Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 186

Date de la décision : 2016-12-07

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION

 

 

Nikita ehf.

 

Opposante

et

 

Centennial Optical Limited

Requérante

 

 

 



 

1,604,164 pour la marque de commerce NIKITA

 

 

Demande

Introduction

[1]               Nikita ehf. (l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce NIKITA (la Marque) qui fait l'objet de la demande no 1,604,164 au nom de Centennial Optical Limited (la Requérante).

[2]               Produite le 26 novembre 2012, la demande est fondée sur l'emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 11 juin 2011 en liaison avec les produits suivants [Traduction] :

Articles de lunetterie et accessoires associés aux articles de lunetterie, nommément montures de lunettes, lunettes, lunettes de soleil, verres de lunettes, cambres et plaquettes de lunettes, chaînes pour lunettes, colliers pour lunettes et étuis à lunettes.

[3]               La question déterminante dans la présente procédure est celle de savoir si la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce NIKITA de l'Opposante qui est enregistrée sous le no LMC689,118 en liaison avec des [Traduction] « sacs, nommément sacs à bandoulière, sacs à main; vêtements, nommément chemisiers, chandails, parkas molletonnés à capuchon, maillots de bain, ceintures ».

[4]               Pour les raisons qui suivent, j'estime qu'il y a lieu de rejeter l'opposition.

Dossier

[5]               Le 7 novembre 2013, l'Opposante a produit une déclaration d'opposition dans laquelle elle invoque sept motifs d'opposition en vertu de l’article 38(2) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Les motifs d'opposition sont résumés, selon l'ordre dans lequel ils sont présentés, à l'annexe « A » de ma décision.

[6]               La Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration le 13 janvier 2014.

[7]               Comme preuve à l'appui de son opposition, l'Opposante a produit des copies certifiées de ses enregistrements de marque de commerce nos LMC689,118 et LMC689,948. Ces copies certifiées ont été délivrées le 23 janvier 2014. L'Opposante a également produit un affidavit de Frank Aeschbacher, souscrit le 28 avril 2014. M. Aeschbacher, le directeur commercial mondial de l'Opposante, a été contre-interrogé. La transcription du contre-interrogatoire, les pièces présentées pendant ce dernier et les réponses aux engagements ont été versées au dossier.

[8]               Comme preuve à l’appui de sa demande, la Requérante a produit trois affidavits distincts d'Elenita Anastacio, souscrits respectivement le 26 mai 2015 (le premier affidavit), le 8 février 2016 (le deuxième affidavit) et le 5 juillet 2016 (le troisième affidavit). Mme Anastacio, une recherchiste en marques de commerce à l'emploi du cabinet d'agents de marques de commerce représentant la Requérante, n'a pas été contre-interrogée.

[9]               Aucune des parties n'a produit de plaidoyer écrit.

[10]           Les parties étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

Dates pertinentes

[11]           Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

      articles 38(2)a)/30 de la Loi ‑ la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)];

      articles 38(2)b)/12(1)d) de la Loi – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

      articles 38(2)c)/16(1)a) et 16(1)c) de la Loi – la date de premier emploi revendiquée dans la demande [voir l'article 16(1) de la Loi]; et

      articles 38(2)d)/2 de la Loi – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc, 2004 CF 1185, 34 CPR (4th) 317].

Fardeau ultime et fardeau initial

[12]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi ainsi qu'il est allégué dans la déclaration d'opposition. Cela signifie que, s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre de la Requérante. L'Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle fonde ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve initial soit imposé à l'Opposante signifie qu'un motif d'opposition ne sera pris en considération que s'il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, 2002 CAF 29, 20 CPR (4th) 155; et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company 2005 CF 722, 41 CPR (4th) 223].

Remarques préliminaires

[13]           La preuve de la Requérante établit que l'enregistrement no LMC689,948 de la marque de commerce NIKITA & Dessin, laquelle est reproduite ci-dessous, a été radié le 22 octobre 2014 conformément à l'article 45 de la Loi [le deuxième affidavit Anastacio].

NIKITA & DESIGN

[14]           La preuve de la Requérante établit également que l'enregistrement no LMC689,118 de la marque de commerce NIKITA a été modifié le 13 avril 2016 afin de restreindre l'état déclaratif des produits à des [Traduction] « sacs, nommément sacs à bandoulière, sacs à main; vêtements, nommément chemisiers, chandails, parkas molletonnés à capuchon, maillots de bain, ceintures » conformément à l'article 45 de la Loi [les deuxième et troisième affidavits Anastacio].

[15]           En ce qui concerne la preuve de l'Opposante, je souligne que, lorsque j'ai pris connaissance de l'affidavit de M. Aeschbacher, je n'ai pas tenu compte des affirmations qui, à mon sens, équivalent à des opinions sur les questions de fait et de droit qu'il appartient au registraire de trancher dans la présente procédure. En outre, dans mon examen de la preuve produite par M. Aeschbacher, je ferai référence à son contre-interrogatoire dans la mesure où il se rapporte à des éléments de preuve pertinents ainsi qu'aux représentations des parties dans la présente affaire.

Motifs d’opposition rejetés sommairement

Non-conformité aux exigences de l'article 30 de la Loi

[16]           À l'audience, l'Opposante a concédé n'avoir produit aucune preuve à l'appui des motifs d'opposition portant que la demande n'est pas conforme aux exigences des articles 30a), 30b) et 30i) de la Loi.

[17]           En conséquence, je rejette les trois motifs d'opposition invoqués en vertu des articles 38(2)a) et 30 de la Loi parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Absence de droit à l'enregistrement suivant l'article 16(1)c) de la Loi

[18]           Le motif d'opposition portant que la Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement suivant l'article 16(1)c) de la Loi repose sur une allégation de confusion avec le nom commercial NIKITA de l'Opposante employé antérieurement.

[19]           Je souligne que, dans l'ensemble de son affidavit, M. Aeschbacher parle de l'emploi de la marque de commerce et du nom commercial NIKITA de façon indifférenciée. L'absence de distinction entre l'emploi de NIKITA à titre de marque de commerce et à titre de nom commercial crée nécessairement des ambiguïtés dans la preuve. Il est de droit constant que toute ambiguïté dans un affidavit doit être résolue à l'encontre de la partie qui produit la preuve [voir Conde Nast Publications Inc c Union Des Editions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)].

[20]           À l'audience, j'ai expressément demandé à l'Opposante de m'indiquer les éléments de preuve censés établir l'emploi de NIKITA à titre de nom commercial. En réponse, l'Opposante a cité des mentions de NIKITA sur des pages du site Web et du catalogue de l'Opposante, respectivement jointes à l'affidavit de M. Aeschbacher comme pièces FA‑1 et FA‑2 (je reviendrai sur ces pièces plus loin). L'Opposante a toutefois indiqué qu'elle n'insisterait pas sur le fait que sa preuve établit l'emploi du nom commercial NIKITA. En d'autres termes, l'Opposante a apparemment reconnu que sa preuve n'appuie pas le motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)c).

[21]           En l'absence de représentations de fond de la part de l'Opposante pour me convaincre du contraire, je ne suis pas convaincue que la preuve me permet de conclure à l'emploi du nom commercial allégué NIKITA de l'Opposante avant la date de premier emploi revendiquée dans la demande.

[22]           En conséquence, je rejette le motif d'opposition invoqué en vertu des articles 38(2)c) et 16(1)c) de la Loi parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Analyse des autres motifs d'opposition

[23]           Les questions que soulèvent les autres motifs d'opposition sont les suivantes :

1.      La Marque est-elle enregistrable à la date d'aujourd'hui?

2.      La Requérante était-elle la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque au Canada à la date du 11 juin 2011?

3.      La Marque était-elle distinctive des produits de la Requérante à la date du 7 novembre 2013?

[24]           J'analyserai ces questions une à une.

La Marque est-elle enregistrable à la date d'aujourd'hui?

[25]           Cette question découle du motif d'opposition portant que la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi parce qu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce NIKITA et NIKITA & Dessin de l'Opposante respectivement enregistrées sous les nos LMC689,118 et LMC689,948.

[26]           Étant donné que l'enregistrement no LMC689,948 de la marque de commerce NIKITA & Dessin a été radié et qu'il n'existe plus à la date d'aujourd'hui, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) qui repose sur cet enregistrement est rejeté parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve.

[27]           J'ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que l'enregistrement no LMC689,118 de la marque de commerce NIKITA visant des [Traduction] « sacs, nommément sacs à bandoulière, sacs à main; vêtements, nommément chemisiers, chandails, parkas molletonnés à capuchon, maillots de bain, ceintures » existe. L'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve.

[28]           Il s'agit maintenant de déterminer si la Requérante s'est acquittée de son fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne risque pas de créer de la confusion avec la marque de commerce NIKITA de l'Opposante enregistrée sous le no LMC689,118.

[29]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L’article 6(2) de la Loi prévoit que l'emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[30]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même. [Voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc 2006 CSC 22, 49 CPR (4th) 321; Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al, 2006 CSC 23, 49 CPR (4th) 401; et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc 2011 CSC 27, 92 CPR (4th) 361 pour une analyse approfondie des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion.]

[31]           Dans Masterpiece, supra, la Cour suprême du Canada a indiqué que le degré de ressemblance entre les marques est le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce, même s’il est mentionné en dernier lieu à l'article 6(5) de la Loi; la Cour a donc décidé de commencer son analyse par l'examen de ce facteur. J'examinerai donc maintenant les facteurs énoncés à l'article 6(5), en commençant par le degré de ressemblance entre les marques.

Article 6(5)e) – Le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[32]           Les marques de commerce en cause étant identiques, ce facteur favorise l'Opposante.

Article 6(5)a) – Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[33]           Il est apparu à l'audience que les parties conviennent que les marques de commerce en cause possèdent le même caractère distinctif inhérent dans le contexte de leurs produits respectifs. Cependant, les parties sont en désaccord en ce qui concerne le caractère distinctif inhérent considéré dans l'absolu.

[34]           L'Opposante soutient que le terme NIKITA est intrinsèquement distinctif. La Requérante soutient que NIKITA est un prénom et que, par conséquent, les marques de commerce ne possèdent guère de caractère distinctif inhérent (citant Mattel, Inc, supra, au para 3; Maurices Inc c Dollarama LP, 2014 COMC 129, au para 21). En réponse, l'Opposante souligne que la Requérante n'a pas produit de preuve établissant que NIKITA est un prénom. En l'absence d'une telle preuve, l'Opposante soutient que le consommateur canadien moyen percevrait NIKITA comme n'étant rien de plus qu'un mot inventé.

[35]           J'estime que, lorsqu'on a recours au bon sens pour évaluer les faits de la présente espèce, il est raisonnable de conclure que le consommateur canadien moyen percevrait probablement NIKITA comme un prénom. En conséquence, je conviens avec la Requérante que les marques de commerce des parties ne possèdent guère de caractère distinctif inhérent.

[36]           Une marque de commerce peut acquérir un caractère distinctif en devenant connue au Canada par l'emploi ou la promotion. Or, il n'y a aucune preuve de l'emploi ou de la promotion de la Marque au Canada. Cela m'amène à examiner la preuve de l'Opposante concernant l'emploi et la promotion de sa marque de commerce.

[37]           D'après le témoignage de M. Aeschbacher, l'Opposante est une société islandaise. Elle exerce ses activités sous le nom Nikita Clothing, en tant que fabricante et distributrice de vêtements et d'accessoires pour femmes [para 1 et 5 de l'affidavit, réponse à l'engagement Q57].

[38]           Comme je l'ai mentionné précédemment, dans l'ensemble de son affidavit, M. Aeschbacher présente une preuve qui renvoie à l'emploi de la marque de commerce et du nom commercial NIKITA de façon indifférenciée, ce qui se reflète dans mon examen de la preuve ci-dessous.

Emploi de la marque de commerce de l'Opposante

[39]           En ce qui a trait à l'emploi, M. Aeschbacher affirme que ce qui suit au paragraphe 6 de son affidavit [Traduction] :

L'OPPOSANTE vend ses vêtements (principalement des robes, des hauts [vestons, chemisiers, t-shirts, chandails à capuchon, hauts et débardeurs], des bas [pantalons, shorts, jeans et jupes], des accessoires et des maillots de bain) (les marchandises précitées étant collectivement appelées « LES VÊTEMENTS ») au Canada sous la marque de commerce et le nom commercial NIKITA depuis au moins aussi tôt que 2002.

[40]           Dans l'ensemble de son affidavit, M. Aeschbacher présente une preuve qui, comme c'est le cas ci-dessus, désigne collectivement les produits liés à la marque de commerce.

[41]           Je reproduis le tableau figurant au paragraphe 7 de l'affidavit qui présente les chiffres des ventes annuelles des vêtements de l'Opposante faites au Canada sous la marque de commerce et le nom commercial NIKITA pour les années 2009 à 2013. M. Aeschbacher indique ce qui suit [Traduction] : « Le 2014-03-10, le taux de change interbancaire était de 1,54 dollar canadien pour un euro ».

ANNÉE

MONTANT

(EN EUROS)

2009

147 960

2010

856 660

2011

555 590

2012

470 290

2013

277 920

[42]           En réponse à l'engagement d'indiquer, pour chacune des années susmentionnées, la proportion des ventes qui est véritablement attribuable à des vêtements et celle qui est véritablement attribuable à des accessoires, l'Opposante a répondu « 10 % » [Q153 à Q155]. À l'audience, l'Opposante a précisé que ce « 10 % » s'applique aux accessoires.

[43]           Comme pièce FA‑1, M. Aeschbacher a joint à son affidavit des extraits du site Web de l'Opposante pour montrer [Traduction] « le genre de produits » que l'Opposante a vendu sous sa marque de commerce NIKITA depuis au moins 2009 [para 8]. Je souligne que ces extraits semblent avoir été imprimés le 10 mars 2014. Aucune information n'est fournie à savoir depuis combien de temps le site Web de l'Opposante est en activité, ni combien de Canadiens auraient consulté le site Web à un moment quelconque. À l'audience, l'Opposante n'a pas contesté que cette information était manquante et a de nouveau affirmé que les extraits du site Web ont été produits pour montrer les produits vendus sous sa marque de commerce NIKITA au Canada depuis au moins 2009.

[44]           M. Aeschbacher affirme dans son affidavit que la marque de commerce NIKITA est toujours associée aux vêtements au moyen soit d'une étiquette volante soit d'une étiquette cousue sur lesquelles elle figure [para 10]. Il convient de souligner que l'affirmation de M. Aeschbacher est formulée au présent, c.-à-d. à la date à laquelle il a souscrit son affidavit, soit le 28 avril 2014. En outre, bien que M. Aeschbacher affirme au paragraphe 11 de son affidavit qu'il produit, comme pièce FA‑3, [Traduction] « un échantillon représentatif desdites étiquettes et d'autres éléments d'identification », en contre-interrogatoire, il a reconnu que la pièce FA‑3 est constituée simplement d'une seule étiquette volante [Q177 à Q181].

[45]           En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Aeschbacher de confirmer que les produits raturés dans le document formant la pièce 3 de la transcription sont ceux à l'égard desquels la marque de commerce NIKITA n'a pas été employée au Canada. La pièce 3 de la transcription du contre-interrogatoire est reproduite à l'annexe « B » de ma décision. Elle est constituée d'un extrait de l'affidavit de M. Aeschbacher qui a été produit dans le cadre de la procédure en vertu de l'article 45 concernant l'enregistrement no LMC689,118. M. Aeschbacher a confirmé que la marque de commerce NIKITA n'a pas été employée en liaison avec les produits raturés pendant la période allant du 11 décembre 2010 au 11 décembre 2013, c.-à-d. la période pertinente aux fins de la procédure en vertu de l'article 45 [Q83 à Q86]. En outre, M. Aeschbacher a confirmé que l'Opposante a passé en revue tous les dossiers et toutes les factures, et a raturé tous les produits pour lesquels elle ne disposait d'aucune facture [Q87 et Q88].

[46]           En contre-interrogatoire, on a également demandé à M. Aeschbacher de fournir, pour chacune des années comprises dans la période allant de 2009 à 2013, une facture représentative pour chacun des produits en liaison avec lesquels, à son avis, la marque de commerce NIKITA avait continué d'être employée au Canada [Q134]. La réponse de l'Opposante à cet engagement a été la suivante [Traduction] : « Un tel document n'est pas disponible, car il n'existe pas ». De plus, l'Opposante a fait référence aux paragraphes 9 et 10 de l'affidavit souscrit par M. Aeschbacher dans le cadre de la procédure en vertu de l'article 45, dont une copie non signée accompagnait sa réponse. J'insiste cependant sur le fait que l'affidavit produit dans le cadre de la procédure en vertu de l'article 45 ne fait pas partie de la preuve de l'Opposante en l'espèce. En outre, à l'audience, l'Opposante a apparemment reconnu que les déclarations contenues dans l'affidavit non signé étaient sans conséquence en l'espèce. En effet, bien que l'Opposante ait formulé quelques remarques pour tenter d'expliquer pourquoi elle ne disposait d'aucune facture, l'Opposante a reconnu que l'affidavit de M. Aeschbacher qui a été produit dans la présente procédure ne contient pas d'explications à cet égard.

[47]           La Requérante soutient que la réponse selon laquelle il n'existe aucune facture mine le témoignage de M. Aeschbacher en ce qui concerne l'emploi de la marque de commerce NIKITA dans la présente affaire. À cet égard, la Requérante soutient que, puisque M. Aeschbacher a témoigné que les factures ont été passées en revue pour les besoins de la procédure en vertu de l'article 45, l'Opposante aurait dû être en mesure de fournir des factures à l'appui des allégations d'emploi de la marque de commerce NIKITA faites par M. Aeschbacher dans la présente affaire. La Requérante fait en outre observer que la plupart des produits non raturés à la pièce 3 de la transcription ont été supprimés de l'enregistrement no LMC689,118 à la suite de la procédure en vertu de l'article 45. De ce fait, la Requérante prétend que le résultat de la procédure en vertu de l'article 45 mine lui aussi le témoignage de M. Aeschbacher en ce qui concerne l'emploi de la marque de commerce NIKITA dans la présente affaire.

[48]           En définitive, la Requérante soutient que, dans les circonstances de la présente affaire, en l'absence de toute facture, la preuve de l'Opposante n'est pas suffisante pour établir que des transferts de produits ont eu lieu au Canada en liaison avec la marque de commerce NIKITA de 2009 à 2013, comme l'exige l'article 4(1) de la Loi.

[49]           Sans surprise, l'Opposante soutient que sa preuve est plus que suffisante pour établir l'emploi continu de sa marque de commerce NIKITA, au sens de l'article 4(1) de la Loi, depuis au moins 2009. J'estime qu'il n'est pas nécessaire, à ce stade-ci, que j'examine en détail les observations de l'Opposante à cet égard.

[50]           En effet, même si je concluais que la preuve de l'Opposante en l'espèce est suffisante, lorsqu'on la considère dans son ensemble, pour établir l'emploi de la marque de commerce NIKITA au Canada au sens de l'article 4(1) de la Loi, il demeure que la preuve que fournit M. Aeschbacher renvoie aux ventes de vêtements réalisées au Canada sous la marque de commerce et sous le nom commercial de façon indifférenciée. Par conséquent, je ne dispose d'aucune information quant à la proportion de ces ventes qui est directement attribuable aux ventes de vêtements de l'Opposante en liaison avec la marque de commerce. En d'autres termes, les chiffres de ventes de l'Opposante, tels qu'ils ont été présentés en preuve par M. Aeschbacher, ne me permettent pas d'en arriver à une conclusion significative en ce qui concerne l'importance de l'emploi dont la marque de commerce NIKITA a fait l'objet au Canada.

Promotion de la marque de commerce de l'Opposante

[51]           En ce qui a trait à la promotion, M. Aeschbacher affirme dans son affidavit que les vêtements arborant la marque de commerce et le nom commercial NIKITA sont vendus au Canada [Traduction] « par l'intermédiaire d'un distributeur », qui « investit environ 10 % de ses recettes de ventes dans la publicité et le marketing » [para 9]. En contre-interrogatoire, M. Aeschbacher a confirmé que l'Opposante n'avait qu'un seul distributeur canadien, dénommé Endorphin [Q65, Q77]. M. Aeschbacher a toutefois indiqué qu'en plus de NIKITA, Endorphin vend au moins trois autres marques [Q167]. Par conséquent, en l'absence de données se rapportant spécifiquement à la somme dépensée par Endorphin pour faire la promotion des vêtements liés à la marque de commerce NIKITA de l'Opposante, aucune inférence significative ne peut, à mon sens, être tirée de la déclaration générale de M. Aeschbacher concernant les investissements d'Endorphin en publicité et en marketing.

[52]           Comme pièce FA‑2, M. Aeschbacher a joint à son affidavit [Traduction] « un échantillon représentatif du genre de publicité et de marketing effectué au Canada » pour les vêtements NIKITA [para 9]. M. Aeschbacher ne décrit pas le contenu de la pièce FA‑2, mais je constate qu'elle appert être constituée de photographies d'un kiosque d'exposition, d'un autocollant et du catalogue NIKITA printemps/été 2014. En l'absence de plus amples renseignements, la simple production d'un autocollant et de photographies d'un kiosque d'exposition n'est pas utile à la cause de l'Opposante. En outre, aucun renseignement n'a été fourni en ce qui concerne l'ampleur de la distribution dont le catalogue NIKITA printemps/été 2014 a fait l'objet.

[53]           De façon similaire, aucun renseignement n'a été fourni en ce qui concerne la distribution du catalogue NIKITA automne/hiver 2013‑2014 et de l'album NIKITA automne/hiver 2012‑2013, dont des copies ont été fournies en réponse à un engagement de fournir un aperçu des produits (si tant est qu'il en existe un) présentés dans le catalogue NIKITA pendant la période allant de 2009 à 2013 [Q165].

[54]           Compte tenu de ce qui précède, je conviens avec la Requérante que la preuve n'est pas suffisante pour me permettre de tirer quelque conclusion que ce soit quant à la mesure dans laquelle la marque de commerce NIKITA de l'Opposante est devenue connue par suite de sa promotion au Canada.

Conclusion quant au facteur énoncé à l'article 6(5)a)

[55]           Au final, je ne souscris pas à l'argument de l'Opposante voulant qu'elle soit favorisée par l'évaluation globale du facteur énoncé à l'article 6(5)a), qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis des marques de commerce en cause.

[56]           En effet, comme je l'ai indiqué ci-dessus, j'estime que les marques de commerce en cause ne possèdent guère de caractère distinctif inhérent. Je reconnais que la Requérante n'a pas fourni la moindre preuve d'emploi ou de promotion de la Marque au Canada, alors que l'Opposante, elle, l'a fait. Néanmoins, compte tenu des ambiguïtés et des lacunes que comporte la preuve de l'Opposante, comme je l'ai indiqué ci-dessus, il m'est impossible d'en arriver à une conclusion significative en ce qui concerne la mesure dans laquelle la marque de commerce de l'Opposante est devenue connue au Canada par suite de son emploi ou de sa promotion.

Article 6(5)b) – La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[57]           Dans sa demande, la Requérante revendique l'emploi de la Marque au Canada depuis au moins aussi tôt que le 11 juin 2011, alors que la revendication contenue dans l'enregistrement no LMC689,118 de l'Opposante indique que la marque de commerce NIKITA est employée au Canada depuis au moins aussi tôt que le 14 mars 2002.

[58]           D'entrée de jeu, je souligne que, à aucun moment pendant l'audience, l'Opposante n'a fait valoir que sa preuve établit l'emploi de la marque de commerce NIKITA au Canada, au sens de l'article 4(1) de la Loi, depuis la date revendiquée dans son enregistrement ou depuis au moins aussi tôt que 2002, comme l'affirme M. Aeschbacher dans son affidavit. Comme je l'ai indiqué ci-dessus, l'Opposante prétend que sa preuve établit l'emploi continu de sa marque de commerce NIKITA depuis au moins 2009. En plus de contester l'argument de l'Opposante, la Requérante soutient qu'on ne peut pas conclure de la preuve que l'Opposante a employé la marque de commerce NIKITA avant le 11 juin 2011 et que je serais donc fondée à conclure que le facteur énoncé à l'article 6(5)b) favorise la Requérante.

[59]           Premièrement, le fait est que la Requérante a choisi de ne pas produire de preuve pour établir l'emploi, et encore moins l'emploi continu, de la Marque depuis au moins aussi tôt que le 11 juin 2011, tel qu'il est revendiqué dans la demande. Deuxièmement, je ne considère pas que l'absence de factures est préjudiciable à la cause de l'Opposante, ne serait-ce que parce que l'Opposante a fourni les chiffres des ventes au Canada à compter de 2009, quoique par référence à la marque de commerce et au nom commercial NIKITA de façon indifférenciée.

[60]           Cela étant dit, bien que l'argument de l'Opposante selon lequel le facteur énoncé à l'article 6(5)b) vient appuyer sa cause puisse ne pas être dépourvu de fondement, j'estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder à ce facteur autant d'importance que le prétend l'Opposante.

[61]           En effet, comme je l'ai souligné ci-dessus, l'affirmation de M. Aeschbacher, selon laquelle la marque de commerce NIKITA est toujours associée aux vêtements au moyen soit d'une étiquette volante soit d'une étiquette cousue sur lesquelles elle figure, est formulée au présent, c.-à-d. à la date du 28 avril 2014. En d'autres termes, il n'y a aucune affirmation claire portant que la marque de commerce était invariablement associée aux vêtements pendant la période allant de 2009 à 2013.

Articles 6(5)c) et d) – Le genre de produits, services ou entreprises, et la nature du commerce

[62]           L'évaluation de ces facteurs dans le contexte du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) repose sur la comparaison de l'état déclaratif des produits qui figure dans la demande pour la Marque avec l'état déclaratif des produits qui figure dans l'enregistrement no LMC698,118 de l'Opposante [voir Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF); et Miss Universe, Inc c Bohna (1994), 58 CPR (3d) 381 (CAF)].

[63]           Il convient donc de rappeler que l'état déclaratif des produits qui figure dans la demande pour la Marque est ainsi libellé [Traduction] : « articles de lunetterie et accessoires associés aux articles de lunetterie, nommément montures de lunettes, lunettes, lunettes de soleil, verres de lunettes, cambres et plaquettes de lunettes, chaînes pour lunettes, colliers pour lunettes et étuis à lunettes ». L'état déclaratif des produits qui figure dans l'enregistrement no LMC689,118 est libellé comme suit [Traduction] : « sacs, nommément sacs à bandoulière, sacs à main; vêtements, nommément chemisiers, chandails, parkas molletonnés à capuchon, maillots de bain, ceintures ».

[64]           D'entrée de jeu, je souligne qu'il appert, selon une simple lecture de l'état déclaratif des produits figurant dans la demande, que la Requérante exerce ses activités dans le domaine de la lunetterie. Quant à l'Opposante, M. Aeschbacher témoigne que ses activités consistent à fabriquer et à distribuer des vêtements et des accessoires pour femmes, ce qui concorde avec l'état déclaratif des produits figurant dans l'enregistrement. Enfin, exception faite du distributeur canadien de l'Opposante mentionné par M. Aeschbacher, ni l'une ni l'autre des parties n'a fourni d'éléments de preuve en ce qui concerne ses voies de commercialisation.

[65]           En gardant ce qui précède à l'esprit, je résumerai les représentations de l’Opposante et de la Requérante et j'exposerai ensuite mes conclusions quant à chacun de ces facteurs.

[66]           Dans un premier temps, l'Opposante insiste sur le fait que, selon l'article 6(2) de la Loi, il peut y avoir confusion entre deux marques de commerce que les produits ou services soient ou non de la même catégorie générale.

[67]           L'Opposante soutient, dans un deuxième temps, que, même si les produits de la Requérante diffèrent des produits visés par son enregistrement, les produits de la Requérante demeurent des accessoires de mode et, par conséquent, sont apparentés aux produits visés par l'enregistrement de l'Opposante et les recoupent. À cet égard, l'Opposante cite des décisions dans lesquelles des produits qui n'étaient pas des vêtements ont néanmoins été considérés comme des accessoires de mode (citant Camiceria Pancacldi & B SRL c Cravatte Di Pancardi Srl, 74 CPR (3d) 551 (COMC); Bally Schuhfabriken AG c 603753 Ontario Inc, 1999 CanLII 19594 (COMC); Garbo Group c Harriet Brown & Co, 1999 CanLII 19594, 3 CPR (4th) 224 (CF 1re inst); Emilio Pucci International BV c El Corte Ingles, SA, 2011 COMC 32; Ben Sherman Group Limited c Knautz, 2013 COMC 122).

[68]           À l'audience, l'Opposante a insisté plus particulièrement sur la décision Bally Schuhfabriken AG, supra (Bally), dans laquelle le registraire a indiqué que les produits visés par l'enregistrement de l'opposant, c'est-à-dire des ceintures, des cravates, des foulards, des gants, des portefeuilles, des montres, des chapeaux et des casquettes, étaient d'une certaine manière apparentés aux lunettes de soleil du requérant, du fait que ces produits pouvaient être considérés comme des accessoires de mode. Bien que l'Opposante n'ait pas fait valoir que les [Traduction] « lunettes de soleil » sont des accessoires de mode liés à sa marque de commerce, l'Opposante a fait observer que son catalogue NIKITA printemps/été 2014 contient des photographies de mannequins portant des lunettes de soleil [pièce FA‑2 de l'affidavit Aeschbacher].

[69]           Enfin, l'Opposante soutient que l'état déclaratif des produits figurant dans la demande et l'état déclaratif des produits figurant dans l'enregistrement ne comportent aucune restriction quant aux voies de commercialisation des parties. De ce fait, l'Opposante soutient qu'étant donné le recoupement entre les produits des parties, il y a lieu de conclure à l'existence d'un recoupement dans la nature du commerce des parties.

[70]           Pour sa part, la Requérante soutient que ses produits sont intrinsèquement différents des produits visés par l'enregistrement de l'Opposante. La Requérante soutient en outre qu'il n'y a pas le moindre risque que les produits et les commerces respectifs des parties se recoupent. Plus particulièrement, la Requérante soutient qu'il ressort clairement de la demande que ses produits sont des articles de lunetterie optiques et que, par conséquent, le type probable de commerce dont ses articles et accessoires de lunetterie feraient l'objet relèverait du domaine de l'optométrie.

[71]           Quant aux affaires citées par l'Opposante, la Requérante soutient qu'elles n'aident en rien l'Opposante. Il suffit de dire que la Requérante soutient que la preuve dans ces affaires diffère de la preuve produite par l'Opposante en l'espèce. De plus, la Requérante soutient qu'il ressort clairement de la preuve documentaire fournie par l'Opposante que les produits visés par son enregistrement ne sont pas des vêtements et des accessoires de mode haut de gamme.

[72]           Pour conclure mon résumé des représentations des parties, je soulignerai que, lors de ses représentations en réponse, l'Opposante a fait observer qu'elle ne prétend pas que les produits liés à sa marque de commerce sont des vêtements et des accessoires de mode haut de gamme. L'Opposante prétend plutôt que la jurisprudence en matière d'oppositions appuie la conclusion que les produits liés à la Marque sont considérés comme des accessoires de mode et que ce fait est suffisant pour me permettre de conclure que les facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) favorisent l'Opposante.

[73]           Je commencerai mon examen des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) en soulignant que les décisions citées par l'Opposante présentent un intérêt dans la mesure où elles se rapportent à des procédures d'opposition et traitent des principes qui régissent le test en matière de confusion. Cependant, il est de droit constant que chaque affaire doit être tranchée en fonction des faits qui lui sont propres.

[74]           À titre d'exemple, les affaires Emilio Pucci International BV, supra, et Ben Sherman Group Limited, supra, citées par l'Opposante se distinguent de la présente espèce non seulement en ce qui a trait à la preuve au dossier, mais également parce que les marques de commerce qui faisaient l'objet d'une demande d'enregistrement dans ces affaires n'étaient pas liées à des articles et accessoires de lunetterie, comme c'est le cas en l'espèce.

[75]           Je reconnais que dans Camiceria Pancacldi & B SRL c Cravatte Di Pancardi Srl, supra, la marque de commerce du requérant était liée à des [Traduction] « lunettes, nommément lunettes de soleil et lunettes pour la vue; pièces et accessoires connexes ». Cependant, ainsi qu'il ressort des commentaires du registraire à la page 55 reproduits ci-dessous, cette affaire se distingue de la présente espèce en ce qui a trait à la preuve [Traduction] :

Les marchandises des parties sont, bien sûr, différentes. Cependant, la preuve non contestée et non contredite de MM. De Stefanis et Inghirami est à l'effet qu'il est courant qu'une même marque soit employée en liaison à la fois avec des vêtements et avec des accessoires de mode, y compris des lunettes pour la vue et des lunettes de soleil. Leur preuve est en outre corroborée, dans une certaine mesure, par la preuve de l'état du registre des marques de commerce présentée par Mme McDonald.

[76]           En effet, je ne dispose en l'espèce d'aucune preuve indiquant qu'il est courant que la même marque de commerce soit employée en liaison avec des vêtements, y compris des accessoires vestimentaires, et des articles de lunetterie, y compris des accessoires de lunetterie.

[77]           Je considère que les produits des parties sont différents. Je reconnais que, dans Bally, le registraire a indiqué que les lunettes de soleil peuvent être considérées comme des accessoires de mode. Néanmoins, j'estime qu'il est assez révélateur que le registraire ait tout de même rejeté l'opposition. Dans l'exposé de sa conclusion, le registraire a résumé comme suit son évaluation des facteurs énoncés à l'article 6(5) dans cette affaire précise [Traduction] :

Étant donné que la preuve au dossier dans la présente procédure démontre que la marque de commerce BALLY de l'opposant possède un caractère distinctif inhérent limité et qu'elle ne peut, par conséquent, bénéficier d'une protection étendue, et compte tenu de l'emploi (apparemment) sans licence de la marque BALLY par Bally Corporation en liaison avec l'exploitation de points de vente au détail BALLY et du fait qu'il a, par ailleurs, été démontré que la marque BALLY est devenue connue seulement dans une mesure limitée au Canada ‘en tant que marque de commerce de l'opposant’, et considérant en outre que les marchandises des parties sont différentes même si les lunettes de soleil du requérant et certaines des marchandises de l'opposant, comme je l'ai souligné ci-dessus, peuvent généralement être considérées comme des accessoires de mode, j'ai conclu que le requérant s'est acquitté du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer qu'il n'y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion entre sa marque de commerce BALI et les marques de commerce BALLY de l'opposante indépendamment de la date pertinente qui est prise en considération. (je souligne)

[78]           L'affaire Bally montre que le simple fait que des marques de commerce similaires soient employées en liaison avec des vêtements et avec ce que l'on peut considérer comme des [Traduction] « accessoires de mode » n'amène pas nécessairement à conclure à l'existence d'une probabilité de confusion. Il ne faut pas perdre de vue que la question de savoir s'il existe une probabilité raisonnable de confusion entre des marques de commerce repose sur un examen des faits à la lumière de l'ensemble des facteurs énoncés à l'article 6(5) de la Loi, lesquels n'ont pas tous le même poids. Je souligne que, dans Clorox Co c Sears Canada Inc (1992), 41 CPR (3d) 483 (CF 1re inst), la Cour a indiqué qu'il faut prendre garde d'accorder trop de poids au fait que les produits des parties appartiennent à la « même catégorie générale », en particulier dans le cas d'une marque faible.

[79]           En ce qui concerne le facteur énoncé à l'article 6(5)d), d'après une simple lecture de l'état déclaratif des produits figurant dans la demande, il est possible que la Requérante soit fondée à soutenir que le type probable de commerce dont ses produits feraient l'objet relèverait du domaine de l'optométrie. Cependant, la Requérante n'a produit aucun élément de preuve pour établir ses voies de commercialisation. De plus, l'état déclaratif des produits qui figure dans la demande ne comporte aucune restriction quant aux voies de commercialisation de la Requérante.

[80]           En tout état de cause, si l'Opposante a raison lorsqu'elle fait valoir que la présente espèce en est une où l'on peut conclure à un recoupement dans la nature du commerce, alors j'estime qu'il y a lieu de tenir compte, dans l'évaluation du facteur 6(5)d), des commentaires formulés par la Cour dans Garbo Group, supra.

[81]           Plus particulièrement, alors qu'elle se penchait sur la nature du commerce, dans Garbo Group, la Cour a exprimé l'avis que la diversité des produits faisant partie de l'industrie des accessoires de mode ne faisait pas nécessairement obstacle à la conclusion que certains des produits des parties dans cette affaire appartenaient à la même catégorie générale de produits. La Cour a ensuite ajouté ce qui suit [Traduction] :

[84]   À la lumière des éléments de preuve dont le registraire n'était pas saisi, j'arrive à la conclusion que les marchandises vendues par l'appelante et celles que l'intimée propose de vendre ne sont pas à ce point différentes qu'elles ne peuvent faire partie de la même catégorie générale de biens. En outre, bien qu'elles ne soient pas identiques, les voies commerciales que ces marchandises emprunteraient normalement se chevauchent.

[85]   En conséquence, contrairement à la conclusion du registraire, le facteur touchant la « nature du commerce »  étaye la conclusion selon laquelle il existe une probabilité raisonnable de confusion. Cependant, comme les marques visent des produits différents appartenant à une large catégorie, ce fondement ne m'apparaît pas particulièrement solide. (je souligne)

[82]           Si j'appliquais le raisonnement de la Cour énoncé ci-dessus et que je concluais qu'il existe une possibilité de recoupement dans la nature du commerce parce que certains des produits de la Requérante peuvent être considérés comme des accessoires de mode, le fait que les marques de commerce sont liées à des produits différents demeurerait pertinent du point de vue du facteur énoncé à l'article 6(5)d), de sorte qu'une telle conclusion ne favoriserait pas l'Opposante de manière significative.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[83]           L'article 6(2) de la Loi ne porte pas sur la confusion entre les marques de commerce elles-mêmes, mais sur la confusion quant à la source des produits ou des services. Ainsi, la question que soulève l'évaluation de la confusion en l'espèce est celle de savoir s'il y aurait confusion quant à la source des produits fournis en liaison avec la Marque, c'est-à-dire si ces derniers seraient perçus comme provenant de l'Opposante ou comme étant parrainés ou approuvés par elle.

[84]           Lorsque j'ai appliqué le test en matière de confusion, j'ai considéré que ce dernier tenait de la première impression et du souvenir imparfait. Après avoir soupesé tous les facteurs énoncés à l'article 6(5) de la Loi ainsi que leur importance relative, j'ai conclu que la Requérante s'est acquittée du fardeau ultime qui lui incombait de démontrer qu'il n'existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce NIKITA de l'Opposante enregistrée sous le no LMC689,118.

[85]           En effet, bien que les marques de commerce soient identiques, la marque de commerce NIKITA de l'Opposante possède un caractère distinctif inhérent limité et, par conséquent, elle ne peut bénéficier d'une protection étendue. En outre, compte tenu de la façon dont la preuve de l'Opposante a été présentée, il m'est impossible d'en arriver une conclusion significative en ce qui concerne le caractère distinctif acquis de la marque de commerce de l'Opposante. De même, je ne suis pas convaincue que la preuve de l'Opposante puisse amener à conclure que la période pendant laquelle sa marque de commerce a été en usage est significative. Enfin, je considère qu'il existe des différences entre les produits liés à la Marque et ceux liés à la marque de commerce de l'Opposante.

[86]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est rejeté.

La Requérante était-elle la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque au Canada à la date du 11 juin 2011?

[87]           Cette question découle du motif d’opposition invoqué en vertu de l'article 16(1)a) de la Loi qui repose sur des allégations de confusion entre la Marque et les marques de commerce NIKITA, soit verbale soit figurative, de l'Opposante qui avaient été antérieurement employées ou révélées au Canada en liaison avec les produits spécifiés dans les enregistrements énumérés dans la déclaration d'opposition ou avec des produits similaires.

[88]           D'entrée de jeu, je souligne que j'estime qu'il n'y a aucune preuve établissant que les marques de commerce NIKITA, soit verbale soit figurative, de l'Opposante qui sont alléguées ont été révélées au Canada au sens de la définition de « révélée » qui est énoncée à l’article 5 de la Loi. Qui plus est, il n'y a aucune preuve établissant l'emploi de la marque de commerce NIKITA & Dessin enregistrée sous le no LMC689,948.

[89]           Ainsi, la question qu'il me reste à examiner est de savoir si l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait d'établir que sa marque de commerce verbale NIKITA a été employée au Canada avant le 11 juin 2011 au sens de la définition pertinente d'« emploi » qui est énoncée à l'article 4(1) de la Loi, et qu'elle n'avait pas été abandonnée à la date d'annonce de la demande, soit le 11 septembre 2013 [voir l'article 16(5) de la Loi].

[90]           Cependant, j'estime qu'il n'est pas nécessaire, à ce stade-ci, que j'examine les représentations des parties concernant cette question puisque le résultat du motif d'opposition serait le même quelle que soit la réponse. En effet, le motif d'opposition serait rejeté soit parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve, soit parce que, pour des raisons similaires à celles exposées dans mon analyse du motif fondé sur l'article 12(1)d), je conclurais, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existait pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce NIKITA de l'Opposante à la date du 11 juin 2011.

[91]           En conséquence, le motif d'opposition fondé sur l'article 16(1)a) est rejeté.

La Marque était-elle distinctive des produits de la Requérante à la date du 7 novembre 2013?

[92]           Cette question découle du motif d'opposition en trois volets portant que la Marque n'est pas distinctive des produits de la Requérante au sens de l'article 2 de la Loi.

[93]           À l'audience, l'Opposante a concédé ne pas avoir produit de preuve à l'appui du deuxième volet de son motif d'opposition reposant sur l'allégation selon laquelle la Marque a été employée d'une façon contrevenant aux dispositions de l'article 50 de la Loi. L'Opposante a également concédé ne pas avoir produit de preuve à l'appui du troisième volet de son motif d'opposition reposant sur l'allégation selon laquelle plus d'une personne détenait des droits à l'égard de la Marque.

[94]           En conséquence, les deuxième et troisième volets du motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif sont rejetés. Ainsi, il me reste à examiner le premier volet du motif d'opposition qui concerne la probabilité de confusion entre la Marque et les marques de commerce et le nom commercial NIKITA allégués de l'Opposante.

[95]           L'Opposante a le fardeau de preuve d'établir que son nom commercial allégué ou l'une ou l'autre de ses marques de commerce alléguées avait acquis, à la date du 7 novembre 2013, une réputation importante, significative ou suffisante au Canada en liaison avec les produits de l'Opposante pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd, (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF 1re inst); et Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd, 2006 CF 657, 48 CPR (4th) 427].

[96]           Dans la mesure où le motif d'opposition concerne la probabilité de confusion entre la Marque et le nom commercial NIKITA de l'Opposante, il est rejeté parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve. Il suffit de dire que, en plus de l'absence de représentations de fond de la part de l'Opposante à l'audience, j'estime que sa preuve n'est pas suffisante pour me permettre de conclure que son nom commercial allégué avait acquis une réputation importante, significative ou suffisante au Canada à la date du 7 novembre 2013, et qu'il faisait ainsi perdre à la Marque son caractère distinctif.

[97]           Dans la mesure où le motif d'opposition concerne la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce NIKITA & Dessin (LMC689,948), il est rejeté parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve. Il suffit de dire qu'il n'y a aucune preuve se rapportant à l'emploi ou à la promotion de la marque de commerce au Canada.

[98]           Enfin, dans la mesure où le motif d'opposition concerne la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce verbale NIKITA, mes commentaires précédents au sujet des ambiguïtés et des lacunes que comporte la preuve de l'Opposante demeurent applicables. En tout état de cause, le résultat du motif d'opposition serait le même indépendamment de la réponse à la question de savoir si l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve. En effet, le motif d'opposition serait rejeté soit parce que l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve, soit parce que, pour des raisons similaires à celles exposées dans mon analyse du motif fondé sur l'article 12(1)d), je conclurais, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'existait pas de probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce verbale NIKITA de l'Opposante à la date du 7 novembre 2013.


 

Décision

[99]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

______________________________

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.


 

Annexe « A »

 

Résumé des motifs d'opposition

 

a)       La demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30b) de la Loi. La Requérante n'a pas employé la Marque au Canada tel qu'elle le revendique dans la demande. Subsidiairement ou cumulativement, l'emploi allégué de la Marque a été entièrement ou partiellement interrompu.

b)      La demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30i) de la Loi. La Requérante a faussement déclaré qu'elle était convaincue de son droit à l'emploi de la Marque au Canada puisque : i) l'emploi de la Marque empiète sur les droits de l'Opposante; ii) l'emploi de la Marque contrevient à l'article 22 de la Loi; iii) l'adoption et l'emploi de la Marque contreviennent à l'article 7b) de la Loi.

c)       La demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30a) de la Loi. Les termes employés pour décrire les produits visés par la demande ne sont pas suffisamment spécifiques.

d)      La Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi compte tenu de la confusion avec les marques de commerce NIKITA de l'Opposante enregistrées sous les nos LMC689,118 et LMC689,948.

e)       La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'article 16(1)a) de la Loi. À la date pertinente, la Marque créait de la confusion avec les marques de commerce NIKITA, soit verbale soit figurative, de l'Opposante qui avaient été antérieurement employées ou révélées au Canada en liaison avec les produits spécifiés dans les enregistrements allégués ou avec des produits similaires.

f)       La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'article 16(1)c) de la Loi. À la date pertinente, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial NIKITA de l'Opposante qui avait été antérieurement employé.

g)      La Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi puisque : i) la Marque ne distingue pas les produits de la Requérante des produits liés aux marques de commerce et au nom commercial NIKITA de l'Opposante; ii) des tiers, dont 1455552 Ontario Limited, ont employé la Marque en dehors du cadre de l'emploi sous licence prévu à l'article 50 de la Loi; iii) par suite de son transfert, plus d'une personne, dont 1455552 Ontario Limited, détenait des droits à l'égard de la Marque et a exercé ces droits, en contravention de l'article 48(2) de la Loi.


 

Annexe B

 

Pièce 3 - Transcription du contre-interrogatoire de M. Aeschbacher

 

 


 

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2016-09-20

 

COMPARUTIONS

 

Laurent Carrière                                                                       POUR L’OPPOSANTE

 

Kenneth D. McKay                                                                 POUR LA REQUÉRANTE

 

 

AGENT(S) AU DOSSIER

 

ROBIC                                                                                    POUR L'OPPOSANTE

 

SIM & MCBURNEY                                                             POUR LA REQUÉRANTE

 

 

 

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