Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION


LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 78

Date de la décision : 2010-06-10

 

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Forall Confezioni S.p.A., visant l’enregistrement no LMC575637 de la marque de commerce LAB au nom de Little American Businesses, Inc.

[1]               Le 24 avril 2008, à la demande de Forall Confezioni S.p.A. (la partie requérante) formulée le 28 mars 2008, le registraire a fait parvenir un avis en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Little American Businesses, Inc. (l’inscrivante), la propriétaire inscrite de la marque de commerce LAB portant le numéro d’enregistrement LMC575637 (la Marque).

[2]               La Marque est enregistrée pour être employée en liaison avec les marchandises et services suivants :

Vêtements de loisirs et vêtements de sport, nommément tee-shirts, ceintures, chaussettes, shorts, pantalons, chemises en tricot, chemises tissées, jeans, chandails, jupes, robes, chemisiers, débardeurs, chandails en molleton/chandails légers, vestes, manteaux, chaussures, bottes, chapeaux et casquettes (les Marchandises).

Crédit-bail et location d’immobilier, y compris crédit-bail et location d’espaces de galerie marchande; services de magasin de détail et de point de vente dans le domaine des articles suivants : vêtements, articles chaussants, coiffures et autres accessoires, musique, livres, aliments, restaurants et cafés. Services de magasin de détail et de point de vente au détail dans le domaine de vêtements de loisirs et des accessoires (les Services).

[3]               Cet avis exige que l’inscrivante démontre si la Marque a été employée au Canada en liaison avec chacune des Marchandises et chacun des Services à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. La période pertinente en l’espèce est la période allant du 24 avril 2005 au 24 avril 2008 (la période pertinente).

[4]               En réponse à l’avis, l’affidavit de Shaheen Shaheen Sadeghi ainsi que les pièces 1 à 4 ont été produits. Seule la requérante a produit des observations écrites et aucune audience n’a été demandée.

[5]               Les procédures prévues à l’article 45 sont considérées comme des procédures sommaires et expéditives visant à radier du registre les marques de commerce qui ne sont plus en usage. L’expression « éliminer le bois mort » est souvent employée pour décrire ce type de procédure [voir Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 13 C.P.R. (3d) 289].

[6]               Une simple allégation d’utilisation de la Marque ne constitue pas une preuve suffisante de l’emploi de celle-ci en liaison avec les Marchandises et les Services au sens de l’article 4 de la Loi. Il n’est pas nécessaire de présenter une surabondance de preuves pour établir cet emploi. Cependant, toute ambiguïté que comporte la preuve produite est interprétée à l’encontre du propriétaire de la Marque [voir Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980) 53 C.P.R. (4th) 62 et Footlocker Group Canada Inc. c. Steinberg (2005), 38 C.P.R. (4th) 508].

[7]               Monsieur Sadeghi est le président de l’inscrivante depuis mai 1993 et habite en Californie, aux États-Unis. Il allègue qu’au cours de la période pertinente, l’inscrivante a employé la Marque au Canada en liaison avec des tee-shirts et des chapeaux. Afin de prouver cet emploi, il a produit une lettre de transport aérien internationale de FedEx et une facture se rapportant à une vente de ce type de marchandises sur lesquels figure la Marque. La facture a été envoyée à Aquarius Scuba Diving Centre. M. Sadeghi allègue que l’opération a été conclue dans la pratique normale du commerce de l’inscrivante. La facture concerne la vente de 15 tee-shirts et de 10 chapeaux et porte la date du 10 avril 2008. M. Sadeghi a également produit une photographie du haut d’un tee-shirt sur lequel figure une étiquette portant la Marque. Il déclare que le tee-shirt [traduction] « est identique pour l’essentiel à celui dont il est fait mention sur la facture... ». Il ajoute que la Marque [traduction] « figure de façon à peu près identique sur les chapeaux LAB dont il est fait mention sur la facture... ».

[8]               Il n’y a aucune preuve d’activités qui auraient pu constituer un emploi de la Marque en liaison avec les autres marchandises ou avec l’un ou l’autre des Services au Canada au cours de la période pertinente.

[9]               En ce qui concerne cette partie de la preuve, la requérante a invoqué les arguments suivants : l’inscrivante a simplement présenté une preuve d’une vente symbolique qui ne constitue pas une preuve suffisante de l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec l’une ou l’autre des Marchandises; l’inscrivante n’a nullement décrit ce qui constituait sa pratique normale du commerce et, si la Marque a été employée, elle ne l’a pas été par l’inscrivante, mais par une tierce partie, de sorte que cet emploi ne peut être attribué à l’inscrivante.

[10]           Les deux premiers arguments sont liés entre eux; M. Sadeghi déclare dans son affidavit que l’opération susmentionnée a eu lieu dans la pratique normale du commerce de l’inscrivante. Il ne décrit pas les activités commerciales de celle-ci à l’égard de la vente des Marchandises. Toutefois, il décrit quelques-unes des activités commerciales de l’inscrivante en liaison avec les Services, qui n’ont aucun lien avec les Marchandises. Dans Sim & McBurney c. Majdell Manufacturing Co. (1986), 11 C.P.R. (3d) 306, le juge Strayer s’est exprimé comme suit :

Il convient de remarquer d'abord que l'affidavit n'atteste même pas, quelque part, que l'emploi de la marque de commerce TUFF STUFF, par l'intimée, était fait « dans la pratique normale du commerce ». Selon l'arrêt Plough, une telle déclaration, en elle-même, ne suffirait pas, en tout cas, mais elle constituerait au moins un début de conformité aux exigences de l'article 44. Le problème plus sérieux est que les faits exposés dans l'affidavit ne permettent ni au registraire ni à la Cour d'inférer que les ventes dont il s'agit ont eu lieu dans la pratique normale du commerce. En réalité, la nature de ce « commerce » de l'intimée n'est décrite clairement nulle part. L'avocat de l'intimée a soutenu que la nature du commerce de l'intimée est établie comme il convient par la raison sociale de la société, laquelle comprend le terme anglais « manufacturing »; mais cela ne suffit pas à mon avis. D'une part, il n'est pas rare que les raisons sociales ne décrivent qu'une partie des activités des sociétés; parfois elles n'en décrivent aucune qui soit encore exercée. D'autre part, même si le registraire avait pu déduire que l'intimée était un fabricant, comment savoir à qui elle vend dans la pratique normale du commerce? À des grossistes? À des détaillants? À des particuliers par l'intermédiaire de points de vente à l'usine? Aucun renseignement n'est fourni sur le volume des ventes, le nombre ou la localisation des acheteurs, etc., si ce n'est pour trois transactions précises, dont l'affidavit fait état très brièvement, par renvoi aux pièces B, C et D.

[11]           Aucun renseignement n’est donné au sujet de la relation entre l’inscrivante et Aquarius Scuba Diving Center. Il est établi qu’une seule vente dans la pratique normale du commerce suffit pour permettre à l’inscrivante de se décharger du fardeau qui lui incombe dans le contexte de l’avis prévu à l’article 45. Cependant, en l’absence de renseignements sur la nature de la pratique normale du commerce de l’inscrivante, la preuve d’une seule vente ne constituerait pas une preuve suffisante de l’emploi de la marque de commerce en litige. De plus, la vente en question n’a eu lieu que 14 jours avant la délivrance de l’avis et après la production de la demande s’y rapportant. Aucun élément de la preuve ne montre que l’une ou l’autre des autres marchandises a été vendue au Canada.

[12]           Dans Guido Berlucchi & C. S.r.l. c. Brouillette Kosie Prince (2007), C.F. 245, la juge Gauthier s’est exprimée comme suit :

Même s’il existe une certaine jurisprudence indiquant que la divulgation du volume de ventes ou du nombre d’acheteurs ou de transactions a pu être pertinente et nécessaire pour établir l’« emploi » de la marque, la très grande majorité des décisions reconnaissent que la preuve d’une seule vente, en gros ou au détail, effectuée dans la pratique normale du commerce peut suffire dans la mesure où il s’agit d’une véritable transaction commerciale et qu’elle n’est pas perçue comme ayant été fabriquée ou conçue délibérément pour protéger l’enregistrement de la marque de commerce en litige (Osler, Hoskin & Harcourt c. Canada (Registraire des marques de commerce), (1997) 77 C.P.R. (3d) 475, [1997] A.C.F. no 1671 (QL); Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd., (1987) 13 C.P.R. (3d) 289, à la page 293, [1987] A.C.F. no 26; Quarry Corp. c. Bacardi & Co. (1996) 72 C.P.R. (3d) 25, [1996] A.C.F. no 1671 (QL); Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. et al. (No. 2), (1987) 17 C.P.R. (3d) 237, [1987] A.C.F. no 848 (C.A.F.) (QL); Coscelebre, Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce), (1991) 35 C.P.R. (3d) 74, [1991] A.C.F. no 61 (QL);  Pernod Ricard c. Molson Companies Ltd., (1987) 18 C.P.R. (3d) 160, [1987] A.C.F. no 1004 (QL).

[13]           Le fait que la facture a été établie par The Lab (Antimall), et non par l’inscrivante, constitue un autre problème majeur. Dans son affidavit, M. Sadeghi s’est exprimé comme suit :

[traduction]

5. Je souligne que Little American Businesses, Inc. est également connue sous le nom de The Lab Holding-Lab Antimall, qui s’écrit également parfois comme suit : The Lab (Antimall).

[14]           Les lettres produites comme pièce 3 et jointes à l’affidavit de M. Sadeghi sont adressées à LAB Holding, LLC, entité différente de l’inscrivante, étant donné que les lettres « LLC » signifient « limited liability corporation » [société à responsabilité limitée]. L’adresse de cette entité coïncide avec celle qui figure sur la facture, laquelle est différente de l’adresse de l’inscrivante. Malgré l’allégation formulée par M. Sadeghi et reproduite ci-haut, une différence existe entre l’identité de l’inscrivante en l’espèce et celle de l’entité mentionnée dans les lettres en question.

[15]           En tentant de concilier les renseignements figurant dans les documents produits par le déposant (facture et lettres) avec les allégations contenues dans l’affidavit, nous constatons certaines ambiguïtés. Or, toute ambiguïté que comporte la preuve de l’inscrivant doit être interprétée contre celui-ci [voir les arrêts Plough et Footlocker, susmentionnés].

[16]           Même si les procédures prévues à l’article 45 sont sommaires de par leur nature, la preuve de l’inscrivante comporte trop d’anomalies pour qu’il soit permis de considérer la seule vente établie comme une opération commerciale conclue dans la pratique normale du commerce de l’inscrivante. Aucun renseignement n’est fourni au sujet de la nature de l’entreprise de celle‑ci, exception faite de la fourniture de locaux à bail selon une formule différente de celle des galeries marchandes habituelles, tel qu’il est mentionné dans l’une des lettres produites comme pièce P-3 de l’affidavit de M. Sagedhi. J’estime que cette preuve montre en soi que ce type d’entreprise n’a aucun lien avec la vente des Marchandises. De plus, il semblerait que la vente a été conclue par une entité autre que l’inscrivante, d’après les nom et adresse qui figurent sur la facture.

[17]           Je souligne également que, dans ses observations écrites, la partie requérante a mentionné des faits qui ne font pas partie de la preuve qu’elle avait produite; je n’ai pas tenu compte de ces faits pour arriver à ma décision.

[18]           Quoi qu’il en soit, j’arrive à la conclusion qu’il n’y a aucune preuve de l’emploi de la Marque au Canada en liaison avec l’un ou l’autre des Services ou des Marchandises au cours de la période pertinente. Si ma conclusion est erronée, une preuve d’emploi de la Marque au Canada a été établie au cours de la période pertinente, mais uniquement en liaison avec des tee‑shirts et des chapeaux, et aucune preuve d’emploi de la Marque n’a été produite en liaison avec les Services.

[19]           Le défaut d’emploi de la Marque au Canada au cours de la période pertinente ne signifie pas nécessairement que celle-ci sera radiée du registre. L’enregistrement pourra être maintenu si l’inscrivante expose les motifs justifiant le défaut d’emploi de la Marque. Il appartient au registraire de décider, en se fondant sur la preuve au dossier, s’il existe des circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi de la Marque en liaison avec la totalité ou l’un des Services et Marchandises [voir le paragraphe 45(3) de la Loi].

[20]           Le test applicable en ce qui a trait aux circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi a été énoncé dans Canada (Registrar of Trade Marks) c. Harris Knitting Mills Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 488, et Ridout & Maybee c. Sealy Canada Ltd. (1999), 87 C.P.R. (3d) 307, confirmant 83 C.P.R. (3d) 276 [voir également Spirits International N.V. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (2007), 60 C.P.R. (4th) 31]. Trois critères importants doivent être examinés : 1) la durée du défaut d’emploi de la marque de commerce; 2) si le défaut d’emploi par le propriétaire s’explique par des circonstances indépendantes de sa volonté et 3) si la preuve autorise à conclure que le titulaire de l’enregistrement a réellement l’intention de reprendre l’emploi de la marque dans un bref délai.

[21]           Dans le jugement qu’elle a rendu plus récemment dans Scott Paper Limited c. Smart & Biggar et al. (2008), 65 C.P.R. (4th) 303, la Cour d’appel fédérale a révisé la jurisprudence concernant le paragraphe 45(3) de la Loi et a tiré les conclusions suivantes :

1-     La règle générale porte que le défaut d’emploi est sanctionné par la radiation.

2-     Il existe une exception à la règle générale lorsque le défaut d’emploi est attribuable à des circonstances spéciales.

3-     Les circonstances spéciales sont des circonstances qui ne se retrouvent pas dans la majorité des cas de défaut d’emploi de la marque.

4-     Les circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi de la marque doivent être les circonstances auxquelles le défaut d’emploi est attribuable.

[22]           Il n’y a aucune mention de la date à laquelle la Marque a été employée pour la dernière fois au Canada. Dans ces circonstances, la date du dernier emploi est réputée être celle de l’enregistrement de la Marque, soit le 13 février 2003 [voir GPS (U.K.) Ltd. c. Rainbow Jean Co (1984), 58 C.P.R. (3d) 535]. En conséquence, la durée du défaut d’emploi dépasse cinq ans, eu égard à la période pertinente.

[23]           Pour expliquer le défaut d’emploi de la Marque au Canada au cours de la période pertinente en liaison avec les services de location au détail, M. Sadeghi formule des allégations qui peuvent être résumées comme suit. Eu égard à la nature de l’entreprise de l’inscrivante et au rôle qu’il joue, il était souhaitable pour lui de créer de nouvelles relations d’affaires à l’extérieur des États-Unis. L’inscrivante compte 14 employés, en plus de lui‑même et de son épouse, qui s’occupent de la comptabilité et de la tenue de livres. M. Sadeghi allègue qu’il est [traduction] « responsable de la commercialisation générale et surveille la gestion des propriétés, les baux pour commerces de détail, la construction, etc. ... ».

[24]           Monsieur Sadeghi soutient que, étant donné qu’il a dû prendre soin de son père malade, qui a été victime d’une crise cardiaque majeure il y a huit ans, sa capacité d’établir de nouvelles relations à l’étranger, y compris au Canada, a été sensiblement réduite. Je souligne que cette situation malheureuse existait avant la date à laquelle l’inscrivante a obtenu l’enregistrement de la Marque au Canada.

[25]           Monsieur Sadeghi allègue que sa mère est trop âgée et malade elle-même pour s’occuper de son époux. Étant donné qu’il est le seul parent de la région, ses parents comptent sur lui pour prendre soin d’eux. Il soutient qu’il consacre 23 heures par jour aux soins de son père. En conséquence, il n’a pas eu le temps de créer de nouvelles relations d’affaires à l’extérieur des États-Unis.

[26]           Monsieur Sadeghi allègue également que l’inscrivante est touchée par la situation financière mondiale qui touche l’industrie du crédit depuis août 2007 ou avant. À cet égard, il a produit des articles sur le sujet qu’il a joints à son affidavit comme pièce 4. Les deux premiers articles semblent être tirés de sites Internet étrangers, soit le site du New York Times et l’autre du Royaume-Uni, en l’occurrence, le Guardian. Il n’est nullement question du marché canadien dans ces deux articles. Quoi qu’il en soit, leur contenu constitue une preuve par ouï-dire inadmissible.

[27]           Quant à la dernière publication, il s’agirait apparemment d’un rapport publié par Price Waterhouse Coopers et intitulé « Emerging Trends in Real Estate 2009 ». Ce rapport comporte l’avis de droit d’auteur « © October 2008 », ce qui serait à l’extérieur de la période pertinente. En tout état de cause, le contenu de ce document constitue également une preuve par ouï‑dire inadmissible. Si j’ai tort à ce sujet, je souligne l’extrait suivant du rapport : [traduction] « Dans l’ensemble, le Canada pourrait être éclaboussé, mais devrait éviter les problèmes majeurs vécus au sud de la frontière. » Les articles de la dernière publication portent essentiellement sur les tendances prévues pour 2009, ce qui n’aide guère l’inscrivante en l’espèce. Quant à l’article intitulé « Emerging trends in Canada » [tendances émergentes au Canada], il fait état lui aussi de projections pour l’année 2009.

[28]           La pièce 3 jointe à l’affidavit de M. Sadeghi est constituée de copies de deux lettres adressées par All City Storage Ltd., située à Toronto (Ontario), à LAB Holding, LLC. L’une de ces lettres est datée du 19 février 2008 et l’autre, du 13 juin 2008, cette date étant postérieure à la période pertinente. En se fondant sur ces lettres, le déposant fait valoir que l’inscrivante a pris des mesures importantes au cours de la période pertinente pour établir des relations afin de fournir des services de location au détail au Canada. Cette affirmation semble aller à l’encontre de son allégation précédente selon laquelle il n’a pu consacrer de temps à la création de liens commerciaux au Canada.

[29]           Comme la requérante l’a souligné, les lettres sont adressées à Lab Holding LLC, qui est une entité différente de l’inscrivante, tel qu’il est mentionné plus haut. Malgré cette divergence, le texte suivant figure dans la première lettre : [traduction] « Je discuterai de cette possibilité avec mes associés et je vous informerai si nous [All City Storage Ltd.] trouvons un emplacement qui pourrait convenir pour cette entreprise. » Dans la lettre subséquente, l’auteur déclare ce qui suit : [traduction] « Comme vous le vivez sans doute vous-même dans le cadre de vos projets, le marché se repositionne ici en ce moment, mais nous croyons toujours que de bonnes occasions se présenteront sous peu. »

[30]           Même si je déduisais de ces lettres qu’elles étaient effectivement adressées à l’inscrivante, elles ne renferment pas la moindre indication de la date à laquelle celle-ci aurait eu l’intention de recommencer à employer la Marque au Canada en liaison avec les Services. De plus, ces lettres provenant d’une tierce partie ne permettent pas de conclure que l’inscrivante elle‑même a l’intention de recommencer à employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises.

[31]           En dernier lieu, le déposant fait les déclarations suivantes :

[traduction]

20. Par suite de la crise et malgré mes tentatives pour obtenir du financement en 2007 et 2008, je n’ai pu trouver les fonds nécessaires pour lancer mes projets au Canada, ce qui aurait permis à mon entreprise d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec la totalité des marchandises et des services visés par la demande.

21. Compte tenu de ce qui précède, mon entreprise a indéniablement tenté de créer des liens au Canada afin d’employer la marque de commerce LAB en liaison avec la totalité des marchandises et des services mentionnés dans l’enregistrement. Malheureusement, étant donné que j’ai dû m’occuper de mon père et que je n’ai pu obtenir les fonds nécessaires, ces projets ne se sont pas encore concrétisés.

[32]           En ce qui a trait à la maladie du père du déposant, il s’agit d’une situation fort difficile à laquelle on ne saurait être insensible, mais qui ne constitue pas une circonstance spéciale au sens du paragraphe 45(3) de la Loi. La maladie remonte à une date antérieure à l’obtention de l’enregistrement de la Marque. Il n’y a pas la moindre preuve du fait que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les Marchandises ou les Services au cours de la période pertinente. Le déposant a déclaré que l’inscrivante compte au moins 14 employés. Il a également affirmé qu’il doit passer 23 heures par jour avec son père. Je connais les décisions dans lesquelles il a été conclu que la maladie d’un employé clé d’une entreprise pendant une certaine période pouvait constituer une « circonstance spéciale » justifiant le défaut d’emploi d’une marque de commerce; cependant, dans la présente affaire, il ne s’agit pas de la maladie d’un employé clé de l’inscrivante. La situation est la même depuis plus de huit ans et, si louable que soit la décision du déposant de s’occuper de son père, elle demeure une décision que lui-même a prise et non une situation indépendante de la volonté de l’inscrivante.

[33]           Le déposant invoque la situation économique mondiale. Aucun élément de preuve n’appuie son allégation selon laquelle il n’a pu obtenir les fonds nécessaires pour entreprendre les projets de l’inscrivante au Canada. Dans les lettres susmentionnées, il n’est pas question de financement, mais de projet possible avec l’inscrivante. Aucun renseignement n’est fourni quant aux dates auxquelles le déposant aurait tenté d’obtenir des fonds et quant aux personnes auxquelles il se serait adressé à cette fin. J’ai déjà souligné que les trois articles constituent une preuve par ouï-dire inadmissible. Même si je devais tenir compte de cette preuve, il a été décidé dans le passé que la récession et les fluctuations de la situation économique ne constituent pas des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi d’une marque de commerce au sens du paragraphe 45(3) de la Loi [voir Lander Co. Canada Ltd. c. Alex E. Macrae & Co. (1993), 46 C.P.R. (3d) 417].

[34]           Il appert des deux lettres envoyées par All City Storage que des discussions étaient en cours. Néanmoins, j’estime que ces discussions ne prouvent pas l’intention de recommencer à employer la Marque [voir Mendelsohn Rosentzveig Shacter c. Dalgety Spillers Foods Ltd. (2001), 16 C.P.R. (4th) 557]. Quoi qu’il en soit, comme je l’ai déjà mentionné, ces lettres étaient adressées à une entité autre que l’inscrivante.

[35]           Enfin, l’affidavit de M. Sadeghi ne comporte pas la moindre indication de la date à laquelle l’inscrivante recommencera à employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et les Services.

[36]           Pour tous les motifs exposés ci-dessus, je conclus que l’inscrivante n’a pas prouvé que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les Marchandises et les Services au cours de la période pertinente, ni n’a prouvé l’existence de « circonstances spéciales » justifiant le non-emploi de la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et les Services au cours de cette période au sens du paragraphe 45(3) de la Loi.

[37]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, l’enregistrement nLMC575637 sera radié conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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