Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE‑MARKS

                                                                                    Référence : 2010 COMC 211

                                                                                    Date de la décision : 2010‑12‑03

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par JCM Professional Mini‑Storage Management Ltd. à l’encontre de la demande d’enregistrement n° 1283150 pour la marque de commerce CENTRAL CITY U‑LOCK & Dessin au nom de Central City U-Lock Ltd.

[1]               Le 14 décembre 2005, Central City U‑Lock Ltd. (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque CENTRAL CITY U‑LOCK et Dessin (la Marque), fondée sur un emploi au Canada depuis le 1er août 2005 en liaison avec les services suivantes : exploitation d’un commerce spécialisé dans le crédit‑bail et location d’espaces d’entreposage individuels dans des installations de libre entreposage, et vente de fournitures pour le déménagement, l’emballage et l’entreposage (les Services).

CENTRAL CITY U-LOCK & Design

 

[2]               Par suite du rapport de l’examinateur, la Requérante a modifié sa demande afin de se désister du droit à l’usage exclusif du mot LOCK en dehors de la marque de commerce.

[3]               La demande a été publiée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 21 février 2007 et, le 21 mars 2007, JCM Professional Mini‑Storage Management Ltd. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande.

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposante.

[5]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit l’affidavit de Robert Madsen. Pour étayer sa demande, la Requérante a produit les affidavits de David Bradley, Lisa Saltzman et Dulce De Jesus Queiroga Campos.

[6]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience tenue en l’espèce.

Déclaration d’opposition

[7]               Les motifs d’opposition sont fondés sur les alinéas 30b), 30i), 12(1)b), 12(1)d), 16(1)a) et 16(1)b), et sur l’article 2, de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi).

Charge de la preuve et dates pertinentes

[8]               Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Cependant, c’est à l’Opposante qu’il incombe au départ de produire une preuve admissible suffisante qui permette raisonnablement de conclure que les faits allégués au soutien de chaque motif d’opposition existent [John Labatt Ltée c. Molson Companies (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.)].

[9]               Les dates pertinentes pour l’examen des motifs d’opposition sont les suivantes :

         al. 38(2)a) / al. 30b) et 30i) de la Loi – la date de production de la demande [voir Georgia‑Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.)];

         al. 38(2)b) / al. 12(1)b) – la date de production de la demande [voir Fiesta Barbeques Ltd. c. General Housewares Corp. (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)];

         al. 38(2)b) / al. 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];

         al. 38(2)c) / par. 16(1) – la date de premier emploi alléguée dans la demande [voir le paragraphe 16(1)];

         al. 38(2)d) / art. 2 de la Loi – la date de production de l’opposition [voir Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Preuve principale de l’Opposante

L’affidavit de Robert Madsen

[10]           Robert Madsen atteste qu’il est le vice‑président de l’Opposante. Dans son affidavit, il désigne l’Opposante sous l’acronyme JCM. M. Madsen explique que [traduction] « depuis au moins février 1998, JCM est dans le commerce de la location et de l’exploitation d’installations de libre entreposage pour le compte de propriétaires d’installations dans la région de Vancouver. Les propriétaires d’installations sont des licenciés de JCM pour la marque de JCM apparaissant ci‑après (…). Les licenciés en cause sont White Rock/Surrey U‑Lock Mini Storage Ltd. et West Shore U‑Lock Mini Storage Ltd. ».

U LOCK & Design

[11]           M. Madsen explique également que l’Opposante loue et exploite depuis 2003 des installations de mini‑entreposage en libre‑service dans la région de Vancouver et que la marque est depuis lors employée sur des cartes de présentation, des porte‑clés, des cartes professionnelles, des fiches de renseignements, ainsi que dans des annonces insérées dans des publications et dans des listes d’inscriptions téléphoniques, ainsi qu’en attestent les exemples annexés comme pièces B à G.

[12]           La pièce A de l’affidavit de M. Madsen est une copie certifiée de la demande n° 1242654 relative à la marque apparaissant ci‑dessus, qui se rapporte à la location et à l’exploitation d’installations de libre entreposage. Je ferais observer que la demande n° 1242654 a été refusée le 5 novembre 2009 [voir Central City U‑Lock Ltd. c. JCM Professionals Mini‑Storage Management Ltd. (2009), 80 C.P.R. (4th) 467 (C.O.M.C.)].

La preuve principale de la Requérante

L’affidavit de David Bradley

[13]           David Bradley atteste qu’il est l’un des directeurs de la Requérante. Il explique que, en 2005, la Requérante a décidé de concevoir un nouveau logo de marque de commerce pour ses installations d’entreposage et, après quelques recherches, son choix s’est fixé sur l’appellation CENTRAL CITY U‑LOCK. La Requérante a alors demandé à son graphiste de concevoir un logotype unique et distinctif. Les Services de la Requérante sont fournis dans des localités de la vallée du Bas‑Fraser, en Colombie‑Britannique, notamment dans les municipalités de Vancouver, Surrey et White Rock. Le coût moyen par unité d’entreposage est d’environ 100 $ par mois, et la Requérante compte actuellement quelque 800 clients. La pièce B est un échantillon de réclame qui consiste en un prospectus portant la Marque, prospectus qui, d’affirmer M. Bradley, a été diffusé par publipostage direct. La pièce C est un imprimé tiré du site Web de la Requérante où apparaît la Marque. On ne sait cependant pas à quel moment ces prospectus ont été distribués, ni combien l’ont été. Quant au site Web, M. Bradley n’a pas démontré que quelqu’un au Canada avait consulté ce site.

L’affidavit de Lisa Saltzman

[14]           Lisa Saltzman atteste qu’elle est à l’emploi de Onscope, une division de Marque d’Or Inc. à titre de directrice du département de la recherche de marques de commerce. Ses fonctions consistent notamment à examiner et à compulser les dossiers et documents de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) sur la base de données ONSCOPE/Marque d’Or Inc. À la demande de l’agent de marques de la Requérante, elle a été priée de faire une recherche dans les marques de commerce, la common law et les noms de domaine au Canada, comprenant le vocable « ULOCK » ou son équivalent phonétique en liaison avec les domaines généraux que sont l’entreposage de matériel et les dispositifs de verrouillage ou de sécurité. Ces résultats sont annexés comme pièce LS à son affidavit.

L’affidavit de Dulce De Jesus Queiroga Campos

[15]           Dulce De Jesus Queiroga Campos atteste qu’elle est l’adjointe de l’agent de marques de la Requérante. Entre autres fonctions, elle doit faire des recherches de dénominations sociales et de marques de commerce ainsi que des recherches sur Internet. En juillet 2008, on lui a demandé de chercher sur Internet les inscriptions à l’annuaire pour y vérifier les occurrences des appellations U‑LOC, U‑LOK, U‑LOCK et de leurs équivalents phonétiques au Canada. Est annexée à son affidavit la pièce A, un imprimé du condensé de ses constatations, qui faisait état de 449 occurrences se rapportant à des entreprises du secteur de l’entreposage en libre‑service. La pièce B est un imprimé extrait de tous les sites Web U‑LOC, U‑LOK et U‑LOCK qu’elle a visités à partir de la recherche référencée dans la pièce A.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[16]           L’Opposante a fait valoir que la Requérante n’a pas employé sa Marque au Canada en liaison avec les Services depuis le 1er août 2005 et que la demande n’est donc pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi.

[17]           Pour que ce motif d’opposition puisse même être examiné, l’Opposante doit d’abord satisfaire à sa charge initiale. Ce fardeau est moins rigoureux pour ce qui concerne la question du non‑respect de l’alinéa 30b) de la Loi, car la Requérante a une connaissance particulière des faits entourant le premier emploi de sa marque [voir Tune Masters c. Mr. P's Mastertune Ignition Services Ltd (1986), 10 C.P.R (3d) 84 (C.O.M.C.)].

[18]           M. Madsen explique, au paragraphe 5 de son affidavit, qu’il a travaillé durant près de 20 ans dans l’industrie du libre entreposage et qu’il connaît bien le secteur de l’entreposage au Canada, et en particulier en Colombie‑Britannique. Il affirme que, de par la connaissance qu’il a du secteur, il saurait si la Requérante emploie sa Marque depuis le 1er août 2005, et qu’il n’a constaté aucun tel emploi de la Marque durant cette période, ce qui le porte à croire qu’il n’y en a pas eu.

[19]           Par ailleurs, aux paragraphes 6 à 9 de son affidavit, M. Madsen relate des conversations de tiers à propos de l’emploi de la Marque. La Requérante fait cependant valoir qu’il s’agit là d’une preuve par ouï‑dire inadmissible, qui devrait donc être considérée comme telle.

[20]           S’agissant des paragraphes 6 à 9, je ferais observer que l’Opposante n’a pas précisé si ces dépositions, qui reposent sur du ouï‑dire, sont nécessaires ou dignes de foi.

[21]           Je suis d’avis qu’il est par nature impossible d’ajouter foi à des dépositions fondées sur les propos de tiers. Sur ce point, je me réfère à l’ouvrage de Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e édition (Toronto : Butterworths, 1999), à la page 175 : [traduction] « (...) La sincérité du déclarant et l’exactitude de sa déclaration ne présentent aucune garantie. Le déclarant ne s’exprime pas sous serment et n’est pas soumis à un contre‑interrogatoire, et il est donc impossible de vérifier sa perception, sa mémoire et sa crédibilité. Ce témoignage n’est donc pas digne de foi, et il est rejeté car il s’agit d’un ouï‑dire. »

[22]           Eu égard à ce qui précède, j’estime que les déclarations de tiers rapportées par M. Madsen, déclarations dont la véracité ne peut être vérifiée par contre‑interrogatoire, sont intrinsèquement non fiables et devraient être écartées.

[23]           S’agissant du paragraphe 5, je conclus que l’affirmation non étayée de M. Madsen selon laquelle il n’avait pas connaissance d’un quelconque emploi de la Marque de la Requérante est insuffisante et ne permet pas de satisfaire au fardeau qui incombe à l’Opposante d’établir que la demande d’enregistrement n’est pas conforme aux conditions de l’alinéa 30b) de la Loi.

[24]           Ce motif d’opposition est donc rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

[25]           En application de l’alinéa 30i), l’Opposante a fait valoir que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu’elle avait le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Services décrits dans la demande.

[26]           Ce motif d’opposition, ainsi formulé, n’est pas un motif valable. Même s’il avait été valablement invoqué, lorsqu’un requérant a produit la déclaration requise par l’alinéa 30i), le motif d’opposition fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque la mauvaise foi du requérant est démontrée [Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol‑Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Ce n’est pas le cas en l’espèce, et ce motif d’opposition est donc rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b)

[27]           L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des Services en liaison avec lesquels elle est employée, c’est‑à‑dire que la Marque évoque une installation U‑Lock se trouvant dans la partie centrale d’une ville.

[28]           Bien qu’il incombe au requérant de démontrer que sa marque est enregistrable, l’opposant doit d’abord présenter une preuve suffisante pour étayer sa prétention que la marque donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse [voir John Labatt Ltée c. Molson Companies (1990), 30 C.P.R. (3d) 293(C.F. 1re inst.); et  Christian Dior S.A. c. Dion Neckwear Ltd. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

[29]           L’Opposante n’ayant produit aucune preuve en ce sens, ce motif d’opposition est rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d)

[30]           L’Opposante a fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée n° LMC245975 (la « marque citée », illustrée ci‑dessous), qui se rapporte à des services d’entreposage, nommément la fourniture d’installations de libre entreposage.

U & LOCK DESIGN

[31]           La Requérante a fait observer que le titulaire de l’enregistrement ci-dessus n’est pas partie à la présente instance. Néanmoins, il a été jugé qu’un opposant est libre d’invoquer l’enregistrement d’un tiers pour contester l’enregistrabilité de la marque d’un requérant dans le cadre d’un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) [voir U.S.V. Pharmaceuticals of Canada Ltd. c. Sherman and Ulster Ltd. (1974), 15 C.P.R. (2d) 79 (C.O.M.C.)].

[32]           J’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de vérifier le registre, et je confirme que l’enregistrement n° LMC245975 existe encore à ce jour, et l’Opposante s’est donc acquittée de sa charge initiale. Il appartient donc à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité de confusion entre la Marque et la marque citée.

[33]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi dispose que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[34]           Dans l’application du critère de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprise; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas limitative, et un poids différent sera accordé aux différents facteurs selon le contexte [voir l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.)].

L’alinéa 6(5)a) : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce, et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[35]           Le premier facteur indiqué au paragraphe 6(5) de la Loi s’attache à la force des marques, et il comporte deux volets : le caractère distinctif inhérent des marques, et leur caractère distinctif acquis.

[36]           S’agissant du caractère distinctif inhérent des marques, je relève que, dans la décision Central City U‑Lock Ltd., précitée, la COMC a jugé que le mot U-LOCK employé en liaison avec des installations de libre entreposage donnait une description claire. De même, j’estime que la portion U‑LOCK de la Marque donne une description claire des Services de la Requérante; toutefois, considérée dans son ensemble, la Marque présente jusqu’à un certain point un caractère distinctif inhérent en raison de sa portion principale, CENTRAL CITY, à laquelle s’ajoutent ses éléments de conception graphique.

[37]           La marque citée, qui présente un cadenas suspendu à un crochet, lequel crochet rappelle la lettre U, évoque l’idée selon laquelle il s’agit d’installations de libre entreposage que « l’on verrouille ». Étant donné sa nature très suggestive, il ne s’agit pas d’une marque intrinsèquement forte.

[38]           Le caractère distinctif acquis des marques en cause est déterminé par la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues. Compte tenu de la preuve produite par la Requérante, je suis d’avis que la Marque est devenue connue au Canada dans une mesure restreinte.

[39]           La marque citée a été déposée il y a plus de trente ans, mais sans une preuve d’emploi effectif, la date de premier emploi indiquée dans l’enregistrement ne peut établir qu’un emploi de minimis de la marque au Canada et ne saurait permettre de conclure à un emploi substantiel et constant de la marque en liaison avec les services.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[40]           La Requérante emploie sa Marque depuis août 2005. La marque citée est fondée sur un emploi qui a débuté en mai 1978.

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[41]           Les services sont identiques, comme sans doute les circuits commerciaux.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[42]           Les marques en cause se ressemblent uniquement dans la mesure où le dessin accompagnant chacune d’elles représente un cadenas.

Circonstances de l’espèce

L’état du registre

[43]           La Requérante voudrait aussi s’appuyer sur des marques, noms de domaine et dénominations sociales de tiers pour prouver l’emploi étendu et l’adoption du mot U‑LOCK et de tout équivalent phonétique par d’autres entreprises du secteur du libre entreposage.

[44]           La preuve de l’état du registre n’est utile que dans la mesure où l’on peut en tirer des conclusions sur l’état du marché, ce qui n’est possible que s’il existe un grand nombre d’enregistrements pertinents [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welsh Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

[45]           Au vu des résultats de recherche annexés comme pièce LS à l’affidavit Saltzman, je suis d’avis qu’il existe quatre marques déposées pertinentes, qui toutes comprennent aussi un cadenas comme illustration. Par ailleurs, il existe 26 raisons sociales, 34 dénominations commerciales et 26 noms de domaine, qui tous comprennent le mot ULOCK ou son équivalent phonétique.

[46]           En outre, l’affidavit de Mme Campos donne les résultats d’une recherche effectuée à partir des inscriptions figurant à l’annuaire (Canada411) en vue de relever les occurrences du mot U‑LOC ou U‑LOCK et de tout équivalent phonétique en liaison avec des services d’entreposage. La recherche de Mme Campos a produit 449 occurrences (pièce A), mais je considère que 24 d’entre elles sont utiles, c’est-à-dire celles qui comprennent le mot U‑LOCK ou un équivalent dans leur dénomination sociale et qui figurent dans la catégorie des services d’entreposage en libre‑service. La pièce B de l’affidavit de Mme Campos contient 34 imprimés utiles extraits de sites Web que Mme Campos a visités à partir des résultats de sa recherche référencés dans la pièce A.

[47]           Au vu de ce qui précède, je suis d’avis que le consommateur moyen est quelque peu habitué à l’emploi par des tiers du mot U‑LOCK en liaison avec des installations de libre entreposage.

Conclusion concernant la confusion

[48]           Lorsqu’on applique le critère de la confusion, c’est l’ensemble des circonstances qui dictera la manière dont chaque facteur doit être apprécié. J’ai considéré que c’est une question de première impression et de souvenir imparfait. J’ai également pris en compte toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi.

[49]           Dans la plupart des cas, c’est la première portion d’une marque qui est la plus importante aux fins de distinction. En l’espèce, la première portion de la Marque, la portion principale, est très différente de celle de la marque citée.

[50]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son obligation de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité de confusion entre la Marque employée en liaison avec les Services et la marque citée. S’il en est ainsi, c’est principalement en raison de l’absence d’une preuve d’emploi de la marque citée, et des différences qui existent entre les marques des parties, lesquelles différences l’emportent sur les autres facteurs dans la présente espèce.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16 (1)a)

[51]           L’Opposante a fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque puisque, à la date de premier emploi alléguée dans la demande de la Requérante, la Marque créait de la confusion avec la marque de l’Opposante U‑LOCK & Dessin (illustrée ci‑après), employée en liaison avec la location et l’exploitation d’installations de libre entreposage.

U LOCK & Design

[52]           Afin de satisfaire à sa charge initiale, l’Opposante devait démontrer que sa marque était employée au Canada avant le 1er août 2005.

[53]           À cet égard, M. Madsen affirme que l’Opposante a commencé à employer sa marque en 2003. Il donne des exemples de cet emploi en produisant des cartes de présentation, des porte‑clés, des cartes professionnelles, ainsi que des annonces insérées dans des publications et dans des inscriptions à l’annuaire [voir les pièces B à G], mais il n’est nulle part précisé à quel moment ces articles ou annonces ont été diffusés, ni combien d’entre eux l’ont été.

[54]           M. Madsen affirme aussi que l’emploi de la marque se faisait par l’entremise des licenciés de l’Opposante.

[55]           Pour que l’emploi d’une marque par une entité soit considéré comme un emploi par l’Opposante qui revendique la propriété de la marque, il doit respecter les conditions des paragraphes 50(1) ou (2) de la Loi.

[56]           En l’espèce, il n’est pas établi qu’un avis public du genre dont parle le paragraphe 50(2) a été donné, compte tenu en particulier des exemples suivants, qui n’identifient aucun des licenciés désignés dont parle le paragraphe 2 de l’affidavit de M. Madsen :

         La pièce E, un fichier clientèle, renvoie à deux entités distinctes, l’une appelée White Rock / Surrey U‑Lock Mini Storage, l’autre White Rock / Surrey U‑Lock (un partenariat de sociétés à responsabilité limitée).

         La pièce G, une liste d’inscriptions téléphoniques, renvoie à White Rock /Surrey U‑Lock Storage Ltd.

[57]           La preuve ne me convainc pas non plus que le paragraphe 50(1) est applicable, puisque M. Madsen n’a présenté aucune preuve d’une telle licence d’emploi. Il n’a produit aucun accord de licence, ni présenté les modalités d’un quelconque accord de licence, écrit ou verbal. En outre, son affidavit ne parle nulle part du contrôle exercé sur les caractéristiques ou la qualité des services, et M. Madsen n’a jamais dit qu’un contrôle existe, au titre de la marque invoquée, sur les caractéristiques et la qualité des services.

[58]           Il en découle que l’Opposante ne saurait bénéficier d’un emploi de la marque susmentionnée, s’il en est, au sens de l’article 50 de la Loi.

[59]           Au vu de ce qui précède, l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait et ce motif d’opposition est donc également rejeté.

Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16 (1)b)

[60]           L’Opposante a fait valoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement puisque, à la date de premier emploi allégué dans la demande de la Requérante, la Marque créait de la confusion avec celle de l’Opposante pour laquelle une demande d’enregistrement avait déjà été produite.

[61]           L’Opposante n’a pas indiqué le numéro de la demande antérieure dans le motif invoqué, mais elle a néanmoins versé en preuve une copie certifiée de la demande n° 1242654 pour la marque U‑Lock & Dessin [voir l’illustration au paragraphe 10 ci‑dessus], qui se rapportait à la location et à l’exploitation d’installations de libre entreposage.

[62]           La demande n° 1242654 a été produite avant celle de la Requérante et elle était encore pendante à la date de l’annonce de la demande de la Requérante.

[63]           L’Opposante s’est donc acquittée de son obligation à l’égard de ce motif d’opposition, et il appartient dès lors à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre sa Marque et la marque de l’Opposante.

[64]           On se rappellera que le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait et que lorsqu’il l’applique, le registraire doit prendre en compte toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi.

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[65]           Comme je l’ai mentionné, j’estime que la Marque, considérée globalement, présente un certain caractère distinctif en raison de sa portion principale, CENTRAL CITY, et de ses éléments de conception graphique, tandis que la marque de l’Opposante est à mon avis descriptive lorsqu’elle est employée en liaison avec les services visés par son enregistrement.

[66]           Le caractère distinctif acquis des marques est déterminé par la mesure dans laquelle les marques sont devenues connues. Compte tenu de la preuve de la Requérante, je conclus que la Marque est devenue connue au Canada dans une mesure restreinte.

[67]           Pour les motifs exposés au regard de l’alinéa 16(1)a), j’estime que l’Opposante n’a pas établi l’emploi de sa marque au Canada.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[68]           Seule la Requérante a établi l’emploi de sa Marque.

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises, services ou entreprises; la nature du commerce

[69]           Les services sont identiques, comme sans doute les circuits commerciaux.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[70]           Les marques en cause se ressemblent dans la mesure où chacune comprend l’élément U‑LOCK.

Circonstances de l’espèce

L’état du registre

[71]           J’ai écarté la preuve contenue dans l’affidavit de Mme Campos, souscrit le 22 juillet 2008, parce qu’est est postérieure à la date pertinente applicable à ce motif d’opposition. Quant à la preuve contenue dans l’affidavit Saltzman, seules deux marques pertinentes ont été enregistrées avant la date pertinente. J’arrive à la conclusion que ces résultats ne sont guère utiles pour la Requérante. Quoi qu’il en soit, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de considérer d’autres circonstances pour conclure en faveur de la Requérante.

Conclusion concernant la confusion

[72]           Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que la Requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause. Le terme descriptif U‑LOCK (équivalent phonétique anglais de [traduction] « vous verrouillez ») n’est tout simplement pas un terme auquel on ne saurait accorder une protection étendue en raison de son acception ordinaire, en particulier s’il est employé en liaison avec des installations de libre entreposage. Le commerçant qui emploie un mot courant comme marque de commerce ne peut s’attendre à jouir d’une protection étendue. Dans de tels cas, des différences relativement mineures entre les marques suffiront à les distinguer.

[73]           En outre, dans la plupart des cas, c’est la première portion d’une marque qui est la plus importante aux fins de distinction. En l’espèce, la première portion de la Marque de la Requérante est la plus importante et elle se distingue nettement de la première portion de la marque de l’Opposante.

[74]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette ce motif d’opposition.

Motif d’opposition fondé sur le caractère distinctif

[75]           Afin de s’acquitter du fardeau qui lui incombe à l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante devait démontrer que, à la date de production de l’opposition, sa marque était devenue suffisamment connue pour enlever tout caractère distinctif à la Marque [Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 44, p. 58 (C.F. 1er inst.); Re Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126, p. 130 (C.A.F.); et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412, p. 424 (C.A.F.)].

[76]           Pour les motifs exposés précédemment au regard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a), je suis d’avis que l’Opposante ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait, et ce motif d’opposition est donc rejeté.

Décision

[77]           Conformément aux pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en vertu du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Lynne Pelletier

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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