001 comme date de premier emploi de la marque de commerce iREWARDS de l’Opposante.

[50]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que l’Opposante n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau de présentation qui lui incombait de démontrer que sa marque de commerce iREWARDS a été employée au Canada avant la date pertinente. En conséquence, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(3)a) de la Loi.

            Non-conformité à l’alinéa 30e) de la Loi

[51]           À titre de question préliminaire, je note que M. Rotondaro produit en preuve une lettre datée du 28 février 2006 que l’agent de marques de commerce de l’Opposante a envoyée à l’agent de marques de commerce de la Requérante à la suite du contre-interrogatoire de Mme Flynn [pièce 2]. La lettre semblait avoir pour but d’aviser l’agent de marques de commerce de la Requérante que l’Opposante avait l’intention de soutenir, au regard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 38(2)a) de la Loi, que la demande n’était pas conforme aux exigences de l’alinéa 30e) parce que la Requérante avait déjà commencé à employer la Marque avant de produire la demande. La lettre se termine par le paragraphe suivant : [TRADUCTION] « Si nous l’estimons nécessaire, nous modifierons la déclaration d’opposition de manière à inclure ce qui précède. »

[52]           Cela dit, l’Opposante n’a jamais demandé l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition. Le motif d’opposition est ainsi rédigé :

            [TRADUCTION] La demande n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce parce que la déclaration selon laquelle la Requérante compte employer la [Marque] en liaison avec les marchandises et services énumérés dans la demande est fausse. La Requérante originale a toujours eu l’intention de vendre la demande à l’Opposante. 

[53]           Puisque la demande énonce notamment que [TRADUCTION] « la requérante, soit elle-même ou par l’entremise d’un licencié, ou elle-même et par l’entremise d’un licencié », compte employer la Marque, la demande est formellement conforme à l’exigence de l’alinéa 30e) de la Loi. La question devient donc celle de savoir si la demande était conforme en substance aux exigences de l’alinéa 30 e) à la date de production de la demande, c.-à-d. si la déclaration était véridique.

[54]           Puisqu’il est difficile de prouver l’inexistence d’un fait, et ce, d’autant plus dans le cas d’une demande relative à un emploi projeté, le fardeau initial qui incombe à l’Opposante au regard du motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30e) est relativement limité [voir Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc., (2003) 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F.)]. En outre, l’Opposante peut s’appuyer sur les éléments de preuve de la Requérante pour s’acquitter de son fardeau initial, mais l’Opposante doit démontrer que les éléments de preuve de la Requérante sont clairement incompatibles avec la prétention de cette dernière [voir York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health & Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)].

[55]           L’Opposante n’a pas soutenu, ni dans sa plaidoirie ni dans ses observations écrites, qu’elle s’était acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que M. Snyder avait toujours eu l’intention de vendre la demande à l’Opposante. Au contraire, à l’audience, l’agent de l’Opposante a concédé qu’il n’y avait aucun élément de preuve à cet effet. Malgré cela, dans ses observations écrites ainsi que dans sa plaidoirie, l’Opposante a soutenu qu’il fallait conclure que la demande n’était pas conforme aux exigences de l’alinéa 30e) parce que la preuve démontrait que M. Snyder, un dirigeant de Preferred One Inc., avait produit la demande pour le compte de sa société sans avoir l’intention d’employer lui-même la Marque.

[56]           Plus précisément, l’Opposante soutient que le contre-interrogatoire de M. Snyder révèle ce qui suit : (i) il a produit la demande pour le compte de Preferred One Inc. et n’a jamais eu l’intention d’offrir les services lui-même; (ii) même s’il a produit la demande en son propre nom, M. Snyder prévoyait que ce serait en fait Preferred One Inc. qui emploierait la Marque; et (iii) il n’y a aucun contrat de licence entre M. Snyder et Preferred One Inc., qui n’ont jamais non plus envisagé une licence. En outre, l’Opposante soutient que la cession de la demande ne peut remédier à la violation de l’alinéa 30 e) de la Loi, et qu’il est indifférent que M. Snyder ait eu ou non une « intention frauduleuse ».

[57]           À l’audience, j’ai fait remarquer à l’agent de l’Opposante que je ne considérais pas que la question de la production de la demande par M. Snyder pour le compte de sa société avait été plaidée au soutien du motif d’opposition. En réponse, l’agent a soutenu que cette observation ne devrait pas être confinée à l’allégation selon laquelle [TRADUCTION] « [l]a Requérante originale a toujours eu l’intention de vendre la demande à l’Opposante », parce qu’il n’était pas nécessaire que l’acte de procédure comporte cette allégation. L’agent a soutenu qu’il aurait suffi que l’Opposante plaide que la déclaration exigée à l’alinéa 30e) était fausse, comme elle l’avait plaidé dans la déclaration d’opposition. En réponse à ma remarque selon laquelle la lettre du 28 février 2006 envoyée à l’agent de la Requérant semblait contredire sa position, l’agent de l’Opposante a soutenu que l’Opposante n’avait pas jugé nécessaire de modifier la déclaration d’opposition.

[58]           Je ne suis pas d’accord avec la prétention de l’Opposante selon laquelle il aurait suffi que l’Opposante plaide que la déclaration exigée à l’alinéa 30e) était fausse. À mon avis, en l’absence de toute allégation de fait quant à savoir en quoi la déclaration contenue dans la demande était fausse, on ne saurait dire qu’un motif d’opposition fondé sur une non-conformité à l’alinéa 30e) a été plaidé de manière suffisamment détaillée pour qu’un requérant puisse y répondre. Pour être franc, comment un requérant peut-il savoir quelle preuve il doit réfuter en l’absence de toute allégation quant à savoir en quoi il a fait une fausse déclaration?

[59]           Puisque l’Opposante a plaidé une allégation de fait précise, à savoir que M. Snyder avait toujours eu l’intention de vendre la demande à l’Opposante, il ne s’agit pas en l’espèce d’une situation où le caractère suffisant de l’acte de procédure devrait être déterminé en fonction des éléments de preuve au dossier. À mon avis, le seul motif que l’Opposante peut invoquer au soutien de la conclusion selon laquelle la demande exigée en vertu de l’alinéa 30 e) de la Loi était fausse est le fait pertinent allégué au soutien du motif d’opposition. L’Opposante doit être confinée à l’acte de procédure [voir Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd. / Brasseries Carling O’Keefe du Canada Ltée c. Anheuser-Busch Inc. (1985), 4 C.P.R. (3d) 216 (C.O.M.C.)]. Par conséquent, le fait que le contre-interrogatoire de M. Snyder établit que celui-ci a produit la demande pour le compte de sa société n’est pas pertinent.

[60]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30e) de la Loi, parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait de prouver le fait pertinent allégué dans la déclaration d’opposition.

            Non-conformité à l’alinéa 30i) de la Loi

[61]           Je reproduis ci-dessous le motif d’opposition tel que plaidé :

[TRADUCTION] La demande n’est pas conforme aux dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce. La Requérante originale et la Requérante ne pouvaient pas être convaincues de leur droit d’employer la [Marque]. La Requérante originale a été mise au courant de la marque de commerce iREWARDS et des services de l’Opposante lors de rencontres avec l’Opposante tenues avant la date de production de la demande de la Requérante originale relative à iReward (le 15 octobre 2001).

[62]           L’Opposante n’a pas élaboré sur ce motif d’opposition ni dans ses observations écrites ni dans sa plaidoirie. Cependant, à l’audience, l’agent de l’Opposante a admis que la preuve au soutien de ce motif d’opposition se limitait à la déclaration suivante de Mme Flynn [paragraphe 20] : [TRADUCTION] « Selon ce que je comprends, avant octobre 2001, Mme Stern a informé M. Snyder de l’intérêt d’Indigo à employer la marque de commerce iREWARDS. »

[63]           En contre-interrogatoire, Mme Flynn témoigne qu’elle n’était pas présente lorsque Mme Stern a [TRADUCTION] « informé M. Snyder » [Q181]. En réponse à des engagements, l’Opposante indique que c’est au cours d’une conversation, tenue le 19 ou le 20 décembre 2001, que Mme Stern a dit à Mme Flynn qu’« elle avait informé auparavant M. Snyder (lors d’une conversation téléphonique faisant suite à un de ses courriels) » de l’intention de l’Opposante.

[64]           Les déclarations faites dans un affidavit sur la foi de «  renseignements et de croyances » sont irrecevables à première vue en tant que preuve par ouï-dire à moins qu’elles ne satisfassent aux critères de la nécessité et de la fiabilité [voir Labatt Brewing Co. c. Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.)]. Aucune raison n’a été donnée quant à savoir pourquoi Nathalie Stern n’aurait pas pu fournir cet élément de preuve [voir R. c. Khan [1990] 2 R.C.S. 531]. Dans ces circonstances, je conclus que l’élément de preuve que l’Opposante a produit au soutien de ce motif d’opposition est irrecevable en tant que preuve par ouï-dire.

[65]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’Opposante n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau de présentation qui lui incombait, et je rejette donc le motif d’opposition fondé sur la non-conformité à l’alinéa 30i) de la Loi.

[66]           J’aimerais ajouter que, dans l’hypothèse où j’aurais eu tort de considérer que l’élément de preuve de l’Opposante était irrecevable, le motif d’opposition aurait connu le même sort. En effet, au paragraphe 23 de son affidavit, M. Snyder affirme qu’on ne lui a jamais dit que l’Opposante [TRADUCTION] « envisageait un programme de cartes de fidélité sous le nom iREWARDS ». Il ajoute : « Mme Stern a indiqué qu’Indigo songeait à créer son propre programme, mais elle n’a fourni aucun autre renseignement, et elle n’a certainement pas mentionné le nom iREWARDS. » Le témoignage de M. Snyder lors de son contre-interrogatoire ne contredit pas ces affirmations. J’aurais donc conclu que la Requérante s’était acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’à la date de production de la demande, la déclaration que M. Snyder avait faite conformément aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi était conforme à la vérité.

Décision

[67]           Compte tenu de ce qui précède, dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement selon les dispositions de l’article 38(8) de la Loi.

 

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

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