Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

Informations sur la décision

Contenu de la décision

BW v2 Logo

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 208

Date de la décision : 2015-11-25

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45

 

 

Barrette Legal Inc.

 

Partie requérante

et

 

Casella Wines Pty Limited

Propriétaire inscrite

 

 

 



 

LMC617,952 pour yellow tail & Dessin de kangourou

 

Enregistrement

 

[1]               Le 8 novembre 2013, à la demande de Barrette Legal Inc. (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l'avis prévu à l'article 45 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) à Casella Wines Pty Limited (la Propriétaire), la propriétaire inscrite de l'enregistrement no LMC617,952 de la marque de commerce yellow tail & Dessin de kangourou (la Marque), reproduite ci-dessous :

yellow tail & Kangaroo Design

[2]               La Marque est enregistrée pour emploi en liaison avec des vins (les Produits).

[3]               L'avis exigeait que la Propriétaire fournisse une preuve démontrant que la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacun des Produits à un moment quelconque entre le 8 novembre 2010 et le 8 novembre 2013 (la Période pertinente). Si la Marque n'avait pas été ainsi employée, la Propriétaire devait fournir une preuve établissant la date à laquelle la Marque a été employée en dernier lieu et les raisons de son défaut d'emploi depuis cette date.

[4]               La définition pertinente d'« emploi » en liaison avec des produits est énoncée à l'article 4(1) de la Loi, qui est ainsi libellé :

4(1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

[5]               Il est bien établi que de simples allégations d'emploi ne sont pas suffisantes pour établir l'emploi dans le contexte de la procédure prévue à l'article 45 [Plough (Canada) Ltd c Aerosol Fillers Inc (1980), 53 CPR (2d) 62 (CAF)]. Bien que le niveau de preuve requis pour établir l'emploi dans le cadre de cette procédure soit peu élevé [Woods Canada Ltd c Lang Michener (1996), 71 CPR (3d) 477 (CF 1re inst)] et qu'il ne soit pas nécessaire de produire une surabondance d'éléments de preuve [Union Electric Supply Co Ltd c le Registraire des marques de commerce (1982), 63 CPR (2d) 56 (CF 1re inst)], il n'en faut pas moins présenter des faits suffisants pour permettre au registraire de conclure que la marque de commerce a été employée en liaison avec chacun des produits et des services décrits dans l'enregistrement au cours de la période pertinente [voir Uvex Toko Canada Ltd c Performance Apparel Corp 2004 CF 448, 31 CPR (4th) 270].

[6]               En réponse à l'avis du Registraire, la Propriétaire a produit l'affidavit de Julian Raccanello. Seule la Propriétaire a produit des représentations écrites. Une audience a été tenue et les parties y étaient toutes deux présentes.

La preuve de la Propriétaire

[7]               M. Raccanello est le directeur du soutien aux ventes internationales et du marché de l’Amérique du Sud de la Propriétaire et occupe ce poste depuis plus de neuf ans. Il affirme que la Propriétaire produit, exporte, distribue et vend des vins dans plus de 50 pays, dont le Canada

[8]               M. Raccanello affirme que la Propriétaire est la propriétaire inscrite de la Marque, certificat d’enregistrement LMC617,952 en liaison avec les Produits.

[9]               Quant aux allégations d’emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Produits, je peux résumer les déclarations de M. Raccanello dans les termes suivants :

         Des Produits arborant la Marque ont d’abord été vendus en Australie en 2001. En octobre 2013, la Propriétaire a embouteillé sa milliardième bouteille des Produits arborant la Marque;

         Des Produits arborant la Marque sont vendus dans plus de 50 pays, dont le Canada;

         Au cours de la Période pertinente, la Propriétaire a vendu les Produits en liaison avec la Marque dans la pratique normale du commerce, c.-à-d. à plusieurs régies des alcools provinciales au Canada, comme la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO), qui à leur tour ont vendu les Produits à des consommateurs canadiens dans leurs divers points de vente au Canada;

         La Marque apparaît directement sur les Produits ou sur les emballages dans lesquels les Produits sont vendus;

         La pièce JC-1 de son affidavit comprend des extraits du site Web de la Propriétaire illustrant la Marque telle qu’elle était apposée directement sur les Produits vendus au Canada au cours de la Période pertinente. Également sur la première page, le Canada est inscrit comme un pays où les Produits arborant la Marque sont offerts;

         La pièce JC-2 est constituée de quelques photographies illustrant l’emballage employé pour expédier les Produits au Canada sur lequel apparaît la Marque;

         La pièce JC-3 comprend des factures représentatives démontrant des ventes de Produits arborant la Marque faites par la Propriétaire à la LCBO au cours de la Période pertinente

         La pièce JC-4 de son affidavit comprend des extraits du site Web de la LCBO illustrant la Marque telle qu’elle était apposée sur les Produits vendus au Canada au cours de la Période pertinente

         La Propriétaire a vendu, au cours de la Période pertinente, des Produits arborant la Marque au Canada pour une valeur de 90 M$.

Analyse des arguments de la Partie requérante

                Identification des pièces

[10]           Au début de l’audience, la Partie requérante a attiré mon attention sur le fait que dans son affidavit, M. Raccanello fait mention des pièces JC-1 à JC-4 inclusivement, tandis que les pièces jointes à son affidavit sont définies comme les pièces JR-1 à JR-4. À ce titre, la Partie requérante fait valoir que, puisqu’il n’y a pas de pièces JC-1 à JC-4 au dossier, il n’y a aucune preuve documentaire au dossier.

[11]           Je considère que cette situation n’est qu’une simple erreur typographique faisant en sorte que la lettre R dans l’identification des pièces a été remplacée dans le corps de l’affidavit par la lettre C. Le tout est clairement évident d’après une lecture de la description des pièces fournie par M. Raccanello dans son affidavit. Cette description correspond aux pièces jointes de son affidavit qui sont identifiées selon le système alphanumérique JR-1 à JR-4. Il est bien établi que les lacunes techniques ne doivent pas empêcher une réponse appropriée à un avis délivré au titre de l’article 45 [voir Gowling Lafleur Henderson LLP c Gerald Alan Croxall, 2013 COMC 1, 109 CPR (4th) 148 (COMC)].

[12]           Aux fins de ma décision, j’utiliserai l’identification alphanumérique comprise dans le corps de l’affidavit et décrite ci-dessus, nommément JC-1 à JC-4.

La marque de commerce employée par rapport à la Marque

                Différences importantes entre la Marque et la marque de commerce employée

[13]           Les arguments principaux suivants ont été soulevés par la Partie requérante :

         Il y a des mots supplémentaires dans la Marque dans les pièces produites au point tel qu’il s’agit de l’emploi d’une marque de commerce différente;

         Les dimensions et la position des différents mots et des caractéristiques de la Marque ne correspondent pas à celles des pièces produites;

         Ce qui apparaît sur les photographies des bouteilles produites en pièce JC-1 ne représente pas la Marque, puisque les bouteilles sont des représentations tridimensionnelles de la marque de commerce alors que la Marque est une représentation bidimensionnelle d’une marque de commerce.

[14]           La Partie requérante fait valoir que l’ajout du cépage sur les étiquettes apposées sur les bouteilles (par exemple : Chardonnay, Merlot, etc.) produites en pièces JC-1 et JC-4 constitue une différence importante qui permet de distinguer les Produits selon leur cépage. En outre, la Partie requérante fait valoir que le rectangle horizontal dans lequel est inscrite la partie « [yellow tail] », de même que le rectangle vertical dans lequel apparaît le dessin de kangourou ne sont pas présents sur l’emballage en pièce JC-2. Finalement, le kangourou présenté sur cette pièce est beaucoup plus gros que celui qui apparaît sur la Marque.

[15]           Comme l’a mentionné la Partie requérante, l’ajout du cépage permet d’identifier le type de vin et non pas de distinguer la source des Produits d’un fournisseur à un autre. Quoi qu’il en soit, je ne considère pas que cet ajout soit une variation importante de la Marque. La Marque demeure reconnaissable parce que ses caractéristiques dominantes, nommément « [yellow tail] » et le dessin de kangourou, ont été préservées [voir Canada (Registraire des marques de commerce) c Cie internationale pour l'informatique CII Honeywell Bull, SA, (1985) 4 CPR (3d) 523 (CAF)].

[16]           Pour ce qui est de l’absence des rectangles horizontal et vertical sur l’emballage produit en pièce JC-2, de même que la taille du kangourou, je ne considère toujours pas qu’il s’agisse de variations importantes de la Marque [voirRiches, McKenzie & Herbert LLP c Scott-Bathgate Ltd, 2007 CanLII 80963 (CA COMC)]. Encore une fois, les éléments essentiels de la Marque sont illustrés sur l’emballage en pièce JC-2. La taille du kangourou est proportionnelle à la taille des caractères employés dans la partie « [yellow tail] » de la Marque. Cela ne trompe pas l’acheteur non averti quant à la source d’origine des Produits [voir Promafil Canada Ltd c Munsingwear Inc (1992), 44 CPR (3d) 59 (CAF)].

[17]           La Partie requérante s’appuie sur la récente décision du registraire dans Constellation Brands Quebec Inc c Julia Wine Inc, 2015 COMC 93 (CanLII) pour étayer son argument portant que les images des bouteilles produites en pièce JC-1 ne représentent pas un emploi de la Marque, puisque les bouteilles sont des représentations tridimensionnelles d’une marque de commerce, alors que la Marque est une représentation bidimensionnelle d’une marque de commerce. Par conséquent, selon la Partie requérante, il n’y aurait aucune preuve d’emploi de la Marque en liaison avec les Produits.

[18]           La décision du registraire dans Constellation Brands Quebec Inc a été rendue dans le contexte d’une opposition à une demande d’enregistrement dans laquelle l’opposant a soulevé une question de non-conformité fondée sur les dispositions de l’article 30h) de la Loi. Comme susmentionné, une procédure en vertu de l’article 45 est de nature sommaire. La Propriétaire doit simplement établir l’emploi de la Marque en liaison avec les Produits au cours de la Période pertinente. Dans le cadre d'une procédure en vertu de l'article 45, la question est celle de savoir s'il y a lieu de radier la marque pour défaut d'emploi. Comme la non-conformité d’une demande ayant mené à l'enregistrement de la Marque n’est pas en cause dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 45 [à l’égard du champ d'application de la procédure prévue à l'article 45, voir Ridout & Maybee LLP c Omega SA (2005), 2005 CAF 306 (CanLII), 43 CPR (4th) 18 (CAF); et Phillip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1987), 13 CPR (3d) 289 à 293 (CF)], je ne considère pas que Constellation Brands s’applique en l’espèce.

[19]           Quoi qu’il en soit, même si je devais conclure que la pièce JC-1 ne constitue pas une preuve d’emploi de la Marque telle qu’elle est enregistrée, il reste encore une preuve d'emploi de la Marque sous la forme de l’emballage employé pour expédier les Produits au Canada (pièce JC-2). En outre, M. Raccanello a produit des factures représentatives pour démontrer la vente des Produits en liaison avec la Marque à la LCBO au cours de la Période pertinente. M. Raccanello a affirmé que des ventes des Produits arborant la Marque au Canada étaient de près de 90 M$. De toute évidence, la Marque n’est pas du « bois mort » au registre.

Aucune mention de la Marque sur les factures produites

[20]           La Partie requérante fait valoir qu’il n’y a aucune indication sur les factures produites en pièce JC-3 que les Produits qui y sont mentionnés arborent une représentation bidimensionnelle de la Marque telle qu’elle est enregistrée.

[21]           Le but de la production des factures doit être considéré dans le contexte global de l’affidavit. Elles n’ont pas été produites comme preuve d’emploi de la Marque comme telle alors que la Marque apparaîtrait sur les factures produites, mais plutôt comme preuve de transfert de propriété des Produits à un client au Canada au cours de la Période pertinente. L’emballage présenté en pièce JC-2 combiné aux factures produites en pièce JC-3 sont suffisantes, dans le contexte des allégations comprises dans l’affidavit de M. Raccanello, pour établir l’emploi de la Marque au sens de l’article 4(1) de la Loi.

Extraits de sites Web ne constituant pas une preuve d’emploi de la Marque

[22]           La Partie requérante fait valoir que les extraits d’un site Web ne constituent pas une preuve d’emploi de la Marque en liaison avec les Produits.

[23]           Les extraits du site Web de la LCBO produits en pièce JC-4 doivent être considérés dans le contexte des allégations comprises dans l'affidavit de M. Raccanello. Il allègue que les Produits sont expédiés à la LCBO au Canada dans l’emballage présenté sur la photographie produite en pièce JC-2, qui montre la Marque, comme je l’ai conclu au paragraphe 16 ci-dessus. Il a ensuite produit des factures (pièces JC-3) pour illustrer le transfert de propriété des Produits à la LCBO et finalement, il a produit des extraits du site Web de la LCBO (pièce JC-4) pour montrer que cette dernière offre en revente les Produits vendus par la Propriétaire en liaison avec la Marque.

Conclusion

[24]           Dans l’ensemble, je conclus que la Propriétaire s’est acquittée de son fardeau d’établir l’emploi de la Marque au Canada, au sens de l’article 4(1) de la Loi, en liaison avec les Produits au cours de la Période pertinente.

Décision

[25]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, l’enregistrement LMC617,952 sera maintenu conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

______________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay, trad.

Date de l’audience : 2015-11-12

 

Comparutions

 

Stella Syrianos                                                                                                 Pour la Propriétaire inscrite

 

Bruno Barrette                                                                                                 Pour la Partie requérante

 

Agents au dossier

 

Robic                                                                                       Pour la Propriétaire inscrite

 

Barrette Legal Inc.                                                                                        Pour la Partie requérante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.