Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 188

Date de la décision : 2015-10-26

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

The ServiceMaster Company

Opposante

et

 

385 MKE LIMITED

Requérante

 

 

 



 

1,556,174 pour MASTERCLEAN

 

Demande

[1]               Le 14 décembre 2011, 385229 ONTARIO LIMITED, faisant affaire sous le nom MASTERCLEAN SERVICE COMPANY, a produit la demande d'enregistrement no 1,566,174 pour la marque de commerce MASTERCLEAN (la Marque). Le 17 août 2012, à la suite d'une fusion, 385MKE LIMITED (aucune espace entre 385 et MKE) a été enregistrée à titre de requérante pour la Marque, dont l'entrée a été corrigée le 9 juin 2014 pour l'actuelle Requérante 385 MKE LIMITED (la Requérante).

[2]               La demande est fondée sur l'emploi de la Marque par la Requérante au Canada depuis au moins aussi tôt que le 1er novembre 1971 en liaison avec les services suivants, tels qu'ils ont été modifiés [Traduction] : « Services d'entrepreneur général, nommément services de restauration, de rénovation et de nettoyage » (les Services).

[3]               La demande a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 26 décembre 2012. The ServiceMaster Company (l'Opposante) s'est opposée à la demande en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) en produisant une déclaration d'opposition le 28 octobre 2013. Le 28 novembre 2013, l'Opposante a demandé l'autorisation de produire une déclaration d'opposition modifiée. Cette demande a été acceptée et une deuxième demande d'autorisation de produire une déclaration d'opposition modifiée a été soumise le 29 novembre 2013. Par voie d'une lettre officielle datée du 23 décembre 2013, le registraire a autorisé l'Opposante à produire la déclaration d'opposition modifiée datée du 29 novembre 2013.

[4]               Les motifs d’opposition, tels qu'ils sont plaidés par l’Opposante sont les suivants :

i)        la demande n'est pas conforme aux exigences prévues à l'article 30b) de la Loi, en ce sens que la Marque n'a pas été employée au Canada par la Requérante depuis la date de premier emploi alléguée, à savoir le 1er novembre 1971, tel que revendiqué dans la demande, en liaison avec les services décrits aux présentes;

ii)   la demande n'est pas conforme à l’article 30 de la Loi, parce que la Requérante :

a)         n'a pas nommé chacun de ses prédécesseurs en titre;

b)         n'existait pas à la date de premier emploi alléguée de la Marque;

c)         n'existe pas actuellement sous le nom 385MKE LIMITED.

[5]               À l'appui de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Mme Suzete Carreira, assistante au sein du cabinet d'agents de marques de commerce représentant l'Opposante dans le cadre des présentes procédures, souscrit le 22 mai 2014 (l'affidavit de Mme Carreira) et l'affidavit de Mme Mary P. Noonan, recherchiste en marques de commerce au sein du même cabinet, également souscrit le 22 mai 2014 (l'affidavit de Mme Noonan). À l'appui de sa demande, la Requérante a produit l'affidavit de son président, Mark English, souscrit le 3 septembre 2014 (l'affidavit de M. English). Aucun des déposants n'a été contre-interrogé.

[6]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit. Aucune audience n'a été tenue.

[7]               Pour les raisons exposées ci-après, j'estime que la demande doit être repoussée.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[8]               L'Opposante a le fardeau de preuve initial d'établir les faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition. Dès que l'Opposante a satisfait à ce fardeau, la Requérante doit s'acquitter du fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque est enregistrable [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4e) 155 (CAF)].

La preuve au dossier

La preuve de l'Opposante

[9]               L'affidavit de Mme Noonan vise à produire en preuve, dans les pièces A et B, une copie de la recherche effectuée sur NUANS pour 385MKE LIMITED (sans espace entre 385 et MKE). Mme Noonan affirme qu'il n'y a aucune entreprise ou société inscrite ayant pour nom 385MKE LIMITED.

[10]           L'affidavit de Mme Carreira vise à produire en preuve, dans les pièces A et B respectivement, une copie de la recherche de sociétés ayant pour nom 385 MKE LIMITED (avec une espace entre 385 et MKE) et 385229 Ontario Limited. Selon la pièce A, la Requérante est une société issue de la fusion entre 1262320 Ontario Limited et 385229 Ontario Limited survenue le 30 avril 2009. Selon la pièce B, 385229 Ontario Limited a été constituée en société le 17 mai 1978. Ces faits sont corroborés par le témoignage de M. English, décrit ci-dessous.

La preuve de la Requérante

[11]           L'affidavit de M. English porte principalement sur deux questions.

[12]           La première question concerne l'identification de la Requérante. M. English affirme que le nom de la Requérante contient une erreur typographique, puisqu'elle est identifiée par erreur comme étant 385MKE Limited (sans espace). Il affirme que cette erreur a été corrigée par le registraire qui a reconnu que l'actuelle Requérante était 385 MKE Limited, comme le démontre une copie d'une lettre officielle datée du 9 juin 2014, produite en pièce A de son affidavit [para 4 de l'affidavit].

[13]           La deuxième question concerne l'historique de la Marque et fournit une preuve d'emploi de la Marque au Canada par la Requérante.

[14]           Plus particulièrement, M. English affirme que Masterclean Service Company avait enregistré au Canada la marque de commerce MASTERCLEAN (qui est la Marque) le 28 novembre 1980 (enregistrement no LMC253,190) en liaison avec des [Traduction] « services de restauration, de rénovation et de nettoyage ». Dans cet enregistrement, il est revendiqué que la Marque a été employée pour la première fois au moins aussi tôt que le 1er novembre 1971. M. English poursuit en expliquant qu'en 1981 il y a eu un transfert de titre pour l'enregistrement no LMC253,190, lequel est passé de Mark English, faisant affaire sous le nom de Masterclean Service Company, à 385229 Ontario Limited, faisant affaire sous le nom de Masterclean Service Company. Cette dernière a été constituée en société le 17 mai 1978 et a été fusionnée avec 126320 Ontario Limited le 30 avril 2009 pour constituer la Requérante, qui fait affaire sous le nom de Masterclean Service Company [para 4 de l'affidavit].

[15]           M. English affirme que l'enregistrement no LMC253,190 a été radié en raison d'une erreur administrative commise par mégarde par la Requérante qui n'a pas fourni les directives nécessaires pour renouveler son enregistrement. Cependant, il ajoute que la Requérante n'a jamais abandonné l'emploi de la Marque [paras 5 et 6 de l'affidavit. La pièce B dudit affidavit contient une copie certifiée de l'enregistrement no LMC253,190 qui a été radié le 7 juillet 2011]. Après avoir examiné cette pièce, je note que, conformément au témoignage de M. English, l'inscrivant original de la Marque a été identifié comme étant [Traduction] « MARK ENGLISH, faisant affaire sous le nom de MASTERCLEAN SERVICE COMPANY », alors que le propriétaire actuel à la date de la radiation a été identifié comme étant [Traduction] « 385229 ONTARIO LIMITED, faisant affaire sous le nom de MASTERCLEAN SERVICE COMPANY ». Je dois aussi souligner à cette étape de ma décision que les changements apportés à la succession de titularité indiquée en pièce B font référence à la preuve au dossier no 403836, laquelle correspond à l'enregistrement no LMC226,306 dont il est question ci-dessous.

[16]           M. English affirme que la Requérante, par l'entremise de son prédécesseur en titre, avait enregistré la marque de commerce MASTER CLEAN (avec une espace) au Canada le 24 février 1978, sous l'enregistrement no LMC226,306, en liaison avec des [Traduction] « appareils pour le nettoyage de tapis ». Il affirme qu'une demande d'élargissement de l'enregistrement no LMC226,306 a été produite le 28 juillet 1980 afin d'ajouter les services de [Traduction] « restauration, rénovation et nettoyage », revendiquant une date de premier emploi du 1er mai 1980 [paras 7 et 8 de l'affidavit; et pièce C dudit affidavit qui contient une copie certifiée de l'enregistrement no 226,306]. Après avoir examiné cette pièce, je note que l'inscrivant original de la marque de commerce MASTER CLEAN était AL'S MAINTENANCE LIMITED et que l'actuel inscrivant est la Requérante.

[17]           M. English affirme que l'enregistrement no LMC226,306 est en règle et il fournit également en pièce D un imprimé des détails dudit enregistrement obtenu à partir du site Web de l'Office de la Propriété intellectuelle du Canada. Il affirme également que la Requérante [Traduction] « s'appuie sur les dispositions de l'article 54 de la Loi, qui prévoit qu'une entrée au registre est une preuve des faits énoncés à cet égard » [para 10 de l'affidavit].

[18]           M. English affirme ensuite que, dans son affidavit, il désignera collectivement la Marque et la marque de commerce MASTER CLEAN comme étant les [Traduction] « Marques MASTERCLEAN ». Par conséquent, je ferai de même, sauf indication contraire.

[19]           M. English affirme que la Requérante a employé les Marques MASTERCLEAN de façon continue de 1971 (relativement à la Marque) et de 1980 (relativement à la marque de commerce MASTER CLEAN) jusqu'à la date de signature de son affidavit, en liaison avec les Services [para 14 et 15 de l'affidavit].

[20]           M. English explique ensuite le genre des Services de la Requérante et les voies de commercialisation associées à ces services [para 16 à 19 de l'affidavit].

[21]           M. English présente le chiffre d'affaires correspondant aux Services de Requérante en liaison avec les Marques MASTERCLEAN, du 1er mai 1996 au 1er juin 2014 [para 20 et 21 de son affidavit], ainsi que les dépenses en publicité de la Requérante en liaison avec ces services pour la même période [para 26 de l'affidavit].

[22]           M. English fournit aussi divers exemples d'emploi et de promotion des Marques MASTERCLEAN [paras 22 à 25 de son affidavit, pièces E, F, G1 à G3 et H].

Analyse des motifs d'opposition

[23]           Bien que l'on n'y fasse pas expressément référence dans la déclaration d'opposition, tous les motifs d’opposition plaidés concernent la non-conformité de la demande avec les dispositions de l'article 30b) de la Loi.

[24]           J'analyserai le motif d’opposition invoqué en vertu de l'article 30b), lequel est fondé sur l'allégation portant que la Requérante n'a pas d'abord nommé chacun de ses prédécesseurs en titre.

Omission de nommer les prédécesseurs en titre de la Requérante

[25]           L'article 30b) de la Loi prévoit que, pour enregistrer une marque de commerce, un requérant doit soumettre au registraire une demande contenant :

[...] dans le cas d’une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle le requérant ou ses prédécesseurs en titre désignés, le cas échéant, ont ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de produits ou services décrites dans la demande. [Je souligne.]

[26]           Dans la mesure où les faits pertinents relatifs à un motif d'opposition fondé sur l'article 30b) de la Loi sont plus facilement accessibles à la Requérante, le fardeau de preuve qui incombe à l'Opposante relativement à un tel motif d'opposition est moins exigeant [voir Tune Master c Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. En outre, l’Opposante peut s'acquitter de ce fardeau au moyen non seulement de sa propre preuve, mais aussi de la preuve de la Requérante [voir Labatt Brewing Co c Molson Breweries, a Partnership (1996), 68 CPR (3d) (CF 1re inst) 216]. Cependant, si elle veut obtenir gain de cause en s'appuyant sur la preuve de la Requérante pour s'acquitter du fardeau de preuve initial, l'Opposante doit démontrer que la preuve de la Requérante met en cause les revendications énoncées dans la demande de la Requérante [voir Corporativo de Marcas GJB, SA de CV c Bacardi & Company Ltd 2014 FC 323 aux para 30 à 38 (CanLII)].

[27]           Étant donné la preuve de l'Opposante (voir les pièces A et B de l'affidavit de M. Carreira), je suis convaincue que l'Opposante a mis en cause la conformité de la demande avec l'article 30b) de la Loi.

[28]           En raison de cette preuve, il incombait à la Requérante d'établir l’emploi de la Marque depuis la date revendiquée, et d'inclure le prédécesseur en titre approprié dans sa demande pour corroborer cette date de revendication, ce qui n'a pas été fait.

[29]           L'affidavit de M. English indique clairement que la personne qui a employé la Marque pour la première fois le 1er novembre 1971 était Mark English, faisant affaire sous le nom de Masterclean Service Company, et non la Requérante comme il est allégué dans la demande.

[30]           La Requérante n'existait pas à la date de premier emploi revendiquée de la Marque.

[31]           Comme l'a expliqué M. English, et comme le corroborent en cela les pièces B et D, détaillant les modifications apportées à la succession de titularité enregistrée par le registraire pour l'enregistrement no LMC253,190, la Marque a d'abord été employée par Mark English, faisant affaire sous le nom de Masterclean Service Company. La Marque a ensuite été cédée le 30 juillet 1981 à 385229 Ontario Limited, laquelle a été ensuite fusionnée pour créer la Requérante.

[32]           Dans RWS Hoists & Cranes Inc c Richards-Wilcox Canada Inc (2004), 41 CPR (4e) 258, l'ancien membre de la Commission David J. Martin a écrit ceci :

Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’inclure les sociétés fusionnantes à titre de prédécesseurs [voir la décision rendue en matière d’opposition Molson Breweries, A Partnership c John Labatt Ltd. (1994), 56 CPR (3d) 107, à la p 113], lorsqu’il y a eu un véritable changement de propriétaire, les prédécesseurs en titre doivent être mentionnés pour la période pour laquelle on revendique un emploi dans la demande d’enregistrement : voir les décisions rendues en matière d’opposition Hardee’s Food Systems Inc. c Hardee Farms International Ltd. (1984), 1 CPR (3d) 417, à la p 430 et Sanna, Inc. c Chocosuisse Union des Fabricants Suisses de Chocolat (1986), 14 CPR (3d) 139, à la p 142.

[33]           Ces commentaires s'appliquent en l'espèce avec autant de poids.

[34]           La Requérante n'a pas nommé son prédécesseur en titre Mark English, rendant la demande non conforme à l'article 30b) de la Loi.

[35]           Par conséquent, le motif d'opposition invoqué en vertu de l'article 30, fondé sur l'omission par la Requérante de nommer ses prédécesseurs en titre, est accueilli.

Non-existence à la date de premier emploi revendiquée

[36]           À la lumière de mes conclusions susmentionnées, le motif d'opposition fondé sur l'allégation portant que la demande n'est pas conforme aux exigences prévues à l'article 30b) de la Loi, en ce sens que la Requérante n'existait pas à la date de premier emploi alléguée de la Marque, est nécessairement accueilli.

Autres volets du motif d'opposition fondé sur l'article 30b)

[37]           Comme j'ai déjà repoussé la demande pour deux volets du motif d'opposition fondé sur l'article 30b), j'estime qu'il n'est pas nécessaire que j'examine les autres volets.

Décision

[38]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement selon les dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

Aucune audience tenue

 

Agents au dossier

 

Gowling Lafleur Henderson LLP                                           Pour l'Opposante

 

Riches, McKenzie & Herbert LLP                                          Pour la Requérante

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