Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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RELATIVEMENT A L'OPPOSITION de Coca-Cola Ltée à la demande no 545 878 concernant la marque de commerce KRO'CO produite par Brasseries Kronenbourg, une société anonyme            

 

                          

 

Le 9 juillet 1985, Brasseries Kronenbourg, une société anonyme, a produit une demande d'enregistrement de la marque de commerce KRO'CO fondée sur l'emploi projeté de la marque de commerce au Canada, ainsi que sur son emploi et son enregistrement en France en liaison avec  «bière, ale, porter; eaux minérales et gazeuses; autres boissons non alcooliques nommément : bière sans alcool; et préparations non alcooliques à base d'extraits végétaux pour faire des boissons».  La requérante a demandé et a été accordée une date de priorité de dépôt du 20 juin 1985 fondée sur sa demande d'enregistrement produite en France.

 

L'opposante, Coca-Cola Ltée, a produit une déclaration d'opposition le 25 avril 1988, dont une copie a été transmise à la requérante le 13 mai 1988.  Comme premier motif d'opposition, l'opposante a allegué que la demande de la requérante n'est pas conforme à l'article 29 (maintenant l'article 30) de la Loi sur les marques de commerce, car la requérante n'a jamais utilisé la prétendue marque en France et n'a pas et ne peut avoir l'intention de l'utiliser au Canada.  L'opposante a ensuite allegué que la marque de commerce KRO'CO de la requérante n'est pas enregistrable et n'est pas distinctive, et que la requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement en ce que la marque crée de la confusion avec les marques de commerce enregistrées COCA-COLA Dessin (no d'enregistrement TMDA 10433), COCA-COLA (no d'enregistrement TMDA 55268) et COKE (no d'enregistrement UCA 16464) de l'opposante, qui ont été antérieurement employées au Canada en liaison avec les marchandises visées par les enregistrements de l'opposante.

 

La requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle niait les allégations énoncées dans la déclaration d'opposition.

 

 


L'opposante a produit en preuve les affidavits de Mildred Joan Lusk, Brian H. Jarvis, Donald Adam Burwash et Richard Savard.  La requérante a produit en preuve un document identifié comme étant un affidavit de Chantal Bouchard mais qui, à première vue, semblait être une déclaration solennelle.  Chantal Bouchard a été contre-interrogée sur sa déclaration solennelle, et la transcription du contre-interrogatoire fait partie du dossier de la présente opposition.  L'opposante a produit en contre-preuve l'affidavit de John K. Chambers.

 

Seul l'opposante a produit un plaidoyer écrit, et seul l'opposante était représentée à l'audience.

 

Le premier motif d'opposition est fondé sur l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, l'opposante faisant valoir que la demande de la requérante n'est pas conforme à l'article 29 [maintenant l'article 30] de ladite Loi, en ce que la requérante n'a jamais employé la prétendue marque en France et qu'elle n'a pas et ne peut avoir l'intention de l'employer au Canada.  Dans le cas d'un motif d'opposition fondé sur l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, le fardeau légal repose sur la requérante de prouver que sa demande était conforme à l'article 30 de la Loi à la date de dépôt de la demande d'enregistrement, la date pertinente en ce qui concerne un motif d'opposition fondé sur l'article 30.  Toutefois, bien que le fardeau légal repose dur la requérante de prouver que sa demande est conforme à l'article 30 de la Loi, le fardeau initial de la preuve repose sur l'opposante d'établir les faits qu'elle alléguait à l'appui de son motif d'opposition (voir Joseph E. Seagram & Sons Ltd. et autres c. Seagram Real Estate Ltd., 3 C.P.R. (3d) 325, à la page 329).

 

Comme l'a souligné l'agent d'audition dans Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd., 10 C.P.R. (3d) 84, à la page 89, «it is difficult for an opponent to prove an allegation of non-use by an applicant, the relevant facts being readily available to an applicant».  Même si les observations de l'agent d'audition avaient trait à un motif d'opposition fondé sur l'alinéa 29b) [maintenant l'alinéa 30b)] de la Loi sur les marques de commerce, elles sont tout aussi applicables à un motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30d) de la Loi [voir 105272 Canada Inc. c. Grands Moulins de Paris, Société Anonyme, 31 C.P.R. (3d) 79].  En outre, dans l'affaire Conseil canadien des ingénieurs c. Ontario Corp. No 407 736 (qui exerce ses activités sous le nom commercial Canadian Society for Professional Engineers), 15 C.P.R. (3d) 551, à la page 553, l'agent d'audition a déclaré que «the amount of evidence required to discharge this evidential burden may be very slight».

 

Pour ce qui est de son motif fondé sur l'article 30, l'opposante s'est appuyée sur l'affidavit de Brian H. Jarvis, un étudiant en droit, où celui-ci déclare ce qui suit :

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Certains des énoncés figurant aux paragraphes 4 à 6 de l'affidavit de Jarvis constituent des preuves par ouï-dire.  Toutefois, dans la mesure où une objection alléguant un ouï-dire porte sur le poids à accorder à la preuve et non sur sa recevabilité aux termes de l'article 43 du Règlement sur les marques de commerce, je dois déterminer quel poids accorder à l'affidavit de Jarvis.  À cet égard, M. Jarvis n'a pas mentionné avoir fait des efforts pour déterminer si les personnes avec qui il avait communiqué par téléphone étaient en mesure de formuler des commentaires sur l'emploi par la requérante de ses marques de commerce en France.  En fait, M. Jarvis n'a même pas identifié la personne avec qui il s'était entretenu au sujet de l'emploi par la requérante de la marque KRO'CO en France.  En outre, il a fait les appels téléphoniques le 26 juillet 1988, plus de trois ans après la date pertinente relative à la question soulevée par l'alinéa 30d).  Je ne suis donc pas disposé à accorder beaucoup de poids à l'affidavit de Jarvis.

 

Dans sa déclaration d'opposition, l'opposante a allégué qu'en France, un requérant n'a pas besoin d'employer sa marque de commerce pour pouvoir l'enregistrer dans ce pays.  En outre, lors de l'audition, le représentant de l'opposante a attiré mon attention sur des photocopies de pages extraites d'un manuel de propriété intellectuelle qui, selon le représentant, indiquaient qu'un requérant n'a pas besoin d'employer sa marque de commerce pour l'enregistrer en France.  Toutefois, la preuve relative à la législation en matière de marques de commerce dans d'autres pays doit être produite au moyen d'éléments de preuve produits au cours de l'opposition plutôt que de documents remis à l'agent d'audition au moment de l'audience.

 

Dans l'affaire 105272 Canada Inc. c. Grands Moulins de Paris, Société Anonyme mentionnée ci-dessus, on a conclu qu'une preuve en grande partie par ouï-dire datée d'environ deux ans et demi après la date pertinente dans le cas d'un motif fondé sur l'alinéa 30d) n'était pas suffisante pour satisfaire au léger fardeau de la preuve qui incombait à l'opposante dans cette affaire.  En outre, la preuve qu'avait produite l'opposante était encore plus convaincante que ne l'est la preuve dans la présente opposition.  Par conséquent, et même en tenant compte du fait que le fardeau de la preuve qui incombe à l'opposante est peut-être minime, compte tenu des lacunes dans l'affidavit de Jarvis, j'ai conclu que l'opposante ne s'est pas acquittée de ce fardeau pour ce qui est du motif d'opposition fondé sur l'alinéa 30d), que j'ai donc rejeté.

 


Le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), ainsi que les motifs fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement et sur l'absence de caractère distinctif, sont fondés sur le risque de confusion entre la marque de commerce KRO'CO de la requérante, en liaison avec les marchandises visées dans la présente demande, et les marques de commerce enregistrées COCA-COLA et COKE de l'opposante qui visent des boissons gazeuses ou des boissons non alcooliques ainsi que les sirops utilisés pour fabriquer ces boissons.  Pour déterminer s'il y aurait un risque raisonnable de confusion entre les marques de commerce en cause, le Registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris, mais sans s'y limiter, celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce.  En outre, le Registraire doit aussi tenir compte du fait que c'est à la requérante qu'il incombe de démontrer qu'il n'existe aucun risque raisonnable de confusion entre les marques de commerce en cause, aux dates pertinentes.  En ce qui concerne le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d), la date pertinente est la date de la décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et al., 37 C.P.R. (3d) 413 (CAF) et Conde Nast Publications, Inc. c. La Fédération canadienne des épiciers indépendants, 37 C.P.R. (3d) 538 (COMC)], alors que les dates pertinentes relatives aux motifs d'opposition fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement et sur l'absence de caractère distinctif sont, respectivement, la date de priorité de dépôt de la requérante et la date de l'opposition.

 

 

Tout d'abord, en ce qui concerne le caractère distinctif inhérent des marques de commerce en cause, tant la marque de commerce KRO'CO de la requérante en liaison avec les marchandises de la requérante, que les marques de commerce COCA-COLA et COKE de l'opposante en liaison avec les boissons gazeuses et les sirops utilisés dans la fabrication des boissons non alcooliques, ont un caractère distinctif inhérent.

 

La marque de commerce KRO'CO de la requérante n'était pas encore vraiment connue au Canada aux dates pertinentes dans la présente opposition, alors que la preuve de l'opposante établit que ses marques de commerce COCA-COLA et COKE en liaison avec les boissons gazeuses sont très bien connues au Canada.  De même, la période pendant laquelle les marques de commerce en cause ont été employées milite en faveur de l'opposante dans la présente instance, celle-ci ayant employé sa marque COCA-COLA au Canada depuis au moins 1905, en liaison avec les boissons gazeuses, et sa marque COKE depuis au moins 1942.  Par contre, la requérante n'a produit aucune preuve qu'elle avait commencé à employer ici sa marque de commerce KRO'CO.

 

Les «eaux minérales et gazeuses; autres boissons non alcooliques nommément : bière sans alcool» sont similaires de par leur nature aux boissons non alcooliques ou boissons gazeuses de l'opposante visées dans ses enregistrements, alors que les «préparations non alcooliques à base d'extraits végétaux pour faire des boissons» de la requérante sont similaires de par leur nature aux sirops de l'opposante utilisés dans la fabrication des boissons non alcooliques.  Par ailleurs, les «bière, ale et porter» de la requérante diffèrent des boissons non alcooliques de l'opposante.


Pour ce qui est des canaux de distribution associés aux marchandises respectives des parties, les «eaux minérales et gazeuses» de la requérante, ses «préparations non alcooliques ... pour faire des boissons» et sa «bière sans alcool» seraient vendues par les mêmes créneaux commerciaux que les «non-alcoholic beverages» de l'opposante et ses «syrups for the manufacture of such beverages».  En outre, les «bière, ale et porter» de la requérante pourraient également être vendus par les mêmes commerces de détail que les marchandises de l'opposante dans la province de Québec, où la bière et le vin, ainsi que les boissons gazeuses, sont vendus dans des épiceries, des supermarchés et autres établissements de ce genre.

 

En ce qui concerne le degré de ressemblance entre les marques de commerce en cause, j'estime qu'il n'y a aucune ressemblance dans la présentation de la marque de commerce KRO'CO de la requérante et les marques COCA-COLA et COKE de l'opposante, ni dans les idées qu'elles suggèrent.  Pour ce qui est du son, la requérante s'est appuyée sur la déclaration solennelle de Chantal Bouchard, une linguiste, alors que l'opposante a produit l'affidavit de John K. Chambers, professeur au Département de linguistique de l'Université de Toronto depuis 1970, comme contre-preuve à la déclaration de Bouchard.  Alors que l'opposante a contre-interrogé Mme Bouchard sur sa déclaration solennelle, la requérante n'a pas contesté le témoignage de M. Chambers au moyen d'un contre-interrogatoire, et elle n'a pas présenté d'observations concernant son témoignage, ayant choisi de ne pas produire de plaidoyer écrit et de ne pas assister à l'audience.

 

En ce qui concerne leurs titres et qualités, je suis convaincu que tant Mme Bouchard que M. Chambers se sont qualifiés comme experts en linguistique, et leurs opinions sont donc admissibles à titre d'opinions d'experts.  En outre, compte tenu de la décision rendue dans l'affaire Ethicon Inc. c. Cyanamid of Canada Ltd., 35 C.P.R. (2d) 126, aux pages 135 et 136, un témoignage d'expert sur la prononciation d'un mot semblerait être un témoignage admissible.

 

Après avoir analysé la prononciation des marques de commerce en cause, Mme Bouchard affirme au paragraphe 18 de sa déclaration solennelle qu'il n'y aurait aucun risque de confusion en français entre KRO'CO et COCA-COLA ou COKE.  De même, après avoir analysé la prononciation des marques de commerce en cause dans la langue anglaise, la déclarante conclut ce qui suit au paragraphe 24 de sa déclaration solennelle :

«24.  Je conclus de cette comparaison de la prononciation anglaise des mots KRO'CO d'une part et COCA-COLA et COKE d'autre part, que les risques de confusion entre KRO'CO et l'une ou l'autre des formes citées sont à peu près nuls.»


Pour appuyer cette conclusion, Mme Bouchard signale au paragraphe 22 que si l'on compare KRO'CO et COCA-COLA, il y a un contraste entre deux et quatre syllabes.  En outre, dans chaque cas, la première syllabe est accentuée, de sorte que le son [r] dans la première syllabe de KRO'CO permet de distinguer clairement cette syllabe de la syllabe initiale de COCA-COLA.  Enfin, la déclarante signale qu'il n'y a pas de syllabes identiques.

 

Au paragraphe 11 de son affidavit, M. Chambers affirme ce qui suit :

11.  I turn now to a significant aspect of the English pronunciation of KRO'CO.  As Professor Bouchard correctly notes, the English pronunciation of KRO'CO doffers from the French pronunciation in a couple of ways.  One way is the stress pattern in English.  In English, as Professor Bouchard states in paragraph 22, the first syllable is stressed ("... la premiére [sic] syllable est accentuée).  I must emphasize that this difference leads to a phonetic similarity in English which is not found in the French pronunciations of the words under discussion.  As Professor Bouchard's phonetic transcription in paragraph 16 correctly indicates, the fact that in French the stress always falls on the final syllable of the word means that, in French, none of these words has exactly the same stressed syllable as the others.  That is, in French the stresses fall on the syllables underlined in KRO'CO, COCA-COLA and COKE.  In English, however, the stressed syllables are pronounced identically in all three words, as indicated by the underlined parts: KRO'CO, COCA-COLA and COKE.  That is, the stressed syllable in all these words is pronounced [ok]."

 

Je ne comprends pas la conclusion du professeur Chambers portant que la syllabe initiale KRO, qui est la syllabe accentuée de la marque de commerce de la requérante, est identique, sur le plan phonique, à la syllabe accentuée dans la marque de commerce enregistrée COCA-COLA de l'opposante.  De même, le professeur Chambers ne répond pas aux observations du professeur Bouchard selon lesquelles le son [r] qui figure dans la première syllabe de la marque de la requérante et la différence dans le nombre de syllabes des deux marques de commerce éliminent à peu près tout risque de confusion entre les marques sur le plan phonique.  Toutefois, au paragraphe 13, M. Chambers affirme ce qui suit :

13.  Finally, an indication of their potential for confusion which seems to me to be particularly revealing comes from the aural impression when the word KRO'CO is combined with other terms in a name.  If KRO'CO were a trade mark, it could potentially be used as a combining term with a further specifier in a compounded word.  Plausibly, then, it could occur in compounds such as KRO'CO-Soda, KRO'CO-Cola, KRO'CO-Drink, KRO'CO-Boisson.  Whether or not these compounded forms could be used in the marketplace is irrelevant.  My point is, simply, that when the word KRO'CO is combined with another word, its phonetic resemblance to COCA and COKE becomes more obvious.

 


Je suis d'accord avec la conclusion du professeur Chambers selon laquelle si les syllabes KRO'CO étaient combinées avec «‑Cola» ou «-Soda», il y aurait plus de ressemblance dans le son entre la marque de la requérante et la marque COCA-COLA de l'opposante.  Toutefois, la demande de la requérante ne vise pas les colas et, par conséquent, elle ne serait pas combinée avec ce mot pour commander ou identifier les marchandises de la requérante.  Par ailleurs, les eaux minérales et les eaux gazeuses de la requérante sont étroitement apparentées au soda et pourraient être identifiées comme du "KRO'CO soda".  Toutefois, je ne suis pas d'avis que l'identification phonique des autres marchandises de la requérante, comme "KRO'CO beer", "KRO'CO ale", "KRO'CO porter", "KRO'CO non-alcoholized beer" ou "KRO'CO preparations for making drinks" accentuerait le degré de ressemblance dans le son entre la marque de commerce KRO'CO de la requérante en liaison avec ces marchandises et la marque de commerce COCA-COLA de l'opposante.

 

En plus de témoigner au sujet de la prononciation des marques de commerce en question, Mme Bouchard et M. Chambers ont tous deux formulé leurs opinions quant au risque que la prononciation des marques en cause ne crée de la confusion chez le public.  Dans Établissements Léon Duhamel, maintenant K. Way International c. Créations K.T.M. Inc., 11 C.P.R. (3d) 33, les commentaires suivants concernant la recevabilité d'un témoignage d'expert sur la question ultime à trancher dans une opposition figurent aux pages 40-41 :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Les opinions contradictoires des experts en l'espèce soulignent le fait que le Registraire des marques de commerce n'est pas justifié d'adopter l'opinion d'un expert tout simplement en raison de son expertise.  Comme l'a signalé le juge Mahoney dans l'affaire William H. Rorer (Canada) Ltd. c. Johnson & Johnson, 48 C.P.R. (2d) 58, à la page 62, mentionnée dans l'extrait ci-dessus de la décision Établissements Léon Duhamel, l'arbitre doit connaître les faits ou les hypothèses sur lesquels l'expert a fondé son opinion de sorte qu'il puisse évaluer la validité de cette opinion et le raisonnement suivi pour y arriver.  En l'espèce, les deux experts ont fondé leurs opinions sur des hypothèses semblables et, pourtant, ils seraient arrivés à des opinions contradictoires sur la question de la confusion.

 

Outre ce qui précède, il n'est pas clair si l'un ou l'autre des experts a examiné la prononciation des marques de commerce en cause du point de vue du consommateur bilingue moyen.  À cet égard, et compte tenu du caractère bilingue du Canada, c'est du consommateur bilingue moyen, qu'il soit anglophone ou francophone, dont il faut tenir compte dans l'évaluation de la question de la confusion.  En outre, il faut, à cet égard, accorder la même importance au français et à l'anglais (voir Boy Scouts of Canada c. Alfred Strenjakob GmbH & Co. KG et al., 2 C.P.R. (3d) 407, aux pages 412 et 413; Scott Paper Co. c. Beghin-Say S.A., 5 C.P.R. (3d) 225, à la page 231; Ferrero S.p.A. c. Les Produits Freddy Inc., 22 C.P.R. (3d) 346).  Dans Les Vins La Salle Inc. c. Les Vignobles Chantecler Ltée, 6 C.P.R. (3d) 533, aux pages 535 et 536, l'agent d'audition a fait les commentaires suivants :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

En l'espèce, je crois que le Canadien bilingue moyen prononcerait de la même façon la marque KRO'CO de la requérante, que ce soit en anglais ou en français, et, de même, que les marques de commerce COCA-COLA et COKE de l'opposante seraient prononcées de la même façon en français et en anglais.  Je suis donc moins enclin à accorder autant de poids à ce qui a été défini par M. Chambers et Mme Bouchard comme étant les syllabes accentuées en français et en anglais dans les marques de commerce en cause.  Par contre, je crois que l'assimilation phonique par le consommateur bilingue moyen des «eaux minérales et gazeuses» de la requérante au "KRO'CO soda" accroîtrait le degré de ressemblance dans le son entre la marque de la requérante et la marque de commerce COCA-COLA de l'opposante.  Je note en outre que cette preuve n'a pas été contestée par la requérante.  De plus, il semblerait y avoir au moins une certaine similarité sur le plan phonique entre la marque KRO'CO de la requérante et la marque de commerce enregistrée COKE.

 

Compte tenu du degré de ressemblance dans le son entre la marque de commerce KRO'CO de la requérante et les marques de commerce COKE et COCA-COLA de l'opposante, et compte tenu du fait que les «eaux minérales et gazeuses» de la requérante sont étroitement reliées aux boissons gazeuses de l'opposante et qu'il y aurait chevauchement entre les canaux de distribution utilisés pour vendre ces marchandises, je conclus que la requérante ne s'est pas acquittée de fardeau légal qui lui incombait d'établir qu'il n'y aurait pas de risque raisonnable de confusion entre sa marque de commerce KRO'CO en liaison avec «eaux minérales et gazeuses» et les marques de commerce enregistrées COCA-COLA et COKE.  Par ailleurs, je ne crois pas qu'il y aurait un risque raisonnable de confusion entre la marque de commerce KRO'CO de la requérante en liaison avec les autres marchandises visées par la présente demande et les marques de commerce de l'opposante.  Par conséquent, dans le cas des «eaux minérales et gazeuses», la marque de commerce KRO'CO de la requérante n'est pas enregistrable en vertu des dispositions de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce.   Je noterais à cet égard, la conclusion de la Division de la première instance de la Cour fédérale, dans Produits Ménagers Coronet Inc.  c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH, 10 C.P.R. (3d) 492, concernant le pouvoir de rendre une décision partagée.

 


Je rejette donc la demande de la requérante en ce qui a trait aux «eaux minérales et gazeuses», et je rejette également l'opposition de l'opposante à l'enregistrement de la marque de commerce KRO'CO en ce qui a trait aux autres marchandises visées par la demande de la requérante, conformément au paragraphe 38(8) de la Loi sur les marques de commerce.

 

 

FAIT À HULL (QUÉBEC), LE 29e  JOUR DAVRIL 1994.

 

 

G.W. Partington

Président de la Commission des

oppositions des marques de commerce.

 

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