Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

BW v2 Logo

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 127

Date de la décision : 2015-07-16

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Vogue Shoes Inc.

Opposante

et

 

Walk’N Comfort Inc.

Requérante

 

 

 



 

1,470,135 pour la marque de commerce Walk’N Comfort

 

Demande

 

Le dossier

[1]        Le 19 février 2010, Sandy Han a produit une demande d'enregistrement pour la marque Walk’N Comfort (je souligne pour indiquer l'importance de la marque de commerce) fondée sur l'emploi projeté au Canada en liaison avec les produits et services suivants :

[Traduction]
produits

chaussures orthopédiques, chaussures de confort, orthèses personnalisées

 

services

services de soins des pieds, nommément ajustement personnalisé d'orthèses, ajustement de chaussures orthopédiques,

modification de chaussures, mesure pour chaussures faites sur mesure, ajustement de bas de contention, moulage pour orthèses faites sur mesure

 

[2]        La demande en cause a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 14 novembre 2012, et Vogue Shoes Inc. s'y est opposée le 29 janvier 2013. Le 26 février 2013, le registraire a transmis une copie de la déclaration d'opposition à la requérante, comme l'exige l'article 38(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13. En réponse, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie de façon générale les allégations contenues dans la déclaration d'opposition. Au cours de la présente procédure, la demande en cause a été cédée à Walk’N Comfort Inc.

 

[3]        La preuve de l'opposante se compose des affidavits de George Kereluk (deux affidavits, souscrits les 8 et 9 août 2013); de Leanne Willmore; de Ron Woodburn; de Joanne Latham; de Jenny-Lind Collins; de Jennifer Warner; de Wilfred Wan; et de Marianne Crozier. La preuve de la requérante se compose des affidavits de Michael Gaspar (deux affidavits) et d'Alexander Shaw. La preuve en réponse de l'opposante est formée d'un autre affidavit de George Kereluk (souscrit le 8 janvier 2014) ainsi que des affidavits de Jonathan Aiyadurai et de Bethany Watson. Ni l'une ni l'autre des parties n'a procédé à des contre-interrogatoires. Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

 

Déclaration d'opposition

[4]        La déclaration d'opposition allègue que l'opposante est propriétaire de la marque Walk in Comfort (je souligne pour indiquer l'importance de la marque de commerce), que l'opposante a révélée et qu'elle emploie au Canada depuis 1990 en liaison avec des produits et des services liés aux pieds.

 

[5]        L'agent de l'opposante, au paragraphe 14 de son plaidoyer écrit, souligne que l'opposante n'était pas représentée

[Traduction]
          L'Opposante a préparé et produit la déclaration d'opposition sans être représentée. La déclaration d'opposition invoquait divers motifs d'opposition, dont certains ne s'appliquaient pas à la présente procédure d'opposition ou à la procédure d'opposition en matière de marque de commerce de façon générale. Nous demandons que la procédure d'opposition soit poursuivie à l'égard des deux motifs suivants seulement, qui étaient invoqués dans la déclaration d'opposition produite par l'Opposante :

 

A. Enregistrabilité en vertu des articles 16(3)a) et c) : La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque visée par l'opposition. La Marque visée par l'opposition n'est pas enregistrable en vertu des articles 16(3)a) et c) de la Loi sur les marques de commerce (la « Loi », parce que la Marque visée par l'opposition est similaire à la marque de commerce et au nom commercial de l'Opposante, employés antérieurement par l'Opposante au Canada, au point de créer de la confusion.

 

B. Absence de caractère distinctif en vertu de l'article 2 : La Marque visée par l'opposition n'est pas distinctive des produits et des services de la Requérante compte tenu de l'emploi antérieur au Canada d'une certaine marque de commerce et d'un nom commercial par l'Opposante dont la similitude est susceptible de créer de la confusion.

 

 [6]       Au paragraphe 10 de son plaidoyer écrit, la requérante soutient que :

 

[Traduction]
          Seule une question se pose dans la présente procédure d'opposition : la Marque de commerce [la marque Walk’N Comfort visée par la demande] crée-t-elle de la confusion avec une marque de commerce ou un nom commercial employés antérieurement au Canada par l'Opposante, à savoir WALK IN COMFORT?

 

[7]        J'estime que la question déterminante à trancher est celle de savoir si la marque Walk’N Comfort visée par la demande crée de la confusion avec la marque Walk in Comfort de l'opposante. Les dates pertinentes pour l'appréciation de la question de la confusion sont i) la date de production de la demande (19 février 2010) à l'égard des motifs d'opposition fondés sur l'article 16 et ii) la date de production de la déclaration d'opposition (29 janvier 2013) à l'égard de la question du caractère distinctif invoquée en vertu de l'art. 2 : pour un examen de la jurisprudence concernant les dates pertinentes dans les procédures d'opposition, voir American Retired Persons c Canadian Retired Persons (1998), 84 CPR (3d) 198, p. 206 à 209 (CF 1re inst).

 

[8]        Dans les circonstances de l'espèce, la date pertinente choisie pour trancher la question de la confusion n'est pas déterminante, bien que la preuve de l'opposante soit mieux fondée à la date pertinente la plus ancienne, soit avant que la marque visée par la demande ait acquis un caractère distinctif significatif.

 

[9]        Avant de me pencher sur la question de la confusion, j'examinerai la preuve au dossier, le fardeau de preuve initial qui incombe à l'opposante et le fardeau ultime dont doit s'acquitter la requérante, la signification du terme confusion dans le contexte de la Loi sur les marques de commerce et les facteurs à considérer dans l'examen de la question de la probabilité de confusion.

 

La preuve de l'opposante

George Kereluk

[10]      M. Kereluk atteste qu'il est le président et secrétaire de la société de l'opposante. L'opposante a été constituée en vertu des lois de la Colombie-Britannique en 1986. En 1990, l'opposante a obtenu un enregistrement de nom commercial pour le nom « Walk In Comfort Shoes ». L'opposante se livre au commerce de la vente de chaussures orthopédiques et de chaussures de confort en liaison avec la marque de commerce et le nom commercial Walk in Comfort sur l'île de Vancouver depuis 1990. En août 2013, l'opposante exploitait six magasins de détail sur l'île de Vancouver.

 

[11]      L'opposante vend des chaussures non faites sur mesure pour adultes et personnes âgées de même que des chaussures orthopédiques. Une liste de onze podiatres qui ont recommandé aux patients de se procurer des chaussures d'ordonnance est jointe comme Pièce 2 à l'affidavit de M. Kereluk.

 

[12]      La marque de l'opposante figure bien en vue au-dessus de l'entrée de ses magasins, sur les sacs de magasinage fournis aux clients, sur les factures émises au moment de l'achat, sur ses cartes professionnelles et sur le papier à en-tête de la société. L'opposante a annoncé, publicisé et commercialisé sa marque à grande échelle, principalement dans les publications locales. Les dépenses engagées dans ces activités se sont élevées à environ 70 000 $ en 2001 et ont connu une augmentation constante allant jusqu'à 170 000 $ en 2009; à 180 000 $ en 2010 et en 2011; et à 190 000 $ en 2012.

 

[13]      Les recettes des magasins exploités sous la marque et le nom commercial Walk in Comfort se sont élevées à 220 000 $ en 1991 et ont connu une augmentation constante allant jusqu'à 5,3 millions de dollars en 2012. Les recettes totales pour la période allant de 1991 à 2012 inclusivement se sont élevées à environ 50 millions de dollars.

 

[14]      S'appuyant sur son examen du site Web de la requérante, M. Kereluk souligne des ressemblances entre les magasins des parties. Par exemple, en plus des orthèses faites sur mesure, la requérante, tout comme l'opposante, vend des chaussures de confort, des chaussures orthopédiques et des semelles orthopédiques; les parties vendent les mêmes marques de chaussures ou des marques comparables.

 

[15]      L'opposante a reçu deux appels téléphoniques de fournisseurs qui croyaient avoir appelé la requérante.

 

Leanne Willmore

[16]      Mme Willmore atteste qu'elle est la gérante d'un des magasins de l'opposante. Elle affirme que des clients ont demandé à maintes reprises des chaussures qu'ils ont vues annoncées sur le site Web de l'opposante. Cependant, l'opposante n'a pas de site Web. Il ressort assez clairement de son récit des conversations tenues avec des clients qu'ils avaient confondu le site Web de la requérante avec un site Web exploité par l'opposante.

 

Ron Woodburn; Jenny-Lind Collins

[17]      Les deux déposants sont vendeurs dans les magasins de l'opposante. Ils font tous deux état d'incidents survenus avec des clients semblables à ceux qu'a connus Mme Willmore.

 

Joanne Latham

[18]      Mme Latham atteste qu'elle est la gérante d'un des magasins de l'opposante. Son témoignage est le suivant :

 

[Traduction]
Au cours des mois d'août 2013 et de septembre 2013, deux clients différents ont visité le Magasin et m'ont dit qu'ils s'étaient rendus dans notre magasin de Toronto. Je les ai informés que nous n'avons pas de magasin à Toronto. Les clients ont maintenu que nous avions un magasin appelé Walk In Comfort à Toronto.

 

Jennifer Warner; Wilfred Wan

[19]      Mme Warner atteste qu'elle est une amie de M. Kereluk. Son témoignage est bien résumé au para. 42 du plaidoyer écrit de l'opposante :

 

[Traduction]
Mme Warner s'est rendue dans le magasin WNC [le magasin de la requérante] situé à Vaughan, en Ontario, et a fait l'achat d'une paire de bottes mode. Pendant sa visite, le personnel du magasin n'a offert à Mme Warner aucune aide dans le choix ou l'ajustement des chaussures ni aucun service, pas plus qu'on lui a offert de services ou fourni d'information quant à la disponibilité des services d'orthèses faites sur mesure dans le magasin. Mme Warner a fait remarquer que son expérience de magasinage au magasin WNC n'a pas été différente que dans tous les autres magasins de chaussures dans lesquels elle s'est rendue.

 

[20]      M. Wan atteste qu'il est un ami de l'agent de marques de commerce de l'opposante. Il s'est rendu dans l'un des magasins de la requérante situé à Richmond Hill. Il a eu la même expérience que Mme Warner dans le magasin de la requérante.

 

Marianne Crozier

[21]      Mme Crozier affirme qu'elle est une technicienne juridique employée par le cabinet qui représente l'opposante. Son affidavit a pour but de présenter en preuve des pièces, examinées ci-dessous.

 

[22]      La Pièce A se compose d'avis de production donnant des détails sur les demandes d'enregistrement de marques de commerce produites par l'opposante en 2013. Les demandes se rapportent aux marques WALK IN COMFORT et WALK IN COMFORT & Dessin, visant la vente de chaussures au détail.

 

[23]      Les Pièces B et C présentent des lettres (datées du 4 juillet 2014) de la Section de l'examen de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (lequel organisme administre, notamment, les demandes et les enregistrements de marque de commerce) s'opposant aux demandes susmentionnées de l'opposante

au motif qu'elles créent de la confusion avec la marque qui fait l'objet de la présente procédure d'opposition.

 

[24]      La preuve de Mme Crozier a peu de valeur probante, parce que cette Commission tient compte d'un plus grand nombre de circonstances que la Section de l'examen pour déterminer si des marques de commerce créent de la confusion.

 

La preuve de la requérante

Michael Gaspar

[25]      M. Gaspar atteste qu'il est le président de Walk’N Comfort Inc. (« Walk’N Comfort »), laquelle société a obtenu une licence de la requérante originale l'autorisant à employer la marque Walk’N Comfort visée par la demande (avant la cession mentionnée au para. 2 ci-dessus). Walk’N Comfort est avant tout une clinique de soins des pieds, qui vend souvent des chaussures correctives pour remplir une ordonnance rédigée par un spécialiste en soins des pieds. Walk’N Comfort vend aussi des chaussures et des orthèses de marque par l'entremise d'un magasin spécialisé rattaché à sa clinique. Presque toutes ses ventes (99,9 %) sont liées à des chaussures correctives ou préventives modifiées sur mesure pour le patient en particulier, lesquelles sont payées par des régimes d'assurance médicale. Le premier magasin a commencé à employer la marque visée par la demande en mai 2010; en décembre 2013, trois magasins étaient exploités, tous en Ontario. La marque visée par la demande est employée à grande échelle dans l'exploitation quotidienne de la société sur les cartes professionnelles, les formulaires d'ordonnance, les brochures d'information, les formulaires de recommandation des patients et d'information et sur les sacs de magasinage. La marque visée par la demande est présentée dans la publicité faite dans les magazines et dans des dépliants publicitaires. Les frais de publicité s'élevaient à 500 000 $ en décembre 2013. Les ventes totales faites en liaison avec la marque de mai 2010 à octobre 2013 se sont élevées à 8,25 millions de dollars. Les ventes de services et de chaussures sont faites presque exclusivement dans la région du Grand Toronto, où sont situés les magasins Walk’N Comfort, ce qui n'est pas surprenant compte tenu de la nature du commerce des chaussures. À cet égard, la majorité des gens n'achèteront pas des chaussures qu'ils n'ont pas manipulées et essayées pour s'assurer de leur ajustement. M. Gaspar n'avait jamais entendu parler de la marque de l'opposante avant que cette procédure soit engagée. À sa connaissance, il n'y a jamais eu de cas de confusion entre la marque visée par la demande et la marque Walk in Comfort de l'opposante.

 

[26]      M. Gaspar explique aussi, au para. 4 de son deuxième affidavit, de quelle manière la société de la requérante est différente de celle de l'opposante, qui est essentiellement un magasin spécialisé de vente de chaussures au détail :

[Traduction]
En ce qui concerne la déclaration . . . selon laquelle l'opposante vend des chaussures pouvant « s'adapter aux orthèses », ce n'est pas différent de tout autre détaillant de chaussures. La plupart des chaussures peuvent s'adapter à une orthèse, l'orthèse étant fabriquée selon les spécifications dictées par la pathologie du patient, mais les chaussures elles-mêmes sont vendues sans modification. Pratiquement toute chaussure peut « s'adapter » à une orthèse. La requérante dispose de podologues agréés qui pratiquent dans nos cliniques en magasin et prescrivent des orthèses faites sur mesure et des chaussures orthopédiques modifiées, en plus d'offrir des services de podologie courants . . . La requérante fait toutes ses modifications de chaussures et l'ajustement de toutes ses orthèses, de même que l'ajustement des bas de contention sur place.

 

Alexander Shaw

[27]      M. Shaw atteste qu'il est un avocat qui travaille dans la ville de Toronto. En décembre 2013, il a parcouru diverses pages Web établies par l'avocat de la requérante. Le contenu des pages Web est joint comme Pièce A à son affidavit. Au para. 13 de son plaidoyer écrit, la requérante soutient que la Pièce A démontre que le terme « walk in comfort » (marcher confortablement) est couramment employé comme expression descriptive par les commerçants dans l'industrie des chaussures. Je conviens que la Pièce A étaye la prétention de la requérante.

 

La preuve en réponse de l'opposante

George Kereluk

[28]      M. Kereluk souligne que le site Web de la requérante renferme une page intitulée « Shop by Brand » (Sélectionner une marque) énonçant que [Traduction] « une grande sélection de chaussures génériques [c.-à-d. non faites sur mesure] [est] offerte en vente » par la requérante. M. Kereluk souligne également que i) les parties tiennent plusieurs des mêmes marques et que ii) si l'opposante ne tient pas toutes les marques offertes par la requérante, l'opposante [Traduction] « tient des marques comparables qui ont une conception et une fonction identiques ou similaires aux marques tenues par Walk’N Comfort ». Il souligne aussi qu'environ le tiers des clients de l'opposante demandent des chaussures qui s'adaptent aux orthèses.

 

Johathan Aiyadurai

[29]      M. Aiyadurai atteste qu'il est un avocat au sein du cabinet qui représente l'opposante. Il fournit des données statistiques qui, selon mes calculs, indiquent que, chaque année, environ 4 800 personnes de Toronto visitent la ville de Victoria comme touristes. Sa preuve étaye la position de l'opposante selon laquelle certains des clients de ses magasins de Victoria habitent à Toronto et connaîtraient les magasins de la requérante.

 

Bethany Watson

[30]      Mme Watson atteste qu'elle est une technicienne juridique employée par le cabinet qui représente l'opposante. Son affidavit a pour but de produire des pièces en preuve, en liasse, à savoir des copies de pages tirées d'Internet montrant l'emploi par des tiers des termes « walk & comfort » (marche & confort) et « walk and comfort » (marche et confort). J'ai examiné les pièces et, sans aucune indication de l'opposante quant à leur signification, je ne suis pas en mesure de déterminer de quelle manière cette preuve vient en aide à l'opposante.

 

Fardeaux de preuve

[31]      Comme je l'ai mentionné précédemment, avant de me pencher sur la question de la confusion, j'estime nécessaire d'examiner, notamment, i) le fardeau de preuve initial imposé à l'opposante au soutien des allégations figurant dans la déclaration d'opposition et ii) le fardeau ultime imposé à la requérante pour établir sa preuve.

 

 [32] En ce qui concerne le point i) ci-dessus, conformément aux règles de preuve habituelles, l'opposante a le fardeau de preuve initial d'établir les faits sur lesquels elle appuie ses allégations formulées dans sa déclaration d'opposition : voir John Labatt Limited c The Molson Companies Limited, 30 CPR (3d) 293, p. 298 (CF 1re inst). La présence d'un fardeau de preuve imposé à l'opposante à l'égard d'une question donnée signifie que, pour que la question soit considérée, la preuve doit être suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ladite question. En ce qui a trait au point ii) ci-dessus, la requérante doit, quant à elle, s'acquitter du fardeau ultime de démontrer que sa demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi sur les marques de commerce invoquées par l'opposante dans sa déclaration d'opposition (concernant les allégations pour lesquelles l'opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait). Le fait que le fardeau ultime incombe à la requérante signifie que, s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre de la requérante.

 

[33]      En l'espèce, la preuve de l'opposante est suffisante pour étayer son allégation de confusion.

 

Quand des marques de commerce créent-elles de la confusion?

[34]      Des marques de commerce créent de la confusion lorsqu'il existe une probabilité raisonnable de confusion au sens de l'art. 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, lequel est libellé comme suit :

 

L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits . . . liés à ces marques de commerce sont fabriqués . . . ou que les services liés à ces marques sont . . . exécutés par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non . . . de la même catégorie générale.

 

[35]      Ainsi, l'art. 6(2) ne porte pas sur la confusion entre les marques elles-mêmes, mais sur la confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d'une source proviennent d'une autre source. En l'espèce, la question que soulève l'art. 6(2) est celle de savoir si les acheteurs des chaussures de la requérante, vendues sous la marque Walk’N Comfort dans le magasin de détail de la requérante, ou si les clients des services de soins des pieds de la requérante, fournis sous la marque Walk’N Comfort, croiraient que ces produits et/ou services ont été fournis, produits ou autorisés par l'opposante ou ont été fournis en vertu d'une licence accordée par l'opposante, qui offre des services de magasin de détail sous la marque Walk in Comfort. C'est à la requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités qui s'applique en matière civile, qu'il n'y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion.

 

Le test en matière de confusion

[36] Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si deux marques créent de la confusion sont « toutes les circonstances de l'espèce, y compris » celles expressément énoncées aux art. 6(5)a) à 6(5)e) de la Loi, à savoir : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; la période pendant laquelle chaque marque a été en usage; le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce; le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Cette liste n'est pas exhaustive et il importe de prendre en considération tous les facteurs pertinents. En outre, ces facteurs n'ont pas nécessairement tous le même poids, et le poids qu'il convient d'accorder à chacun varie selon les circonstances : voir Gainers Inc c Tammy L Marchildon et le Registraire des marques de commerce (1996), 66 CPR (3d) 308 (CF 1re inst). Toutefois, comme l'a souligné le juge Rothstein dans Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC), le degré de ressemblance est souvent le facteur susceptible d'avoir le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion, et ce, même s'il est mentionné en dernier lieu à l'art. 6(5).

 

Examen des facteurs énoncés à l'art. 6(5)

Premier facteur – le caractère distinctif inhérent et acquis

[37]      La marque Walk’N Comfort visée par la demande possède un très faible caractère distinctif inhérent, comme la marque évoque fortement les résultats obtenus à l'achat des produits et services de la requérante, si elle n'en donne pas une description claire : voir S.C. Johnson & Son, Ltd et al c Marketing International Ltd (1979) 44 CPR (2d) (CSC). De même, la marque Walk in Comfort de l'opposante possède un très faible caractère distinctif inhérent, comme la marque évoque fortement les résultats obtenus à l'achat de chaussures dans les magasins de détail de l'opposante, si elle n'en donne pas une description claire. Cependant, la marque de l'opposante aurait acquis un caractère distinctif plus marqué aux deux dates pertinentes en raison des ventes et de la promotion faites sous sa marque à compter de 1990. Le premier facteur favorise donc l'opposante aux deux dates pertinentes.

 

Deuxième facteur – la période pendant laquelle les marques des parties ont été en usage

[38]      L'opposante a commencé à employer sa marque en 1990 et la preuve démontre un emploi et une promotion considérables de sa marque depuis 2001. La requérante n'a commencé à employer la marque visée par la demande qu'en 2010. Par conséquent, le deuxième facteur favorise l'Opposante.

 

Troisième et quatrième facteurs – le genre de produits, services et entreprises et la nature des commerces des parties

[39]      Si j'ai bien compris la preuve, l'activité principale de la requérante consiste à offrir des services de soins des pieds et la requérante exploite son magasin de vente de chaussures au détail accessoirement à son activité principale. En revanche, l'unique activité principale de l'opposante est son magasin de vente de chaussures au détail. Cependant, la preuve démontre aussi qu'il existe un recoupement important entre les magasins de détail des parties, surtout du point de vue du consommateur ordinaire qui ne nécessite pas de services orthétiques de soins des pieds. J'estime que les troisième et quatrième facteurs, considérés ensemble, favorisent l'opposante.

 

Cinquième facteur – le degré de ressemblance entre les marques des parties

[40]      Il n'est pas nécessaire de trop s'attarder au dernier facteur. Les marques des parties sont identiques dans le son et dans les idées qu'elles suggèrent et elles sont presque identiques dans la présentation. Par conséquent, le dernier facteur favorise fortement l'opposante.

 

Autres circonstances de l'espèce

[41]      Les cas de confusion réelle allégués dont ont fait état les employés de l'opposante (voir les para. 16, 17 et 18 ci-dessus) doivent être examinés à titre de circonstance de l'espèce. Une preuve de confusion réelle appuiera évidemment la cause d'un opposant. Cependant, en l'espèce, il est difficile de déterminer si les remarques des clients ont résulté d'une erreur entre les marques elles-mêmes plutôt que d'une confusion réelle. Je n'ai donc accordé que peu de poids à cette preuve.

 

Observations de la requérante

[42]      Dans son plaidoyer écrit, la requérante soutient que Walk’N, le premier élément de la marque visée par la demande, est grammaticalement incorrect et possède un certain caractère distinctif inhérent. Je suis d'accord. La requérante fait également valoir que le premier élément d'une marque est le plus important au regard du caractère distinctif (j'en conviens) et que, comme la marque de l'opposante n'a pas droit à une protection très étendue (j'en conviens), on doit alors conclure que les marques en cause ne créent pas de confusion :

 

[Traduction]
39.
     Il est bien établi en droit qu'on doit accorder aux marques faibles une protection peu étendue. Voir par exemple General Motors Corp. c. Bellows, [1949] R.C.S. 678, p. 691 (CSC) :

. . . lorsqu'une partie a puisé dans le vocabulaire courant du commerce le ou les mots lui servant de marque et qu'elle cherche à empêcher ses concurrents d'en faire autant, la protection à laquelle elle a droit est de moindre étendue que celle qui serait accordée dans le cas d’un mot inventé, unique ou non descriptif . . .

 

40.     C'est précisément le cas en l'espèce. L'Opposante cherche à s'approprier une protection étendue de l'expression clairement descriptive « walk in comfort » (marcher confortablement) pour des marchandises et des services liés aux chaussures, ce qui n'est pas permis.

 

[43]      Je conviens avec la requérante que la marque de l'opposante n'a pas droit à une protection étendue, parce que j'estime que la marque visée par la demande évoque fortement les résultats obtenus en employant les services de magasin de chaussures au détail de l'opposante, si elle n'en donne pas une description claire. Cependant, malgré les observations rigoureuses et détaillées de l'avocat de la requérante à l'audience, je ne suis pas d'accord pour dire que l'opposante cherche à s'approprier l'expression « walk in comfort ». Dans la présente procédure, ce n'est pas l'opposante qui cherche à faire enregistrer ses marques.

 

[44]      Si l'opposante devait poursuivre ses efforts pour faire enregistrer les marques mentionnées aux para. 22 et 23 ci-dessus, la requérante pourrait alors choisir de s'opposer aux demandes (les demandes sont sans doute effectivement suspendues jusqu'à l'issue de la présente procédure). Les questions de savoir si les marques de l'opposante ne sont pas enregistrables parce qu'elles donnent une description claire ou sont enregistrables en vertu des dispositions de sauvegarde de l'art. 12(2) de la Loi sur les marques de commerce (c.-à-d. si elles sont devenues distinctives) ou sont enregistrables, parce qu'elles ne donnent pas une description claire ne sont pas en cause dans la présente procédure.

 

Décision

[45]      Compte tenu de ce qui précède, je conclus que, aux dates pertinentes, la requérante ne s'est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les marques en cause ne créent pas de confusion. En conséquence, la demande d'enregistrement en cause est repoussée. Ma décision aurait été la même si je n'avais accordé aucun poids à la preuve de confusion réelle de l'opposante.

 

[46]      J'ajouterais que, en me prononçant en faveur de l'opposante, j'estime que j'accorde néanmoins à la marque de l'opposante une protection peu étendue. À cet égard, les marques des parties sont presque complètement identiques et il y a un recoupement important entre les marchandises, services, entreprises et commerces des parties. Si l'avocat de la requérante a présenté des arguments juridiques solides, les faits de la présente espèce favorisent incontestablement l'opposante.

 

[47]      La présente décision est rendue dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués par le registraire des marques de commerce en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

______________________________

Myer Herzig, membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 




Traduction certifiée conforme
Marie-Pierre Hétu, trad.

Date de l'audience : 2015-03-26

 

Comparutions

 

Kathleen Lemieux                                                                   Pour l'Opposante

 

 

Mark B. Eisen                                                                          Pour la Requérante

 

 

 

 

 

Agents au dossier

 

Borden Ladner Gervais                                                           Pour l'Opposante


Mark B. Eisen                                                                          Pour la Requérante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.