Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 224

Date de la décision : 2012-11-21

 

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par Imperial Tobacco Canada Limited et Marlboro Canada Limited à l’encontre de l’enregistrement n1335783 pour la marque de commerce WIDE OPEN FLAVOR et dessin au nom de Philip Morris Products S.A.

 

[1]               Le 16 février 2007, Philip Morris Products S.A. (le Requérant) a déposé une demande d’enregistrement de la marque de commerce WIDE OPEN FLAVOR et dessin (illustrée ci-dessous) (la Marque) fondée sur l’emploi de la Marque en Allemagne et l’enregistrement de la Marque en Suisse sous le no 546607 en liaison avec les cigarettes :

WIDE OPEN FLAVOR & DESIGN

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 28 novembre 2007.

[3]               Imperial Tobacco Canada Limited et Marlboro Canada Limited (ci-après désignés ensemble comme l’Opposant) ont produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande. Le Requérant a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle il a démenti les allégations de l’Opposant.

[4]               En guise d’éléments de preuve en vertu du paragraphe 41(1) du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement), l’Opposant a produit les documents suivants :

         L’affidavit d’Ed Ricard, chef de division, recherche et information en marketing de la division de la commercialisation d’Imperial Tobacco Canada Limited de l’Opposant, souscrit le 27 octobre 2008.

         L’affidavit de Chuck Chakrapani, conseiller en recherche et conseiller de liaison de l’industrie de l’École de gestion Ted Rogers et agrégé supérieur de recherche du Centre for the Study of Commercial Activity de l’Université Ryerson de Toronto, en plus d’être gestionnaire du savoir de BehaviorWorx de Toronto et du groupe Blackstone de Chicago, souscrit le 24 octobre 2008.

         L’affidavit de Corinne Matte, une assistante au service du cabinet qui représente l’Opposant, souscrit le 25 août 2008.

         Une copie certifiée de l’enregistrement no LMCD55988 pour la marque de commerce MARLBORO.

         Une copie certifiée de la décision du 1er novembre 1985 par le juge Rouleau de la Cour fédérale du Canada, Section de première instance (dossier no T-3387-81).

         Une copie certifiée de la décision du 29 septembre 1987 par le juge MacGuigan de la Cour d’appel fédérale du Canada (dossier no A-906-85).

[5]               M. Ricard et M. Chakrapani ont été contre-interrogés au sujet de leurs affidavits et les transcriptions des contre-interrogatoires, ainsi que les réponses aux procédures, ont été déposées et inscrites au dossier du Registraire. L’Opposant a également produit, au titre de l’article 44 du Règlement, les éléments de preuve suivants :

         Une copie certifiée du plaidoyer du 10 mars 2010 intitulé Deuxième modification apportée à la défense et demande reconventionnelle, versé au dossier nT-1784-06 de la Cour fédérale.

         Des copies certifiées de la décision et des raisons de la décision rendue le 29 juin 2012 par la juge Gauthier de la Cour d’appel fédérale du Canada (dossier no A-463-10).

[6]               En application du paragraphe 42(1) du Règlement, le Requérant a produit comme élément de preuve un affidavit d’Anna DiDomenico, une stagiaire en droit principale au service du cabinet qui représente le Requérant, souscrit le 1er février 2010. Le Requérant a également produit, conformément à l’article 44 du Règlement, une copie de l’Avis de demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada (registre – 35001), versé au dossier le 28 septembre 2012, à partir de la décision rendue par la Cour d’appel fédérale le 29 juin 2012 (dossier no A-463-10).

[7]               Les deux parties ont produit des plaidoyers et étaient représentées par un avocat à l’audience, au cours de laquelle l’Opposant a retiré le motif d’opposition allégué à l’alinéa 18(a)(ii) de la déclaration d’opposition soutenant que le Requérant ne pouvait pas être convaincu d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande suivant l’alinéa 30(i) de la Loi, compte tenu de la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce MARLBORO de l’Opposant par le Requérant, suivant l’article 22 de la Loi.

[8]               Les autres motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

  • Le Requérant ne pouvait pas être convaincu d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande suivant l’alinéa 30(i) de la Loi étant donné que le Requérant rivalise injustement avec l’Opposant en créant expressément et intentionnellement de la confusion avec la marque de commerce MARLBORO de l’Opposant, comme il a été expliqué plus en détail dans les paragraphes d’introduction de la déclaration d’opposition, le tout suivant l’alinéa 7(b) de la Loi et l’article 1457 du Code civil du Québec.
  • La Marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)(d) de la Loi, car elle crée de la confusion avec la marque de commerce MARLBORO de l’Opposant enregistrée sous le no LMCD55988.
  • Le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque selon les dispositions des alinéas 16(2)(a) et (c) et 16(3)(a) et (c) de la Loi, puisque la marque de commerce MARLBORO et le nom commercial MARLBORO CANADA ont été employés par l’Opposant depuis bien avant la date de production de la demande en l’espèce, et la Marque créait de la confusion sur ce point, comme il a été expliqué plus en détail dans les paragraphes d’introduction de la déclaration d’opposition.
  • La Marque n’est pas distinctive en ce qu’elle ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer les marchandises visées par la demande puisque la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce MARLBORO de l’Opposant et son nom commercial, comme il a été expliqué plus en détail dans les paragraphes d’introduction de la déclaration d’opposition.

Fardeaux de preuve

[9]               Le Requérant a le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposant de s’acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited, (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.) et Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (CAF)].

[10]           Avant d’examiner chacun des motifs d’opposition restants en l’espèce, j’aimerais présenter brièvement un résumé de l’historique et des faits de cette cause.

Résumé de l’historique et des faits de cette cause

[11]           Les parties de la procédure en question ne sont pas étrangères. Elles ont une longue histoire en ce qui concerne l’emploi de la marque de commerce MARLBORO au Canada et, à cet égard, ont été impliquées dans différents litiges, y compris ceux susmentionnés, devant la Cour fédérale dans Philip Morris Incorporated c. Imperial Tobacco Ltd (1985), 7 C.P.R. (3d) 254 (C.F. 1re inst.) (uge Rouleau) (ci-après Philip Morris 1985), décision confirmée par la Cour d’appel fédérale dans Philip Morris Inc c. Imperial Tobacco Ltd (No 1) (1987), 17 C.P.R. (3d) 289 (CAF) (juge MacGuigan) (ci-après Philip Morris 1987), et Philip Morris Products SA and Rothmans, Benson & Hedges, Inc c. Marlboro Canada Limited and Imperial Tobacco Canada Limited (2010), 90 C.P.R. (4th) 1 (CF) (juge de Montigny) (ci-après Philip Morris 2010), décision rejetée en partie par la Cour d’appel fédérale dans Marlboro Canada Limited and Imperial Tobacco Canada Limited c. Philip Morris Products SA and Rothmans, Benson & Hedges Inc (2012), 103 C.P.R. (4th) 259 (CAF) (juge Gauthier) (ci-après Philip Morris 2012).

[12]           L’historique de l’emploi de la marque de commerce MARLBORO et de la façon dont elle a été enregistrée au nom de l’Opposant au Canada est relaté par les éléments de preuve de M. Ricard et a également été examiné et décrit en détail par le juge Rouleau dans Philip Morris 1985 et par le juge de Montigny dans Philip Morris 2010. Cet historique n’a pas été contesté par les parties dans la procédure en question.

[13]           L’historique de l’emploi du dessin géométrique de « toit » (décrit ci-après) par le Requérant et ses prédécesseurs, comme présenté par les éléments de preuve de M. Ricard, a également été examiné et décrit en détail par le juge de Montigny dans Philip Morris 2010 et n’est pas contesté par les parties.

[14]           En particulier, les deux parties s’appuient sur ces conclusions de fait judiciaires, de même que sur les éléments de preuve de M. Ricard, comme présentés ci-après :

  • Les prédécesseurs en titre du Requérant et ses anciennes sociétés affiliées (ci-après parfois désignés ensemble comme Philip Morris) ont commencé à commercialiser et à vendre des cigarettes en liaison avec la marque de commerce MARLBORO au Royaume-Uni en 1883, pour ensuite étendre leur marché en distribuant ces produits au Canada autour de 1905 [Philip Morris 2010 au paragr. 12].
  • La marque de commerce MARLBORO au Canada a été vendue par un prédécesseur en titre du Requérant à un prédécesseur en titre de l’Opposant dans les années 1920 et a, par la suite, été enregistrée au Canada en 1932 sous le no 55988 en liaison avec « le tabac sous toutes ses formes et particulièrement en liaison avec la vente de cigarettes, de papier à cigarette, de tubes à cigarette, de tabac, de tabac sans fumée et de cigares ». La marque est depuis employée de façon continue au Canada par l’Opposant et ses prédécesseurs en liaison avec les cigarettes. Philip Morris, en revanche, détient les droits de la marque de commerce MARLBORO dans le monde entier, sauf au Canada [Philip Morris 2010 au paragr. 14; affidavit de M. Ricard aux paragr. 8 à 17].
  • Au début des années 1950, bien après que le prédécesseur de l’Opposant ait acquis un droit du mot servant de marque MARLBORO au Canada, Philip Morris a redessiné l’emballage et l’image des cigarettes vendues sur les marchés internationaux (c’est-à-dire à l’extérieur du Canada) en liaison avec sa marque de commerce MARLBORO. Le dessin de l’emballage comprend un dessin géométrique de « toit » rouge frappant (ci-après désigné comme le dessin « ROOFTOP ») qui est essentiellement le même dessin de toit que celui de la demande en question. Le paquet de cigarettes redessiné de Philip Morris est reproduit ci-après :

[Philip Morris 2010 aux paragr. 20 et 21; affidavit de M Ricard au paragr. 18]

  • Philip Morris a également mené des campagnes publicitaires pour commercialiser son produit reconfiguré et redessiné. Les publicités présentaient des cow-boys virils au « pays de Marlboro » et affichaient des slogans invitant à « venir au pays du goût ». Les publicités ont été largement diffusées à l’extérieur du Canada et sont devenues très populaires sur les marchés internationaux [Philip Morris 2010 au paragr. 24; affidavit de M. Ricard aux paragr. 18 et 24].
  • Le produit international de cigarette MARLBORO de Philip Morris, son emballage redessiné et les campagnes publicitaires ont connu un véritable succès, et sont reconnus aujourd’hui comme les plus efficaces jamais vus. Les cigarettes MARLBORO de Philip Morris sont devenues la marque la plus vendue au monde en 1972. Aujourd’hui, les cigarettes MARLBORO de Philip Morris demeurent les cigarettes les plus vendues au monde [Philip Morris 2010 au paragr. 25; affidavit de M. Ricard aux paragr. 19 à 21].
  • Deux autres produits ont été vendus au Canada avec le dessin ROOFTOP. En 1958, le prédécesseur du Requérant a commencé à vendre la marque de cigarettes MATADOR au Canada. Le produit était vendu dans des emballages qui employaient substantiellement tous les éléments des produits MARLBORO vendus ailleurs dans le monde par le Requérant, sauf que le mot MATADOR apparaissait sur l’emballage au lieu du mot MARLBORO. Également vendue par les prédécesseurs du Requérant dès les années 1970 environ était la marque de cigarettes MAVERICK, laquelle a été abandonnée vers 1978. Les ventes des marques de cigarettes MATADOR et MAVERICK vendues dans ces emballages, toutefois, n’ont jamais été très importantes et la distribution était par conséquent plutôt restreinte [Philip Morris 2010 aux paragr. 2  à 30; affidavit de M. Ricard au paragr. 26].
  • Le Requérant ou ses prédécesseurs ont, au fil des ans, enregistré plusieurs des différents éléments de la marque MARLBORO redessinée de Philip Morris, comme énoncé à l’annexe A jointe [Philip Morris 2010 au paragr. 6; affidavit de M. Ricard au paragr. 23; l’affidavit de Mme DiDomenico comprend des copies certifiées des six enregistrements des marques énumérées à l’annexe A, de même que de l’enregistrement no LMC111226 de la marque de commerce MATADOR et dessin].
  • Entre 1958 (date du premier enregistrement du dessin-marque ROOFTOP par le Requérant ou ses prédécesseurs) et 2006 (date de la plus récente version du dessin-marque ROOFTOP enregistré par le Requérant), les divers éléments de l’emballage de la marque MARLBORO de Philip Morris, employés ou objets d’un des enregistrements de marques de commerce énumérées à l’annexe A, étaient toujours employés en liaison avec les noms commerciaux MATADOR ou MAVERICK. Cependant, en 2006, le Requérant, par l’entremise de son licencié canadien, a commencé à vendre des cigarettes sans nom avec la présentation de l’emballage de Philip Morris (désignées par le Requérant sous le nom de « Rooftop »). Des copies de photographies de ces emballages de cigarettes, disponibles en rouge, argent et or (prétendument différentes forces de tabac) sont reproduites ci-après :

[Philip Morris 2012 au paragr. 10; affidavit de M. Ricard aux paragr. 26 et 30]

  • La présentation ou l’étiquette du produit sans nom est unique puisque, pour la première fois dans le monde entier, des cigarettes étaient mises en vente dans des emballages sans nom commercial (ou sans mot servant de marque) [Philip Morris 2012 au paragr. 10; affidavit de M. Ricard, pièce ER-13].
  • L’Opposant s’est prononcé contre la mise en marché des cigarettes sans nom, alléguant qu’elles portaient atteinte à la marque de commerce enregistrée MARLBORO. Une poursuite a été intentée en Cour fédérale. Le Requérant demandait qu’il soit déclaré que les ventes de ses cigarettes « Rooftop » (c’est-à-dire les cigarettes sans nom) au Canada ne portent atteinte à aucun des droits de l’Opposant, et en particulier, que la vente de cigarettes « Rooftop » dans des emballages affichant le dessin-marque ROOFTOP, ne crée pas de confusion avec le mot servant de marque MARLBORO. L’Opposant a répondu avec une contre-déclaration alléguant précisément cette violation, lequel litige a ultimement été à l’origine des décisions Philip Morris 2010 et Philip Morris 2012.

[15]           Les passages les plus pertinents des deux dernières décisions seront considérés dans le cadre de mon examen.

[16]           J’examinerai maintenant les motifs d’opposition à l’égard des éléments de preuve versés au dossier, sans nécessairement respecter l’ordre de présentation de la déclaration d’opposition.

Motifs d’opposition

Non‑enregistrabilité de la Marque au sens de l’alinéa 12(1)(d) de la Loi

[17]           L’Opposant a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable suivant les dispositions de l’alinéa 12(1)(d) de la Loi en ce sens qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce MARLBORO enregistrée de l’Opposant. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du Registraire pour confirmer que cet enregistrement est en règle en date d’aujourd’hui, qui est la date pertinente pour évaluer un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) [voir Park Avenue Furniture Corp c. Wickers/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (CAF)].

[18]           Étant donné que l’Opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve, le Requérant doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce MARLBORO de l’Opposant.

[19]           Le critère relatif à la confusion concerne le principe de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi indique que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[20]           En appliquant le critère relatif à la confusion, je dois tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. Il n'est pas nécessaire que ces facteurs se voient attribuer le même poids. [Voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Cliquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th ) 401 (C.S.C.)].); et Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th ) 361 (C.S.C.), pour un examen approfondi des principes généraux régissant le test en matière de confusion.]

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus

[21]           La Marque et la marque de commerce MARLBORO de l’Opposant ont toutes deux un caractère distinctif inhérent.

[22]           La puissance d’une marque de commerce peut être renforcée par la promotion ou l’emploi qui en est fait. Comme je l’ai indiqué précédemment, il n’y a aucun litige entre les parties au sujet de l’emploi de façon continue de la marque de commerce MARLBORO au Canada par l’Opposant et ses prédécesseurs en titre en liaison avec les cigarettes depuis qu’elle a été vendue par le prédécesseur en titre du Requérant à un prédécesseur en titre de l’Opposant dans les années 1920. De 2000 à la mi-octobre 2008, les ventes des cigarettes de la marque MARLBORO au Canada dépassaient les 12 M$, ce qui représente plus de 76 millions de cigarettes de marque MARLBORO vendues au Canada [affidavit de M. Ricard au paragr. 12]. La marque de commerce MARLBORO est employée par l’Opposant seulement pour des cigarettes sur mesure [interrogatoire de M. Ricard, Q. 129].

[23]           En comparaison, rien n’indique que le Requérant a employé la Marque au Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande ou qu’elle soit devenue connue dans une certaine mesure au Canada en liaison avec ces marchandises. La mesure dans laquelle le dessin ROOFTOP affiché sur les emballages de cigarettes du Requérant reproduit précédemment est devenu connu au Canada sera prise en considération ultérieurement au cours de mon examen suivant le facteur de l’alinéa 6(5)(e). Cependant, il n’est pas pertinent en soi de tenir compte du caractère distinctif acquis de la Marque du Requérant.

[24]           Par conséquent, l’examen général du facteur de l’alinéa 6(5)(a) joue donc en faveur de l’Opposant.

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage

[25]           Pour les raisons susmentionnées, ce facteur joue en faveur de l’Opposant.

c) le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce

[26]           En ce qui concerne le genre de marchandises et de services et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises du Requérant avec l’état déclaratif des marchandises de l’enregistrement de l’Opposant [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (CAF); et Mr. Submarine Ltd c. Amandista Investments Ltd (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (CAF)].

[27]           Les marchandises sont identiques. Le Requérant et l’Opposant sont des concurrents directs sur le marché canadien des cigarettes, la nature de leur commerce et leurs voies de commercialisation respectives sont identiques.

[28]           Les facteurs des alinéas 6(5)(c) et (d) jouent donc en faveur de l’Opposant.

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent

[29]           Il n’y a absolument pas de degré de ressemblance dans la présentation ou le son entre les marques respectives des parties. La question la plus litigieuse concerne les idées suggérées par les marques.

[30]           L’Opposant affirme que l’idée suggérée par la Marque aux consommateurs canadiens est MARLBORO, la marque enregistrée de l’Opposant. En particulier, l’Opposant affirme que les éléments de preuve démontrent que les prédécesseurs du Requérant et leurs sociétés affiliées, jusqu’à et comprenant le Requérant, ont toujours historiquement employé différents éléments de la marque MARLBORO de Philip Morris au Canada avec les noms commerciaux MATADOR ou MAVERICK. L’Opposant affirme qu’en mettant en marché une marque sans nom, le Requérant, et ses sociétés affiliées, ses prédécesseurs et ses licenciés ont délibérément tenté de créer un « espace vide de marque » sur l’emballage des cigarettes sans nom, obligeant ainsi les détaillants et les consommateurs canadiens à remplir cet espace du nom commercial MARLBORO [affidavit de M. Ricard aux paragr. 30 à 33]. L’Opposant affirme également que cet espace vide de nom commercial est au cœur de la stratégie mise en œuvre par le Requérant, compte tenu du règlement strict de l’industrie du tabac qui rend presque impossible d’acheter un paquet de cigarettes sans que le consommateur ou le détaillant de cigarettes canadien n’indique le nom commercial des cigarettes que cherche à acheter le consommateur.

[31]           En effet, le marché canadien est maintenant considéré comme un « marché caché ». Comme l’a expliqué le juge de Montigny dans Philip Morris 2010, la vente des produits du tabac est de plus en plus réglementée au Canada. Non seulement les emballages de cigarettes portent-ils maintenant une étiquette de mise en garde qui doit occuper 50 % de la surface exposée, mais toutes les provinces ont décrété des lois interdisant l’exposition des produits du tabac dans les magasins de détail. De même, la promotion et la publicité des produits du tabac est fortement restreinte, rendant quasi impossible pour les fabricants de cigarettes de communiquer directement avec les consommateurs sauf dans des circonstances très restreintes [Philip Morris 2010 au paragr. 53; Philip Morris 2012 aux paragr. 78 à 80].

[32]           L’Opposant affirme que la propension décrite ci-dessus à combler l’espace vide du nom commercial est alimentée par la notoriété et la reconnaissance dont jouissent au Canada la marque MARLBORO de Philip Morris et son nom commercial, y compris le dessin ROOFTOP, la principale composante graphique de cette dernière, qui ne diffère pas de façon substantielle de la Marque, et renforcée par la distribution de matériel de vente aux détaillants canadiens qui présente la Marque ou une marque de commerce qui n’en diffère pas substantiellement et qui en découle, comme présentée ci-après :

[Affidavit de M. Ricard, pièce ER-11]

[33]           L’Opposant affirme que la stratégie du Requérant a clairement réussi, comme le démontre une publication de tiers qui fait le lien entre l’emballage sans nom et la marque MARLBORO de Philip Morris et son nom commercial [affidavit de M. Ricard aux paragr. 34 et 35, et pièces ER-12 et ER-13].

[34]           L’Opposant affirme que la réussite de la stratégie du Requérant est de plus démontrée par l’enquête auprès des consommateurs et des détaillants canadiens de cigarettes menée par l’Opposant peu de temps après le lancement des cigarettes sans nom [un rapport complet des deux enquêtes est joint en pièce E de l’affidavit de M. Chakrapani]. Je reviendrai ultérieurement à cette enquête.

[35]           En tant que tel, l’Opposant affirme que non seulement les éléments de preuve démontrent que les fumeurs canadiens de cigarettes et les détaillants canadiens établissent un lien entre les cigarettes sans nom, le dessin ROOFTOP prédominant qui ne diffère pas substantiellement de la Marque, et la marque MARLBORO de Philip Morris et son nom commercial, les éléments de preuve démontrent que l’association entre les cigarettes sans nom, et par conséquent la Marque, et la marque de commerce MARLBORO est inévitable au moment du transfert de propriété ou de possession des cigarettes sans nom arborant la Marque, constituant ainsi une preuve d’emploi de celle-ci.

[36]           Le Requérant affirme au contraire qu’il n’y a aucune liaison entre la Marque et les cigarettes de l’Opposant. Il affirme que le dessin ROOFTOP ressemble au toit d’une maison et que les éléments verbaux WIDE OPEN FLAVOR font référence à la saveur. Dans la mesure où le dessin ROOFTOP suggérerait l’idée du mot MARLBORO, cela réfère au produit international propre au Requérant. Ce n’est pas une source de confusion, ni même d’erreur d’identification, mais cela indique manifestement que le consommateur a compris l’origine du produit.

[37]           Le Requérant affirme également que les éléments de preuve de l’enquête de l’Opposant ne se rapportent pas aux enjeux de l’opposition en question et que les problèmes méthodologiques et techniques inhérents de l’enquête la rendent inadmissible ou qu’on ne peut y accorder que peu de poids.

[38]           Essentiellement, le Requérant affirme que les décisions Philip Morris 2010 et Philip Morris 2012 sont concluantes quant aux allégations de confusion de l’Opposant entre la Marque et le mot servant de marque MARLBORO de l’Opposant.

[39]           Je suis généralement d’accord avec les demandes du Requérant pour les raisons suivantes.

Les éléments de preuve de l’enquête de l’Opposant

[40]           Abordant d’abord les éléments de preuve de l’enquête de l’Opposant, je considère qu’on ne peut y accorder que peu ou pas de poids en l’espèce. Comme l’a expliqué le Requérant, l’enquête produite dans le cadre de la procédure en question est la même qui a été produite dans le litige Philip Morris 2010 en Cour fédérale. Le seul et unique but de cette enquête était « d’évaluer la possibilité d’erreur d’identification par les consommateurs et les détaillants d’une nouvelle marque de cigarettes au Canada [ROOFTOP] avec la marque MARLBORO mise en marché à l’extérieur du Canada » [affidavit de M. Chakrapani au paragr. 14]. L’enquête a été menée avant la création du marché caché, entre janvier et avril 2007, à Vancouver, Edmonton, Toronto et Montréal.

[41]           Comme l’a résumé le juge de Montigny dans Philip Morris 2010, en ce qui concerne l’enquête de consommation, les intervieweurs montraient aux fumeurs des emballages de cigarettes ROTHMAN, DUNHILL et ROOFTOP démarqués. Pour chaque marque, on leur demandait d’abord : « Pouvez-vous nommer la marque de ces cigarettes ou non? » Puis, on leur demandait : « Pourquoi dites-vous cela? » « Y a-t-il autre chose? » Les marques DUNHILL et ROTHMAN étaient aussi montrées pour éviter les réponses données au hasard, puisqu’elles comportent des éléments communs de la marque internationale Philip Morris. Les trois marques étaient présentées sur une planchette à pince et l’ordre était changé à tour de rôle afin de minimiser la possibilité de parti pris introduite par l’ordre de présentation. En moyenne, un fumeur interrogé sur quatre a identifié à tort la marque ROOFTOP comme MARLBORO. Les principales raisons données par les fumeurs étaient la palette de couleur, la conception graphique de l’emballage et la familiarité avec la marque [Philip Morris 2010 aux paragr. 140 et 141].

[42]           Comme l’a résumé davantage le juge de Montigny, dans la deuxième enquête, des détaillants provenant des mêmes villes ont été rencontrés à deux reprises par les intervieweurs qui se présentaient comme des consommateurs. Lors de la première rencontre, l’intervieweur pointait l’emballage ROOFTOP et posait la question suivante : « Quelle est cette marque? », suivie de « Que pouvez-vous me dire à son sujet? » Lors de la première rencontre, près du tiers de tous les détaillants ont identifié à tort la marque ROOFTOP comme MARLBORO. Seulement un sur cinq a reconnu la marque ROOFTOP. En réponse à la deuxième question, lors de la première rencontre, 49 % de ceux ayant identifié à tort le produit comme MARLBORO ne pouvaient dire quoi que ce soit de plus, ou refusaient de le faire. Les autres 51 % ont donné différentes réponses, dont les suivantes : c’est une nouvelle marque, c’est canadien ou américain, c’est une marque populaire, c’est une sorte de MARLBORO ou c’est fabriqué par Marlboro, etc. Lors de la deuxième rencontre, lorsqu’on leur a demandé s’ils avaient des MARLBORO en stock, les détaillants ont indiqué la marque ROOFTOP, ou ont tendu un emballage de cette marque, dans 38 % des cas [Philip Morris 2010 au paragr. 142].

[43]           Comme l’a révélé le mandat de M. Chakrapani, ces deux enquêtes n’étaient pas conçues pour évaluer les réactions du public à la Marque en l’espèce, mais plutôt à un emballage de cigarettes ROOFTOP composé d’une combinaison particulière de divers éléments, qui comprend le dessin ROOFTOP, mais pas les éléments verbaux WIDE OPEN FLAVOR. Par conséquent, je considère que les éléments de preuve de l’enquête n’aident en aucun cas l’Opposant dans la procédure en question et je considère qu’il est inutile de répondre aux demandes du Requérant en ce qui concerne les problèmes méthodologiques et techniques inhérents à l’enquête compte tenu des conclusions tirées par le juge de Montigny dans Philip Morris 2010.

Les décisions Philip Morris 2010 et Philip Morris 2012

[44]           Comme l’a indiqué la juge Gauthier dans Philip Morris 2012, le juge de première instance devait traiter de plusieurs enjeux liés aux marques de commerce de l’Opposant et du Requérant, en plus d’une allégation de violation. Les deux parties ont porté en appel certaines parties de la décision du juge de Montigny n’accordant qu’en partie les réparations demandées par le Requérant, et rejetant l’allégation par l’Opposant de la violation de sa marque de commerce canadienne enregistrée MARLBORO, de même que sa demande de radiation de l’enregistrement de six des marques de commerce du Requérant en ce qui concerne ses dessins-marques ROOFTOP, nommément celles énumérées à l’annexe A joint.

[45]           Plus particulièrement, l’Opposant a fait appel du rejet de sa demande reconventionnelle de la violation de sa marque de commerce et du refus du juge de première instance de radier la marque enregistrée LMC670898 du Requérant. Le Requérant, pour sa part, a fait appel du rejet du juge de première instance de son allégation de violation de sa marque, de la décision du juge de première instance confirmant la validité de l’enregistrement de MARLBORO de l’Opposant, et de la décision du juge de première instance stipulant que l’Opposant n’était pas empêché de contester l’enregistrement des divers dessins-marques ROOFTOP du Requérant, particulièrement de l’enregistrement no LMC670898.

[46]           La Cour d’appel a accueilli l’appel de l’Opposant à l’égard du rejet de sa demande reconventionnelle de la violation de sa marque de commerce en ce qui concerne l’étiquette non enregistrée (devant et côté) de l’emballage des cigarettes sans nom du Requérant. Elle a sinon rejeté l’appel de l’Opposant du refus du juge de première instance de radier la marque enregistrée LMC670898 du Requérant, en plus de rejeter l’appel du Requérant dans son intégralité.

[47]           Comme l’ont souligné les juges de Montigny et Gauthier, cette procédure est unique puisqu’elle a soulevé une problématique encore jamais abordée. Bref, le Requérant affirmait qu’il ne portait pas atteinte à la marque de commerce de l’Opposant. Il affirmait plutôt simplement employer un dessin d’emballage dont les éléments ont été conçus pour le Requérant et dont il est propriétaire, et qui sont des objets appropriés d’enregistrement comme marque de commerce au Canada. De plus, il a affirmé qu’il n’y avait pas de source de confusion, pas plus qu’il n’y avait eu de confusion à savoir quel produit comprennent les emballages ROOFTOP. Selon son plaidoyer, empêcher le Requérant de présenter et de vendre ses produits ROOFTOP au Canada équivaudrait à abuser ou étendre indûment la portée des droits de propriété industrielle et commerciale que l’Opposant pourrait avoir sur le mot servant de marque MARLBORO. L’Opposant, par contre, a affirmé que le Requérant avait délibérément invité les consommateurs à associer ses produits avec la marque MARLBORO mondialement connue en employant le même type d’emballage et en refusant d’y apposer une marque commerciale particulière. Ce faisant, le Requérant usurperait de façon implicite les droits de l’Opposant au mot servant de marque MARLBORO [Philip Morris 2010 aux paragr. 3 et 4].

[48]           Je ne tiens pas à commenter en détail chacune des conclusions de la Cour fédérale, seulement les passages les plus pertinents qui se rapportent à la procédure en lespèce.

[49]           Comme l’a souligné le Requérant, les juges de Montigny et Gauthier ont tous deux conclu que chacun des dessins-marques ROOFTOP énumérés à l’annexe A joint ne créent pas de confusion avec le mot servant de marque MARLBORO. Cependant, compte tenu des circonstances de l’espèce, qui, on l’a dit, sont uniques, les enregistrements invoqués par le Requérant ne sont pas une défense absolue contre l’allégation de l’Opposant que la combinaison actuelle (soulignement ajouté) d’éléments employée sur l’emballage sans nom (devant et côté) constitue une violation [Philip Morris 2012 aux paragr. 111 et 112].

[50]           En renversant le rejet du juge de Montigny de la demande reconventionnelle de la violation de la marque de commerce de l’Opposant en ce qui concerne l’étiquette non enregistrée (devant et côté) de l’emballage des cigarettes sans nom du Requérant, la juge Gauthier a commenté les erreurs du juge de première instance en ce qui concerne l’interprétation et l’application du test de confusion. Comme l’a indiqué la juge Gauthier au paragraphe 62 de sa décision, une de ces erreurs est qu’il n’était pas clair si le juge de première instance avait examiné individuellement chaque dessin-marque (c’est-à-dire les six dessins-marques ROOFTOP énumérés à l’annexe A) ou en bloc au paragraphe 6(5) de son examen. Le problème a été exacerbé par le fait que le juge de première instance a accepté l’argument du Requérant stipulant que la présence de plusieurs éléments qui n’apparaissent pas sur chaque version enregistrée de ces dessins-marques n’avait pas une incidence significative sur les caractéristiques principales et le caractère distinctif des dessins-marques ROOFTOP enregistrés. Par conséquent, il a considéré la présentation des emballages sans nom comme un tout illustrant l’emploi des dessins-marques ROOFTOP enregistrés.

[51]           Par conséquent, la juge Gauthier a entrepris la comparaison du mot servant de marque MARLBORO enregistré de l’Opposant avec chaque version (rouge, or et argent) de la présentation sans nom du Requérant, comme l’a proposé le Requérant. Je reproduis ci-après les parties les plus pertinentes de son examen :

[TRADUCTION]

[68]           Comme mentionné, [le Requérant] adopte la position que son emballage de cigarettes sans nom est simplement une illustration des différentes façons dont il peut employer ses marques enregistrées, particulièrement ses dessins-marques ROOFTOP. Je reviendrai plus loin sur cette question lorsqu’elle sera plus pertinente, c’est-à-dire dans l’examen des éléments de preuve [du Requérant] fondés sur ses enregistrements et sur la préclusion.

[69]           En commençant par l’alinéa 6(5)(a), à l’instar du juge de première instance, je considère que ces marques possèdent un caractère distinctif inhérent. Le juge de première instance a également affirmé que les deux étaient bien connues, sans expliquer comment il en était venu à cette conclusion, outre le fait d’indiquer qu’il n’y avait pas de preuve du contraire. Lors de l’audience, [le Requérant] n’a pas présenté au tribunal des éléments de preuve particuliers en réponse au commentaire [de l’Opposant] affirmant qu’il n’y avait aucun fondement probatoire à cette conclusion en ce qui concerne le marché canadien, particulièrement en ce qui a trait à sa propre marque MARLBORO.

[70]           Quoique cela ait ultimement peu d’importance en l’espèce, je préfère considérer que ces marques sont connues plutôt que bien connues. Bien que le produit [de l’Opposant] ne détienne qu’une petite part du marché canadien des cigarettes (la marque MATADOR [du Requérant] détenait une plus petite part encore), [l’Opposant] emploie sa marque MARLBORO enregistrée depuis plus de 80 ans. [Le Requérant] emploie la plupart des éléments de la présentation de l’emballage sans nom au Canada depuis longtemps (certains, comme la version rouge du dessin ROOFTOP, depuis 1958) avec le mot servant de marque (la marque commerciale) MATADOR. Cependant, l’étiquette d’emballage à l’étude, qui comporte des éléments non enregistrés et ne comprend pas de marque commerciale, n’est présente sur le marché que depuis juillet 2006 (quelques mois avant l’introduction de la présente instance). La version argent du dessin ROOFTOP n’a pas été employée avant 2006 (alinéa 6(5)(b)).

[71]          Les marques sont employées en liaison avec les mêmes marchandises (les cigarettes) et dans le même domaine (alinéas 6(5)(c) et (d)).

[72]           En ce qui concerne l’alinéa 6(5)(e), il n’y a pas de ressemblance dans la présentation de ces marques. Comme mentionné, le juge de première instance n’a pas tenu compte, en ce qui concerne cet alinéa, du fait qu’un certain nombre de consommateurs ont appelé l’emballage sans nom Marlboro parce que, à son avis, prendre en considération une telle notion serait une étendue injustifiée de la portée de l’alinéa 6(5)(e). Il a affirmé que l’expression « idées que suggérées » devrait se limiter aux idées inhérentes à la nature du commerce en l’espèce (par exemple, le dessin d’un pingouin qui suggère l’idée du pingouin) (Raisons, au paragr. 290).

[73]          Si les exemples donnés par le juge de première instance au paragraphe 290 et au paragraphe 249 de ses Raisons (le mot Panda suggérant la même idée que le dessin-marque de cet animal) visaient à limiter la portée de l’alinéa 6(5)(e) aux idées suggérées par le sens littéral et courant d’un mot ou d’un dessin, je ne peux être d’accord avec cette interprétation.

[…]

[76]           Compte tenu de la nécessité d’adopter une interprétation téléologique et contextuelle de l’alinéa 6(5)(e), je ne peux pas comprendre qu’une telle ressemblance puisse être ignorée. Cela dit, évidemment, lorsqu’une ressemblance est évoquée en fonction de quelque chose qui sort de l’ordinaire, des éléments de preuve seront exigés pour démontrer à la cour que l’association ou la suggestion particulière existe effectivement en tant que telle avant de pouvoir en tenir compte dans l’examen de l’alinéa 6(5)(e).

[77]          Même si je suis dans l’erreur et que l’alinéa 6(5)(e) exige une interprétation plus limitée, toute ressemblance d’idées inhabituelles suggérées par l’une ou l’autre des marques une fois établies devrait être prise en compte en tant que circonstances additionnelles (préambule du paragraphe 6(5)). Dans un cas comme dans l’autre, cela ne peut être ignoré.

[78]           Quoi qu’il en soit, dans les circonstances additionnelles en l’espèce, je préfère tenir compte de la confusion de l’absence de nom commercial du produit vendu dans l’emballage sans nom en guise de circonstance additionnelle (préambule du paragraphe 6(5)) en raison de la particularité du marché de vente au détail de cigarettes au Canada qui est réglementé par le gouvernement.

[79]           Au Canada, à l’exception d’un certain nombre de magasins spécialisés qui nécessitent un permis spécial, le marché des cigarettes est un « marché caché ». Cela signifie que les produits ne peuvent légalement être exposés à la vue du public. Le consommateur doit demander un produit particulier au comptoir.

[80]           On peut donc comprendre que, dans un tel contexte, une étiquette qui ne comprend pas de nom commercial, ou qui emploie des dessins-marques sur l’emballage de cigarettes comme unique source d’identification, poussera les consommateurs à demander le produit en employant un ou des mots qui ne sont pas nécessairement affichés sur le produit.

[81]           Cela explique pourquoi le juge de première instance a affirmé qu’il n’y avait pas de probabilité importante de confusion chez les consommateurs (et dans une moindre mesure chez les détaillants) « à savoir comment ils devraient appeler l’emballage sans nom » (Raisons, paragr. 282 et 291). C’est probablement ce qui l’a également poussé à parler de la nécessité d’interprétation et d’interaction avec les détaillants.

[82]          Il est évident, en fonction des éléments de preuve acceptés par le juge de première instance, que cette association était intentionnellement sous-entendue par la compilation de divers éléments employés par [le Requérant] dans le monde entier en ce qui concerne sa célèbre marque Marlboro et en référence au « célèbre mélange importé ». Ici, je ne prends pas en considération si [le Requérant] avait l’intention ou non de porter atteinte, puisque l’intention n’est pas pertinente en matière de violation. Je tiens plutôt compte de cet élément de preuve pour appuyer le fait que cette combinaison d’éléments de l’emballage sans nom suggère, dans une certaine mesure (à un certain nombre de consommateurs), une liaison avec la marque Marlboro.

[83]           Je remarque également que les éléments de preuve à cet égard, ce qui a été admis à l’audience par les deux parties, démontrent que l’emploi d’une marque commerciale sur un emballage [de Philip Morris] arborant la plupart des éléments de l’emballage sans nom (comme la présentation MATADOR) serait probablement suffisant pour rompre l’association ou le lien mental avec Marlboro.

[84]           Il en résulte que, comme l’a conclu le juge de première instance, un certain nombre de consommateurs appellent le produit sans nom [du Requérant] Marlboro. Cela signifie que, dans un marché caché où les marques de commerce ne sont pas à la vue des consommateurs, ces derniers emploieront le même nom pour appeler deux produits différents offerts par deux fabricants différents. Cela entraînera sans doute une certaine confusion en ce qui a trait à l’origine puisque les consommateurs s’attendent que des produits de même sorte, qu’ils appellent par le même nom et qui sont vendus par les mêmes voies de commercialisation, soient de la même origine. Il importe peu de savoir si cette situation en est une de confusion ou de confusion inverse, le résultat est le même. [Soulignement ajouté]

[52]           Je reproduis également ci-après les parties les plus pertinentes de l’examen de la juge Gauthier des éléments de défense du Requérant en fonction de ses enregistrements et des questions en préclusion :

[87]            Lors du procès, [le Requérant] s’appuyait sur l’enregistrement de ses dessins-marques ROOFTOP comme défense pleine et entière des allégations de violation par [l’Opposant] (décision Remo).

[…]

[90]           Cependant, en l’espèce, l’étiquette de l’emballage sans nom n’a pas été enregistrée. De plus, [l’Opposant] affirme catégoriquement qu’aucun des dessins-marques ROOFTOP enregistrés par [le Requérant] ne crée de confusion avec son mot servant de marque MARLBORO. En fait, comme susmentionné, quoique ces marques (à l’exception de celle enregistrée avec 2006) aient été employées au Canada dans diverses combinaisons depuis de nombreuses années, aucune ne semble avoir créé de la confusion chez les consommateurs canadiens.

[91]           Devant le juge de première instance, la décision Remo n’est entrée en jeu que lorsque [le Requérant] a affirmé que l’attaque de [l’Opposant] envers l’emballage sans nom était en fait une attaque envers l’emploi légitime des dessins-marques (six différents) ROOFTOP enregistrés [du Requérant]. En réponse, [l’Opposant] a affirmé, entre autres, que si la combinaison d’éléments de l’emballage sans nom créait de la confusion, alors chaque marque de cette combinaison devrait également créer de la confusion et ces enregistrements devraient être rayés (Raisons, paragr. 216).

[92]           Quoiqu’il ait remarqué que cette affirmation de [l’Opposant] ne pouvait pas être aisément écartée (Raisons, paragr. 221), le juge de première instance n’a pas élaboré sur le sujet en concluant qu’il n’y avait pas de probabilité de confusion.

[93]           J’ai déjà affirmé que la combinaison d’éléments de l’emballage sans nom créait de la confusion. Je dois maintenant en débattre. Ce faisant, il appert évident que les deux aspects suivants sont intimement liés, à savoir i) si une combinaison d’éléments enregistrés et non enregistrés est considérée comme un simple emploi d’une marque enregistrée et ii) si l’on considère qu’une telle combinaison crée de la confusion, si cela signifie nécessairement que les marques enregistrées comprises créent de la confusion.

[…]

[96]           Ici, l’emploi d’une marque enregistrée en combinaison avec d’autres marques ou éléments enregistrés ou non, sans que la marque  perde son caractère distinctif, n’est pas contesté. Tout dépend des circonstances. Donc, la vraie question est de savoir si cela signifie nécessairement que la protection de l’enregistrement de chaque dessin-marque ROOFTOP peut s’étendre à l’ensemble de la combinaison dans laquelle il est employé sur l’emballage sans nom à l’étude.

[…]

[99]           En l’espèce, le Registraire n’a jamais pris en considération si les marques employées dans cette combinaison particulière sur l’emballage sans nom répondaient aux exigences de l’enregistrement. Lorsque chaque dessin-marque ROOFTOP a été enregistré, le Registraire n’avait pas, à mon avis, à tenir compte de la probabilité de confusion d’une combinaison de l’ensemble des marques enregistrées [du Requérant]. Pas plus qu’il n’était appelé à spéculer sur l’ajout d’éléments non enregistrés sur une étiquette en particulier, qui comprendrait le dessin-marque proposé.

[…]

[101]      [Le Requérant] a avec raison affirmé qu’il ne devrait pas être contraint d’enregistrer ses étiquettes ou toute combinaison de ses marques. Encore une fois, là n’est pas la question. Si quelqu’un enregistre une combinaison, cette personne tirera avantage de l’enregistrement en question. Si quelqu’un opte pour employer une combinaison sans suivre le processus d’enregistrement, cette personne aura tout de même des droits, mais pas nécessairement les mêmes droits que ceux liés à l’enregistrement. Cela est vrai pour toute marque de commerce employée pour distinguer des marchandises.

[…]

[103]      Pour répondre à la véritable question posée, je dois déterminer si c’est la combinaison non enregistrée en elle-même ou si c’est chaque marque, employée essentiellement comme enregistrée, qui crée de la confusion. Si la combinaison en elle-même crée de la confusion, à mon avis, elle doit nécessairement transmettre aux consommateurs un message différent de celui de chaque marque enregistrée. Dans de telles circonstances, la combinaison non enregistrée ne peut s’appuyer sur la décision Remo puisqu’il ne s’agit pas simplement d’un emploi des marques essentiellement comme enregistrées.

[104]      En fonction de leurs enregistrements, je dois présumer que ces marques ne créaient pas de confusion à la date de l’enregistrement. Y a-t-il des éléments de preuve démontrant que cette situation avait changé au moment où la procédure pertinente a été introduite? Ayant fait un examen fondé sur le paragraphe 6(5) en ce qui concerne chacune des marques, à mon avis, la réponse est négative.

[105]      À cet égard, je n’ai pas besoin d’ajouter aux commentaires faits aux paragraphes 69 à 71 qui précèdent en ce qui concerne les alinéas 6(5)(a), (b), (c) et (d).

[106]      Il n’y a pas de ressemblance dans la présentation ou le son (alinéa 6(5)(e)).

[107]      En ce qui concerne le préambule du paragraphe 6(5), lorsque le juge de première instance a conclu, au paragraphe 282, qu’il n’y a pas de confusion à savoir comment appeler l’emballage sans nom, il dit simplement qu’il y a « une variété de raisons ». Autrement dit, il n’a pas conclu que les consommateurs associaient le mot Marlboro à l’emballage sans nom en raison de la présence d’une seule marque enregistrée comprise sur l’emballage en question.

[108]      De toute façon, les enquêtes présentées comme éléments de preuve n’examinaient pas spécifiquement si les consommateurs associaient le nom Marlboro aux emballages de cigarettes arborant, individuellement, chacun des dessins-marque ROOFTOP essentiellement comme enregistré. Ce qui a été présenté aux participants de l’enquête par les experts des deux parties était l’emballage sans nom dans son ensemble.

[109]       Comme mentionné, ce qui est évident, c’est que [le Requérant] a employé ses dessins-marques enregistrés, à l’exception de la version argent enregistrée en 2006, sous d’autres combinaisons pendant de nombreuses années sans ennuis apparents. Ce qui semble être différent en l’espèce est le fait que la combinaison en question caractérise davantage l’origine du produit que n’importe laquelle des marques de commerce précédemment enregistrées ou employées par [le Requérant] en l’associant expressément ou en l’identifiant à Marlboro.

[110]      En effet, selon les éléments de preuve, le service de commercialisation [du Requérant] a rejeté l’idée d’employer le mot servant de marque ROOFTOP enregistré dans la combinaison de l’emballage sans nom puisqu’il croyait que cela pousserait les consommateurs à croire qu’il s’agissait d’un produit e contrefait, c’est-à-dire que l’emballage sans nom n’était pas de la même origine que sa marque Marlboro.

[111]      Vu l'examen qui précède, je conclus que chaque dessin-marque ROOFTOP, comprenant le récent dessin ROOFTOP argent (no LMC670898), ne crée pas de confusion avec le mot servant de marque MARLBORO.

[112]      Cette conclusion signifie que, dans les circonstances particulières de l’espèce, qui, comme susmentionné, sont uniques, les enregistrements invoqués par [le Requérant] ne constituent pas une défense absolue de l’allégation de [l’Opposant] que la combinaison en question d’éléments employée sur l’emballage sans nom (devant et côté) constitue une violation.

[Soulignement ajouté]

[53]           Comme indiqué précédemment, il n’y a aucun élément de preuve démontrant que le Requérant a employé la Marque au Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande. Il n’y a également aucun élément de preuve sur la façon dont la Marque a été employée par le Requérant en Allemagne. L’idée que la Marque sera employée ou non en combinaison avec d’autres éléments d’une manière générale ou dans une présentation ressemblant à celle de l’emballage de cigarettes sans nom du Requérant n’est que purement spéculative, particulièrement considérant le fait que la décision Philip Morris 2012 est maintenue, qu’une injonction empêche le Requérant de vendre, distribuer ou annoncer au Canada, directement ou indirectement, des cigarettes ou d’autres produits du tabac dans, ou en liaison avec, l’emballage sans nom reproduit précédemment.

[54]           Il convient de rappeler à cet égard que comme l’a fait remarquer la juge Gauthier au paragraphe 83 de sa décision reproduit précédemment, et comme les deux parties l’ont réitéré lors de l’audience en l’espèce, l’emploi d’une marque commerciale sur un emballage de Philip Morris arborant la plupart des éléments de l’emballage sans nom (comme la présentation MATADOR de l’enregistrement no LMC111226 susmentionnée) serait probablement suffisant pour rompre l’association ou le lien mental avec Marlboro. Cela explique pourquoi l’Opposant ne s’est pas prononcé contre les demandes qui ont par la suite évolué pour devenir les enregistrements de marques de commerce canadiennes énumérées à l’annexe A puisque, lorsque ces marques de commerce ont été originalement publiées aux fins d’opposition, ces marques de commerce étaient employées avec les marques commerciales MATADOR et MAVERICK.

[55]           Dans ces circonstances, et guidée par les raisons de la Cour fédérale dans les décisions Philip Morris 2010 et Philip Morris 2012, je ne suis pas prête à conclure, comme le voudrait l’Opposant, que l’idée suggérée par la Marque, qui ne comprend pas seulement le dessin ROOFTOP, mais aussi l’élément WIDE OPEN FLAVOR, est celle de MARLBORO.

[56]           Par conséquent, je conclus que l’examen global du facteur de l’alinéa 6(5)(e) favorise le Requérant.

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[57]           Comme je l’ai indiqué précédemment, la question est de savoir si un consommateur, qui a un souvenir général et non pas précis de la marque de commerce MARLBORO de l’Opposant, serait, en voyant la Marque, susceptible de croire que les marchandises liées sont de même origine.

[58]           En fonction de mes commentaires précédents, et particulièrement de ceux liés au facteur de l’alinéa 6(5)(e), je considère qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre les marques des deux parties. Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) est rejeté.

Motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement

[59]           Comme je l’ai indiqué précédemment, l’Opposant a affirmé que le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu des alinéas 16(2)(a) et (c) et des alinéas 16(3)(a) et (c) de la Loi puisque la marque de commerce MARLBORO et le nom commercial MARLBORO CANADA sont employés par l’Opposant depuis bien avant la date de production de la demande en cause, et que la Marque crée une confusion avec eux, comme il a été expliqué plus en détail dans les paragraphes d’introduction de la déclaration d’opposition.

[60]           Puisque la présente demande est fondée essentiellement sur l’emploi et l’enregistrement de la Marque à l’étranger, les motifs d’opposition présentés en vertu des alinéas 16(3)(a) et (c) de la Loi, qui se rapportent à une demande concernant l’emploi projeté d’une marque de commerce au Canada, ne constituent pas des motifs d’oppositions valables et sont donc rejetés.

[61]           Pour ce qui est des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 16(2)(a) et (c), l’Opposant a démontré qu’à la date de production de la demande du Requérant, la marque de commerce MARLBORO et le nom commercial MARLBORO CANADA avaient déjà été employés au Canada et n’avaient pas été abandonnés à la date de l’annonce de la demande du Requérant [alinéa 16(5) de la Loi]. L’Opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve en ce qui concerne la marque de commerce MARLBORO en ce qui a trait aux marchandises « cigarettes ». Cependant, il ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve en ce qui concerne le nom commercial MARLBORO CANADA. En effet, hormis les déclarations de M. Ricard au sujet de la relation existant entre l’Opposant Marlboro Canada Limited (désigné par M. Ricard comme « Marlboro Canada ») et son licencié, Imperial Tobacco Canada Limited, la preuve de l’Opposant ne réussit pas à démontrer l’emploi du nom commercial MARLBORO CANADA, sans mentionner que l’Opposant n’a fait aucune représentation de cet emploi allégué du nom commercial dans son plaidoyer ou lors de l’audience. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(2)(c) est donc rejeté.

[62]           Pour ce qui est du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(2)(a), la différence entre les dates pertinentes n’affecte pas substantiellement mon examen précédent du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d). Par conséquent, je considère que le Requérant s’est acquitté de son fardeau de preuve en démontrant qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce MARLBORO de l’Opposant. Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(2)(a) est donc rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[63]           Comme je l’ai indiqué précédemment, l’Opposant a affirmé que la Marque n’est pas distinctive du Requérant, car elle ne distingue pas ni n’est adaptée à distinguer les marchandises visées par la demande puisque la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce MARLBORO de l’Opposant et son nom commercial, comme il a été expliqué plus en détail dans les paragraphes d’introduction de la déclaration d’opposition.

[64]           L’Opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve pour démontrer qu’à la date de production de la demande d’opposition en l’espèce, la marque de commerce MARLBORO était devenue suffisamment connue pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif en ce qui concerne les cigarettes de l’Opposant. Pour les raisons expliquées précédemment pour les motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement, il ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve en ce qui concerne le nom commercial MARLBORO CANADA.

[65]           La différence entre les dates pertinentes n’affecte pas substantiellement mon examen précédent du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d). Par conséquent, ma conclusion tirée précédemment en ce qui concerne la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce MARLBORO demeure applicable. Par conséquent, je considère que le Requérant s’est acquitté de son fardeau de preuve pour démontrer qu’il n’y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce MARLBORO de l’Opposant.

[66]           Compte tenu de ce qui précède, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i)

[67]           Comme susmentionné, l’Opposant a affirmé le Requérant ne pouvait pas être convaincu d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises visées par la demande suivant l’alinéa 30(i) de la Loi étant donné que le Requérant entrait en concurrence injuste avec l’Opposant en créant expressément et intentionnellement de la confusion avec la marque de commerce MARLBORO de l’Opposant, comme il a été expliqué plus en détail dans les paragraphes d’introduction de la déclaration d’opposition, le tout suivant l’alinéa 7(b) de la Loi et l’article 1457 du Code civil du Québec.

[68]           Le motif d’opposition invoqué porte sur la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce MARLBORO. Je considère qu’il ne m’est pas nécessaire de décider si le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(i) de l’Opposant, comme plaidé, constitue un motif d’opposition valable ou, si l’Opposant s’est acquitté de son fardeau initial de preuve à cet égard. En effet, même si l’on considère que le motif d’opposition est bien plaidé et que l’Opposant s’est acquitté de son fardeau de preuve, un tel motif doit être rejeté puisque ma conclusion précédente en ce qui concerne l’absence de probabilité de confusion demeure applicable à la date de production de la demande.

[69]           Compte tenu de ce qui précède, chacun des motifs d’opposition suivant l’alinéa 30(i) est rejeté.


Disposition

[70]           Compte tenu de ce qui précède et dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay


Annexe A

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