Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

 

Référence : 2010 COMC 224

Date de la décision : 2010-12‑23

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Conseil canadien des ingénieurs à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,220,370 pour la marque de commerce KELLY ENGINEERING RESOURCES au nom de Kelly Properties, Inc.

[1]               Le 15 juin 2004 Kelly Properties, Inc., (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce KELLY ENGINEERING RESOURCES (la Marque) fondée sur l’emploi de la Marque au Canada depuis avril 1999, ainsi que sur son emploi et son enregistrement aux États‑Unis.

[2]               La demande vise les services suivants :

Services de placement, nommément fourniture d’employés temporaires, d’employés occasionnels jusqu’à temps plein et d’employés à temps plein possédant des compétences, une éducation et/ou une formation techniques spécialisées.

[3]               La demande a été publiée dans le Journal des marques de commerce du 29 décembre 2004. Le Conseil canadien des ingénieurs (l’Opposante) a déposé une déclaration d’opposition le 22 février 2005, qu’elle a modifiée le 21 décembre 2007 pour y ajouter un motif d’opposition fondé sur l’al. 30b) qui vise à contester la date de premier emploi au Canada revendiquée par la Requérante (avril 1999). La Requérante a produit une contre‑déclaration le 6 avril 2005 et une contre-déclaration modifiée le 16 janvier 2009. La demande a été modifiée le 6 décembre 2005 pour invoquer l’art. 14 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) au soutien de la demande.

[4]               L’Opposante a déposé les affidavits de Deborah A. Eatherley (no 1 et no 2) et de John Kizas; la Requérante a déposé ceux de Julianne Norris, Lisa Saltzman, Jane Griffith, Karin French (no 1 et no 2) et de John W. Lichtenberg. L’Opposante a déposé l’affidavit de Leslie J. Kirk en réponse; elle a aussi obtenu l’autorisation requise concernant la partie de cet affidavit qui contient de nouveaux éléments de preuve, conformément à l’art. 44 du Règlement sur les marques de commerce. Mme French, M. Lichtenberg et Mme Griffith ont été contre‑interrogés. Les extraits pertinents des contre‑interrogatoires figurent dans le sommaire de la preuve ci‑dessous.

[5]               Les motifs d’opposition peuvent être résumés comme suit :

La marque de commerce :

          ne respecte pas l’al. 30i)

          n’est pas enregistrable en raison de l’al. 12(1)b) étant donné qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse ou trompeuse;

          n’est pas enregistrable en raison de l’art. 14 étant donné qu’elle est dépourvue de caractère distinctif, est contraire à l’ordre public et est de nature à tromper le public;

          n’est pas enregistrable et son adoption est interdite aux termes de l’al. 12(1)e) et de l’art. 10;

          n’est pas distinctive;

          ne respecte pas l’al. 30b) étant donné que la marque demandée n’était pas utilisée au Canada en liaison avec les services énumérés à la date de premier emploi revendiquée.

[6]               Dans sa contre‑déclaration la Requérante nie toutes les allégations. Pour ce qui est du motif fondé sur l’absence de caractère distinctif, la Requérante indique que, outre le fait qu’elle soit dépourvue de caractère distinctif, la marque de commerce contient le mot « Kelly » qui a été utilisé et révélé au Canada par la Requérante, de façon continue et sur une grande échelle, de sorte que le mot « Kelly » est devenu très distinctif des services et de l’entreprise de la Requérante.

[7]               Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit et étaient représentées à l’audience.

 

Le fardeau de preuve

[8]               La partie opposante a la charge initiale de présenter une preuve admissible permettant raisonnablement de conclure à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la p. 298]. Une fois que la partie opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la partie requérante de démontrer selon la prépondérance des probabilités que les motifs d’opposition en question ne devraient pas faire obstacle à l’enregistrement de sa marque [voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. c. Seagram Real Estate Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.)] [Seagram].

[9]               Voici les dates pertinentes en l’espèce :

a)                  En ce qui concerne les al. 12(1)b) et 30i) : la date la production de la demande, soit le 15 juin 2004. [Ralston Purina Co. c. Burgham Sales Ltd. (2001), 17 C.P.R. (4th) 143 (C.O.M.C.), p. 148; Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)]

b)                  En ce qui concerne l’al. 12(1)e) ainsi que l’applicabilité de l’art. 14 de la Loi : la date de la décision [Conseil canadien des ingénieurs c. Oyj (2008), 68 C.P.R. (4th) 228 (C.O.M.C.)].

c)                  En ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif, la date de la production de la déclaration d’opposition, soit le 10 mars 2005 [American Assn. of Retired Persons c. Canadian Association of Retired Persons/Assoc. Canadienne des Individus Retraités (1998), 84 C.P.R. (3d) 198 (C.F. 1re inst.), à la p. 207‑208].

d)                 En ce qui concerne le respect de l’al. 30b), la date de premier la date de premier emploi revendiquée dans la demande, soit avril 1999 [Seagram, précitée].

La preuve de l’Opposante

Affidavit (no 1) de Deborah Eatherley

[10]           Mme Eatherley est une technicienne juridique chez les avocats de l’Opposante. Son affidavit vise à montrer que Kelly est un nom de famille utilisé au Canada. Dans l’annuaire téléphonique en ligne Canada411, il figure 271 fois pour Montréal, 411 fois pour Toronto et 141 fois pour Vancouver. En 1998-1999 et 2002-2003, pour la ville de Toronto, et en 1997 et en 2002‑2003, pour Vancouver, le service des annuaires de Bell Canada consacre plus d’une page au nom de famille Kelly.

[11]           Mme Eatherley fournit aussi la preuve qu’au Canada des ingénieurs portent le nom de famille Kelly, notamment Kelly Engineering & Consulting, au Nouveau‑Brunswick, et Ian D. Kelly, Engineer, au Manitoba. Elle fournit la preuve qu’au Canada 118 ingénieurs portent le nom de famille Kelly; il ressort de sa recherche sur Internet qu’en 2000 il y avait au Canada 143 ingénieurs agréés portant le nom de famille Kelly.

Affidavit (no 2) de Deborah Eatherley

[12]           L’affidavit susmentionné contient des définitions provenant de divers dictionnaires techniques et d’ouvrages portant sur l’ingénierie, qui visent à démontrer que les ingénieurs fournissent notamment des services dans les domaines suivants : la gestion des ressources humaines, la gestion des employés et la gestion de projets ainsi que la répartition des ressources en main‑d’oeuvre et/ou la mise en place de systèmes intégrés de gestion des ressources humaines (pièces 1 et 2). Ces activités relèvent de ce qu’on appelle l’organisation de la gestion et le génie industriel.

[13]           Mme Eatherley indique que parmi les services offerts par les ingénieurs œuvrant dans ce domaine d’activités il y a la [traduction] « gestion des ressources humaines », qui consiste à « sélectionner, former et superviser le personnel requis pour mener à bien un projet dans les délais fixés » et à veiller à ce que les personnes affectées à la réalisation d’un projet respectent les normes d’efficacité fonctionnelle. Elle verse en preuve des extraits de livres d’ingénierie, dont un paragraphe concernant la gestion des ressources humaines (pièce 4), et un livre intitulé Management for Engineers (pièce 6).

[14]           Elle joint également à son affidavit des descriptions de cours offerts par des écoles d’ingénieurs – semblant concerner l’organisation de la gestion – qu’elle a trouvées sur Internet. S’y trouvent notamment des descriptions de cours offerts en 2004 à l’Université Ryerson – option gestion en ingénierie (pièce 10B); à l’Universté d’Ottawa en 2003-2005 et au mois d’octobre 2002 – option gestion et entrepreneuriat en ingénierie (pièce 13A). De même, des copies tirées des sites Web de diverses sociétés de gestion en ingénierie au Canada et à l’étranger.

[15]           S’appuyant sur les décisions Envirodrive Inc. c. 836442 Alberta Inc., [2005] ABQB 446, au par. 53-55, et Jurak Holdings Ltd. c. Matol Biotech Laboratories Ltd. (2006), 50 C.P.R. (4th) 337 (C.O.M.C.), la Requérante s’oppose à la plupart des éléments de preuve susmentionnés parce qu’ils constituent selon elle une preuve par ouï-dire inadmissible. Toutefois, j’estime que compte tenu des raisons évidentes pour lesquelles ils ont été créés, les sites Web des universités doivent être considérés comme des sources faisant autorité en ce qui concerne leurs descriptions de cours. Je suis donc prête dans le contexte de la présente affaire à accorder un certain poids à cette preuve. Toutefois, comme on le verra, ces éléments de preuve ne sont pas déterminants en l’espèce.

Affidavit de John Kizas

[16]           M. Kizas est le gestionnaire, Développement stratégique, de l’Opposante, le Conseil canadien des ingénieurs; il est également ingénieur (ing.).

[17]           M. Kizas déclare qu’au Canada l’emploi du terme « engineering » est régi par diverses lois provinciales et territoriales. Seules des personnes et des sociétés autorisées à pratiquer la profession d’ingénieur au Canada, peuvent utiliser le terme « engineering ». Il fait remarquer qu’il est habituel que les firmes d’ingénieurs exercent leurs activités en liaison avec des marques de commerce formées d’un nom de famille et du mot « engineering ». Il déclare que d’autres lois restreignent aussi l’emploi du mot « engineering », notamment des lois provinciales et territoriales relatives à l’enregistrement des noms commerciaux et des lois et règlements provinciaux et territoriaux relatifs aux sociétés par actions; des extraits des textes législatifs pertinents sont joints à son affidavit comme pièces 2 à 14, 27, 29, et 24, et comme pièces 19a) à j).

[18]           À cet égard, je constate que de façon générale les dispositions pertinentes des lois relatives à la profession d’ingénieur prévoient que nul ne peut exercer la profession d’ingénieur ou utiliser un terme susceptible d’amener (directement ou par déduction) le public à penser que les services offerts relèvent de la profession d’ingénieur. Aucune disposition ne semble interdire l’utilisation du mot « engineering » dans une marque de commerce lorsque cette dernière n’amène pas le consommateur à penser que les services qui y sont associés sont des services d’ingénierie ou des services exécutés par un ingénieur. Par ailleurs, je note que les dispositions pertinentes des lois régissant les noms des sociétés et les noms commerciaux ne traitent pas de la question des mots employés en tant que marques de commerce.

[19]           Aucun argument n’a été avancé concernant le fait que la Requérante, Kelly Properties Inc, ne s’est à aucun moment enregistrée en vue d’exercer la profession d’ingénieur dans une province ou un territoire canadien.

La preuve de la requérante

Affidavit de John W. Lichentberg

[20]           M. Lichtenberg est le vice‑président, gestion du marketing, de Kelly Services, Inc. (Kelly Services), poste qu’il occupe depuis 2002. Il travaille au sein du service de marketing de Kelly Services depuis octobre 1995.

[21]           Le déposant présente l’historique de Kelly Services, précisant que la société a été constituée aux États‑Unis en 1946 en tant que fournisseur de services temporaires. Pendant les 60 années qui ont suivi, la société a pris de l’expansion pour en arriver à exercer ses activités dans 30 pays et employer plus de 700 000 personnes par année, notamment dans les domaines ou secteurs suivants : services de bureau, comptabilité, ingénierie, technologies de l’information, droit, sciences, marketing, industrie manufacturière, éducation, santé et soins à domicile.

[22]           Kelly Services a créé divers services qui se spécialisent dans certains domaines d’emploi et qui exercent leurs activités sous différentes marques de commerce partout dans le monde, dont les suivantes :

KELLY MARKETING SERVICES

KELLY HEALTHCARE RESOURCES

KELLY LIGHT INDUSTRIAL SERVICES

KELLY HOME CARE SERVICES

KELLY ELECTRONIC ASSEMBLY SERVICES

KELLY ENGINEERING RESOURCES

KELLY EDUCATIONAL SERVICES

KELLY IT RESOURCESKELLY LAW REGISTRY

KELLY DIRECT

KELLY FINANCIAL RESOURCES

KELLYSELECT

KELLY MANAGEMENT SERVICES

KELLY SCIENTIFIC RESOURCES

KELLY STAFF LEASING

KELLY HR CONSULTING

KELLY AUTOMOTIVE SERVCES GROUP

KELLY VENDOR MANAGEMENT SOLUTIONS

KELLY OFFICE SERVICES

[23]           KELLY ENGINEERING RESOURCES est une marque de commerce déposée aux États‑Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume‑Uni.

[24]           La Requérante est une filiale en propriété exclusive de Kelly Services et elle est propriétaire de la Marque au Canada, aux États‑Unis et ailleurs. La Requérante a octroyé une licence d’emploi de la Marque à Kelly Services, Inc., qui à son tour accorde des sous‑licences d’emploi de la Marque à ses filiales, dont Kelly Services (Canada) Ltd. au Canada. Collectivement, ces sociétés sont ci‑après appelées « Kelly », sauf dans les cas où il y a lieu de faire expressément mention du nom de l’une des sociétés.

[25]           Le déposant déclare que Kelly Properties, Inc. et Kelly Services contrôlent directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des services offerts en liaison avec la Marque. Dans les réponses aux engagements pris en cours de contre‑interrogatoire, M. Lichtenberg explique que bien que le contrat de licence écrit produit en preuve n’ait pas été mis à jour pour faire expressément mention de la Marque, il vise en fait toutes les marques de commerce de la Requérante. Il déclare en outre que le contrat de licence régit l’emploi de la Marque.

[26]           Comme je l’ai déjà signalé, le déposant explique qu’en raison du nombre élevé de candidats recherchés par ses clients et la nature spécialisée de leurs fonctions, Kelly a créé des divisions et services pour divers domaines d’emploi. À titre d’exemple, la division KELLY ENGINEERING RESOURCES offre des services de recrutement et de placement et sa spécialité consiste à recruter des ingénieurs agréés, des concepteurs, des dessinateurs et des techniciens pour ses sociétés clientes partout dans le monde. KELLY HEALTHCARE RESOURCES est quant à elle une division chargée de recruter et de placer des personnes possédant des qualifications dans le domaine des soins de santé.

[27]           Kelly fournit notamment ses services par l’entremise de services de recherche d’emploi offerts en ligne à des employés potentiels à partir des sites Web de Kelly, notamment www.kellyengineering.com et le numéro sans frais 1-888-GO-KELLY. Je note que la copie de la page d’accueil du site www.kellyengineering.com fait clairement mention de la Marque et contient les renseignements suivants :

[traduction] KELLY INGÉNIERIE est dédiée au placement, à travers le monde, d’ingénieurs qualifiés, de concepteurs, de dessinateurs et de techniciens. Kelly Services figure au palmarès Fortune 500 (É.‑U.). Grâce à notre réseau de bureaux locaux, nous sommes en mesure de fournir à nos clients des services de recrutement et de placement à l’échelle internationale et d’offrir des postes à nos employés partout dans le monde.

[28]           La Marque figure également bien en vue dans des brochures distribuées à des entreprises clientes potentielles annonçant les services de placement offerts par la Requérante. La page couverture d’un exemple de brochure est produite comme pièce JWL 5. Je constate que la Marque y figure bien en vue et que l’inscription suivante s’y trouve : © 2002 Kelly Services, Inc. Rien ne permet d’inférer que ces documents ont été distribués à quelque moment que ce soit au Canada.

[29]           Du matériel de promotion similaire utilisé pour faire de la publicité dans les universités est joint comme pièce JWL 6; la Marque y figure également bien en vue et les mots © 2002 Kelly Services, Inc. y sont inscrits en petits caractères. Là encore, rien ne permet d’inférer que ce matériel a été à quelque moment que ce soit distribué au Canada.

[30]           M. Lichentberg a fourni des extraits de quatre magazines qu’il dit avoir été publiés en avril 1999 et diffusés au Canada. Les magazines semblent provenir des É.‑U.; chacune des pièces produites comprend une copie de la page couverture et d’une page sur laquelle se trouve une annonce où figure la Marque.

[31]           En contre‑interrogatoire, on a demandé à M. Lichtenberg de produire une preuve établissant que Kelly Canada avait effectivement fourni les services énumérés dans la demande en date du mois d’avril 1999. On lui a également demandé de préciser quand Kelly a pour la première fois sollicité des curriculum vitae pour des sociétés canadiennes en utilisant la Marque. Enfin, on lui a demandé de confirmer que la Marque était effectivement utilisée au Canada en date du mois d’avril 1999 et du 15 juin 2004. Le déposant a refusé de répondre à ces questions au motif qu’elles n’étaient pas pertinentes étant donné que (à cette époque) la déclaration d’opposition ne renfermait aucun motif d’opposition fondé sur l’al. 30b) de la Loi.

[32]           Le déposant indique également que KELLY ENGINEERING RESOURCES a été annoncée plus récemment dans des publications distribuées au Canada, et il fournit des exemples datant de 2004 (6 numéros de Chemical Processing et 6 numéros de IEE Communications —publiés en mars, avril, juin, août, octobre et décembre 2004). M. Lichentberg déclare qu’il a été informé par ses agences de publicité qu’environ 670 numéros de Chemical Processing et 1800 de IEE Communications avaient été distribués en 2004 au Canada. Bien que l’Opposante ait soutenu qu’il s’agissait d’une preuve par ouï-dire inadmissible, je suis prête à accorder un certain poids à ces éléments de preuve étant donné qu’on peut raisonnablement supposer que ces renseignements ont été obtenus des agences de publicité concernées dans le cours normal des affaires, et que la collecte de tels renseignements fait partie des tâches du déposant en tant que vice‑président, gestion du marketing.

[33]           Le déposant donne également des exemples de parrainage de bourses d’études et d’activités communautaires ainsi que des communiqués de presse. La Marque figure également dans des sites Web appartenant à des tiers, où des occasions d’emploi sont annoncées à des candidats potentiels, dont les sites se trouvant à l’adresse www.careerbuilder.com, www.hotjobs.yahoo.com, et à l’adresse www.mycareer.com. Des impressions d’écran tirées de ces sites sont fournies comme pièce JWL 11; je remarque qu’il s’agit pour la plupart d’offres d’emploi aux États‑Unis. Il est question de quelques emplois à Puerto Rico; cette pièce n’établit pas que des emplois ont été annoncés au Canada.

[34]           Un exemple de brochure diffusée par publipostage, sur laquelle la Marque figure, est déposé comme pièce JWL 12, mais rien ne montre qu’elle a été distribuée au Canada. Cette fois encore, je constate que les mots © 2002 Kelly Services, Inc. figurent au bas de la page verso. Les articles de tierces parties faisant mention de KELLY ENGINEERING RESOURCES sont fournis comme pièce JWL 13. Il s’agit d’articles en format électronique publiés sur Internet, mais on ne précise pas quelle en est la source ni si des Canadiens ont eu accès à ces articles.

[35]           M. Lichtenberg indique que Kelly a dépensé des sommes considérables pour annoncer et faire la promotion de la Marque à l’échelle internationale. Le budget total consacré aux activités de marketing en 2006 devrait dépasser 5 millions de dollars US; au moins 3,5 % de ce montant est utilisé pour faire la promotion de la Marque.

[36]           Les ventes de services en liaison avec la Marque ont augmenté aux États‑Unis et ailleurs dans le monde. M. Lichtenberg affirme que la Marque a à tout le moins été utilisée en liaison avec les services faisant l’objet de la demande dans les pays suivants : le Canada, les États‑Unis, le Royaume‑Uni, l’Australie, la Nouvelle‑Zélande, l’Allemagne, Puerto Rico, la Russie et Singapour. Il précise que chaque jour plus de 4 000 personnes ont recours aux services de la division KELLY ENGINEERING RESOURCES. De 2000 à 2005, les recettes de ventes mondiales annuelles ont excédé 4 milliards de dollars, 3,5 à 4,5 % de celles‑ci étant attribuables aux revenus générés en utilisant la Marque.

[37]           J’ai examiné les rapports annuels (1998-2004) joints à l’affidavit de M. Lichtenberg; je constate qu’il semble s’agir d’états financiers cumulés et de renseignements destinés aux actionnaires concernant les entreprises Kelly et que, à l’instar des chiffres susmentionnés, des revenus substantiels y sont rapportés. Il n’y est pas expressément question des services fournis en liaison avec la Marque. Par ailleurs, il ressort de ces documents qu’un bureau a été ouvert à Toronto en 1998.

[38]           En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Lichtenberg de fournir une liste des dénominations commerciales ontariennes enregistrées pour les divers services offerts par Kelly. Les noms suivants figurent sur une liste des dénominations commerciales, actuellement utilisées par Kelly Services (Canada), Ltd., provenant du Ministère des Services aux consommateurs et aux entreprises de l’Ontario, et produite comme pièce 1 lors du contre‑interrogatoire de M. Lichtenberg : KELLY FINANCIAL RESOURCES, KELLY HEALTH CARE RESOURCES, KELLY PERMANENT RECRUITMENT, KELLY SCIENTIFIC RESOURCES, et KELLY SERVICES (ayant toutes été enregistrées en 2004); et KELLY RECRUITMENT CONSULTANTS (enregistrée en 1996).

Affidavits (no 1 & no 2) de Karin French

[39]           Mme French est la vice‑présidente et la directrice générale de Kelly Services (Canada) Ltd. (Kelly Canada), poste qu’elle occupe depuis au moins 2003. Kelly Canada est une filiale en propriété exclusive de Kelly Services, Inc. dont le siège est situé à Toronto. Comme il est énoncé dans l’affidavit de M. Lichtenberg, la Requérante octroie des licences d’emploi des marques de commerce Kelly à Kelly Services, Inc. qui à son tour accorde des sous‑licences d’emploi à Kelly Canada.

[40]           Alors que l’affidavit de M. Lichtenberg visait à établir que les sociétés Kelly sont des entreprises internationales, l’affidavit de Mme French concerne plutôt les activités exercées au Canada.

[41]           Mme French déclare en outre que tant Kelly Properties, Inc. que Kelly Services, Inc. continuent de contrôler directement ou indirectement les caractéristiques ou la qualité des services que Kelly Canada offre en liaison avec les marques de commerce Kelly. L’Opposante fait encore une fois valoir que les contrats de licence fournis dans les réponses aux engagements (faisant suite au contre-interrogatoire de Mme French) ne semblent pas viser la Marque. À cet égard, il faut conserver à l’esprit la réponse que M. Lichtenberg a fournie pour donner suite aux engagements pris lors de son contre-interrogatoire (par. [24] ci‑dessus), et qu’il n’est pas obligatoire qu’un contrat soit constaté par écrit; la déclaration portant qu’un contrat de licence existe et qu’un contrôle direct et indirect est exercé répond aux exigences du par. 50(1) de la Loi.

[42]           Mme French indique que les [traduction] « services de placement de marque KELLY » sont offerts au Canada depuis au moins 1968 en liaison avec une ou plusieurs marque de commerce KELLY. Elle indique que dans les années 1990 Kelly, qui n’était auparavant qu’une [traduction] « entreprise concentrant ses activités aux États‑Unis, fournissant principalement des services de bureau traditionnels, est devenue un leader dans l’industrie du recrutement et du placement offrant des services spécialisés ». Elle ajoute que la société recrute et place des professionnels et des employés techniques dans les domaines des finances et de la comptabilité, de l’ingénierie, des technologies de l’information, du droit, des sciences et des soins de santé. Aujourd’hui, Kelly fournit des services de placement aux particuliers et aux sociétés dans 30 pays, dont le Canada. Elle place annuellement plus de 700 000 employés possédant des qualifications dans divers domaines notamment le travail de bureau, la comptabilité, l’ingénierie, les technologies de l’information, le droit, les sciences, le marketing, l’industrie légère et les soins de santé. Kelly est la plus grande entreprise de placement au monde et elle est un des chefs de file en matière de recrutement de personnel dans les domaines des technologies de l’information, de l’ingénierie et des finances.

[43]           La Requérante est propriétaire de 16 enregistrements de marques de commerce au Canada en liaison avec des services de placement. Je remarque que l’un des enregistrements vise le mot KELLY utilisé seul et se fonde sur son emploi au Canada depuis au moins le 10 juin 1968 à l’égard de la [traduction] « fourniture d’employés temporaires et permanents ». Les 15 autres enregistrements concernent des marques dont la première partie est constituée du mot KELLY, le reste de la marque servant sans doute à évoquer la nature spécialisée des services. Des copies certifiées de l’enregistrement de 10 de ces marques de commerce, dont celui de la marque constituée du mot KELLY employé seul, sont jointes à l’affidavit de Julianne Norris, examiné ci‑dessous.

[44]           Mme French indique que Kelly Canada offre ses services de recherche d’emploi en ligne, par téléphone et en personne dans les succursales. Elle fournit des exemples d’offre d’emploi publiées au Canada en liaison avec les marques de commerce KELLY (habituellement KELLY Services) et/ou KELLY ENGINEERING RESOURCES, notamment sur les sites Web se trouvant à l’adresse www.kellyservices.com et à l’adresse www.kellyservicesengineering.com. La pièce KF 1 est un exemple d’outil de recherche d’emploi se trouvant à l’adresse www.kellyservices.com, annonçant un emploi d’ingénieur en liaison avec la Marque. L’outil semble destiné à l’usage des Canadiens; le menu déroulant permet de choisir la province dans laquelle s’effectuera la recherche. Des impressions d’écran, jointes comme pièces KF 1 et KF 2, comportent des offres d’emploi au Canada en liaison avec les services KELLY. De plus, la Marque figure bien en vue à côté d’au moins l’une de ces offres. On ne sait pas exactement à quelle date les annonces en question ont été publiées, mais une offre concernant un emploi en Ontario semble avoir été affichée en 2006. Les pièces KF 3 et KF 4 sont des exemples d’impressions d’écran de pages Web pertinentes sur lesquelles la Marque figure; ces éléments de preuve ne sont pas datés.

[45]           Mme French indique également que la Marque a été utilisée en liaison avec des annonces parues dans Automotive Engineering International, Computer-Aided Engineering, Electronic Design, Hydrocarbon Processing, Chemical Processing et IEE Communications (pièce KF 6). Il semble s’agir des mêmes annonces que celles qui sont jointes à l’affidavit de M. Lichtenberg et qui auraient été publiées dans des numéros, datant d’avril 1999, ayant été distribués au Canada. La déposante fait aussi mention d’annonces sur lesquelles figure la Marque, qui ont paru dans des magazines en 2004; comme nous l’avons déjà vu, il est question des chiffres relatifs à leur diffusion dans l’affidavit de M. Lichtenberg.

[46]           L’affidavit no 2 de Mme French a été fourni en réponse à l’ajout du motif d’opposition fondé sur l’al. 30b). La déposante répète que des annonces faisant la promotion des services visés par la demande ont été publiées dans des périodiques en liaison la Marque distribués au Canada en avril 1999. Elle indique de plus que les usagers canadiens ont accès aux services en question à partir de l’adresse www.kellyengineering.com depuis au moins 1999. Mme French précise que les appels de fichier effectués par des Canadiens n’ont pas été compilés avant 2003; par contre, 110 497 et 92 955 appels de fichier effectués par des Canadiens ont respectivement été relevés en 2003 et en 2004; et pour les années 2005 à 2008, plus de 60 000 appels de fichier ont été relevés annuellement.

[47]           Dans son premier affidavit, Mme French précise en outre que Kelly participe régulièrement à des salons professionnels et à des conférences qui se tiennent au Canada pour faire la promotion de ses services. Elle indique qu’à ce jour, pour l’année en cours (2006), Kelly a participé à au moins 50 salons professionnels au Canada. À chaque occasion, au moins une des marques de commerce Kelly était affichée bien en vue. La déposante énumère quelques salons professionnels canadiens à titre d’exemple; je constate que trois d’entre eux ont eu lieu en 2006 et un en 2004.

[48]           Les marques de commerce Kelly sont annoncées sur des autobus, des abribus, dans des stations de métro et sur des panneaux‑réclame. La photographie d’une affiche annonçant que KELLY SERVICES [traduction] « embauche actuellement » fixée sur un immeuble de la rue St. Catharines, en Ontario, et des copies d’annonces ayant parues dans le cadre d’une campagne de publicité dans les moyens de transport, lancée à Toronto au cours du printemps et de l’été 2005, et à Calgary en février et mars 2006, sont jointes à l’affidavit de Mme French.

[49]           Des brochures et des fiches de renseignements, sur lesquelles sont apposées les marques de commerce KELLY, sont distribuées par publipostage direct à des employeurs et des employés potentiels (pièces KF9 et KF 10). La déposante précise qu’au cours de l’année antérieure (2005), au moins 50 sociétés ont été sollicitées par lettre dans lesquelles on faisait la promotion des services offerts par Kelly et où figurait au moins une des marques de commerce KELLY. La pièce KF-9 est une copie d’un exemple de page couverture de l’une de ces brochures.

[50]           Mme French déclare que depuis 1999 Kelly a généré des revenus importants en vendant des services au Canada en liaison avec sa famille de marques de commerce; elle précise que Kelly ne présente pas – par marque ou par type d’emploi – sous forme de tableaux les revenus provenant de ses activités canadiennes. Elle estime que Kelly a dépensé environ 1,2 million de dollars pour annoncer et faire la promotion de sa famille de marque de commerce au Canada depuis 1999.

[51]           Kelly distribue également des brochures et des fiches de renseignements sur lesquelles figurent ses marques de commerce; certaines sont produites aux États‑Unis et sont mises à la disposition de Kelly Services (Canada) Ltd. Deux de ces brochures, montrant la Marque, sont jointes comme pièce KF-10; toutefois, aucune date n’est indiquée et aucun chiffre concernant leur diffusion au Canada n’est fourni. L’année 2006 y figure comme date de l’enregistrement du droit d’auteur.

Affidavit de Julianne Norris

[52]           Mme Norris est une adjointe juridique; elle a obtenu des copies certifiées des enregistrements canadiens des marques de commerce : KELLY GIRL (enregistrée en 1965), KELLY (enregistrée en 1990), KELLY RECRUITMENT CONSULTANTS (enregistrée en 1995), KELLY SCIENTIFIC RESOURCES (enregistrée en 1999), KELLY SCIENTIFIQUE (enregistrée en octobre 2001), KELLY LAW REGISTRY (enregistrée en 1993), KELLY FINANCIAL RESOURCES (enregistrée en juin 2003), KELLY IT RESOURCES (enregistrée en octobre 2003), KELLY EDUCATIONAL STAFFING (enregistrée en 2006), et KELLY AUTOMOTIVE SERVICES GROUP (enregistrée en 2005). Ces enregistrements concernent tous des services de placement, dont certains sont décrits de façon à cibler un domaine d’emploi particulier.

Affidavit de Lisa Saltzman

[53]           Mme Saltzman dit être la directrice du service de recherche de marques de commerce d’OnScope, une société qui se spécialise dans la recherche de dénominations sociales et de marques de commerce ainsi que dans la recherche de définitions reconnues en common law ou énoncées dans les dictionnaires, en vue d’aider les clients d’OnScope à déterminer si leurs marques de commerce sont enregistrables.

[54]           Mme Saltzman a été chargée de vérifier (en utilisant les ressources d’OnScope) dans quelle mesure le mot KELLY est connu comme étant un prénom, un nom de famille, un lieu géographique, un mot répertorié dans un dictionnaire ou autrement connu.

[55]           Mme Saltzman a relevé différentes définitions de « kelly » ainsi que des occurrences où « Kelly » est utilisé pour désigner un endroit ou en tant que prénom. Il semble que « kelly » est un terme technique dans le domaine minier défini comme étant une tige d’entraînement servant à activer un trépan; il semble aussi que « Kelly » est un mot désignant ou faisant partie d’expression désignant 124 endroits au Canada dont les suivants : Kelly, au Québec, Kelly, en Ontario, Kelly Bay, au Manitoba, Kelly Brook, au Nouveau‑Brunswick, Kelly Creek, en Colombie‑Britannique, Kelly Head, à Terre-Neuve-et-Labrador; Kelly Island, en Saskatchewan; Kelly Lake, en Alberta; Kelly Point, en Nouvelle‑Écosse; et Lac Kelly, au Québec.

[56]           Mme Saltzman a aussi fourni la preuve que « Kelly » est utilisé comme prénom, en déposant une longue liste de personnes connues et de personnages fictifs portant ce prénom.

L’affidavit de Jane Griffith

[57]           Mme Griffith est conseillère principale en recherche chez Bedford Consulting Group Inc., à Toronto. Elle a été chargée de vérifier le sens du mot « Kelly », en tenant plus particulièrement compte du sens que les Canadiens pourraient lui attribuer. Dans son témoignage, analogue à celui de Mme Saltzman, elle relève la définition technique de « kelly », et que le terme est utilisé comme prénom et pour désigner des endroits.

 

Preuve de l’Opposante fondée sur les articles 43 et 44 des Règles

Affidavit de Leslie Kirk

[58]           Mme Kirk dit être une étudiante en droit et elle joint à son affidavit des copies de versions archivées du site Web se trouvant à l’adresse www.kellyengineering.com obtenues à partir du moteur de recherche WayBackMachine (www.archive.org) pour la période entre le 29 mai 2002 et le 28 avril 2007. La Marque figure bien en vue dans chacune de ces versions (pièces 7 à 32). Elle décrit comment elle a utilisé WayBackMachine pour accéder aux pages archivées et elle fournit des copies d’écran accompagnées d’une brève description présentée sous forme de tableau.

[59]           Un examen des copies d’écran révèle que le Canada ne figure pas dans la liste des pays du menu déroulant que l’usager peut choisir. Je note toutefois qu’on y indique que Kelly fournit ses services partout dans le monde (voir le paragraphe [26] ci‑dessus).

[60]           Il a été reconnu que la preuve obtenue à l’aide de WayBackMachine donne une représentation généralement fiable des sites tels qu’ils existaient dans le passé [voir Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (C.F.), infirmée pour d’autres motifs, 2008 C.A.F. 100; et ITV Technologies, Inc. c. WIC Television Ltd. (2003), 29 C.P.R. (4th) 182, à la p. 192 (C.F. 1re inst.), confirmée par (2005), 38 C.P.R. (4th) 481 (C.A.F.)]. Les copies d’écran en question ont été présentées à M. Lichtenberg pendant son contre‑interrogatoire, et il a par la suite confirmé dans ses réponses aux engagements que rien ne permettait de croire qu’elles ne provenaient pas du site Web susmentionné.

[61]           Mme Kirk joint également les entrées de l’annuaire des Pages jaunes de Toronto sous la catégorie « emploi » pour les années 1998-1999 à 2007-2008; pendant cette période, les services KELLY sont mentionnés au moins une fois chaque année dans cette catégorie, et il arrive que d’autres marques de commerce Kelly soient également mentionnées. Chacune des entrées est accompagnée d’une grande annonce sous forme graphique où figure clairement la marque de commerce KELLY en liaison avec des services de placement; une liste des emplois visés, comprenant dans la plupart des cas des postes d’ingénieur, y figure également. La Marque ne figure sur aucune de ces pages.

L’analyse des motifs d’opposition

Alinéas 38(2)a) et 30i)

[62]           Le motif d’opposition fondé sur les al. 38(2)a) et 30i) est rejeté parce que l’Opposante n’a allégué aucun fait étayant son allégation portant que la Requérante ne pouvait être convaincue qu’elle avait le droit d’utiliser d’employer la Marque. J’accepte l’argument de la Requérante selon lequel la décision Lubrication Engineers, Inc. c. Conseil canadien des ingénieurs (1992), 41 C.P.R. (3d) 243, à la p. 244 (C.A.F.), a établi que des allégations de manquement aux lois provinciales ne sauraient justifier une opposition fondée sur l’al. 30i). Qui plus est, je conviens avec la Requérante que l’Opposante n’a soumis aucun élément de preuve permettant de conclure que par la façon dont elle se présente la Requérante donne à penser qu’elle offre des services professionnels d’ingénierie. De plus, je constate que ce motif a été rejeté dans une décision antérieure mettant en cause les mêmes parties et la même marque de commerce [voir Conseil canadien des ingénieurs c. Kelly Properties, Inc. (2004) 37 C.P.R. (4th) 537, à la p. 544 (C.O.M.C.) (CCPE c. Kelly); voir également Conseil canadien des ingénieurs c. Management Engineers GmbH (2004), 37 C.P.R. (4th) 277 (C.O.M.C.)] [Management].

[63]           Lorsqu’une partie requérante fait la déclaration exigée par l’alinéa 30i), le motif d’opposition fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple dans les cas où la preuve dénote la mauvaise foi de la partie requérante [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol‑Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la p. 155]. Or, l’Opposante n’a établi aucune mauvaise foi de la part de la Requérante; par conséquent, ce motif d’opposition est rejeté.

Alinéas 38(2)a) et 30b)

[64]           En ce qui concerne la non-observation de l’alinéa 30b) de la Loi, le fardeau initial de la partie opposante est peu exigeant, puisque les faits se rapportant à la date à laquelle la partie requérante a commencé à employer la marque visée par la demande appartiennent principalement à la sphère de connaissance de cette dernière (Tune Masters c. Mr. P’s Mastertune Ignition Services Ltd. (1986), 10 C.P.R. (3d) 84 (C.O.M.C.), à la page 89). La partie opposante peut donc s’acquitter de ce fardeau non seulement en s’appuyant sur ses propres éléments de preuve, mais également sur ceux de la partie requérante [Brasserie Labatt Ltée c. Brasseries Molson, (1996), 68 C.P.R. (3d) 216, p. 230 (C.F. 1re inst.)].

[65]           Lorsque dans ce contexte la partie opposante s’appuie sur la preuve de la partie requérante pour s’acquitter de son fardeau de preuve, elle doit démontrer que la preuve de la partie requérante est « manifestement » incompatible avec les allégations qu’elle formule dans sa demande (voir Ivy Lea Shirt Co. c. 1227624 Ontario Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 562 (C.O.M.C.), aux p. 565-566, confirmée par 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F. 1re inst.)).

[66]           Pour satisfaire aux exigences de l’al. 30b), la Requérante doit avoir employé la Marque de façon continue en liaison avec ses services à compter de la date de premier emploi revendiquée, soit avril 1999, jusqu’à la date du dépôt de sa demande.

[67]           En réponse à ce motif d’opposition, ajouté en cours de procédure, la Requérante a soumis le deuxième affidavit de Mme French qui traite de la date de premier emploi revendiquée par la Requérante. Bien que Mme French déclare ne pas être en mesure de confirmer que des usagers canadiens ont fait des appels de fichier entre 1999 et 2003, elle indique que la Marque figurait sur le site Web se trouvant à l’adresse www.kellyengineering.com au moins depuis 1999. Mme French confirme en outre que les quatre périodiques annonçant des services de placement en liaison avec la Marque ont été distribués au Canada au mois d’avril 1999.

[68]           Bien que l’Opposante ait fait grand cas du fait que le Canada ne figure pas dans la liste des pays du menu déroulant sur le site Web se trouvant à l’adresse www.kellyengineering.com, je n’estime pas que cette omission soit « manifestement incompatible » avec la date de premier emploi revendiquée par la Requérante étant donné que sa revendication se fonde sur l’usage qui en a été fait dans des publications (tant en avril 1999 qu’avant et après le 15 juin 2004). Quoi qu’il en soit, je ne suis pas convaincue que le fait que le Canada ne figure pas dans un menu déroulant constitue une preuve catégorique que les services n’étaient pas offerts aux usagers du Canada. Je ne dispose pas d’éléments « manifestement incompatibles » (compte tenu des annonces publiées, des déclarations de Mme French et de l’existence d’un bureau à Toronto) avec la prétention que la Requérante était en mesure d’offrir ses services en liaison avec la Marque au mois d’avril 1999 et, par la suite, de façon continue.

[69]           Je suis donc d’avis de rejeter ce motif d’opposition.

Alinéas 38(2)b) et 12(1)b)

[70]           L’Opposante a fait valoir que la Marque décrit clairement ou de façon fausse et trompeuse des services d’ingénierie, notamment des services offerts par un ingénieur dont le nom de famille est Kelly. Comme je l’ai déjà précisé, la date pertinente à cet égard est la date du dépôt de la demande, à savoir le 15 juin 2004.

[71]           La question de savoir si la Marque donne une description claire ou une description fausse ou trompeuse doit être examinée du point de vue de l’acheteur ordinaire des marchandises qui lui sont liées. De plus, il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la Marque, celle-ci devant plutôt être considérée dans son ensemble et sous l’angle de la première impression [voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce, 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.), aux p. 27 et 28; Atlantic Promotions Inc. c. Registraire des marques de commerce, 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.), à la p. 186]. Molson Cos. Ltd. c. Carling Breweries of Canada Ltd. (1981), 55 C.P.R. (2d) (C.F. 1re inst.)]. Le mot « nature » s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique du produit, et le mot « clair » signifie [traduction] « facile à comprendre, évident ou simple » [Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29, à la p. 34 (C. de l’É.). ].

[72]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial compte tenu du sens ordinaire qu’ont les mots « Kelly », « Engineering » et « Resources ». Toutefois, comme il a été énoncé dans CCPE c. Kelly, précitée, il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la Marque, celle-ci devant plutôt être considérée dans son ensemble et sous l’angle de la première impression en liaison avec les services visés par la demande.

[73]           Tout bien pesé, je suis d’avis que bien qu’elle ne possède peut‑être pas un caractère distinctif inhérent très marqué, la Marque n’est pas visée par l’al. 12(1)b) de la Loi. On ne saurait automatiquement conclure que la Marque donne une description claire des « services de placement, nommément fourniture d’employés temporaires, d’employés occasionnels jusqu’à temps plein et d’employés à temps plein possédant des compétences, une éducation et/ou une formation techniques spécialisées » du simple fait qu’un consommateur de services de placement pense que l’entreprise appartient à une personne dont le nom de famille est Kelly. Comme l’a dit la membre de la Commission, J. Bradbury, dans CCPE c. Kelly, précitée, à la p. 545 :

Je considère qu’il va de soi que la marque, prise globalement, ne donne pas une description claire de la nature ou de la qualité des services puisqu’il s’agit d’un nom combiné avec des mots descriptifs [voir Breck’s Sporting Goods Co. Ltd. c. Slater (précité); Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd. et al. (précité)]. La marque, prise globalement, ne donne pas non plus une description claire des conditions ou des personnes qui travaillent dans la production des services.

[…]

[…] [I] me semble improbable que le public présumerait que la requérante est un ingénieur qualifié ou qu’elle offre divers services d’ingénierie simplement parce qu’elle utilise l’expression KELLY ENGINEERING RESOURCES comme marque de commerce en liaison avec des « services de placement ». Je crois que le Canadien moyen comprendrait que la marque en cause dans le contexte où elle offre de tels services signifie que la requérante aident les « ingénieurs » à se trouver de l’emploi et ne présumerait pas que la requérante est en soi un « ingénieur » ou que les « services de placement » est un type de service « d’ingénierie ». Tant les services d’ingénierie que les services de placement sont des types de services pour l’achat desquels les utilisateurs se montrent prudents. J’estime qu’il est difficile de croire que le consommateur moyen serait d’une quelconque façon trompé. Qui plus est, j’arrive à cette conclusion en comprenant très bien la position de l’opposant, à savoir qu’il y a des ingénieurs spécialisés dans l’utilisation efficace des ressources humaines

Dans l’ensemble, j’ai de la difficulté à accepter la position de l’opposant selon laquelle tout mot combiné avec les mots « engineer » ou « engineering » amènerait le public à conclure qu’un ingénieur est en cause. Il s’agit à mon avis d’une simplification dont la logique est fortement tributaire de la nature des marchandises et des services associés à la marque.

[74]           Je conviens que la Marque n’indique pas de façon claire ni de façon fausse ou trompeuse que la Requérante est une firme d’ingénieurs ou qu’elle offre des services relevant de la profession d’ingénieur. En effet, la Marque donne simplement à penser que Kelly fournit des ressources soit à ceux qui cherchent un emploi dans le domaine de l’ingénierie ou à des firmes d’ingénierie cherchant à recruter du personnel (pouvant être, mais qui ne sont pas nécessairement, des ingénieurs).

[75]           La Cour fédérale ainsi que le registraire ont eu d’autres occasions de se demander si une marque de commerce formé d’un nom de famille, suivi d’un du terme « engineers » ou « engineering », étaient visées par l’al. 12(1)b) de la Loi. Dans Canadian Council of Professional Engineers c. Krebs Engineers (1996), 69 C.P.R. (3d) 267 (C.O.M.C.) [Krebs], le registraire a conclu que KREBS ENGINEERS & Dessin, utilisé en liaison avec de l’« équipement de traitement industriel, nommément cyclones humides » donnait une description claire ou fausse et trompeuse des personnes ayant produit les marchandises. Il a statué que la personne qui utilise régulièrement les marchandises de la partie requérante présumerait, en voyant ou en entendant la marque de celle‑ci, que la requérante emploie des ingénieurs qui participent à la conception, à la production et à la vente des marchandises visées par la demande. L’élément « KREBS » est un patronyme et la marque de commerce serait perçue dans l’ensemble comme le nom d’une firme d’ingénieurs. Il a donc conclu que la marque donnait une description claire ou une description fausse et trompeuse des personnes qui produisent les marchandises visées par la demande.

[76]           La présente affaire se distingue de l’affaire Krebs, précitée, parce que la Marque vise des services et non des marchandises, et aussi parce que les services en question ne concernent pas uniquement des ingénieurs. L’élément contesté de la Marque ne décrit pas les personnes exécutant ou fournissant les services. Le simple fait que des ingénieurs puissent s’occuper de la gestion des ressources humaines du point de vue de l’efficacité de la production ne m’amène pas à conclure que les services de placement, en soi, constituent une spécialité relevant du domaine de l’ingénierie.

[77]           J’estime que la présente affaire se distingue aussi de l’affaire Management, précitée, parce que la marque, ME MANAGEMENT ENGINEERS & Dessin, jugée contrevenir à la Loi, contenait le mot ENGINEERS, et non « engineering ». Il était donc plus probable dans ces circonstances que le consommateur de services-conseils aux entreprises et de services connexes tienne pour acquis que ces services étaient fournis par des ingénieurs.

[78]           Dans Conseil canadien des ingénieurs c. John Brooks Co. (2004), 25 C.P.R. (4th) 507 (C.F. 1re inst.) [Brooks], la Cour a estimé que la marque de commerce BROOKS SPRAY ENGINEERING, utilisée en liaison avec l’« exploitation d’une entreprise, nommément distribution de becs vaporisateurs et de collecteurs pour refroidissement, nettoyage, conditionnement et traitement à basse et haute pression, jauges, tuyaux souples, connecteurs et raccords, filtres et crépines, lubrificateurs et régularisateurs de débit, et assemblage et distribution des systèmes de manutention de fluides constitués des éléments susmentionnés », était visée par l’al. 12(1)b). Voici ce que dit la Cour à la p. 513 :

[traduction] [...] La marque de commerce proposée « Brooks Brooks Spray Engineering » donne une description fausse et trompeuse des services de JBCL et des personnes qui les fournissent. Cependant, la preuve n’indique pas que la marque de commerce proposée donne une description claire, parce que JBCL a relativement peu d’ingénieurs à son emploi.

[...] Même si le « spray engineering » (technique de pulvérisation) n’est peut-être pas une spécialité reconnue dans l’exercice de la profession d’ingénieur, ces mots renvoient à une gamme de services techniques sophistiqués qui sont liés au traitement et à la distribution de fluides, soit des types de services que des ingénieurs pourraient offrir.

À mon avis, le fait que l’emploi du mot « engineering » soit réglementé a des incidences en l’espèce. La plupart des gens présumeraient que les entreprises utilisant ce mot dans leur nom offrent des services d’ingénierie et ont des ingénieurs à leur emploi, à moins que le contraire ne ressorte clairement du contexte. [Je souligne.]

[79]           Selon moi, compte tenu de la preuve soumise en l’espèce, il semble aller de soi que les services de placement constituent l’une des exceptions dont il est question dans Brooks étant donné qu’il n’est pas question de services techniques que l’on s’attend à ce que des ingénieurs fournissent. Au contraire, comme il déjà été signalé, j’estime raisonnable de conclure que la plupart des gens comprendraient immédiatement que les services consistent à aider des personnes dans leur recherche d’emploi dans le domaine de l’ingénierie ou à aider les firmes d’ingénieurs à trouver des employés qualifiés, ceux-ci pouvant ou non être des ingénieurs.

[80]           Dans une affaire subséquente concernant également l’Opposante, Conseil canadien des ingénieurs c. Rothenbuhler Engineering Company (2005) 50 C.P.R. (4th) 115 (C.O.M.C.) [Rothenbuhler], la Requérante a soutenu, en ce qui concerne la marque de commerce ROTHENBUHLER ENGINEERING, que la situation était différente de celle en cause dans Krebs dans la mesure où l’élément ROTHENBUHLER ne pouvait d’aucune façon être considéré comme un nom de famille et qu’en plus le mot « engineering » ne pouvait être assimilé au mot « engineers » étant donné qu’il [traduction] « couvre bien davantage que les simples compétences de l’ingénieur ». Le registraire a conclu que la marque de commerce était visée par l’al. 12(1)b) parce que dans ce contexte l’élément « ROTHENBUHLER » serait perçu comme un patronyme, de sorte qu’un acheteur faisant l’acquisition des produits ou services électroniques sophistiqués vendus en liaison avec la marque de commerce présumerait que les produits ou services en question proviennent d’une firme d’ingénieurs ayant à son emploi des ingénieurs compétents qui produisent les marchandises et exécutent les services. Le registraire a en outre tenu compte du fait que le mot « engineering » constituait un élément important de la marque de commerce.

[81]           Selon moi, ce principe ne s’applique pas en l’espèce. La Marque vise des services (et non des marchandises) que le public ne s’attendrait pas à recevoir d’un ingénieur. De plus, je ne pense pas que le mot ENGINEERING est l’élément le plus important de la Marque; dans l’expression KELLY ENGINEERING RESOURCES, le mot RESOURCES est tout aussi important que le mot ENGINEERING. Par conséquent, étant donné que les services ne concernent pas une activité technique qu’on s’attendrait à voir exécuter par des ingénieurs ou une firme d’ingénieur, et compte tenu des principes énoncés dans CCPE c. Kelly, précitée, dans laquelle la registraire s’appuyait sur le raisonnement exposé dans Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd. (1981), 58 C.P.R. (2d) 157 [LABATT EXTRA], (où la Cour fédérale a statué que le patronyme LABATT combiné au terme descriptif EXTRA n’était pas visé par l’al. 12(1)b)), je conclus, tout bien pesé, que la Marque n’est pas visée par l’al. 12(1)b). Aussi ce motif d’opposition est-il rejeté.

[82]           Il n’est donc pas nécessaire d’examiner la question de savoir si la Marque est enregistrable en vertu de l’art. 14 de la Loi.

Motif d’opposition fondé sur les alinéas 38(2)b), 12(12)e) et l’article 10

[83]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas enregistrable étant donné que le mot « engineering » est reconnu au Canada comme désignant le genre, la qualité et la valeur des marchandises et des services fournis par des ingénieurs; étant donné que le public penserait que la Requérante est autorisée à pratiquer la profession d’ingénieur au Canada, l’utilisation de la Marque porterait vraisemblablement à confusion.

[84]           L’article 10 se lit comme suit :

Si une marque, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d’origine ou la date de production de marchandises ou services, nul ne peut l’adopter comme marque de commerce en liaison avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l’employer d’une manière susceptible d’induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu’on pourrait vraisemblablement les confondre.

[85]            L’Opposante allègue que le mot « engineering » est reconnu au Canada comme désignant des services fournis par des ingénieurs. Toutefois, en l’espèce, la Requérante utilise le mot « engineering » en liaison avec des services de placement, et donc sans lien aucun avec des services du genre de ceux qui sont fournis par des ingénieurs. De plus, à la lumière de l’analyse portant sur l’enregistrabilité au regard de l’al. 12(1)b), l’emploi du mot « engineering » avec le mot « resources » en liaison avec des services de placement ne risque pas de porter à confusion. Bien que l’Opposante ait fait valoir que des ingénieurs sont appelés à s’acquitter de tâches liées à la gestion des ressources humaines sous l’angle de l’efficience de la production, elle n’a pas établi que le mot « engineering » est reconnu au Canada comme désignant le genre, la qualité ou la valeur de « services de placement ». Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif (alinéa 38(2)d) et article 2)

[86]           La date pertinente en ce qui concerne l’absence de caractère distinctif est la date de production de l’opposition, en l’espèce le 22 février 2005 [Andres Wines Ltd, c. E & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

[87]           L’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’art. 2 parce qu’elle ne permet pas de distinguer les services de la Requérante de ceux d’autres personnes, notamment des autres ingénieurs en général et des ingénieurs dont le nom de famille est « KELLY » et des autres entités autorisées à pratiquer la profession d’ingénieur au Canada.

[88]           En ce qui concerne ce motif d’opposition, il revient habituellement à la partie opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial de démontrer que la marque ne saurait avoir un caractère distinctif en raison de l’usage qu’elle ou un tiers en a fait. Dans la présente affaire, toutefois, la prétention d’absence de caractère distinctif semble fondée sur la thèse voulant que la Marque n’ait aucun caractère distinctif et qu’elle ne puisse être utilisée en tant que marque de commerce parce qu’elle ne permettrait pas de distinguer les services fournis en liaison avec le nom KELLY des services offerts par d’autres personnes qui « pourraient » avoir le même nom.

[89]           L’Opposante a déposé des éléments de preuve montrant que « Kelly » est avant tout connu comme étant un nom de famille; la Requérante a quant elle établi que Kelly est aussi un prénom et que ce mot a en outre un sens technique et est utilisé (ou est un élément utilisé) pour désigner divers endroits au Canada.

[90]           Mais, plus important encore, la Requérante a établi que des services sont fournis et annoncés au Canada (et à l’étranger) en liaison avec le mot KELLY. La preuve montre que les services de placement offerts par KELLY sont annoncés au Canada de diverses façons : en ligne, sur divers sites Web, lors de salons professionnels, au moyen de publicité extérieure, par publipostage direct auprès des employeurs et des employés, et en commanditant des événements communautaires. Bien que certains de ces événements n’aient eu lieu qu’après la date pertinente, l’Opposante elle‑même a fourni d’excellents éléments de preuve concernant des annonces parues dans les Pages jaunes de Toronto de 1999 à 2005 dans lesquelles la marque de commerce KELLY (KELLY Services), utilisée en liaison avec des services de placement, figure bien en vue.

[91]           La preuve montre également que des sommes importantes ont été dépensées au Canada pour annoncer et faire la promotion des services KELLY. J’estime de plus que le nombre important d’appels de fichier faits sur le site Web se trouvant à l’adresse www.kellyengineering.com par des usagers canadiens avant la date pertinente (plus de 110 497 appels de fichier en 2003, et plus de 92 955 en 2004) est un élément de preuve concluant. Il a également été établi que la Marque a été dans une certaine mesure utilisée avant la date pertinente. Des chiffres concernant la diffusion de certains magazines, distribués au Canada à 6 dates différentes en 2004 et dans lesquels figurait la Marque, ont été mis en preuve.

[92]           J’ai aussi tenu compte du fait que Kelly a par le passé recruté et placé des professionnels et des techniciens dans divers domaines dont la finance et la comptabilité, les technologies de l’information, le droit, les sciences et les soins de santé. Les rapports annuels pour les années 1999 à 2004 fournis par M. Lichtenberg indiquent que Kelly est effectivement une grande entreprise de placement internationale. Il a été établi que KELLY a pour la première fois été utilisée en liaison avec des services de placement en 1946 et que la Requérante et ses filiales exercent maintenant leurs activités dans 30 pays et emploient plus de 700 000 personnes annuellement.

[93]           L’Opposante s’appuie sur la décision LABATT EXTRA, précitée, pour affirmer qu’une marque de commerce formée d’un nom de famille et d’un terme descriptif n’est pas, dans son ensemble, adaptée à distinguer les services de la Requérante des services similaires offerts par d’autres personnes portant le même nom de famille. Ce principe a été appliqué dans CCPE c. Kelly, précitée, où figure la conclusion suivante à la p. 548 :

[...] [L]a marque de la requérante, étant une combinaison d’un nom et d’un terme non distinctif, n’est pas intrinsèquement adapté à distinguer les services de la requérante des services similaires d’autres propriétaires portant également le nom « Kelly ». De plus, la preuve de la requérante ne me permet pas de conclure que sa marque a acquis un caractère distinctif au Canada [voir également Breck’s Sporting Goods Co. Ltd. c. Slater (précité)]. Par conséquent, ce motif d’opposition est accueilli.

[94]           Je ne mets pas en question le bien‑fondé de ce principe; toutefois, en l’espèce de nombreux éléments de preuve montrent que « KELLY » a été utilisé au Canada et à l’échelle internationale en liaison avec des services de placement. KELLY est le premier élément figurant dans toutes les marques de commerce Kelly et est en tant que tel une marque déposée; je suis en outre d’avis que ce terme a acquis un certain caractère distinctif en raison de l’usage qui, suivant la preuve, en a été fait (et plus particulièrement de l’usage qui a été fait de KELLY Services). Autrement dit, le consommateur de services de placement n’associera pas d’emblée l’élément KELLY figurant dans la Marque à un nom de famille mais plutôt aux services liés à la marque KELLY fournis par la Requérante et ses affiliées. Tout bien considéré, je conclus que l’élément « KELLY » a acquis un caractère distinctif, de sorte que, globalement, la Marque permet de distinguer les services de la Requérante des services similaires offerts par d’autres personnes. Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Décision

[95]           Compte tenu de ce qui précède, en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

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P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 

 

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