Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 40

Date de la décision : 2015-03-16

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L'ARTICLE 45, engagée à la demande de Fetherstonhaugh & Co., visant l'enregistrement no LMC661,021 de la marque de commerce FIORELLI au nom de Bentley Leathers Inc.

[1]               Le 23 novembre 2012, à la demande de Fetherstonhaugh & Co. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Bentley Leathers Inc. (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC661,021 de la marque de commerce FIORELLI (la Marque).

[2]               L'avis exige que la Propriétaire fournisse une preuve démontrant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des produits décrits dans l'enregistrement à un moment quelconque entre le 23 novembre 2009 et le 23 novembre 2012. Si la Marque n'a pas été ainsi employée, la Propriétaire doit présenter une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et la raison de son défaut d'emploi depuis cette date.

[3]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec les produits suivants :

Étuis à clés, sacs à vêtements, sacs à robes, sacs à chaussures pour voyage, sacs à vêtements, sacs à cosmétiques vendus vides, sacs à main, bagages, sacs à couches, parapluies, bourses, portefeuilles, porte-billets, porte-monnaie, fourre-tout, sacs d’école, sacs de plage, sacs à provisions, porte-documents, porte-documents type portefeuilles, mallettes à documents, étuis à crayons, sacs isolés pour aliments, sacs à dos, sacs de sport tout usage, cartons à dessins, sacs de voyage, chariots à bagages, sacs-pochettes, sacs à bandoulière, étuis à cosmétiques vendus vides, sacs de vol, sacs banane, sacs repas.

[4]               La définition pertinente d'emploi en liaison avec des produits est énoncée comme suit au paragraphe 4(1) de la Loi :

(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits décrits dans l'enregistrement au cours de la période pertinente.

[6]               En réponse à l'avis du registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de David Margolis, président-directeur général de la Propriétaire, souscrit le 10 juin 2013. Seule la Propriétaire a produit des représentations écrites; aucune audience n'a été tenue.

La preuve de la Propriétaire

[7]               M. Margolis atteste que la Propriétaire est un détaillant de produits en cuir comptant plus de 400 emplacements au Canada. La Propriétaire a acquis la Marque par voie d'un transfert d'Elpro International inc. (Elpro) le 18 avril 2012 et le changement de propriété a été enregistré par le registraire le 24 juillet 2012. Ainsi, je note que les présentes procédures ont commencé sept mois après que la Propriétaire a acquis la Marque.

[8]               En ce qui concerne le prédécesseur en titre de l'Opposante, M. Margolis atteste de manière générale qu'Elpro [Traduction] « emploie la Marque en liaison avec les Produits dans la pratique normale du commerce au Canada depuis juin 2003 ». M. Margolis explique qu'Elpro vendait des produits en liaison avec la Marque pendant la période pertinente, jusqu'à ce que la Marque soit transférée à la Propriétaire. Il explique aussi qu'Elpro a vendu ses produits dans des boutiques et magasins de vente au détail, et que les produits [Traduction] « arboraient la Marque sur leurs étiquettes ou que la Marque était imprimée ou embossée sur les produits ».

[9]               Pour étayer ses dires, il a joint à son affidavit les pièces 4 et 5 :

         La pièce 4 contient une facture vierge et un exemple d'étiquette volante. M. Margolis atteste que l'étiquette volante est représentative de celles fixées sur les produits vendus par Elpro. La Marque figure sur l'étiquette volante. Quant à la facture, bien qu'elle soit vierge, M. Margolis atteste qu'elle est représentative des factures émises par Elpro à ses clients. La Marque apparaît en filigrane sur la facture, avec d'autres marques de commerce, comme « Wild Terrain » et « Giorgini ».

         La pièce 5 comprend six rapports de ventes et six photos de produits correspondants. Les photos sont celles de bourses, deux styles de fourre-tout et deux styles de portefeuilles. Parmi les six produits montrés sur les photos, deux portefeuilles et une bourse arborent la Marque telle que déposée sur des étiquettes en métal attachées aux produits. M. Margolis atteste que les rapports de ventes montrent [Traduction] « la vente au Canada par Elpro d'un éventail non exhaustif de produits arborant la Marque entre 2009 et 2012 ». Je note que les rapports montrent plusieurs milliers de « bourses », « fourre-tout » et « portefeuilles » ont été vendus par Elpro pendant la période pertinente. Les rapports révèlent qu'au moins certaines de ces ventes ont été faites à des détaillants canadiens.

[10]           En ce qui concerne l'emploi de la Marque après qu'elle a été transférée à la Propriétaire, M. Margolis affirme que la Propriétaire a en réalité commencé à faire des commandes auprès de ses fournisseurs pour les produits arborant la Marque à la fin du mois de mars 2012. Il atteste que depuis juin 2012, la Propriétaire [Traduction] « vend et continue de vendre des sacs-pochettes, des sacs à bandoulière, des sacs à main, des sacoches, des porte-monnaie, des portefeuilles, des porte-documents et des porte-documents type portefeuilles en liaison avec la Marque, en ligne et dans ses points de vente au détail ». Il explique que la Propriétaire a initialement choisi de ne vendre que les produits qu'elle croyait pouvoir vendre en grande quantité. Le plan de la Propriétaire était de commencer à vendre un plus grand nombre des produits visés par l'enregistrement une fois la Marque mieux établie. M. Margolis explique aussi que les produits vendus en liaison avec la Marque [Traduction] « arboraient la Marque sur leurs étiquettes ou que la Marque était imprimée ou embossée sur les produits », et qu'ils étaient affichés sur le site Web de l'Opposante dans la section « shop by brand » (magasiner par marque).

[11]           M. Margolis présente aussi la ventilation des dépenses annuelles de la Propriétaire en publicité pour les années 2009 à 2012, et précise que depuis 2009, les dépenses totales en publicité engagées par la Propriétaire représentent en moyenne environ 2 millions de dollars par année. En ce qui concerne la Marque, M. Margolis atteste qu'elle apparaît dans des dépliants saisonniers depuis juin 2012.

[12]           En ce qui concerne les ventes, M. Margolis atteste que les ventes globales des produits arborant la Marque par la Propriétaire s'élevaient à 2 400 000 $ pour la période de juin 2012 à décembre 2012. Cependant, M. Margolis ne précise pas quels produits visés par l'enregistrement doivent être considérés comme faisant partie de cet état déclaratif général des ventes. Je note également que le mois de décembre 2012 est ultérieur à la période pertinente, et M. Margolis ne précise pas quelle portion des ventes s'inscrit dans la période pertinente.

[13]           Pour étayer ses déclarations d'emploi de la Marque depuis son acquisition par la Propriétaire, M. Margolis a fourni les pièces suivantes :

         Les pièces 6 et 7 contiennent des dizaines de bons de commande et de factures provenant des fournisseurs de la Propriétaire. Les produits indiqués sur les bons de commande et factures de fournisseurs comprennent : [Traduction]
« cross body bag », « tote », « satchel », « laptop business tote », « wallet on a string », « clutch », « handbag », « mini back pack », « backpack », « wallet » et « coin case » (sac à bandoulière, fourre-tout, sacoche, sac de transport pour ordinateur portatif, portefeuille avec chaîne, sac-pochette, sac à main, mini sac à dos, sac à dos, portefeuille et porte-monnaie). Les bons de commande sont datés de mars 2012 à avril 2013, et les factures des fournisseurs sont datées de juin 2012 à mai 2013. Les lignes d'information sur les bons de commande semblent indiquer que les produits commandés devaient arborer la Marque; par exemple, on voyait sur une ligne la description suivante des produits commandés : « CLUTCH W/BACK ZIP-FIORELLI PLATE ».

         La pièce 8 contient des dizaines de photos de sacoches, sacs à main, sacs-pochettes et portefeuilles qui, selon ce que déclare M. Margolis, sont représentatives des produits vendus par la Propriétaire pendant la période pertinente. Je note que la Marque est apposée sur des étiquettes, des étiquettes volantes ou des encarts en carton.

         La pièce 9 contient des exemples des étiquettes et étiquettes volantes susmentionnées. La Marque figure bien en vue sur les deux.

         La pièce 10 comprend quatre photos qui, selon ce qu'atteste M. Margolis, montrent « [Traduction] un éventail non exhaustif des Produits arborant la Marque ». Il explique ensuite que les photos montrent la manière dont les produits sont présentés dans les magasins de détail de la Propriétaire depuis juin 2012. Je note que les photos montrent des sacoches et des sacs-pochettes placés sur une tablette d'étalage.

         La pièce 11 comprend des saisies d'écran non datées provenant du site Web de la Propriétaire. Je note que la Marque apparaît sous une photo de chacun des produits offerts pour la vente. Les saisies d'écran montrent les produits suivants affichés sur le site Web : « Mini Backpack » (mini sac à dos), « Satchel » (sacoche), « Cross-body bag » (sac à bandoulière), « Purse » (bourses), « Tote bag » (fourre-tout), « Evening Clutch » (sac de soirée) et « Wallet on a String » (portefeuille avec chaîne).

         La pièce 12 contient des copies d'exemples de rapports de vente qui, selon ce qu'atteste M. Margolis, concernent des ventes en ligne de produits arborant la Marque, conclues par la Propriétaire par l'entremise de son site Web. Je note que les rapports de vente montrent des ventes conclues directement avec des consommateurs individuels au Canada en octobre et novembre 2012, pour les produits suivants : « Cross-body trend Bag » (sac à bandoulière mode), « Cross-body Bag » (sac à bandoulière), « Leather Handbag » (sac à main en cuir), « Satchel » (sacoche), « Trend Tote Bag » (fourre-tout mode), « Leather Wallet » (portefeuille en cuir), « Sac à bandoulière » et « Sac à lunch ».

Analyse

[14]           Dans ses observations écrites, la Propriétaire a fait valoir qu'un propriétaire inscrit n'est pas tenu d'établir l'emploi en liaison avec chaque produit de l'enregistrement, à condition que l'affidavit indique clairement que la marque de commerce a été employée en liaison avec l'ensemble des produits pendant la période pertinente et que les produits étaient clairement organisés en catégories pour lesquelles des exemples ont été fournis [voir Saks & Co c Canada (Registraire des marques de commerce) (1989), 24 CPR (3d) 49 (CF 1re inst)].

[15]           Bien que j'accepte le fait que les étiquettes volantes et les photos présentées en preuve soient représentatives de la manière dont la Marque a été apposée sur les produits, le problème est que M. Margolis ne démontre pas clairement les transferts de chacun des produits visés par l'enregistrement pendant la période pertinente; il ne fournit qu'une preuve de transferts de certains des produits.

[16]           En ce qui concerne les transferts des produits arborant la Marque par Elpro, ses rapports de ventes et photos connexes, lesquels sont produits en pièce 5, démontrent seulement des transferts de « portefeuille » et de « fourre-tout ». Les rapports de vente montrent que ces produits ont été transférés à des détaillants qui vendent ensuite les produits aux consommateurs.

[17]           En ce qui concerne la Propriétaire, les rapports de ventes produits en pièce 12 montrent également des ventes à des clients canadiens et viennent appuyer davantage la conclusion selon laquelle des portefeuilles, des sacoches et des fourre-tout ont été vendus en liaison avec la Marque. En outre, les rapports de ventes de la Propriétaire montrent des transferts de sacs à main, de sacs-pochettes et de sacs à lunch arborant la Marque pendant la période pertinente.

[18]           Toutefois, en ce qui a trait aux produits restants, il n'y a pas suffisamment de preuve de transferts pendant la période pertinente. Même si M. Margolis fait valoir que la Propriétaire « a vendu et vend toujours » des porte-monnaie, des porte-documents et des porte-documents type portefeuilles en liaison avec la Marque, il ne fournit aucun rapport de ventes pour confirmer la vente de tels produits au Canada pendant la période pertinente, ou à tout autre moment.

[19]           Je note également que les photos de la pièce 8 qui, selon M. Margolis, montrent la manière dont la Marque était apposée, n'incluent pas de photos de ces trois produits visés par l'enregistrement. Bien que j'accepte que les photos ne soient qu'une représentation de la manière dont la Marque était apposée, il est étrange que la Propriétaire n'ait pas fourni de rapports de vente ni d'autres preuve à l'appui de la simple allégation de M. Margolis au sujet des ventes de porte-monnaie, de porte-documents et de porte-documents type portefeuilles

[20]           En outre, M. Margolis donne un montant global en dollars pour les ventes de la Propriétaire, plutôt que de ventiler ces ventes en fonction de chaque produit visé par l'enregistrement. Je souligne à nouveau que le total comprend le mois de décembre 2012, lequel est ultérieur à la période pertinente. Ainsi, même si je devais conclure que la Propriétaire a vendu au moins certains de ces trois produits dans la pratique normale du commerce, je considère que la preuve est ambiguë et qu'elle n'indique pas clairement si ces ventes ont été conclues pendant la période pertinente.

[21]           En ce qui a trait aux « sacs à dos », un « mini sac à dos » apparaît dans les saisies d'écran tirées du site Web de la Propriétaire, produites en pièce 11, ainsi que sur la facture d'un fournisseur produite en pièce 7. Cependant, M. Margolis n'a pas précisément attesté l'emploi de la Marque en liaison avec les sacs à dos et la Propriétaire n'a fourni aucune preuve de ventes de sacs à dos au Canada pendant la période pertinente. Or, je ne suis pas convaincu que la preuve établit l'emploi de la Marque en liaison avec les sacs à dos.

[22]           En ce qui a trait aux autres produits, il n'y a aucune preuve de transferts dans la pratique normale du commerce, quelle qu'elle soit. À nouveau, je note que M. Margolis admet dans son affidavit qu'après avoir acquis la Marque, la Propriétaire a choisi de ne vendre que certains des produits visés par l'enregistrement et envisageait de commencer à vendre les autres produits ultérieurement. Je ne peux donc conclure que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les autres produits.

[23]           Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que la Propriétaire a établi l'emploi de la Marque en liaison avec les fourre-tout, les sacoches, les sacs à main, les sacs-pochettes, les portefeuilles et les sacs à lunch seulement, au sens des articles 4 et 45 de la Loi. Je note toutefois que le terme « Clutch bags » apparaît inutilement deux fois dans la version anglaise de l'état déclaratif des produits. Cette redondance sera donc supprimée de l'enregistrement.

Circonstances spéciales

[24]           Je me pencherai maintenant sur la question de savoir, en vertu du paragraphe 45(3) de la Loi, s'il existe des circonstances spéciales qui justifient le défaut d'emploi de la Marque relativement aux autres produits pour lesquels l'emploi n'a pas été établi. Comme il en a été question précédemment, ces produits comprennent les porte-monnaie, les porte-documents et les porte-documents type portefeuilles, pour lesquels M. Margolis atteste l'emploi en liaison avec la Marque, mais pour lesquels aucune preuve de transfert n'a été produite.

[25]           La règle générale est la suivante : le défaut d'emploi sera pénalisé par la radiation, mais il peut y avoir des exceptions si le défaut d'emploi découle de circonstances spéciales [Smart & Biggar c Scott Paper Ltd (2008), 65 CPR (4th) 303 (CAF) au paragraphe 22]. Afin de déterminer si des circonstances spéciales ont été démontrées, le registraire doit d'abord déterminer, à la lumière de la preuve produite, la raison pour laquelle la marque de commerce n'a pas été employée pendant la période pertinente. Ensuite, le registraire doit déterminer si ces motifs de défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales [voir Registraire des marques de commerce c Harris Knitting Mills Ltd (1985), 4 CPR (3d) 488 (CAF)]; la Cour fédérale a soutenu que des circonstances spéciales sont des circonstances ou des motifs qui sont inhabituels, peu communs ou exceptionnels [John Labatt Ltd c The Cotton Club Bottling Co (1976), 25 CPR (2d) 115 (CF 1re inst.) à la page 123].

[26]           Si le registraire détermine que les motifs du défaut d’emploi constituent des circonstances spéciales, il doit décider si de telles circonstances spéciales justifient la période de défaut d'emploi. Cela suppose l'analyse de trois critères : (1) la durée de la période pendant laquelle la marque n'a pas été employée; (2) la question de savoir si les raisons du défaut d'emploi étaient indépendantes de la volonté du propriétaire inscrit; et (3) la question de savoir s'il existe une intention sérieuse de reprendre l'emploi de la marque à court terme [voir Harris Knitting, supra].

[27]           La Cour d'appel fédérale a apporté d'autres précisions quant à l'interprétation du deuxième critère, à savoir que ce critère doit obligatoirement être rempli pour que l'on puisse conclure à l'existence de circonstances spéciales justifiant le défaut d'emploi d'une marque de commerce [Scott Paper Ltd, supra]. En d'autres termes, les deux autres critères sont pertinents, mais ils ne sauraient à eux seuls constituer des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi. De plus, l'intention de reprendre l'emploi doit être corroborée par la preuve [voir Arrowhead Spring Water Ltd c Arrowhead Water Corp (1993), 47 CPR (3d) 217 (CF 1re inst); NTD Apparel Inc c Ryan (2003), 27 CPR (4th) 73 (CF 1re inst)].

[28]           Dans ses observations écrites, la Propriétaire fait valoir qu'elle n'a acquis la Marque que sept mois avant que l'avis prévu à l'article 45 soit donné et qu'elle a commencé à faire des commandes de produits même avant que la Marque soit transférée. La Propriétaire soutient également qu'elle a commencé à vendre des produits arborant la Marque dans les trois mois suivant le transfert. Enfin, la Propriétaire soutient que M. Margolis a donné des déclarations claires quant à l'intention de la Propriétaire de commencer à employer la Marque en liaison avec les autres produits.

[29]           La Propriétaire souligne une décision précédemment rendue par le registraire pour faire valoir la proposition selon laquelle il peut exister des circonstances spéciales si une marque de commerce a récemment été acquise et le propriétaire inscrit a démontré une intention sérieuse d'en reprendre l'emploi. En l'espèce, le registraire a souligné que, dans certains cas, [Traduction] « il est juste de penser que le nouveau propriétaire d'une marque de commerce a besoin de temps pendant le démarrage pour reprendre l'emploi » [Bereskin & Parr c Adamakos (1997), 80 CPR (3d) 307 (COMC)].

[30]           À la lumière des observations de la Propriétaire, il semble que cette dernière estime que la raison du défaut d’emploi de la Marque relativement aux autres produits était que la Marque venait tout juste d'être acquise par la Propriétaire. Toutefois, même si cela peut expliquer en partie la période de défaut d’emploi, je note que les propres déclarations de M. Margolis indiquent que la principale raison pour laquelle la Marque n'a pas été employée en liaison avec l'ensemble des produits visés par l'enregistrement est une décision d'affaires prise par la Propriétaire. M. Margolis atteste précisément que la Propriétaire a choisi de ne commencer à vendre que les produits pour lesquels elle avait la certitude qu'ils se vendraient en grande quantité et qu'au fur et à mesure que [Traduction] « la Marque s'établit dans les points de vente Bentley Leathers, d'autres produits seront ajoutés à la gamme offerte ».

[31]           En ce qui concerne la question de savoir si les motifs du défaut d'emploi constituent des circonstances spéciales, je noterais d'abord que, dans Adamakos, le registraire a maintenu l'enregistrement sur le fondement de la preuve produite par la propriétaire inscrite et que la discussion au sujet des circonstances particulières s'est limitée à une discussion sur des « solutions de rechange ». En outre, dans ce cas, la propriétaire inscrite avait fourni une preuve claire démontrant une intention sérieuse de reprendre l'emploi, comme des bons de commande de ses fournisseurs pour les produits particuliers en cause.

[32]           Je note aussi que l'assignation d'une marque de commerce ne constitue pas en soi une circonstance particulière [voir WIPG AG c Wico Distribution Corp (1999), 2 CPR (4th) 388 (COMC) à la page 397]. Bien qu'il ait été en mesure de fournir quelques preuves d'emploi de la Marque par le prédécesseur en titre de la Propriétaire, Elpro, M. Margolis ne présente aucun détail concernant les circonstances de entourant l'acquisition de la Marque par la Propriétaire. Quoi qu'il en soit, le défaut d’emploi de la Marque en l'espèce est au moins en partie attribuable à une décision d'affaires prise par la Propriétaire, comme il a été mentionné précédemment. Il a été confirmé que des conditions de marché défavorables et des décisions d'affaires volontaires ne constituent pas le type de circonstances spéciales inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles qui constituent des circonstances spéciales [voir Harris Knitting, supra; Lander Co Canada Ltd c Alex E Macrae & Co (1993), 46 CPR (3d) 417 (CF 1re inst)].

[33]           À la lumière de ce qui précède, je conclus que la Propriétaire n'a pas démontré de circonstances spéciales en l'espèce. En revanche, je vais néanmoins discuter de la question de savoir si les motifs du défaut d’emploi dans le cas qui nous occupe constitueraient des circonstances particulières justifiant le défaut d'emploi, à la lumière des trois critères énoncés par la Cour d'appel fédérale [voir Harris Knitting, supra].

[34]           En ce qui concerne le premier critère, M. Margolis n'indique pas de date de dernier emploi. Comme il a été indiqué précédemment, il confirme que la Propriétaire a acquis la Marque en avril 2012, sept mois avant l'envoi de l'avis prévu à l'article 45. Dans certains cas, la date à laquelle une marque de commerce déposée a été transférée à un nouveau propriétaire peut être considérée comme la date pertinente, s'il n'y a eu aucun emploi par le propriétaire précédent et s'il l'explication des motifs du défaut d'emploi par l'ancien propriétaire nécessite une approche trop technique pour le nouveau propriétaire [voir GPS (UK) Ltd c Rainbow Jean Co (1994), 58 CPR (3d) 535 (COMC)].

[35]           En l'espèce, comme il a été mentionné précédemment, M. Margolis a fourni une preuve d'emploi de la Marque par Elpro en liaison avec certains des produits visés par l'enregistrement. Cependant, il ne donne aucun détail concernant les circonstances de son acquisition et ne déclare simplement que la Propriétaire a acquis la Marque par voie de cession. Étant donné que quelques preuves d'emploi par Elpro ont été produites, on comprend mal pourquoi M. Margolis n'a pas pu produire une déclaration quant à la date de dernier emploi de la Marque pour les autres produits. On en déduit que la Marque n'a probablement pas été employée en liaison avec ces produits par Elpro. Par conséquent, je suis d'avis qu'il convient de considérer que la date pertinente aux fins du premier critère doit être la date de l'enregistrement, soit le 21 mars 2006 [voir Oyen Wiggs Green & Mutala LLP c Rath (2010), 82 CPR (4th) 77 (COMC)]. Par conséquent, la période de défaut d'emploi a duré plus de six ans et demi.

[36]           Même si je devais considérer la date pertinente comme étant la date du transfert de la Marque à la Propriétaire, la preuve établit que les motifs de non-emploi par la Propriétaire dans cette plus courte période étaient en partie dus à une décision d'affaires prise par la Propriétaire qui souhaitait se concentrer sur des produits plus rentables. En ce qui concerne le deuxième critère, et en lien avec le raisonnement ci-dessus selon lequel de telles décisions d'affaires ne constituent pas des circonstances qui sont « inhabituelles, peu communes ou exceptionnelles », une décision d'affaires volontaire n'échappe pas au contrôle de la Propriétaire [voir Lander Co Canada Ltd, supra].

[37]           Enfin, en ce qui a trait au troisième critère, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré une intention sérieuse de reprendre l'emploi. La Cour fédérale a noté que [Traduction] « l'intention de reprendre l'emploi de la marque de commerce ne suffit pas à elle seule, mais doit être établie par des éléments factuels comme des bons de commande ou, à tout le moins, une date certaine de reprise » [Lander, supra à la page 421]. La preuve n'indique pas clairement à quel moment la Propriétaire décidera que le marché est suffisamment établi pour amorcer l'emploi de la Marque en liaison avec les autres produits. En outre, les bons de commande et les factures des fournisseurs produits en pièce 6 et 7 indiquent que la Propriétaire n'a pas tenté de commander les autres produits, à l'exception peut-être des « mini sacs à dos ». Les déclarations de M. Margolis concernant la reprise de l'emploi sont généralement vagues; il ne présente aucun échéancier précis ni n'indique quelles mesures particulières sont prises pour reprendre l'emploi de la Marque en liaison avec les autres produits.

[38]           Ainsi, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a établi que les motifs du défaut d'emploi échappaient à son contrôle. En outre, je ne suis pas convaincu que la Propriétaire a démontré une intention sérieuse de commencer ou de reprendre l'emploi de la Marque en liaison avec les autres produits. Par conséquent, même si je devais conclure que les motifs de défaut d’emploi établis dans la preuve constituaient des circonstances spéciales, je ne serais pas convaincu que lesdites circonstances spéciales justifient le défaut d'emploi en l'espèce.

Décision

[39]           Compte tenu de tout ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi et conformément aux dispositions de l'article 45 de la Loi, l'enregistrement sera modifié afin de supprimer les éléments suivants de l'état déclaratif des produits :

Étuis à clés, sacs à vêtements, sacs à robes, sacs à chaussures pour voyage, sacs à vêtements, sacs à cosmétiques vendus vides, ... bagages, sacs à couches, parapluies, ... porte-billets, porte-monnaie, ... sacs d’école, sacs de plage, sacs à provisions, porte-documents, porte-documents type portefeuilles, mallettes à documents, étuis à crayons, sacs isolés pour aliments, sacs à dos, sacs de sport tout usage, cartons à dessins, sacs de voyage, chariots à bagages, ... sacs à bandoulière, étuis à cosmétiques vendus vides, sacs de vol, sacs banane.

[40]           L'état déclaratif des produits modifié sera rédigé comme suit :

Sacs à main, bourses, portefeuille, fourre-tout, sacs-pochettes et sacs à lunch.

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Andrew Bene

Agent d'audience

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

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