Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 116

Date de la décision : 2013-07-02 TRADUCTION

 

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par 2168929 Ontario Inc. (c.o.b. EDL Consulting Services) à l'encontre de la demande d’enregistrement no 1,457,585 pour la marque de commerce EDLCONSULTING au nom de EDL Consulting Ltd.

Introduction

[1]               Cette opposition concerne une demande d'enregistrement produite par EDL Consulting Ltd (la Requérante) le 2 novembre 2009 pour la marque de commerce EDL CONSULTING (la Marque) en lien avec des services de consultation en technologie de l'information (les Services), fondée sur l'emploi de la Marque au Canada depuis novembre 2006 et sur l'emploi et l'enregistrement de la Marque aux États-Unis. Toutefois, le 18 mai 2012, la Requérante a produit une demande révisée dans laquelle elle supprime sa revendication fondée sur l'emploi et l'enregistrement de la Marque aux États-Unis.

[2]               Les motifs d'opposition invoqués par l'Opposante, 2168929 Ontario Inc., c.o.b. EDL Consulting Services (l'Opposante), qu'il reste à trancher sont fondés sur les alinéas 30b), 30i), 12(1)b) et 16(1)a) et l'article 2 (caractère distinctif) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). Les motifs d'opposition spécifiques sont présentés en détail à l'annexe A, lequel est joint à la présente décision. J'ai volontairement supprimé toute référence au motif d'opposition invoqué en vertu du paragraphe 16(2) de la Loi, à la lumière des modifications apportées par la Requérante et indiquées plus haut.

[3]               La première question consiste à déterminer si l'Opposante a produit des preuves suffisantes pour appuyer ses motifs d'opposition. Dans l'affirmative, je dois déterminer si la Marque a été employée depuis la date de premier emploi revendiquée; si la Marque donne une description fausse et trompeuse de la nature des Services ou des personnes qui travaillent à la prestation de ceux-ci; si la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce EDL CONSULTING SERVICES de l'Opposante et le nom commercial EDL Consulting Services précédemment employé ou devenu connu au Canada; et enfin, si la Marque se distingue de celle de la Requérante.

[4]               En ce qui concerne la première question, je conclus que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait relativement au motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i) de la Loi. Je conclus que l'Opposante s'est acquittée du fardeau initial qui lui incombait concernant l'alinéa 30b). Toutefois, la Requérante a démontré son emploi de la Marque à compter de la date de premier emploi revendiquée. Je conclus aussi que la Marque ne présente pas une description fausse et trompeuse de la nature des Services; que la Requérante a le droit d'enregistrer la Marque puisqu'elle ne crée pas de confusion avec la marque de commerce et le nom commercial de l'Opposante; et enfin, que la Marque est distinctive.

Obligation légale et fardeau de la preuve

[5]               Il incombe à l'Opposante de s'acquitter du fardeau initial de présenter une preuve admissible acceptable pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits suffisants pour appuyer de chacun des motifs d'opposition invoqués. Si ces faits existent, la Requérante doit démontrer que la demande est conforme aux dispositions de la Loi et les motifs d’opposition soulevés par l'Opposante ne devraient pas empêcher l’enregistrement de la marque de commerce visée dans la demande [voir les décisions Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et al c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (COMC); John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), et Wrangler Apparel Corp. c. The Timberland Company (2005), 41 C.P.R. (4th) 223 (C.F. 1re inst.)].

 

 

Motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i)

[6]               L'alinéa 30i) de la Loi exige seulement d'un requérant qu'il déclare être convaincu d'avoir le droit d'employer la marque au Canada en lien avec les marchandises et les services décrits dans la demande. Cette déclaration est incluse dans cette demande. L’alinéa 30i) ne peut être invoqué par un opposant que dans certaines circonstances, notamment lorsqu’il est allégué que le requérant a commis une fraude [voir la décision Sapodilla Co Ltd c. Bristol Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (COMC)]. Il n'y a aucune allégation de cette nature dans la déclaration d'opposition ni preuve au dossier à cet égard.

[7]               L'Opposante fait valoir que, avant d'enregistrer son nom commercial « EDL Consulting Ltd » le 27 juillet 2009, la Requérante aurait amorcé une recherche de raisons sociales pour déterminer la disponibilité du nom commercial de la Requérante au Canada. Par conséquent, la Requérante aurait été au courant, avant la date de production de la demande, de l'existence de l'entreprise de l'Opposante et des services annoncés et exécutés par celle-ci. Je n'accepte pas le fait que l'Opposante puisse s'acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe simplement en s'appuyant sur cette hypothèse. M. Loumpouridis, le président de la Requérante, a produit un affidavit et pourrait avoir été contre-interrogé sur cette question, mais l'Opposante a décidé de ne pas procéder à ce contre-interrogatoire malgré l'émission d'une ordonnance à cet égard. Je remarque que le document produit par l'Opposante pour soutenir cet argument est intitulé : « Extraprovincial Company Summary » et qu'il a été publié par les British Columbia Registry Services (pièce J de l'affidavit de Mme Davis-Lewars). Rien ne prouve qu'une recherche d'entreprises soit nécessaire pour obtenir le statut d'« entreprise extraproviniciale » en vertu de lois de la Colombie-Britannique.

[8]               Surtout, dans son affidavit, Mme Davis-Lewars, la présidente de l'Opposante, explique que l'Opposante a été constituée en société le 8 avril 2008 et qu'avant cette date, elle était exploitée en tant qu'entreprise à propriétaire unique sous le nom EDL Consulting Services, et ce, depuis mars 2007. Dans sa demande, la Requérante a revendiqué comme date de premier emploi de la Marque au Canada le mois de novembre 2006, ce qui précède tout droit que l'Opposante ou son prédécesseur en titre, Mme Davis-Lewars, pourrait avoir. Par conséquent, même si une recherche avait été faite et avait révélé les activités de l'Opposante, la Requérante pourrait toujours revendiquer des droits antérieurs. Je discuterai de la date de premier emploi revendiquée au moment d'aborder le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30b).

[9]               Je conclus que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait. Donc, le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i) de la Loi est rejeté.

Motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30b) de la Loi

[10]           Les paragraphes 4 à 12, incluant l'affidavit de Mme Davis-Lewars, concernent la question de la date de premier emploi revendiquée de la Marque au Canada par la Requérante, en lien avec les Services.

[11]           La Requérante, selon ce qui est indiqué dans sa demande, est établie en Illinois, aux États-Unis. Mme Davis-Lewars a produit diverses pages Web issues du site Web de la Requérante, couvrant les années 2006 à 2008, au moyen du site d'archivage WayBackMachine Internet Archive. Bien qu'une copie papier des pages d'un site Web d'un tiers soit généralement considérée comme une preuve par ouï-dire et que l'on ne puisse pas s'y fier en tant que preuve de la véracité de leur contenu, je suis convaincu qu'un certain poids peut être accordé aux différentes pages du site Web, puisqu'il appartient à la Requérante. La Requérante aurait pu répondre à cette portion de la preuve, si elle avait eu des doutes sur son contenu.

[12]           D'abord, la pièce A de l'affidavit de Mme Davis-Lewars indique que la Requérante a ouvert un bureau à Chicago en 2005. Il n'y a aucune indication d'un bureau situé au Canada. Cependant, cela n'est pas rédhibitoire pour la Requérante, puisqu'il lui suffit d'établir que les Services ont été publicisés et offerts au Canada à compter de la date de premier emploi revendiquée dans la demande.

[13]           Mme Davis-Lewars a produit d'autres pages Web pour montrer que la Requérante employait la marque de commerce EDL CONSULTING et dessin et/ou EDL CONSULTING comme illustré ci-dessous, et non la Marque :

edl consulting

 

Par conséquent, la Requérante n'aurait pas employé la Marque à partir de la date de premier emploi revendiquée, mais une ou des marques différentes. Je considère l'emploi de l'une ou l'autre de ces marques comme étant un emploi de la Marque. L'espace entre EDL et CONSULTING et l'emploi de l'élément de dessin, comme le montre l'illustration ci-dessus, ne créent pas une marque de commerce suffisamment différente de la Marque pour qu'un consommateur risque de croire que les services offerts en lien avec les marques de commerce EDL CONSULTING et dessin et/ou EDL CONSULTING proviennent d'une source autre que la Requérante [voir Registrar of Trade-marks c. Compagnie Internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.F. 1re inst.)] Par conséquent, cette portion de la preuve ne favorise aucunement l'Opposante en ce qui concerne ce motif d'opposition.

[14]           Mme Davis-Lewars a produit une copie d'une page Web accessible à partir de l'onglet « News & Events » du site Web de la Requérante, qui date du 7 août 2006. Dans cette page, la Requérante se décrit comme une société nationale de services de technologie (« a national technology services firm »). Rien n'indique sur cette page que la Requérante offre des services de technologie au Canada. Elle a également produit d'autres pages du site Web de la Requérante, issues du même onglet, datant de janvier 2006 à octobre 2007, et à aucun endroit sur ces pages mentionne-t-on que la Requérante a commencé à offrir ses services au Canada.

[15]           La pièce H de l'affidavit de Mme Davis-Lewars est une page Web provenant du site Web de la Requérante remontant à janvier 2007, sur laquelle on annonce que la Requérante ouvre un nouvel emplacement en Illinois. Rien n'indique que la Requérante a étendu ses services au Canada.

[16]           La pièce I de l'affidavit de Mme Davis-Lewars est une page Web provenant du site Web de la Requérante, issue de l'onglet « Careers », laquelle contient l'énoncé suivant : « [traduction] Nos projets sont réalisés à l'échelle des États-Unis; il est donc essentiel que vous montriez que vous souhaitez visiter d'autres villes et à y travailler... Toutefois, vous pouvez vivre n'importe où sur le territoire continental des États-Unis ». Rien n'indique que les projets de la Requérante sont aussi réalisés au Canada ou que les employés peuvent y vivre.

[17]           La Requérante a enregistré l'entité « EDL Consulting, Ltd » en tant que société extraprovinciale, en Colombie-Britannique seulement, le 27 juillet 2009, comme indiqué ci-dessus.

[18]           À la lumière de cette preuve, je suis convaincu que l'Opposante s'est acquittée du fardeau initial peu astreignant qui lui incombait relativement au motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30b) de la Loi. Par conséquent, la Requérante doit me convaincre qu'elle emploie la Marque au Canada, au sens du paragraphe 4(2) de la Loi, en lien avec les Services, depuis novembre 2006. La preuve produite par la Requérante, et examinée ci-après, appuie cette date de premier emploi revendiquée.

[19]           Les allégations et la documentation pertinentes peuvent être résumées de la manière suivante : M. Loumpouridis explique au paragraphe 8 de son affidavit que la Requérante a retenu les services de Corporate Rain en 2006 pour l'aider avec la promotion et la mise en marché des Services au Canada. Il énumère quelques entreprises qui ont vendu les Services de la Requérante et qui en ont fait la promotion en mai 2006 en Ontario, y compris Cisco Systems Canada Co., IBM Canada Ltd, Research in MOtion Limited, et ATI Technologies Inc.

[20]           En pièce I de son affidavit, M. Loumpouridis a produit un courriel daté du 29 octobre 2006 au sujet de questions fiscales et de paperasserie à remplir et à remettre à l'Agence du Revenu du Canada concernant un contrat avec une entreprise identifiée dans le courriel au nom de Husky. En pièce H de son affidavit, il a produit une copie d'un bon de commande daté du 30 janvier 2007, préparé par M. Rob Christensen de l'entreprise Husky Injection Molding Systems Ltd. à l'attention de la Requérante, comportant la mention « Business objects universe Development for Comergent order Management system ».

[21]           Je remarque que la facture de la Requérante émise à Husky et datée du 30 octobre 2006 concerne des heures facturables consacrées par M. Christensen ainsi que ses dépenses de voyage, y compris le coût d'un passeport. La facture affiche la marque de commerce EDLCONSULTING et dessin, comme illustré ci-dessus.

[22]           L'Opposante fait valoir que : 1) la facture a été émise à « Sterling-Husky », une entreprise située à Chicago en Illinois; et 2) rien ne prouve que la Marque a été employée en lien avec les Services.

[23]           M. Loumpouridis affirme dans son affidavit qu'en octobre 2006, M. Tony Goar, un employé de la Requérante, travaillait dans les locaux de Husky à Bolton en Ontario. D'après les allégations contenues dans l'affidavit de M. Loumpouridis et la documentation produite à l'appui de celui-ci, auxquelles on a fait référence ci-dessus, il semble que la Requérante menait des activités commerciales au Canada aussi tôt qu'octobre 2006. Reste à savoir si ces activités comprenaient les Services en lien avec la Marque.

[24]           L'Opposante allègue que ce n'est pas la Marque qui apparaît sur la facture produite en pièce G, mais bien le nom d'entreprise de la Requérante, EDL Consulting Ltd., avec son adresse en dessous. L'Opposante fait référence à la partie supérieure gauche de la facture. Comme il est mentionné ci-dessus, dans le coin droit de la facture, on voit la marque de commerce EDLCONSULTING et dessin.

[25]           Sur le bon de commande (pièce H), sous le chapitre intitulé « Scope and Objectives », on voit que la Requérante a exécuté des services, lesquels sont énoncés comme suit : « develop a reporting schema facilities reporting on Comergent Order data from both Business Objects and Microsoft Reporting Services » et « develop a Business Objects Universe based on normalized Comergent Order data ». J'associe ces services aux Services.

[26]           M. Loumpouritis affirme, au paragraphe 11 de son affidavit, que la facture datée du 23 février 2007 (qui est en réalité un bon de commande émis par Husky au nom de l'Opposante) concernait des services rendus par la Requérante à Husky au Canada. Je souhaite souligner que, malgré le fait que le bon de commande est plus récent que la date pertinente, les services décrits dans la facture produite en pièce G ont été exécutés entre le 16 octobre et le 27 octobre 2006.

[27]           Les allégations de M. Loumpouridis concernant la présence de M. Gear dans les bureaux de Husky en octobre 2006 ainsi que la facture produite en pièce G portant la Marque, émise en octobre 2006 pour les Services rendus au Canada par l'Opposante par l'entremise de son employé, M. Chistensen, me permettent de conclure que les Services étaient non seulement accessibles au Canada à la date pertinente (novembre 2006), mais qu'ils ont aussi exécutés à cette date en lien avec la Marque [voir International Academy of Design & Technology, Toronto Ltd. c. TFC Group Canada Inc. (2007), 64 C.P.R. (4th) 187 (COMC)]. Par conséquent, je rejette ce motif d'opposition.

Motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)b)

[28]           L'Opposante allègue que la Marque présente une description fausse et trompeuse, puisque la portion dominante de la Marque est l'acronyme EDL, lequel est utilisé au Canada pour désigner « Enhanced Drivers Licence » (permis de conduire amélioré). L'Opposante soutient que la Requérante n'offre pas de services de consultation concernant l'octroi de permis de conduire améliorés. Par conséquent, selon l'Opposante, à en juger par l'emploi de la Marque, les consommateurs seraient amenés faussement à croire que la Requérante offre des services de consultation concernant l'octroi de permis de conduire améliorés.

[29]           La date pertinente pour ce motif d'opposition correspond à la date de production de la demande (2 novembre 2009) [voir Fiesta Barbeques Ltd c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)].

[30]           Je note que l'Opposante n'a pas plaidé que la Marque est clairement descriptive. L'Opposante était donc dans l'obligation de prouver que l'acronyme EDL désigne non seulement « Enhanced Drivers Licences », mais aussi qu'il serait reconnu comme tel par le consommateur canadien moyen. Par conséquent, ce dernier se serait trompé quant à la nature des Services lorsque la Marque est employée en lien avec ceux-ci [see Atlantic Promotions Inc c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1984), 2 C.P.R. (3d) 183(C.F. 1re inst.)].

[31]           Avant de résumer la preuve relative à cette question, j'aimerais souligner le fait que les acronymes peuvent être dérivés de mots communs sans toutefois en donner nécessairement une description claire [voir Donvand Ltd c. Ghali (2007), 65 C.P.R. (4th) 408 (COMC)].

[32]           Dans le paragraphe 25 de son affidavit, Mme Davis-Lewars allègue que depuis 2008, les gouvernements provinciaux du Canada publient des documents portant sur les permis de conduire améliorés, ou « Enhanced Drivers Licence ». Elle a produit, en pièce S de son affidavit, une copie d'un rapport publié par le gouvernement de la Colombie-Britannique le 5 février 2008, lequel traite des préoccupations concernant les plans de mise en place de permis de conduire améliorés au Canada. Elle a produit, en pièce T, un rapport d'information publié par la CBC (SRC) le 25 juillet 2008 au sujet des permis de conduire améliorés. Elle a produit en pièce U de son affidavit un document provenant du gouvernement du Manitoba. Cependant, nous n'avons aucune information quant à la date de publication de ce document. Certains indices laissent entendre qu'il a été publié après le 1er janvier 2010, soit après la date pertinente, puis qu'il contient des formulaires portant la mention « REV 01/10 » dans le coin inférieur gauche. En pièce V de son affidavit, figure une copie d'un document intitulé « Introducing the New Ontario Enhanced Driver's Licence-Applicant's Guide ». L'auteure de l'affidavit soutient que ce document a été publié en 2009. Enfin, Mme Davis-Lewars a produit en pièce W de son affidavit une copie d'une rubrique d'actualité du Toronto Star, publiée le 14 mai 2009, intitulée « New driver's licence spurs privacy fears ».

[33]           Mme Gallvits est une agente des marques de commerce enregistrée travaillant pour la firme d'agents mandatée par la Requérante. Son affidavit contient des renseignements sur l'emploi de l'expression EDL dans le grand public. Elle a effectué des recherches sur Internet. Elle a produit un article tiré de Wikipédia, ainsi que des résultats de recherches faites sur Google avec les termes « enhanced driver's licence », « EDL acronym » et « EDL abbreviation ». Même si ces recherches ont été faites après la date pertinente, certains résultats concernent des publications qui précèdent la date pertinente. Je remarque que dans ces publications plus anciennes, EDL est un acronyme qui désigne :

Electronic Differential Lock

Edit Decision List

Estimated Detection List

East Durham Link

Electrical Double Layer

 

[34]           À la lumière des preuves admissibles au dossier, je ne peux conclure que le consommateur canadien moyen utiliserait l'acronyme EDL pour désigner le permis de conduire amélioré. Deux documents dans lesquels l'acronyme EDL désigne le permis de conduire amélioré ont été publiés en 2008 et en 2009 par des gouvernements provinciaux (Colombie-Britannique et Ontario). L'un est un rapport d'information de la CBC et l'autre un article publié dans le Toronto Star. Je ne peux conclure, à partir de ces documents, que l'acronyme EDL était si largement employé à la date pertinente pour désigner le permis de conduire amélioré que le consommateur canadien moyen puisse faire une telle association. Il ne s'agit certainement pas d'un cas où l'acronyme est défini dans les dictionnaires anglais comme l'acronyme NAFTA [voir Bank of Montreal c. Midland Walwyn Capital Inc / Capital Midland Walwyn Inc (1998), 86 C.P.R. (3d) 555 (COMC)].

[35]           Puisque l'acronyme EDL ne peut être considéré comme étant clairement descriptif de la notion de permis de conduire amélioré pour le consommateur canadien, il ne peut pas être considéré comme présentant une description fausse et trompeuse lorsqu'il est employé en lien avec les Services. Par conséquent, le motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 12(1)b) de la Loi est rejeté, étant donné que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

Le motif d'opposition fondé sur le droit à l'enregistrement

[36]           Ce motif d'opposition est fondé sur l'allégation voulant que la Marque créait ou pouvait créer de la confusion avec la marque de commerce et le nom commercial EDL CONSULTING SERVICES de l'Opposante à la date pertinente, soit la date de premier emploi de la Marque, en novembre 2006 [voir le paragraphe 16(1) de la Loi]. Toutefois, l'Opposante soutient que la Requérante n'a pas prouvé son emploi de la Marque à la date de premier emploi revendiquée, soit en novembre 2006. À ce titre, la date pertinente serait la date de production de la demande [voir American Cyanamid Co c. Record Chemical Co Inc (1972), C.P.R. (2d) 278 (COMC)]. J'ai déjà conclu plus haut que la Requérante avait établi son emploi de la Marque à la date de premier emploi revendiquée. Par conséquent, le fardeau initial de l'Opposante en vertu de ce motif consiste à prouver l'emploi de sa marque de commerce ou de son nom commercial EDL CONSULTING SERVICES au Canada avant novembre 2006 ou à prouver que cette marque de commerce était connue à cette date.

[37]           Dans son affidavit, Mme Davis-Lewars affirme qu'en mars 2007, elle a démarré EDL Consulting Services (EDLCS) en tant qu'entreprise à propriétaire unique. Ensuite, le 8 avril 2008, elle a doté de la personnalité morale l'Opposante afin de poursuivre les activités d'EDLCS. EDLCS et l'Opposante offrent des services de consultation en affaires aux entreprises en démarrage et aux PME. Elles aident leurs clients à trouver des capitaux de démarrage, à élaborer un plan d'affaires, à trouver un nom ou un logo d'entreprise, à faire de la promotion et du marketing, à concevoir un site Web, à choisir un nom de domaine, à faire de la promotion stratégique sur le site Web et à établir un budget (services de l'Opposante).

[38]           Toutes ces activités ont été exécutées après la date pertinente. Par conséquent, le motif d'opposition invoqué en vertu du paragraphe 16(1) de la Loi est rejeté, étant donné que l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait.

Motif d'opposition fondé sur le caractère distinctif

[39]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas distinctive parce qu'elle n'est pas adaptée de manière à distinguer les Services de ceux offerts par l'Opposante ou des tiers.

[40]           La date pertinente généralement acceptée concernant ce motif d'opposition correspond à la date de production de la déclaration d'opposition (18 janvier 2011) [voir la décision Andres Wines Ltd. et E & J Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, (CAF) et Metro-Goldwyn-Meyer Inc c. Stargate Connections Inc (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

[41]           Il revient a priori à l'Opposante de prouver que sa marque de commerce et/ou le nom commercial EDL CONSULTING SERVICES ou ceux des tiers, identifiés dans la déclaration d'opposition, sont devenus suffisamment connus au Canada le 18 janvier 2011 pour annuler le caractère distinctif de la Marque [Motel 6, Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 à la p. 58 (C.F. 1re inst.) et Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.)]. S'il s'être acquitté du fardeau qui lui incombe, la Requérante a l'obligation légale de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n'était pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce et/ou le nom commercial EDL CONSULTING SERVICES , si bien que, à la date pertinente, ils étaient adaptés à distinguer ou distinguaient véritablement, partout au Canada, les Services de ceux de l'Opposante [Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 C.P.R. (3d) 272].

[42]           La preuve produite par l'Opposante concernant son emploi de sa marque de commerce et de son nom commercial EDL CONSULTING SERVICES au Canada peut se résumer comme suit. Comme indiqué ci-dessus, EDLCS et l'Opposante offrent les services de l'Opposante depuis mars 2007. J'aimerais souligner qu'à aucun endroit dans son affidavit Mme Davis-Lewars ne définit le terme EDL Consulting Services. Je dois donc supposer que pour la période allant de mars 2007 au 7 avril 2008, elle fait référence à EDLCS et qu'après cette date, elle fait référence à l'Opposante.

[43]           Mme Davis-Lewars prétend que le 12 mai 2009, l'Opposante a enregistré le nom de domaine EDLCONSUTLINGSERVICES.com et qu'elle a produit un rapport WHOIS pour ce nom de domaine. Cependant, le propriétaire de ce nom de domaine n'est pas identifié dans ce rapport, et on n'y mentionne pas l'Opposante. Quoi qu'il en soit, l'enregistrement d'un nom de domaine ne vient pas nécessairement prouver l'emploi d'une marque de commerce [voir Cogan c. Emusic.com Inc (2011), 92 C.P.R. (4th) 345 (COMC)].

[44]           Mme Davis-Lewars affirme que depuis 2007, EDL Consulting Services annonce ses services dans le cadre de discussions avec des clients potentiels rencontrés lors de divers séminaires d'entreprises tenus en Ontario et par la distribution de cartes de visite portant le nom EDL Consulting Services. Elle a omis d'indiquer à quels séminaires elle a assisté au fil des ans, de mentionner combien de clients potentiels elle a rencontrés, de produire un exemple de carte de visite distribuée et de fournir le nombre de cartes de visite distribuées pendant cette période.

[45]           Mme Davis-Lewars déclare qu'en 2009, EDL Consulting Services a élargi la portée de sa publicité en mettant sur pied un site Web dont le nom de domaine est EDLCONSULTINGSERVICES.com. Elle a produit une copie de la page d'accueil du site ainsi qu'une copie de la page « Getting Started », sur laquelle apparaît la marque de commerce EDL CONSULTING SERVICES et dessin. Dans le texte, on fait référence au nom commercial EDL Consulting Services. Elle a ensuite fourni le nombre de visites sur le site Web pour les années 2009 (814 visites) et 2010 (3839 visites); elle a obtenu ces statistiques auprès du fournisseur de services d'hébergement de l'Opposante. Toutefois, comme l'a souligné la Requérante, nous n'avons aucune information indiquant que le nombre total de visites représente des visiteurs qui ont fait chacun une visite ou si ces chiffres représentent plusieurs visites effectuées par des visiteurs différents. En outre, nous ne savons pas s'il s'agit uniquement de visiteurs canadiens.

[46]           Mme Davis-Lewars présente ensuite le nombre de clients au Canada à qui EDLCS et l'Opposante ont fourni ses services, sur une base annuelle. Sauf pour l'année 2009 au cours de laquelle il y a eu 7 clients, on ne compte qu'un seul client par année pour les années 2007 à 2010. Nous n'avons aucune information nous indiquant s'il s'agit de clients réguliers ou non.

[47]           Dans l'ensemble, la preuve de l'Opposante concernant son emploi de la marque de commerce EDL CONSULTING SERVICES ou de son nom commercial EDL Consulting Services ne permet aucunement d'établir que l'une ou l'autre était suffisamment connue au Canada à la date pertinente pour annuler tout caractère distinctif de la Marque.

[48]           Enfin, je dois examiner la preuve produite par l'Opposante au sujet de l'emploi par un tiers de marques de commerce ou de noms commerciaux semblables.

[49]           Mme Davis-Lewars a produit une copie du certificat de statut délivré par le gouvernement de l'Ontario le 28 juin 2011 pour EDL Consultants Ltd. Cependant, selon ledit certificat, cette entité a été dissoute le 5 février 2007. Elle a aussi produit une copie du rapport de recherche de dénomination sociale produit par le gouvernement de l'Ontario pour EDL Consulting. Cependant, ce rapport ne contient aucune preuve d'activité commerciale exercée par cette entité. Enfin, elle a produit une copie des résultats d'une recherche de sociétés et d'organismes à but non lucratif dans l'Alberta Corporate Registration Système pour EDL Consulting Ltd. On y indique qu'elle a été enregistrée le 14 août 2008. Elle a été radiée, mais après la date pertinente. Rien n'indique que des activités commerciales ont été exercées par cette entité.

[50]           À la lumière de cette preuve, je ne peux conclure que l'une de ces tierces parties était suffisamment connue au Canada pour annuler tout caractère distinctif de la Marque. L'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau initial qui lui incombait et par conséquent, je rejette ce dernier motif d'opposition.


Décision

[51]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition au titre du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

 

 

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 


ANNEXE A

 

 

 

Les motifs d'opposition invoqués peuvent être résumés de la manière suivante :

 

  1. La demande n'est pas conforme aux exigences énoncées dans l'alinéa 30b) de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), en ce sens que la Requérante n'a pas employé la Marque au Canada en lien avec les Services depuis la date de premier emploi revendiquée.

 

  1. La demande n'est pas conforme aux exigences de l'alinéa 30i) de la Loi, en ce sens que la Requérante ne pouvait pas être convaincue, à la date de production de sa demande, qu'elle avait le droit d'employer la Marque au Canada en lien avec les Services, parce que :

a)      à compter de septembre 2007, l'Opposante était en activité au Canada sous le nom commercial EDL Consulting Services et employait la marque de commerce EDL CONSULTING SERVICES au Canada en lien avec des services de consultation aux entreprises. La Requérante n'a pas commencé à employer la Marque au Canada en lien avec les Services avant la date de premier emploi revendiquée par l'Opposante. La Requérante a demandé l'enregistrement de la Marque le 2 novembre 2009, sachant que la Marque pouvait créer de la confusion avec la marque de commerce et le nom commercial de l'Opposante. La Requérante a produit une demande d'enregistrement de la Marque en sachant que la Marque ne distinguait pas véritablement, ni n'était adaptée de manière à distinguer les Services de ceux de l'Opposante.

b)      Les tiers, nommément EDL Consultant Ltd., mènent des activités commerciales au Canada depuis le 5 mars 1998. EDL Consulting mène des activités commerciales au Canada depuis le 8 novembre 2006. EDL Consulting Ltd. mène des activités commerciales au Canada depuis août 2008. La Requérante a demandé l'enregistrement de la Marque le 2 novembre 2009, sachant que la Marque pouvait créer de la confusion avec ces marques de commerce et noms commerciaux. La Requérante a produit une demande d'enregistrement de la Marque en sachant que la Marque ne distinguait pas véritablement, ni n'était adaptée de manière à distinguer les Services de ceux d'autres entités au Canada.

 

  1. La Marque ne peut pas être enregistrée au vu de l'alinéa 12(1)b) de la Loi, puisque la Marque présente une description fausse et trompeuse des Services ou des personnes qui les offrent. L'élément dominant de la Marque est l'acronyme EDL, lequel est employé au Canada pour désigner un permis de conduire amélioré. La Requérante n'offre pas de services de consultation concernant l'octroi de permis de conduire améliorés. À en juger par l'emploi de la Marque, les consommateurs seraient amenés faussement à croire que la Requérante offre des services de consultation concernant l'octroi de permis de conduire améliorés.

 

  1. La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en vertu des alinéas 16(1)a) et c) de la Loi, en ce sens que, depuis septembre 2007, l'Opposante mène des activités commerciales au Canada sous le nom commercial EDL Consulting Services, et emploie la marque de commerce EDL CONSULTING SERVICES au Canada en lien avec des services de consultation aux entreprises. La Requérante n'a pas commencé à employer la Marque au Canada en lien avec les services énoncés dans la demande avant la date de premier emploi revendiquée par l'Opposante. À la date réelle de premier emploi de la Marque au Canada (le cas échéant) par la Requérante, il y avait confusion avec la marque de commerce et le nom commercial de l'Opposante précédemment employés ou rendus connus au Canada par l'Opposante.

 

  1. La Marque n'est pas distinctive de celle de la Requérante parce que :

a)      La Marque ne distingue pas véritablement, ni n'est adaptée de manière à distinguer, les Services de ceux de l'Opposante. L'Opposante était en activité au Canada sous le nom commercial EDL Consulting Services et employait la marque de commerce EDL CONSULTING SERVICES au Canada en lien avec des services de consultation aux entreprises.

b)      La Marque ne distingue pas, ni n'est adaptée de manière à distinguer, les Services de ceux d'autres entités au Canada, nommément EDL Consultants Ltd. qui exerce des activités commerciales au Canada depuis le 5 mars 1998, EDL Consulting qui exerce des activités commerciales au Canada depuis le 8 novembre 2006, EDL Consulting Ltd. qui exerce des activités commerciales au Canada depuis août 2008.

c)      L'élément dominant de la Marque est l'acronyme EDL, lequel est employé au Canada pour désigner un permis de conduire amélioré.

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad.a.

 

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