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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 9

Date de la décision : 2016-01-19

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45

 

 

DJB

 

Partie requérante

et

 

Oyster World (1994) Inc.

Propriétaire inscrite

 

 

 



 

LMC419,017 pour la marque de commerce LAMBRETTA

 

Enregistrement

 

[1]               Le 17 juillet 2013, à la demande de DJB (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Oyster World (1994) Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC419,017 de la marque de commerce LAMBRETTA (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec ce qui suit :

[Traduction]
Vêtements, nommément jeans, chemises, chandails, vestes, hauts tricotés, pantalons, gilets, manteaux, sous-vêtements et chaussettes; chaussures; chapeaux, sacs de voyage; montres; et produits de parfumerie (les Produits).

[3]               L'avis exigeait que la Propriétaire fournisse une preuve établissant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des Produits à un moment quelconque entre le 17 juillet 2010 et le 17 juillet 2013 (la Période pertinente). Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               La définition pertinente d'emploi en liaison avec des produits est énoncée à l'article 4(1) de la Loi :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les colis dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits spécifiés dans l'enregistrement au cours de la période pertinente [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270].

[6]               En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de M. Joey Pearl, signé le 8 octobre 2013. Les parties ont toutes deux produit des représentations écrites; aucune audience n'a été tenue.

[7]               Le 14 avril 2014, la Propriétaire a demandé une prolongation rétroactive du délai accordé pour produire une preuve additionnelle, à savoir un deuxième affidavit de M. Pearl. Ainsi qu'il appert de la lettre du registraire datée du 14 mai 2014, le registraire a rejeté la demande de la Propriétaire. En conséquence, cet affidavit et les pièces qui l'accompagnent n'ont pas été versés au dossier et n'ont pas été considérés comme une preuve dans le cadre de la présente procédure.

La preuve de la Propriétaire concernant l'emploi de la Marque

[8]               Dans son affidavit, M. Pearl atteste qu'il est le président de la Propriétaire depuis 1994. Il allègue que, depuis cette date, il a mis au point une gamme de jeans en liaison avec la Marque qui était fabriquée en Italie exclusivement pour la Propriétaire. Il ajoute que diverses étiquettes étaient apposées sur ces jeans. Ces étiquettes sont illustrées dans des photographies jointes à son affidavit et désignées comme les pièces A, B, C, D, E et F.

[9]               Au paragraphe 9 de son affidavit, M. Pearl allègue que la Propriétaire a fait don [Traduction] « au cours des six derniers mois » d'environ 3 000 paires de jeans arborant la Marque à des organismes de bienfaisance, soit Mada et l'Organisation Jeunesse au soleil, toutes deux de la ville de Montréal, au Québec, pour lesquelles des reçus pour dons de bienfaisance ont été émis.

[10]           M. Pearl ne joint aucun document pour étayer son allégation. De plus, il ne fournit aucune date précise de sorte qu'on ne sait pas avec certitude si les dons ont été faits pendant ou après la Période pertinente. Quoi qu'il en soit, en l'absence d'une preuve que les dons de jeans arborant la Marque faits par la Propriétaire à des organismes de bienfaisance s'inscrivaient dans un ensemble d'activités menées dans le but de réaliser un profit et de développer l'achalandage attaché à la Marque pendant la Période pertinente [voir Lin Trading Co c CBM Kabushiki Kaisha (1985), 5 CPR (3d) 27 (COMC), confirmée par (1987), 14 CPR (3d) 32 (CF 1re inst) et (1988), 21 CPR (3d) 417 (CAF)], il m'est impossible de conclure que ces dons constituaient un emploi de la Marque, pendant la Période pertinente, dans la pratique normale du commerce.

[11]           À l'exception des jeans susmentionnés, aucun des autres Produits n'est mentionné dans son affidavit. En outre, il n'y a pas la moindre preuve qu'une seule transaction a eu lieu pendant la Période pertinente.

[12]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les Produits au sens des articles 4 et 45 de la Loi.

[13]           Dans ces circonstances, à moins que la Propriétaire établisse l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Produits pendant la Période pertinente, l'enregistrement de la Marque sera radié.

Preuve concernant les « circonstances spéciales » justifiant le défaut d'emploi

[14]           M. Pearl allègue que, depuis le 16 mars 2007, la Propriétaire était partie à un litige qui l'opposait à Lambretta Clothing of America relativement au nom commercial Lambretta, entre autres questions, et dont le procès devait se tenir du 11 mars 2014 au 14 mars 2014. Il affirme que la Propriétaire a fait valoir dans cette procédure qu'elle a été privée du droit d'employer la Marque ou d'octroyer des licences d'emploi de la Marque en raison du défaut de Lambretta Clothing Company (UK) Limited et d'une autre société tierce de signer une entente d'annulation datée du 3 août 2006 et de respecter les conditions d'autres ententes datées du 10 juin 2005 et du 3 août 2005. Je souligne que ces ententes portaient une date bien antérieure à la Période pertinente.

[15]           Enfin, en ce qui concerne le litige susmentionné, M. Pearl affirme que la Propriétaire a demandé au tribunal de confirmer, entre autres choses, qu'elle est l'unique propriétaire de la Marque.

[16]           M. Pearl affirme que, du fait de cette situation, la Propriétaire a été privée de vendre le reste de son stock de jeans arborant la Marque et d'octroyer des licences d'emploi de la Marque à des tiers.

[17]           M. Pearl ajoute que la Propriétaire dispose d'équipes de création et d'installations de commercialisation prêtes à promouvoir, à commercialiser et à vendre des jeans en liaison avec la Marque en Amérique du Nord, dans l'éventualité où le tribunal lui donnerait raison.

La position des parties

[18]           La Partie requérante fait valoir que ces faits ne démontrent pas l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque au Canada, parce que les allégations de M. Pearl sont vagues et ambiguës. Elle soutient que les allégations n'expliquent pas et ne démontrent pas comment, d'un point de vue pratique et concret, un tel litige empêche la Propriétaire d'employer la Marque. Enfin, elle soutient que les raisons exposées ne permettent pas de déterminer raisonnablement si les circonstances étaient indépendantes de la volonté de la Propriétaire, pas plus qu'il n'est possible de déterminer ce qui a réellement donné lieu à l'incapacité alléguée d'employer la Marque. À cet égard, il n'existe aucune preuve de l'existence de restrictions ou de conditions qui auraient dans les faits privé la Propriétaire du contrôle et de la propriété de la Marque.

[19]           La Propriétaire allègue que le contenu de l'affidavit de M. Pearl établit l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque, parce que le litige entre la Propriétaire et Lambretta Clothing of America visait à déterminer le titre et la propriété à l'égard de la Marque. Du fait de cette situation, la Propriétaire a été privée de vendre le stock lié à la Marque, mais également d'octroyer des licences d'emploi de la Marque à des tiers. Enfin, la Propriétaire fait valoir que, si ce n'était du litige, la Propriétaire octroierait activement des licences d'emploi de la Marque et que, à la date de l'affidavit, les équipes de création et les installations de commercialisation de la Propriétaire étaient prêtes à promouvoir, à commercialiser et à vendre des jeans en liaison avec la Marque, dans l'éventualité où le litige se soldait en sa faveur.

[20]           Les parties ont toutes deux invoqué le test énoncé dans Scott Paper Limited c Smart & Biggar 2008 CAF 129, 65 CPR (4th) 303. Pour les raisons exposées ci-après, je conclus que la Propriétaire n'a pas établi l'existence de circonstances spéciales, au sens de l'article 45 de la Loi, qui justifieraient le défaut d'emploi de la Marque pendant la Période pertinente.

Analyse de la preuve expliquant le défaut d'emploi de la Marque

[21]           Le concept de « circonstances spéciales » a été défini dans la jurisprudence. Récemment, dans l'affaire Gouverneur Inc c The One Group LLC 2015 CF 128, la Cour fédérale a réalisé une analyse de la jurisprudence pertinente concernant cette question et a établi la procédure à suivre sur la base de cette analyse.

[22]           Le registraire doit en premier lieu déterminer la raison du défaut d'emploi de la Marque. En second lieu, le registraire doit déterminer si les circonstances expliquant le défaut d'emploi de la Marque constituent des « circonstances spéciales », c.-à-d. inhabituelles, peu courantes ou exceptionnelles. Enfin, s'il existe des « circonstances spéciales », le registraire doit déterminer si les circonstances spéciales justifient le défaut d'emploi, en tenant compte des trois critères établis dans Canada (Registraire des marques de commerce) c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF), à savoir :

1)      la durée du défaut d'emploi de la marque de commerce;

2)      la question de savoir si les raisons données par le propriétaire inscrit pour justifier le défaut d'emploi de la marque de commerce découlent de circonstances indépendantes de sa volonté; et

3)      la question de savoir s'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la marque de commerce à court terme.

 

[23]           Il ressort clairement de la preuve décrite ci-dessus qu'il n'existe aucune preuve d'emploi de la Marque en liaison avec les Produits pendant la Période pertinente. Il n'y a pas non plus de preuve de la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu, au sens de l'article 4(1) de la Loi, en liaison avec les Produits.

[24]           Je conviens avec la Partie requérante que les faits, décrits aux paragraphes 14 à 17 ci-dessus, ne démontrent pas l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi de la Marque, parce que les allégations sont vagues et ambiguës. Les affirmations de M. Pearl n'expliquent pas et ne démontrent pas en quoi le litige entre la Propriétaire et des tiers a, dans les faits, empêché la Propriétaire d'employer la Marque pendant la Période pertinente en liaison avec les Produits.

[25]           À cet égard, il n'est pas allégué qu'une ordonnance d'interdiction ou une autre ordonnance semblable avait été rendue contre la Propriétaire. Comme le montre le registre, et tant que la preuve du contraire n'aura pas été faite devant un tribunal compétent, la Propriétaire était la propriétaire inscrite de la Marque à toutes les dates pertinentes et elle l'est toujours.

[26]           En l'absence de renseignements supplémentaires à savoir pourquoi le litige en instance empêchait la Propriétaire d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Produits, il est impossible de déterminer ou d'évaluer raisonnablement si les circonstances décrites par M. Pearl étaient la cause du défaut d'emploi de la Marque. Si la Propriétaire a choisi de s'abstenir d'employer la Marque jusqu'à ce qu'une décision soit rendue dans le litige, en l'absence de renseignements supplémentaires, une telle décision peut seulement être considérée comme une décision volontaire de la Propriétaire. En général, les décisions volontaires ne constituent pas des circonstances spéciales [voir Harris Knitting Mills, précitée et Lander Co Canada c Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst)].

[27]           Cela suffit pour disposer de cette question. Cependant, pour le cas où j'admettrais que la raison du défaut d'emploi était le litige en instance, tel que l'atteste M. Pearl, j'examinerai brièvement la question de savoir si cette raison constitue une circonstance spéciale justifiant le défaut d'emploi de la Marque à la lumière des trois critères susmentionnés établis par la Cour d'appel fédérale dans Harris Knitting Mills.

[28]           Premièrement, il n'y a aucune allégation quant à la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu au Canada. Dans les cas comme la présente espèce, où le propriétaire inscrit n'a allégué l'emploi à aucun un moment, la date de l'enregistrement est considérée comme la date pertinente aux fins du premier critère [voir Oyen Wiggs & Mutala LLP c Rath 2010 COMC 34, 82 CPR (4th) 77]. Par conséquent, comme la Marque a été enregistrée en octobre 1993, la période de défaut d'emploi est de plus de 20 ans. Même si je présumais que la Propriétaire a employé la Marque jusqu'à la date précédant le début du litige (16 mars 2007), la période de défaut d'emploi de la Marque serait toute de même de plus de six ans.

[29]           De plus, comme je l'ai déjà mentionné, il n'y a pas de suffisamment de renseignements pour déterminer si le litige empêchait vraiment la Propriétaire d'employer la Marque pendant la Période pertinente. Les raisons données par M. Pearl, ou l'absence de raisons, ne permettent pas de déterminer raisonnablement si les circonstances étaient indépendantes de la volonté de la Propriétaire, ou s'il s'agissait d'une décision d'affaires volontaire de sa part.

[30]           Enfin, l'allégation selon laquelle la Propriétaire dispose d'équipes de création et d'installations de commercialisation prêtes à promouvoir, à commercialiser et à vendre des jeans en liaison avec la Marque en Amérique du Nord, dans l'éventualité où le tribunal lui donnerait raison, n'est pas suffisante pour établir l'intention de la Propriétaire de reprendre l'emploi de la Marque à court terme. En outre, il n'existe aucune preuve que la Propriétaire a pris des mesures en vue de reprendre l'emploi de la Marque au Canada en particulier. Tout au plus M. Pearl mentionne-t-il l'Amérique du Nord. Ainsi, l'emploi de la Marque qui est envisagé pourrait avoir lieu ailleurs en Amérique du Nord, comme aux États-Unis exclusivement. En tout état de cause, M. Pearl mentionne seulement des jeans et non les Produits en général.

Décision

[31]           Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi, l'enregistrement sera radié.

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

Aucune Audience Tenue

 

AGENTS AU DOSSIER

 

Robic                                                                                          POUR LA PROPRIÉTAIRE INSCRITE

 

DJB                                                                                            POUR LA PARTIE REQUÉRANTE

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