Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

Référence : 2012 COMC 228

 Date de la décision : 2012-11-22

RELATIVEMENT À UNE PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Gowling Lafleur Henderson LLP visant l'enregistrement de no TMA535,043 de la marque de commerce PHYSIQUE, au nom de The Procter & Gamble Company.

[1]               Le 22 juillet 2010, à la demande de Gowling Lafleur Henderson LLP, le Registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch T-13 (la Loi) à Procter & Gamble Company (l'Inscrivant), propriétaire inscrit de l'enregistrement no TMA535,042 pour la marque de commerce PHYSIQUE (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée en association avec les marchandises suivantes : produits de coiffure, à savoir du shampoing, du revitalisant, du fixatif, des gels coiffants et des mousses coiffantes.

[3]               L'article 45 de la Loi exige que le propriétaire inscrit de la marque de commerce indique, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. Or, en l’espèce, la période pertinente au cours de laquelle l’emploi doit être établi s’étend du 22 juillet 2007 au 22 juillet 2010 (la Période pertinente).

[4]               La définition applicable d'« emploi » est énoncée au paragraphe 4(1) de la Loi :

4(1)      Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               En réponse à l'avis du registraire prévu à l'article 45, l'Inscrivant a produit les affidavits des personnes suivantes : Jill Franxman, codirecteur de l'Inscrivant, dont l'affidavit a été fait sous serment le 16 février 2011; Perry Morgan, directeur financier de Marietta Corporation (Marietta), détenteur d'une licence de l'Inscrivant jusqu'en avril 2009, dont l'affidavit a été fait sous serment le 15 février 2011; Ved Singh, président de New Windsor Brands, LLC (NWB), détenteur d'une licence de l'Inscrit après avril 2009, dont l'affidavit a été fait sous serment le 16 février 2011; et Sander Greenberg, président de S. Greenberg and Associates (SGA), une entreprise de représentation commerciale constituée en société en Ontario, dont l'affidavit a été fait sous serment le 31 janvier 2011. Seul l'Inscrivant a produit des observations écrites; aucune audience n'a été tenue. 

[6]               Après avoir examiné la preuve dans son ensemble, je conclus que la preuve n'est pas suffisante pour établir l'emploi de la Marque pendant la Période pertinente. Bien que M. Singh atteste que les « produits de coiffure de marque PHYSIQUE sont vendus dans plusieurs centaines de magasins Winners et Liquidated Wholesale au Canada », cette affirmation fait référence à de l'information datant de février 2011, période à laquelle il a fait son affidavit sous serment; il ne fournit aucune preuve de ventes au Canada pendant la Période pertinente. Dans le même ordre d'idées, M. Morgan confirme les ventes de shampoing PHYSIQUE par Marietta à diverses chaînes hôtelières au Canada, en vertu de la licence qu'il a obtenue auprès de l'Inscrivant; toutefois, ces ventes ont été conclues en avril 2007, avant la Période pertinente. 

[7]               Par conséquent, la question en l'espèce est de déterminer s'il existait des circonstances particulières qui justifieraient le défaut d'emploi de la Marque en association avec les marchandises pendant la Période pertinente. 

[8]               Dans son affidavit, Mme Franxman atteste que l'Inscrivant a octroyé une licence pour la Marque à Marietta d'avril 2004 à avril 2009, période au cours de laquelle Marietta a vendu du shampoing et du revitalisant de marque PHYSIQUE à divers hôtels aux États-Unis et au Canada. Cependant, comme indiqué plus haut, M. Morgan ne fournit dans son affidavit qu'une preuve de ventes de shampoing de marque PHYSIQUE jusqu'en avril 2007, avant la Période pertinente. Pourtant, Mme Franxman a témoigné que l'Inscrivant avait fait le suivi des ventes de ses produits PHYSIQUE aux États-Unis et au Canada au moyen de rapports de ventes trimestriels que Marietta lui a soumis.

[9]               Dans son affidavit, M. Singh atteste que NWB, en tant que détenteur d'une licence de l'Inscrivant après avril 2009, a activement mis en marché et préparé la mise en marché de produits de coiffure de marque PHYSIQUE auprès de détaillants aux États-Unis et au Canada. Il affirme que NWB a commencé à expédier des produits de coiffure de marque PHYSIQUE dans des boutiques aux États-Unis au moins depuis janvier 2010. En outre, il atteste que l'entreprise NWB a retenu les services de SGA en janvier 2010 pour la représenter au Canada.

[10]           Ainsi, dans son affidavit, M. Greenberg de SGA témoigne de rencontres avec des représentants de divers magasins de détail au Canada, d'avril 2010 à septembre 2010, à titre de représentant du nouveau titulaire de licence de l'Inscrivant, NWB. Il indique que l'objet de ces rencontres portait entre autres sur la vente de produits de coiffure de marque PHYSIQUE à ces détaillants canadiens. 

[11]           Dans ses brèves observations écrites, l'Inscrivant fait valoir qu'il « a déployé des efforts continus pour maintenir l'emploi de la marque au moyen de son programme licences ». Plus particulièrement, il mentionne que les rencontres entre M. Greenberg et les détaillants canadiens en 2010 démontrent que « de véritables efforts continus pour vendre les produits au Canada ont été déployés au cours de la Période pertinente ». De plus, l'Inscrivant soutient que la preuve démontre une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la Marque, étant donné qu'il y a une facture indiquant la conclusion de ventes peu après la Période pertinente.

[12]           De façon générale, la décision reconnaissant l'existence de circonstances particulières justifiant le défaut d'emploi suppose que l'on prenne en considération trois critères, tels qu'ils sont énoncés dans Registrar of Trade Marks c. Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 C.P.R. (3d) 488 (C.A.F.) (Harris). Le premier critère est la durée du défaut d'emploi de la marque; le second est le degré de contrôle exercé par le propriétaire inscrit sur les raisons du défaut d'emploi; le troisième est la preuve d'une intention sérieuse de reprendre dans un bref délai l'emploi de la marque. La décision rendue dans Smart & Biggar c. Scott Paper Ltd (2008), 65 C.P.R. (4e) 303 (C.A.F.) (Scott Paper) offre d'autres précisions à propos de l'interprétation du deuxième critère, par la détermination du fait que cet aspect du critère doit être satisfait pour que l'on puisse conclure à l'existence de circonstances particulières justifiant le défaut d'emploi d'une marque de commerce. Autrement dit, les deux autres facteurs sont pertinents, mais pris individuellement et de façon isolée, ne peuvent constituer des circonstances particulières. En outre, l'intention de reprendre l'emploi doit être corroborée d'une preuve [Arrowhead Spring Water Ltd c. Arrowhead Water Corp (1993), 47 C.P.R. (3d) 217 (C.F. 1re inst.); NTD Apparel Inc c. Ryan (2003), 27 C.P.R. (4e) 73 (C.F. 1re inst.)].

[13]           En l'espèce, je noterais d'abord qu'aucune forme de preuve concernant les marchandises « fixatifs, gels coiffants et mousses coiffantes » n'a été produite. M. Morgan ne présente que des pièces illustrant les ventes de shampoing PHYSIQUE au Canada en avril 2007. Bien que ce ne soit pas indiqué précisément dans son affidavit, il semble qu'il s'agisse aussi des ventes de revitalisant PHYSIQUE les plus récentes avant la Période pertinente. M. Singh atteste que NWB a commencé la vente de shampoing et de revitalisant PHYSIQUE à la fin du mois de juillet 2010 au Canada, mais ne dit rien en ce qui concerne les autres marchandises.

[14]           Quoi qu'il en soit, bien que l'Inscrivant ait fourni des preuves concernant le premier critère et le troisième critère relativement au shampoing et au revitalisant, il n'est pas clair à mes yeux qu'il a satisfait au deuxième critère de Harris. Bien que Mme Franxman témoigne que l'Inscrivant n'a aucune intention d'abandonner sa marque de commerce pour produits de coiffure, la preuve dont je suis saisi ne me permet pas d'établir le degré de contrôle exercé par l'Inscrivant sur les raisons du défaut d'emploi de la Marque pendant la Période pertinente. 

[15]           Plus précisément, je note que les affidavits ne disent rien sur les raisons de l'absence de ventes au Canada par Marietta entre avril 2007 et avril 2009. Pour sa part, l'Inscrivant ne s'appuie pas explicitement sur le changement de titulaire de licence pour expliquer le défaut d'emploi de la Marque pendant la Période pertinente. Quoi qu'il en soit, ce changement de titulaire de licence n'explique pas le défaut d'emploi avant avril 2009. Si l'entente de licence a pris fin prématurément, l'Inscrivant n'indique pas qui a résilié l'entente, ni n'explique les motifs de cette résiliation. 

[16]           En outre, bien qu'il semble que le deuxième titulaire de licence de l'Inscrivant ait été actif sur le marché américain dès janvier 2010, l'affidavit de M. Singh ne mentionne rien sur les efforts marketing de NWB au Canada entre avril 2009 et janvier 2010, alors que les services de SGA avaient été retenus pour représenter NWB. M. Singh ne témoigne d'aucune difficulté particulière qui aurait pu empêcher NWB d'entrer plus tôt sur le marché canadien. Il semble plutôt que NWB ait simplement choisi de centrer d'abord ses efforts de marketing aux États-Unis plutôt qu'au Canada. De surcroît, on ne mentionne pas dans les affidavits si l'Inscrivant ou ses titulaires de licence ont vendu des produits semblables de marque différente au Canada pendant la Période pertinente. Si les efforts marketing de SGA au Canada « incluaient » ceux liés à la marque PHYSIQUE de l'Inscrivant, on ignore si de telles autres marques ont été priorisées aux dépens de la gamme PHYSIQUE. 

[17]           Quoi qu'il en soit, même si M. Greenberg témoigne des rencontres tenues avec les détaillants canadiens en 2010, j'ignore aussi si SGA, NWB ou l'Inscrivant ont connu des difficultés particulières dans le cadre de ses efforts marketing. Bien qu'il y ait eu un changement de titulaire de licence de l'Inscrivant, je ne dispose d'aucune preuve me permettant de conclure que le défaut d'emploi pendant la Période pertinente a été causé par des circonstances indépendantes de la volonté de l'Inscrivant plutôt que par une simple stratégie marketing volontaire. Comme il est indiqué ci-dessus, les circonstances entourant la résiliation de l'entente de licence avec Marietta n'ont pas été expliquées. Reste donc à savoir pourquoi l'Inscrivant a changé de titulaire de licence. Mme Franxman ne fournit aucune explication de la décision apparente prise par l'Inscrivant de changer sa stratégie marketing en cessant de vendre des produits de coiffure PHYSIQUE dans les chaînes hôtelières pour les vendre auprès de détaillants. Rien n'indique qu'il s'agissait d'autre chose que d'une décision volontaire de la part de l'Inscrivant, ses efforts subséquents étant centrés sur le marché américain plutôt que sur le marché canadien.  

[18]           Or, je ne suis pas convaincu que les circonstances justifiant le non-emploi étaient indépendantes de la volonté de l'Inscrivant. Par conséquent, conformément à l'affaire Scott Paper, supra, je dois conclure que l'Inscrivant n'a pas démontré l'existence de circonstances particulières justifiant le défaut d'emploi de la Marque pendant la Période pertinente, au sens du paragraphe 45(3) de la Loi.

Décision

[19]           Eu égard à tout ce qui précède, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés au titre du paragraphe 63(3) de la Loi, l'enregistrement sera radié aux termes des dispositions de l'article 45 de la Loi.

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Andrew Bene

Agent d'audition

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada     

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.                          

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