Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION  de A.B. Dick Company à la demande nº 1,053,781 produite au nom de Platsch GmbH & Co. KG   en vue de l’enregistrement de la marque GRAFIX & Dessin

                                                                                

 

Le 3 avril 2000, Hans Platsch, faisant affaire sous Grafix Hans Platsch, a déposé une demande en vue d’enregistrer la marque de commerce GRAFIX & Dessin (la « marque ») illustrée ci-dessous, revendiquant la priorité basée sur une demande correspondante déposée en Allemagne le 27 octobre 1999.

GRAFIX & Design

Les couleurs sont revendiquées comme caractéristique de la marque de commerce, comme suit : le mot GRAFIX et le point sur la lettre I sont en blanc, la ligne au-dessus du mot GRAFIX est en bleu pâle, le tout étant sur fond bleu foncé. 

 

La demande est fondée à la fois sur l’emploi projeté au Canada et sur l’enregistrement et l’emploi en Allemagne en liaison avec les marchandises et services suivants :

 

Marchandises : machines électriques pour la production de mélanges de gaz-poudre; machines électriques pour l’application de poudre et de liquide à la surface des matériaux en feuilles et des produits tridimensionnels; machines électriques pour la récupération de poudre des mélanges de gaz-poudre et pour la récupération de liquide des mélanges de gaz-liquide; appareils de séchage à l’air chaud et aux infrarouges, ainsi qu’aux ultraviolets, pour le séchage des matériaux en feuilles à revêtement de surface (les « marchandises »).

 

Services : services d’un ingénieur dans le domaine de  l’application de poudre et de liquides à des surfaces de matériaux en feuilles et de produits tridimensionnels, ainsi que dans le domaine du séchage des encres d’imprimerie (les « services »).

 

Le 25 janvier 2002, le registraire des marques de commerce a délivré un avis confirmant l’inscription de Platsch GmbH & Co. KG à titre de propriétaire de la demande à la suite d’une cession conclue le 11 décembre 2001. Sauf indication contraire, j’utiliserai le terme « requérante » pour désigner le propriétaire de la demande au moment pertinent.  

 

La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 10 avril 2002. Le 10 septembre 2002, une déclaration d’opposition a été produite par A.B. Dick Company (l’« opposante »). Le 11 décembre 2002, la requérante a produit une contre-déclaration.

 

Le 25 mai 2004, l’opposante a obtenu l’autorisation de déposer une déclaration d’opposition modifiée en date du 14 juillet 2003. L’opposante a expressément fait référence aux services, lesquels elle avait omis d’indiquer dans la déclaration d’opposition initiale. Dans le préambule des motifs d’opposition, l’opposante soutient que le mot « grafix » est dominant dans la marque et qu’il est phonétiquement identique au mot « graphics ». Ce mot serait vu et perçu comme une corruption du mot « graphics ». L’opposante prétend également que les marchandises et services sont utilisés dans le domaine des graphiques ou ont une application graphique. Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit : 

 

1.      La marque n’est pas enregistrable suivant les dispositions de l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la « Loi »), car elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises et services, ou des conditions de leur production, ou de leur lieu d’origine, ou des personnes travaillant à la production des marchandises et services.

 

2.      La marque n’est pas distinctive et n’est pas non plus adaptée à distinguer la requérante, les marchandises ou les services.

 

3.      La demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30d) de la Loi étant donné que la marque n’a pas été utilisée et déposée en Allemagne en liaison avec toutes les marchandises et tous les services.

 

Chaque partie a produit une preuve, des observations écrites et était représentée lors de l’audience.

 

Preuve de l’opposante

 

La preuve consiste en des affidavits souscrits par des employés des anciens agents de marques de commerce de la requérante, notamment : Shelley Jones, agente de marques de commerce, Karen E. Thompson, recherchiste en marques de commerce, Jean-Charles Grégoire, stagiaire d’été, et Iain Beaudoin, stagiaire d’été. L’opposante a obtenu une ordonnance visant le contre-interrogatoire de M. Beaudoin, mais elle n’a pas effectué ce contre-interrogatoire.

 

Affidavit de Shelley Jones

 

Madame Jones communique à titre de preuve les résultats de ses recherches sur Internet exécutées en juillet 2003 pour trouver des exemples représentatifs montrant l’emploi des mots « graphics » et ses équivalents phonétiques « grafix » et « graphix » en liaison avec divers produits ou services, y compris des exemples de ces mots utilisés à proximité du mot « print ». Elle fournit les résumés de ses recherches et des copies des pages représentatives téléchargées de divers sites Web. À mon avis, les copies des pages Web prouvent, tout au plus, que les sites existaient sur le Web au moment des recherches.

 

Affidavit de Karen E. Thompson

 

Madame Thompson communique à titre de preuve les résultats de sa recherche dans la base de données CD NameSearch exécutée le 2 juillet 2003 relativement aux marques de commerce en instance et déposées renfermant le mot « graphics » ou « grafix » pour des produits et services. Elle indique que sa recherche a permis de trouver 137 marques de commerce, dont 111 sont déposées ou autorisées. 

 

Affidavit de Jean-Charles Grégoire

 

Monsieur Grégoire communique à titre de preuve des extraits de divers dictionnaires, dont The Canadian Oxford Dictionary, pour des définitions du mot « graphics ».

 

Affidavit de Iain Beaudoin

 

Monsieur Beaudoin communique à titre de preuve les résultats de ses recherches exécutées en juillet 2003 dans l’annuaire téléphonique en ligne Canada 411 dans le but de trouver des entreprises dont les noms renferment le mot « grafix » (pièce A), « graphix » (pièce C) et « graphics » (pièce D). Compte tenu des adresses connues, il est évident que certains noms commerciaux apparaissent plus d’une fois dans la même pièce. Monsieur Beaudoin soutient avoir téléphoné aux entreprises énumérées dans la pièce A (45 entrées) afin de déterminer si elles  étaient dans le domaine de l’impression, et ce, depuis combien de temps. Il fournit un résumé de ses constatations (pièce B) et indique qu’au moins 11 de ces entreprises exercent des activités depuis au moins dix ans. Je n’accorde aucune valeur au témoignage de M. Beaudoin fondé sur le résultat des conversations téléphoniques puisqu’il s’agit d’un ouï-dire.

 

M. Beaudoin communique à titre de preuve des copies des trois brevets américains suivants : un « device for spraying powder » (instrument à saupoudrer), un « powder-dusting apparatus » (appareil  à saupoudrer) et un « dryer unit » (appareil de séchage), respectivement. Même si Hans G. Platsch est identifié comme l’inventeur dans les trois cas, il n’existe aucune preuve étayant les observations de l’opposante selon lesquelles ces brevets se rapportent aux marchandises. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas en mesure d’interpréter la signification d’un brevet.

 

Enfin, M. Beaudoin produit une copie d’un extrait de McGraw-Hill Encyclopaedia of Science and Technology, 9e édition, sur l’« impression », et une copie d’un extrait d’un texte intitulé Offset Lithographic Technology. Les deux ouvrages ont été empruntés à la Bibliothèque publique d’Ottawa en juillet 2003 ou vers cette date.

 

Preuve de la requérante

 

La preuve consiste en un affidavit de Hans P. Platsch. Il est le directeur général de Platsch GmbH & Co. KG depuis janvier 2001. Il est aussi le directeur général de Grafix Zerstäubungstechnik GmbH, aussi connue sous le nom de Grafix GmbH, depuis 1982 (« Grafix GmbH »). Il est le principal actionnaire de Platsch GmbH & Co. KG et de Grafix GmbH.

 

Le paragraphe 2 de l’affidavit se lit comme suit :

 

2.      [traduction] Jusqu’au 27 août 2001, je faisais affaire sous les noms Grafix et Grafix Hans Platsch et j’étais propriétaire de la marque GRAFIX (ci-après appelés le « prédécesseur de la requérante »). Cette firme détenait tous les droits de propriété industrielle de mon entreprise. La production et la commercialisation des produits se faisaient par le biais de Grafix Zerstäubungstechnik GmbH (aussi connue sous le nom de Grafix GmbH) au Kupferstrasse 40, D-70565 Stuttgart (Allemagne). En 2001, j’ai décidé de transférer les droits de propriété industrielle détenus par Grafix Hans Platsch à la requérante.

 

L’opposante soutient qu’il y a une certaine ambiguïté dans l’affirmation de M. Platsch puisqu’il affirme que la marque GRAPHIX lui appartient en propre, mais fait ensuite référence à  « cette firme » qui détient « tous les droits de propriété industrielle de mon entreprise ». Toutefois, j’estime qu’il est raisonnable d’inférer que la mention « cette firme » est une référence à M. Platsch lui-même faisant affaire sous les noms Grafix et Grafix Hans Plastch comme prédécesseur en titre de Platsch GmbH & Co. KG.

 

Monsieur Platsch donne un certificat d’authenticité de l’enregistrement nº TMA507,663 pour la marque GRAFIX & Dessin (la « marque déposée ») en liaison avec « [traduction] des applicateurs pour l’application de poudre à la surface des matériaux en feuilles utilisés dans les machines d’impression; des générateurs pour la production de mélanges gaz-poudre; des pièces de machines d’impression, nommément des appareils à séchage à l’air chaud et aux infrarouges utilisés pour le séchage des couches de matériaux en feuilles ». M. Platsch transmet aussi les détails de la demande en vue d’enregistrer la marque. Il indique que la marque et la marque déposée, illustrée ci-dessous, ont été cédées à la requérante le 27 août 2001.

GRAFIX & DESIGN

Il est à noter que j’accepterais que la preuve d’emploi de la marque déposée au sens de l’article 4 de la Loi équivaille à la preuve d’emploi de la marque [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c. Cie internationale pour l'informatique CII Honeywell Bull, S.A., (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F), et Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.)]

 

M. Platsch fournit les détails des enregistrements pour la marque dans des pays autres que le Canada, y compris une copie certifiée de l’enregistrement allemand nº 399 67 266 (pièce B-02) ainsi qu’une traduction anglaise de l’enregistrement (pièce B-05).

 

Au paragraphe 11 de son affidavit, M. Platsch indique que les marchandises couvrent principalement deux domaines de l’imprimerie, à savoir les « appareils de séchage pour films d’encre  d’imprimerie » et les « appareils à saupoudrer ». Il ajoute que les marchandises sont très avancées et ont été mises au point pour saupoudrer une très mince couche de poudre sur les produits fraîchement imprimés dans les grandes usines d’imprimerie. Les marchandises sont également utilisées pour éviter que les feuilles imprimées se collent ensemble après l’impression et pour améliorer le séchage aux ultraviolets, aux infrarouges et à l’air chaud.

 

Au paragraphe 12 de son affidavit, M. Platsch précise que les marchandises et les services sont en grande partie vendus aux principaux fabricants mondiaux de presses à imprimer ainsi qu’aux moyens et grands centres d’impression. Ces fabricants intègrent les marchandises dans des imprimeries d’ensemble. Grafix GmbH, le licencié de la requérante, vend aussi les marchandises et les services directement aux clients qui veulent ajouter les marchandises sur leurs presses à imprimer achetées individuellement. Monsieur Platsch ajoute qu’aux États-Unis et au Canada, les ventes directes ont été faites et les services rendus par le biais de Grafix North America jusqu’en 2003 et depuis, par le biais de Grafix USA LLC. L’opposante a remarqué, et avec raison, que la requérante avait omis de fournir les chiffres des ventes ou des dépenses publicitaires pour le Canada et la preuve des ventes des marchandises ou des produits finis à des clients canadiens.

 

Monsieur Platsch fournit des brochures en allemand et en anglais censées décrire les marchandises et les services de la requérante. Il indique que ces brochures sont représentatives de celles distribuées par la requérante, directement ou par le biais de son licencié, aux clients dans divers pays, y compris l’Allemagne, depuis mai 2000. J’estime raisonnable de conclure que les brochures déposées comme pièces C-02, C-04 et C-06 sont les versions anglaises des brochures allemandes déposées comme pièces C-01, C-03 et C-05 respectivement. Il n’existe pas de version anglaise de la brochure allemande produite comme pièce C-07. De plus, je constate que le nom Grafix GmbH apparaît au bas de la dernière page de cinq brochures (pièces C-01 à C-03, C-05, C-07), alors que les noms Grafix GmbH et Graffix USA LLC apparaissent au bas de la dernière page de deux brochures (pièces C-04, C-06).

 

Monsieur Platsch soutient que la marque est utilisée en Allemagne en liaison avec les marchandises et les services depuis janvier 2000 en remplacement de la marque déposée. La marque a été « présentée au public » dans deux annonces publicitaires parues dans le journal Deutscher Drucker de janvier 2000. Il ajoute que la marque a commencé à être utilisée progressivement sur des documents commerciaux, sur les marchandises et relativement à l’information technique des marchandises à partir de janvier 2000. Monsieur Platsch présente des « étiquettes, emballages, feuilles techniques, articles de papeterie et autres » (pièces D-01 à D-22) qui « ont été distribués au moment de la vente » des marchandises et des services et qui sont représentatifs du matériel utilisé par la requérante et Grafix GmbH en Allemagne depuis janvier 2000. Monsieur Plastch explique la nature de ces pièces, rédigées en allemand à l’exception des pièces D-12 et D-13 identifiées comme « plaques de logo ». Il remet aussi des documents concernant la livraison des marchandises « portant » la marque et en explique la nature (pièces E-01 à E-05).

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             Monsieur Platsch conclut en déclarant que toutes les marchandises fabriquées et les services vendus par Grafix GmbH ont été fabriquées et vendus conformément aux normes et exigences de qualité de la requérante. Ces déclarations m’amènent à traiter de l’argumentation de l’opposante selon laquelle la requérante ne peut bénéficier de l’emploi de la marque par Grafix GmbH aux termes du paragraphe 50(1) de la Loi parce qu’il n’existe aucune preuve que le propriétaire contrôle, directement ou indirectement, les activités de Grafix GmbH.

 

La requérante n’a pas produit de contrat de licence en preuve, mais l’article 50 de la Loi n’exige pas un contrat écrit. La preuve du contrôle par le propriétaire de la marque de commerce peut soutenir l’existence d’un contrat de licence implicite [voir Well’s Dairy Inc. c. UL Canada Inc. (2000), 7 C.P.R. (4th) 77 (C.F. 1re inst.)]. Si Platsch GmbH & Co. KG contrôle la nature ou la qualité des marchandises et services parce que M. Platsch est l’unique actionnaire de cette entité et de Grafix GmbH, alors M. Platsch aurait dû l’énoncer clairement [voir Automobility Distribution Inc. c. Jiangsu Electronics Industries Ltd. (2005), 43 C.P.R. (4th) 157 (C.O.M.C.)]. Toutefois, je suis consciente que M. Platsch, qui était le prédécesseur de Platsch GmbH & Co KG, est le directeur général de Platsch GmbH & Co KG depuis janvier 2001 et de Grafix GmbH depuis 1982. Par conséquent, je conclus qu’il est possible de déduire que Grafix GmbH a utilisé la marque de la requérante en vertu d’un contrat de licence verbal, ou d’une entente équivalente, et que la requérante a conservé le contrôle, direct ou indirect, de la marque [voir Lindy c. Registraire des marques de commerce (1999), 241 N.R. 362 (C.A.F.)]. J’estime donc que la requérante a montré qu’elle peut se prévaloir du paragraphe 50(1) de la Loi.

 

Analyse des différentes motifs d’opposition

 

L’opposante a la charge initiale d’établir les faits invoqués à l’appui de chaque motif d’opposition. Si l’opposante s’acquitte de cette charge initiale, la requérante doit prouver que le motif d’opposition ne devrait pas faire obstacle à l’enregistrement de la marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Limited c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd. c. Molson Companies Ltd. (1990), 30 C.P.R. (3d) 293, (C.F. 1re inst.), et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company (2005), 41 C.P.R. (4th) 223 (C.F.)].

 

Alinéa 30d)

 

La date pertinente pour examiner les circonstances entourant le motif d’opposition fondé sur le non-respect de l’alinéa 30d) de la Loi est la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)].

 

L’opposante soutient que la demande n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30d) de la Loi puisque la marque n’a pas rempli la double exigence d’avoir été utilisée et déposée en Allemagne en liaison avec toutes les marchandises ou tous les services. L’opposante n’a allégué aucun fait à l’appui de ce motif d’opposition et n’a pas déposé de preuve s’y rapportant. Toutefois, l’opposante a explicité son argumentation dans ses observations écrites et lors de l’audience en faisant valoir qu’elle peut s’acquitter de son léger fardeau de présentation en se fondant sur la preuve de la requérante. Même si l’opposante se fonde sur la preuve de la requérante pour s’acquitter de sa charge initiale, elle doit montrer que la preuve de la requérante est manifestement incompatible avec sa requête.

 

En toute déférence pour l’opposante, la Loi et la jurisprudence actuelle n’appuient pas les prétentions selon lesquelles la demande n’est pas conforme à l’alinéa 30d) de la Loi puisque la requérante n’a pas elle-même utilisé la marque en Allemagne. De plus, ainsi qu’il a été indiqué précédemment, je suis convaincue que la requérante peut bénéficier de l’emploi de la marque par Grafix GmbH en application du paragraphe 50(1) de la Loi.

 

À l’audience, l’opposante a longuement exposé les lacunes de la preuve de la requérante en ce qui concerne l’emploi de la marque en Allemagne. Je ferai d’abord remarquer que l’opposante n’ayant produit aucune preuve à l’appui de son motif d’opposition, la requérante n’avait pas le fardeau de déposer une preuve pour appuyer sa requête. En ce qui concerne les prétentions de l’opposante, j’admets que la parution de la marque dans des brochures ne constitue pas un emploi en liaison avec les marchandises au sens de l’alinéa 4(1) de la Loi [voir Clairol International Corp. c. Thomas Supply & Equipment Co. Ltd (1968), 55 C.P.R. 176]. Toutefois, les brochures déposées comme pièces C-01 à C-07 comprennent des photographies illustrant la marque sur des tableaux de commande. Par conséquent, j’estime qu’il est raisonnable de conclure à l’emploi de la marque en liaison avec les marchandises au sens de l’alinéa 4(1) de la Loi. Bien que j’admette que les brochures sont postérieures à la date pertinente, M. Platsch a indiqué que la marque a été adoptée en janvier 2000 en remplacement de la marque déposée et qu’elle a progressivement commencé à être utilisée sur des documents commerciaux, sur les marchandises et relativement à l’information technique. En l’absence de contre-interrogatoire, je n’ai aucune raison d’ignorer les déclarations de M. Platsch. À l’audience, l’opposante a reconnu que les documents fournis comme partie de la pièce E montrent qu’il y a eu un usage de la marque en Allemagne à la date pertinente, surtout en ce qui concerne les « appareils à saupoudrer ». Néanmoins, l’opposante a affirmé que nous ne savons pas si les « appareils à saupoudrer » se rapportent aux marchandises indiquées dans la demande. Bien que j’admette que les termes « appareils à saupoudrer » n’apparaissent pas dans l’état déclaratif des marchandises de la demande, je ne crois pas que ce soit essentiel à la question en l’espèce, surtout que M. Platsch a signalé que les marchandises ont été développées pour être employées dans les grandes usines d’imprimerie pour saupoudrer les produits fraîchement imprimés avec une très mince couche de poudre (je souligne).

 

Comme il a été précisé précédemment, l’opposante n’a produit aucune preuve en ce qui concerne ce motif d’opposition. De plus, je pense que la preuve de la requérante n’est pas manifestement incompatible avec sa requête. Par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur le non-respect de l’alinéa 30d) de la Loi.

 

À toutes fins utiles, je constate que même si l’opposante avait pu contrer avec succès le fondement de l’enregistrement et de l’usage de la marque à l’étranger, la demande aurait toujours pu être fondée sur l’emploi projeté de la marque au Canada selon le résultat des deux autres motifs d’opposition.

 

Enregistrabilité

 

La date pertinente en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi est la date de production de la demande [voir Shell Canada Limited c. P.T. Sari Incofood Corporation (2005), 41 C.P.R. (4th) 450 (C.F. 1re inst.); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)].

 

Vu les prétentions de la requérante, je remarque que la propriété de l’enregistrement nº TMA507,663 n’accorde pas automatiquement à la requérante le droit d’enregistrer la marque [voir American Cyanamid Co. c. Stanley Pharmaceuticals Ltd. (1996), 74 C.P.R. (3d) 571 (C.O.M.C.)].

 

L’opposante a essentiellement déclaré que la marque n’est pas enregistrable, car qu’elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises et services, ou des conditions de leur production, du lieu d’origine ou des personnes qui les produisent. L’opposante était tenue par la Loi de fournir des allégations de fait, qui doivent ensuite être appuyées par la preuve [voir AstraZeneca AB c. Novopharm Ltd. (2001), 15 C.P.R. (4th) 327 (C.A.F.)]. Après avoir examiné la preuve et la déclaration d’opposition, je suis d’avis que la requérante pouvait tout au plus comprendre que le motif d’opposition était fondé sur le fait que la marque donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises et services. J’ajouterai que l’opposante, autant dans ses observations écrites qu’à l’audience, s’est limitée à plaider qu’elle a établi que la marque donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises et des services. 

 

Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’argument voulant que la marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse des conditions de production des marchandises ou des personnes qui produisent les marchandises et services. De plus, comme il n’existe aucune connotation géographique associée au mot « graphics » ou à son équivalent phonétique « grafix », j’estime que la marque ne peut donner une description claire du lieu d’origine des marchandises et que, par conséquent, elle ne contrevient pas aux dispositions de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

La question de savoir si la marque donne une description claire doit être examinée du point de vue du consommateur moyen des marchandises et des services. Le mot « claire » a été interprété comme signifiant facile à comprendre, évident en soi ou simple [voir G.W.G. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1981), 55 C.P.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.)]. De plus, pour déterminer si la marque donne une description claire, il ne faut pas la diviser en ses éléments constituants et l’analyser attentivement, mais plutôt l’étudier dans son ensemble du point de vue de la première impression [voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.); Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.)]. Dans Best Canadian Motor Inns Ltd. c. Best Western International, Inc. (2004), 30 C.P.R. (4th) 481, la Cour fédérale s’est prononcée sur l’interprétation de l’alinéa 12(1)b) de la Loi en ce qui concerne les marques qui contiennent des mots et des éléments graphiques. Plus particulièrement, la Cour a conclu que si un mot clairement descriptif constitue la caractéristique dominante de la marque complexe, la marque dans son ensemble n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

Bien que « grafix » ne soit pas un terme anglais ni français, je conviens qu’il peut être considéré comme une corruption du mot « graphics ». Sous ce rapport, je partage l’opinion de l’opposante selon laquelle le consommateur peut percevoir le mot « grafix » comme signifiant « les produits d’arts graphiques, en particulier un dessin commercial ou une illustration ». Toutefois, je suis d’accord avec les prétentions de la requérante selon lesquelles la mise en place des marchandises dans des installations d’imprimerie n’est pas suffisante pour conclure que le mot « grafix » contrevient aux dispositions de l’alinéa 12(1)b) lorsqu’il s’agit d’examiner les marchandises en liaison avec la marque. À mon avis, le mot « grafix » ne donne pas une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises destinées au saupoudrage d’une très mince couche couche de poudre sur des produits fraîchement imprimés et au séchage aux ultraviolets, aux infrarouges et à l’air chaud. Je conclus que le mot « grafix » ne donne pas une description claire de la nature ou de la qualité des services.

 

Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b) de la Loi.

 

Caractère distinctif

 

La date pertinente pour examiner le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif est la date de dépôt de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Meyer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)]. Je note que l’acte de procédure de l’opposante se lit comme suit : 

 

[traduction] L’opposante fonde son opposition sur les motifs prévus à l’alinéa 38(2)d), à savoir que la marque de commerce faisant l’objet de la demande annoncée n’est pas distinctive de la requérante ou de ses marchandises et services, n’est pas adaptée non plus à les distinguer, compte tenu de la nature fondamentalement descriptive et donc non distinctive du mot « GRAFIX » qui domine la marque.

 

Dans Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. APA - The Engineered Wood Association (2000), 7 C.P.R. (4th) 239 à 253, le juge O'Keefe dit :

 

Bien qu'il puisse être vrai qu'une marque de commerce qui donne une description claire ou une description fausse et trompeuse soit nécessairement sans caractère distinctif, il n'est pas exact de soutenir que, du simple fait qu'une marque de commerce est considérée comme ne donnant pas une description simple ou une description fausse et trompeuse, elle est par conséquent distinctive.

 

Néanmoins, je ne vois aucune raison pour laquelle la marque ne pourrait pas distinguer les marchandises et services de la requérante de ceux des autres. 

 

À mon avis, la seule interprétation possible de l’acte de procédure est que celui-ci se fonde sur la prétention selon laquelle la marque donne une description claire. Toutefois, l’opposante, dans ses observations écrites et à l’audience, a prétendu que la marque n’est pas distinctive en raison du nombre d’entreprises qui utilisent des marques de commerce ou des noms commerciaux incorporant le mot « graphics » ou un équivalent phonétique. Si je devais accepter que le motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif est aussi fondé sur une telle prétention, je ne le maintiendrais toujours pas. La preuve présentée par M. Beaudoin et Mme Jones est postérieure à la date pertinente. Même s’il est peut-être raisonnable de conclure que les résultats des recherches de M. Beaudoin auraient été sensiblement les mêmes à la date pertinente ou vers cette date, l’inscription d’une entreprise dans l’annuaire téléphonique en ligne ou sur le Web ne signifie pas qu’elle a acquis une réputation notable au Canada.

 

Je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

 

Conclusion

 

Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 15 JUIN 2007.

 

 

 

Céline Tremblay

Présidente par intérim

Commission des oppositions des marques de commerce

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