Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 189

Date de la décision : 2015-10-26

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

4072430 Canada Inc.

 

Opposante

et

 

Roberto Cavalli S.p.A.

Requérante

 

 

 



 

1,472,409 pour CAVALLI

 

Demande

I           Introduction

[1]               4072430 Canada Inc (l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce CAVALLI (la Marque), dont la demande d'enregistrement a été produite par Roberto Cavalli S.p.A. (la Requérante), en liaison avec une variété de services, y compris divers services d'enseignements, des services de divertissement, des activités sportives et culturelles et des services logement temporaires.

[2]               La question déterminante en l'espèce est celle de savoir si, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce CAVALLI de l'Opposante, laquelle aurait été précédemment employée au Canada en liaison avec des services de restauration, de bar et de traiteur.

[3]               Pour les raisons qui suivent, j'estime que l'opposition doit être rejetée.

II         Le dossier

[4]               La demande portant le no 1,472,409 a été produite le 9 mars 2010 par la Requérante, alors connue sous le nom Erreci S.R.L.

[5]               La demande d'enregistrement est fondée sur l'enregistrement et l'emploi de la Marque en Italie et sur un emploi projeté de la Marque au Canada. L'état déclaratif des services complet de la demande au dossier, tel qu'il a été modifié le 3 juin 2014, va comme suit :

[Traduction]
(1) Services éducatifs, nommément tenue de cours, de séminaires, de conférences et d'ateliers dans les domaines de la mode et de la décoration intérieure; formation dans les domaines de la mode et de la décoration intérieure; divertissement, à savoir concours de beauté, défilés de mode, émissions de télévision dans le domaine de la mode, services de mannequin de mode à des fins de divertissement, journaux télévisés, prestations de personnalités en direct à la radio, présentation de concerts, concerts par un groupe de musique, concerts; offre d'un site Web d'information et de divertissement dans les domaines des potins de célébrités, du divertissement, de la mode, du sport et de l'entraînement physique; activités sportives et culturelles, nommément organisation d'expositions de mode à des fins culturelles, sportives et éducatives; organisation et production de défilés de mode; services d'hébergement temporaire, nommément hôtels, motels, pensions de famille, petits hôtels et maisons de tourisme.

[6]               La demande a été annoncée dans l'édition du 30 janvier 2013 du Journal des marques de commerce.

[7]               La déclaration d'opposition a été produite le 26 mars 2013. Elle invoque plusieurs motifs d'opposition en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T‑13 (la Loi), que j'ai résumés dans l'annexe A de la présente décision. De façon générale, les motifs d'opposition sont fondés sur des allégations portant que la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi; la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque; et la Marque n'est pas distinctive des services de la Requérante.

[8]               La Requérante a produit une contre-déclaration le 14 juin 2013.

[9]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Giorgio Damiani, souscrit le 11 octobre 2013, accompagné des pièces GD-1 à GD-7. M. Damiani a été contre-interrogé; la transcription de son contre-interrogatoire ainsi que sa réponse aux engagements sont été versés au dossier.

[10]           À l'appui de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de Gay J. Owens, souscrit le 20 août 2014, accompagné de la pièce A. Mme Owens n'a pas été contre-interrogée.

[11]           Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit.

[12]           Aucune audience n'a été tenue.

III        Fardeau de preuve et dates pertinentes

[13]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi invoquées dans la déclaration d'opposition. Cela signifie que s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre de la Requérante. L'Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à l'Opposante signifie qu'un motif d'opposition ne sera pris en considération que s'il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al 2002 CAF 29, 20 CPR (4e) 155; et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company 2005 CF 722, 41 CPR (4e) 223].

[14]           Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition sont les suivantes :

      articles 38(2)a) et 30 de la Loi ‑ la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)];

      articles 38(2)c)/16(2)a) et 16(2)c) de la Loi – la date de production de la demande;

      articles 38(2)c)/16(3)a) et 16(3)c) de la Loi – la date de production de la demande; et

      articles 38(2)d) et 2 de la Loi – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc 2004 CF 1185, 34 CPR (4e) 317].

IV        Aperçu de la preuve

IV.1     La preuve de l'Opposante

[15]           Dans mon examen de la preuve, je ne tiendrai pas compte des déclarations de M. Damiani qui sont des opinions sur une question de fait et de droit qui doit être tranchée par le registraire. En outre, comme la Requérante n'a présenté aucune observation concernant le contre-interrogatoire de M. Damiani, je n'y ferai référence que dans la mesure où il s'applique au résumé que j'ai fait de son témoignage écrit.

[16]           Je commence mon examen de l'affidavit en soulignant que M. Damiani fait référence à [Traduction] l'« offre d'aliments et de boissons, services de traiteur, de restauration, de cafés, de cafétérias, de bar et de bar-salon » dans le cadre des services couverts par la demande d'enregistrement relative à la Marque [para 3]. Même si ces services étaient inclus dans la demande au moment où l'affidavit a été souscrit, soit le 11 octobre 2013, ils ont été supprimés dans la demande modifiée produite le 3 juin 2014.

[17]           M. Damiani est le président de l'Opposante. Il est également le président de Montréal Gourmet Holdings Inc (Montréal Gourmet) [para 1]. Depuis sa fondation en 2010, Montréal Gourmet est la licenciée de l'Opposante pour le marketing, la promotion et l'annonce de la marque de commerce CAVALLI en liaison avec des services de restauration, de bar et de traiteur [para 6 tel qu'il a été corrigé lors du contre-interrogatoire, pages 4 et 5 de la transcription]. Une copie de l'accord de licence a été produite en réponse à un engagement [Q22].

[18]           À cette étape-ci, je note que M. Damiani fait référence à l'emploi et à la promotion de la marque de commerce CAVALLI de l'Opposante tout au long de son affidavit. Il ne fait aucunement mention de l'emploi ou de la promotion de l'un ou l'autre des noms commerciaux CAVALLI ou RESTAURANT CAVALLI.

[19]           Je résume comme suit le témoignage de M. Damiani relativement à l'emploi et à la promotion de la marque de commerce CAVALLI de l'Opposante :

      l'Opposante exploite le restaurant CAVALLI, situé au centre-ville de Montréal, depuis juin 2003. Le restaurant offre aussi des services de bar et de traiteur [para 5 tel qu'il a été corrigé lors du contre-interrogatoire, page 4 de la transcription];

      depuis au moins 2005, le chiffre d'affaires annuel de l'Opposante pour les services exécutés sous la marque de commerce n'a jamais été inférieur à 4,5 M$ [para 8]; et

      depuis au moins 2005, les dépenses annuelles moyennes de l'Opposante pour la promotion et l'annonce des services de restauration, de bar et de traiteur en liaison avec la marque de commerce ont toujours été supérieures à 100 000 $ [para 9].

[20]           En résumé, la preuve documentaire produite par M. Damiani est décrite comme suit :

      un échantillon d'extraits du site Web de l'Opposante, www.ristorantecavalli.com, exploité depuis au moins aussi tôt que juin 2003 [para 5 tel qu'il a été corrigé lors du contre-interrogatoire, et pièce GD-1];

      deux trousses de documentation générale distribuées à Montréal et dans les environs depuis 2007 et 2011 respectivement [para 7 et pièce GD-2];

      un échantillon de documents publicitaires distribués à Montréal et dans les environs entre 2006 et 2012 [pièce GD-3]; un échantillon de « brochures électroniques » distribuées par courriel à Montréal et dans les environs entre 2005 et 2012 [pièce GD-4]. On dit qu'il s'agit d'annonces types pour des événements spéciaux tenus chez CAVALLI [para 10];

      un échantillon d'articles dans lesquels on fait référence aux services de restauration, de bar et de traiteur CAVALLI de l'Opposante [pièce GD-5]. On dit que ces articles ont été publiés entre 2004 et 2008 dans des journaux canadiens et d'autres publications distribués et accessibles au Canada [para 11]; et

      un échantillon de communiqués de presse publiés par l'Opposante en 2004 et 2006 [pièce GD-6]. On dit que ces derniers sont représentatifs des communiqués de presse périodiquement distribués, principalement par envoi massif de courriels, à Montréal et dans les environs. À la date de l'affidavit, la base de données de l'Opposante comptait plus de 25 000 adresses de courrier électronique pour la distribution de communiqués de presse [para 12].

[21]           M. Damiani conclut son affidavit en déclarant que la Requérante exploite un site Web, www.cavallicaffe.com, pour annoncer et promouvoir ses services dans l'industrie de l'alimentation et des boissons. Il produit un échantillon d'extraits imprimés à partir de ce site Web, ainsi qu'un imprimé du site Web www.webnames.ca, pour montrer les détails du nom de domaine « cavallicaffe.com » de la Requérante [para 15 et pièce GD-7 de l'affidavit]. Comme l'Opposante a choisi de ne pas produire d'observations dans le cadre des présentes procédures, rien ne nous indique ce qu'elle tente d'établir avec la preuve qui serait liée au site Web de la Requérante.

IV.2     La preuve de l'Opposante

[22]           Mme Owens est recherchiste en marques de commerce à l'emploi de la firme d'agents de marques de commerce de la Requérante [para 1].

[23]           Mme Owens produit une preuve d'enregistrements canadiens appartenant à la Requérante, pour des marques de commerce qui contiennent le terme CAVALLI [para 3 et pièce A]. Ces marques de commerce sont les suivantes : C‑JUST CAVALLI Dessin (LMC583,018; LMC584,203; LMC619,713), CAVALLI (LMC802,156), JUSTCAVALLI Dessin (LMC854,953), ROBERTO CAVALLI Dessin (LMC550,219; LMC578,189; LMC545,888; LMC582,880) et ROBERTO CAVALLI SERPENTINE Dessin (LMC680,300).

[24]           Je remarque que cette preuve n'aide pas la Requérante dans le cadre des présentes procédures. Je me contenterai de dire qu'il n'est pas accordé au propriétaire d'un enregistrement le droit automatique d'obtenir d'autres enregistrements pour la même marque ou pour l'élément qui la compose [voir Groupe Lavo Inc c Procter & Gamble Inc (1990),32 CPR (3d) 533 (COMC) à la p 538].

V         Motifs d’opposition rejetés sommairement

[25]           Pour les raisons exposées ci-dessous, puisque l'Opposante a choisi de ne pas présenter d'observations dans le cadre des présentes procédures, je rejette sommairement chacun des motifs d'opposition pour lesquels le non-respect des exigences prévues à l'article 30 de la Loi est invoqué.

[26]           Les deux motifs d'opposition fondés sur le non-respect de l'article 30d) de la Loi sont, en soi, rejetés, puisque l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait.

[27]           Les deux motifs d'opposition fondés sur le non-respect de l'article 30e) de la Loi sont, en soi, rejetés, puisque l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait.

[28]           Les motifs d'opposition sont fondés sur le non-respect de l'article 30h) ainsi qu'avec les articles 30d) ou 30 e) de la Loi et sont rejetés parce qu'ils n'ont pas été dûment plaidés. Comme la demande vise l'enregistrement du mot CAVALLI seulement, non illustré dans une forme particulière, les exigences prévues à l'article 30h) de la Loi ne s'appliquent pas.

[29]           Le motif d'opposition invoquant le non-respect des exigences prévues à l'article 30i) de la Loi est entièrement rejeté pour les raisons exposées ci-dessous.

[30]           L'article 30i) de la Loi exige que le requérant inclue dans la demande une déclaration portant qu'il est convaincu qu’il a droit d’employer la marque de commerce au Canada. Non seulement il n'y a aucune preuve que la Requérante aurait pu être au courant des droits antérieurs allégués par l'Opposante, mais de plus l'Opposante n'a produit aucune preuve pour corroborer son allégation portant que la Requérante a faussement produit la déclaration exigée au titre de l'article 30i) de la Loi. J'ajouterais que le simple fait d'être au courant des droits antérieurs qu’allègue un opposant n’empêche pas un requérant de produire sincèrement les déclarations prévues à l’article 30i) de la Loi.

[31]           Si l'on suppose que le volet du motif d'opposition fondé sur le non-respect de l'article 22 de la Loi est un motif d'opposition valable, il est rejeté parce qu'il n'a pas été adéquatement plaidé. L'article 22 de la Loi s'applique aux marques de commerce déposées. En l'espèce, l'Opposante n'allègue pas être propriétaire d'une marque de commerce déposée.

[32]           Le registraire a déjà considéré l'article 7b) de la Loi comme un motif d'opposition valable selon le principe général portant que le registraire ne peut pas fermer les yeux sur l'enregistrement d'une marque si l'emploi de la marque par le requérant enfreint des lois fédérales [voir Institut National des Appellations d’Origine c Pepperidge Farm (1997), 84 CPR (3d) 540 aux p 556 et 557 (COMC)]. En l'absence d'observations de la part de l'Opposante, je me contenterai de dire que je rejette le troisième volet du motif d’opposition parce que le fait que l'Opposante ne se soit pas acquittée du fardeau de preuve d'établir l'emploi de la Marque en date du 9 mars 2010 aurait été contraire à l'article 7b) de la Loi.

[33]           Enfin, je note que, dans son plaidoyer écrit, la Requérante fait référence à un motif d'opposition alléguant le non-respect de l'article 30 de la Loi parce que la Requérante ne s'inscrit pas dans la définition d'une personne au sens de la Loi. À cet égard, la Requérante cite le paragraphe 1 de la page 6 de la déclaration d'opposition. Cependant, ce paragraphe ne contient aucune allégation portant que la Requérant n'est pas une personne. Il contient plutôt une allégation indiquant que l'Opposante est une « personne » au sens de l'article 2 de la Loi. Quoi qu'il en soit, il n'y a aucune preuve qui aurait pu corroborer une allégation portant que la Requérante n'est pas une personne au sens de la Loi.

VI        Examen des autres motifs d'opposition

[34]           Deux questions découlent des motifs d'opposition qu'il reste à trancher, à savoir :

1.  La Requérante était-elle la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en date du 9 mars 2010?

2.  La Marque était-elle distinctive des services de la Requérante en date du 26 mars 2013?

[35]           J'analyserai tour à tour chacune de ces questions.

La Requérante était-elle la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en date du 9 mars 2010?

[36]           Cette question découle des motifs d'opposition selon lesquels il est allégué que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque étant donné la probabilité de confusion avec :

      la marque de commerce CAVALLI de l'Opposante précédemment employée ou révélée au Canada en liaison avec des services de restaurant, de bar et de traiteur, en violation des articles 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi; et

      le nom commercial CAVALLI ou RESTAURANT CAVALLI de l'Opposante précédemment employé au Canada en liaison avec des services de restaurant, de bar et de traiteur, en violation de l'article 16(2)c) et 16(3)c) de la Loi.

[37]           Comme je l'ai mentionné précédemment, M. Damiani ne fait aucunement mention dans son affidavit de l'emploi ou de la promotion du nom commercial CAVALLI ou RESTAURANT CAVALLI. En outre, comme l'Opposante a choisi de ne pas produire d'observations dans le cadre des présentes procédures, je ne dispose d'aucune preuve servant de fondement pour établir l'emploi de ses noms commerciaux allégués.

[38]           Par conséquent, faute d'observations de la part de l'Opposante, j'estime que l'Opposante n'a produit aucune preuve pour établir qu'elle employait l'un ou l'autre de ses noms commerciaux allégués CAVALLI ou RESTAURANT CAVALLI avant le 9 mars 2010, et qu'elle ne les avait pas abandonnés à la date de l'annonce de la demande, soit le 30 janvier 2013 [article 16(5) de la Loi].

[39]           Je rejette donc les motifs d'opposition fondés sur les articles 16(2)c) et 16(3)c) de la Loi parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve.

[40]           Toutefois, je suis convaincue que l'Opposante a produit une preuve suffisante pour s'acquitter du fardeau de preuve initial qui lui incombe, soit de démontrer qu'elle a employé la marque de commerce CAVALLI au Canada avant le 9 mars 2010 et qu'elle ne l'avait pas abandonnée à la date de l'annonce de la demande. J'ajouterais que cela n'a pas été contesté par la Requérante.

[41]           Il reste donc à déterminer si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime d'établir que, en date du 9 mars 2010, il n'existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce CAVALLI de l'Opposante.

[42]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi porte que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits ou les services liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont impartis ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[43]           En appliquant le critère relatif à la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisément énumérées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même. [Voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc 2006 CSC 22, 49 CPR (4e) 321; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al 2006 CSC 23, 49 CPR (4e) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc 2011 CSC 27, 92 CPR (4e) 361 pour une analyse exhaustive des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion.]

Examen des facteurs énoncés à l'article 6(5)

[44]           Dans la plupart des cas, le facteur dominant au moment de déterminer la question de la confusion concerne le degré de ressemblance entre les marques de commerce, dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent; les autres facteurs en jeu jouent un rôle secondaire dans l'ensemble des circonstances pertinentes [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 CPR (2d) 145 CF 1re inst), conf. 60 CPR (2d) 70 (CAF)]. Dans Masterpiece, précitée, la Cour suprême du Canada a examiné l'importance que revêt le facteur énoncé à l'article 6(5)e) de la Loi dans l'analyse de la probabilité de confusion :

[Traduction]
[49] [...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d'avoir le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion, et ce, même s'il est mentionné en dernier lieu à l'article 6(5) [...] si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l'analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. [Les] autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires [...]. En conséquence, certains prétendent que, dans la plupart des cas, l'étude de la ressemblance devrait constituer le point de départ de l'analyse relative à la confusion.

[45]           En l’espèce, il est évident, eu égard à l’article 6(5)e) de la Loi, que les marques de commerce en cause sont identiques dans le son, la présentation et les idées qu'elles suggèrent. Par conséquent, et conformément au raisonnement suivi dans Masterpiece, précitée, les autres facteurs doivent être étudiés attentivement puisqu'ils revêtent une importance encore plus grande dans de telles circonstances.

[46]           En l'absence d'observations de la part de la Requérante concernant les facteurs énoncés aux articles 6(5)a) et 6(5)b), je n'en discuterai pas longuement. Les marques des parties possèdent un caractère distinctif inhérent de même degré. En ce qui concerne la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues au Canada, une lecture objective de l'affidavit de M. Damiani me mène à conclure que la marque de commerce CAVALLI de l'Opposante était devenue suffisamment connue dans le Grand Montréal en date du 9 mars 2010. En outre, je suis convaincue que la preuve de l'Opposante établit qu'au 9 mars 2020 la marque de commerce CAVALLI était employée par l'Opposante en liaison avec des services de restaurant, de bar et de traiteur depuis juin 2003. En revanche, il n'y aucune preuve indiquant que la Marque, visée par une demande d'enregistrement à la fois sur la base de son enregistrement et de son emploi en Italie et sur la base d'un emploi projeté au Canada, avait été employée ou annoncée au Canada en date du 9 mars 2010.

[47]           Par conséquent, bien que les deux marques de commerce possèdent un caractère distinctif inhérent de même degré, si l'on tient compte de la mesure dans laquelle elles sont devenues connues au Canada, l'examen global du facteur énoncé à l'article 6(5)a) favorise l'Opposante. De la même façon, le facteur énoncé à l'article 6(5)b) favorise l'Opposante.

[48]           Je vais maintenant me pencher sur le genre des services et la nature du commerce, qui sont au cœur du plaidoyer écrit de la Requérante.

[49]           La Requérante fait valoir que, même si la différence entre les produits ou les services associés aux marques respectives ne permet pas de trancher clairement la question de la confusion, le genre des produits ou des services est assurément pertinent; dans certains cas, cela aura plus de poids que dans d'autres [voir Mattel Inc, supra, au para 73]. La Requérante soutient que, en l'espèce, le genre des services aura plus de poids que les autres facteurs.

[50]           La Requérante fait valoir que la demande d'enregistrement relative à la Marque, telle qu'elle a été modifiée le 3 juin 2014, vise des services qui sont totalement distincts des services associés à la marque de commerce de l'Opposante.

[51]           En l'absence d'observations de la part de l'Opposante, je me contenterai de dire que je suis essentiellement d'accord avec la Requérante pour dire que les services suivants énumérés dans la demande d'enregistrement relative à la Marque se distinguent des services de restauration, de bar et de traiteur associés à la marque de commerce de l'Opposante.

[Traduction]
(1) Services éducatifs, nommément tenue de cours, de séminaires, de conférences et d'ateliers dans les domaines de la mode et de la décoration intérieure; formation dans les domaines de la mode et de la décoration intérieure; divertissement, à savoir concours de beauté, défilés de mode, émissions de télévision dans le domaine de la mode, services de mannequin de mode à des fins de divertissement, journaux télévisés, prestations de personnalités en direct à la radio, présentation de concerts, concerts par un groupe de musique, concerts; offre d'un site Web d'information et de divertissement dans les domaines des potins de célébrités, du divertissement, de la mode, du sport et de l'entraînement physique; activités sportives et culturelles, nommément organisation d'expositions de mode à des fins culturelles, sportives et éducatives; organisation et production de défilés de mode; ...

[52]           Je suis aussi d'accord avec la Requérante sur le fait que les [Traduction] « services d'hébergement temporaire, nommément hôtels, motels, pensions de famille, petits hôtels et maisons de tourisme » énumérés dans la demande d'enregistrement relative à la Marque se distinguent des services de restaurant, de bar et de traiteur de l'Opposante. Le simple fait que ces services appartiennent tous à la même catégorie générale de services d'accueil ne signifie pas que les services des parties sont semblables. Bien que chaque cas doive être tranché en fonction de ses propres mérites, je suis d'accord avec la Requérante pour dire que les commentaires suivants du Registraire (par l'entremise de la membre de Paulsen) dans Euromed Restaurant Limited c Trilogy Properties Corporation, 2012 COMC 19 s'appliquent en l'espèce :

[Traduction]
[23] Dans son affidavit, M. Amaro déclare qu’il ne [TRADUCTION] « connaît pas d’hôtel au Canada qui n’offre pas un service de restauration ou de bar ou un service de nourriture servie aux chambres » (affidavit de M. Amaro, au paragraphe 32). Il ajoute que les hôtels au Canada sont reconnus pour avoir des restaurants et des bars sur place qui font partie des services offerts par l’hôtel (affidavit de M. Amaro, au paragaphe 31). Je ne suis pas d’accord pour dire que la prestation de services liés à l’offre de nourriture et de boissons est considérée comme faisant partie des services hôteliers. Comme dans l'affaire Courtyard Restaurant Inc. c Marriott Worldwide Corp.; 2006 CarswellNat 5371 (COMC) au para 56, j'estime que ces services occupent différents créneaux puisque l'un vise principalement les services hôteliers et l'autre les services de restauration et de bar [Sim & McBurney c Decore Holdings Inc. (2011), 94 CPR (4e) 399 (COMC) au para 16]. Le simple fait que les services des parties appartiennent tous à la même catégorie générale de services d'accueil ne signifie pas que les services des parties sont semblables. De plus, les services des parties cibleraient des parties différentes (ceux qui souhaitent se loger par rapport à ceux qui souhaitent manger au restaurant).

[53]           J'ajouterais que Courtyard Restaurant Inc, précitée, est une décision que j'ai rendue au nom du registraire, et où je déclare ceci, au para 56 : [Traduction] « Je conclus que les services d’hôtel et les services de restaurant sont des services distincts [voir Ritz-Carlton Hotel Co. of Montreal c Federal Diversiplex Ltd. (1979), 59 CPR (2d) 123 (COMC)  ». En l'absence d'arguments ou de preuve du contraire de la part de l'Opposante, je ne vois aucune raison de tirer une conclusion différente en l'espèce.

[54]           L'article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la confusion quant à la source des produits ou des services.

[55]           Lorsque j'ai appliqué le test en matière de confusion, j'ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Dans mon appréciation de l'ensemble des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, je suis convaincue que la Requérante s'est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait, à savoir de démontrer qu'au 9 mars 2010 il n'existait aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque, en liaison avec les services énumérés dans la demande no 1,472,409, et la marque de commerce CAVALLI de l'Opposante, en liaison avec des services de restaurant, de bar et de traiteur. Plus particulièrement, j'estime qu'en l'espèce les différences importantes entre les services associés aux marques de commerce en cause font définitivement pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante.

[56]           Par conséquent, je rejette le motif d'opposition fondé sur les articles 16(2)a) et 16(3)a)de la Loi.

La Marque était-elle distinctive des services de la Requérante en date du 26 mars 2013?

[57]           La question découle du motif d’opposition selon lequel il est allégué que la Marque n’est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi, puisque la Marque ne distingue pas, ni n'est adaptée à distinguer, les services en liaison avec lesquelles elle est employée ou sera éventuellement employée par la Requérante des services de l'Opposante.

[58]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif, l'Opposante doit établir que sa marque de commerce alléguée CAVALLI, ou l'un de ses noms commerciaux allégués CAVALLI ou RESTAURANT CAVALLI, avait acquis une réputation considérable, importante et suffisante au Canada en liaison avec des services de restaurant, de bar et de traiteur, pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif en date du 26 mars 2013 [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); Bojangles’ International, LLC et Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4e) 427 (CF)].

[59]           Ici encore, en l'absence d'observations de la part de l'Opposante, j'estime qu'elle ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait relativement à ses noms commerciaux allégués CAVALLI et RESTAURANT CAVALLI.

[60]           Cependant, à la suite de mon examen de la preuve de l'Opposante, et étant donné l'absence d'observations m'indiquant le contraire de la part de la Requérante, je suis convaincue que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait concernant sa marque de commerce CAVALLI.

[61]           Comme il a été mentionné précédemment, au moment de prendre en considération les circonstances de l'espèce, j'estime que les différences importantes entre les services associés aux marques de commerce en cause font définitivement pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante. Comme les différences entre les dates pertinentes n'ont pas une grande incidence sur la résolution de la question de confusion, mes conclusions quant au motif d’opposition fondé sur l'absence de droit à l’enregistrement, selon à savoir qu'il n'existe aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce CAVALLI de l'Opposante, s'appliquent également au motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif.

[62]           En conséquence, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif.

VII      Décision

[63]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

Aucune audience tenue

 

Agents au dossier

 

Robic                                                                                       Pour l'Opposante

 

Fetherstonhaugh & Co.                                                           Pour la Requérante


 

Annexe A

Résumé des motifs d'opposition

1.  Au sens de l'article 38(2)a) de la Loi, la demande ne respecte pas les dispositions de l'article 30 de la Loi.

(a)     Contrairement à l'article 30d) de la Loi, la Requérante n'a jamais employé la Marque en liaison avec chacun des services énumérés dans la demande; la Requérante n'est pas la propriétaire des enregistrements à l’étranger allégués; à la date de la production de la demande, la Marque n'était pas employée en Italie; et la Requérante n'a pas, selon le cas, nommé ses prédécesseurs en titre.

(b)     Contrairement aux articles 30d) et 30h) de la Loi, la marque de commerce qui aurait été employée n'est pas la Marque.

(c)     De manière alternative ou cumulative, contrairement à l'article 30d) de la Loi, l'emploi de la Marque ne s'est pas fait de façon continue pour chacun des services énumérés dans la demande.

(d)     Contrairement à l'article 30e) de la Loi, à la date de production de la demande, la Requérante employait déjà la Marque au Canada en liaison avec chacun des services énumérés dans la demande.

(e)     Contrairement aux articles 30e) et 30h) de la Loi, la marque de commerce dont l'emploi était projeté n'est pas la Marque.

(f)      De manière alternative ou cumulative, contrairement à l'article 30e) de la Loi, la Requérante n'a jamais eu l'intention d'employer la Marque au Canada elle-même, par l'entremise d'un licencié, ou les deux, en liaison avec chacun des services énumérés dans la demande.

(g)     Contrairement à l'article 30i) de la Loi, la déclaration de la Requérante sur son droit à l'emploi de la Marque au Canada est fausse étant donné le contenu de la déclaration d'opposition, notamment la connaissance qu'avait la Requérante des droits de l'Opposante et l'illégalité dudit emploi. Plus particulièrement, l'emploi serait, a été, et est illégal, en ce sens que :

(i)        un tel emploi viole les droits de propriété de l'Opposante;

(ii)       un tel emploi aurait pour effet d'entraîner une diminution de la valeur de l'achalandage lié à la marque de commerce alléguée par l'Opposante, en contravention de l'article 22 de la Loi; et

(iii)      un tel emploi attirerait l'attention des consommateurs sur les services ou l'entreprise de la Requérante, de manière à créer de la confusion entre ces derniers et les services ou l'entreprise de l'Opposante, ce qui est contraire à l'article 7b) de la Loi.

2.  Au sens de l'article 38(2)c) de la Loi, la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en vertu de l'article 16 de la Loi.

(a)     Contrairement aux articles 16(2)a) et 16(3)a) de la Loi, pendant la période pertinente, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce CAVALLI de l'Opposante, précédemment employée ou révélée au Canada par l'Opposante ou ses prédécesseurs en titre (ou pour leur compte, par des licenciés) en liaison avec des services de restaurant, de bar et de traiteur.

(a)     Contrairement aux articles 16(2)c) et 16(3)c) de la Loi, pendant la période pertinente, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial CAVALLI ou RESTAURANT CAVALLI de l'Opposante, précédemment employé au Canada par l'Opposante ou ses prédécesseurs en titre (ou pour leur compte, par des licenciés) en liaison avec des services de restaurant, de bar et de traiteur.

3.  En vertu de l'article 38(2)d) de la Loi, la Marque n’est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi, puisque la Marque ne distingue pas réellement, ni n'est adaptée à distinguer, les services en liaison avec lesquelles elle est employée ou sera éventuellement employée par la Requérante des services de l'Opposante.

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