Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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Traduction/Translation

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 167

Date de la décision : 2011-09-20

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée par Spiegel Sohmer Inc. visant l’enregistrement no 645387 pour la marque de commerce MAVERICK au nom de Maverick Brewing Company 2009 Ltd.

 

[1]               Le 7 mai 2009, à la demande de Spiegel Sohmer Inc. (la partie requérante), le registraire des marques de commerce a donné l’avis prévu à l’art. 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), à Maverick Brewing Corporation, qui était à l’époque la propriétaire inscrite (l’inscrivante initiale) de la marque de commerce MAVERICK (la Marque), dont le numéro d’enregistrement est  LMC645387. La Marque est enregistrée en liaison avec boissons alcoolisées brassées.

[2]               Selon l’article 45 de la Loi, le propriétaire inscrit de la marque de commerce doit, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, indiquer si la marque a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis, et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. En l’espèce, la période pertinente pour établir l’emploi commence le 7 mai 2006 et se termine le 7 mai 2009 (la période pertinente).

[3]               L’article 4 de la Loi définit ce qui constitue l’emploi d’une marque de commerce :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

 

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

En l’espèce, c’est le par. 4(1) qui s’applique.

[4]               Il est bien établi que l’art. 45 de la Loi a pour objet d’énoncer une procédure simple, sommaire et expéditive pour éliminer le « bois mort » du registre. Le fardeau de preuve qui incombe au propriétaire inscrit sous le régime de l’article 45 n’est pas exigeant [Austin Nichols & Co. v. Cinnabon, Inc. (1998), 82 C.P.R. (3d) 513 (C.A.F.)]. Il n’est pas nécessaire de produire une surabondance de preuve [Union Electric Supply Co. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)]. Comme l’a déclaré le juge Russell dans Uvex Toko Canada Ltd. c. Performance Apparel Corp. (2004), 31 C.P.R. (4th) 270 (C.F.), au par. 58 :

[…] Nous savons que l’objet de l’article 45 est de débarrasser le registre du « bois mort ». Nous savons que la simple affirmation par le propriétaire de l’emploi de sa marque de commerce ne suffit pas et que le propriétaire doit « indiquer » quand et où la marque a été employée. Il nous faut des éléments de preuve suffisants pour être en mesure de nous former une opinion en vertu de l’article 45 et d’appliquer cette disposition. Également, nous devons maintenir le sens des proportions et éviter la preuve surabondante. Nous savons également que le genre de preuve exigée varie d’une affaire à l’autre, en fonction d’une gamme de facteurs tels que la nature du commerce et les pratiques commerciales du propriétaire de la marque de commerce.

[5]               En réponse à l’avis du registraire, il a été produit l’affidavit de Donald J. Gluck. Les deux parties ont produit des observations écrites. Il n’a pas été demandé d’audience.

[6]               M. Gluck est le directeur général de Maverick Brewing Company 2009 Ltd. (la propriétaire actuelle), société qui a été inscrite à titre de propriétaire de l’enregistrement no LMC645387 le 10 décembre 2009.

[7]               M. Gluck déclare être le directeur général de la propriétaire actuelle depuis le 1er janvier 2009. Il occupe également le poste de directeur de l’exploitation de Five Oaks Inc. depuis le 1er juin 2003. M. Gluck nous fait savoir que la propriétaire actuelle possède et exploite une brasserie située au 10229-105 Street NW, à Edmonton, qui avait appartenu auparavant à l’inscrivante initiale et qui avait été exploitée par celle‑ci. L’inscrivante initiale a loué la propriété où se trouvait la brasserie auprès de Five Oaks Inc. et, à titre de directeur de l’exploitation de cette entreprise, M. Gluck visitait la brasserie en moyenne deux ou trois fois par mois à l’époque où la brasserie était exploitée par l’inscrivante initiale.

[8]               L’inscrivante initiale a exploité la brasserie de septembre 2005 environ jusqu’à la suspension de ses activités en avril 2007 environ. En juillet 2007, l’inscrivante initiale a fait l’objet d’une mise sous séquestre. En juillet 2007, Meyers Norris Penny Limited a été nommé séquestre intérimaire pour gérer tous les biens de l’inscrivante initiale. Aux termes d’un accord en date du 31 octobre 2007, English Bay Enterprises Inc. a fait l’acquisition des actifs de l’inscrivante initiale, dont la Marque, auprès du séquestre intérimaire. Aux termes d’un accord entré en vigueur le 1er novembre 2007, English Bay Enterprises Inc. a vendu ses actifs à 1354322 Alberta Ltd. Le 27 janvier 2009, 1354322 Alberta Ltd. a changé sa raison sociale pour Maverick Brewing Company 2009 Ltd.

[9]               La partie requérante a fait valoir que la preuve n’établit ni l’emploi de la Marque par l’inscrivante initiale pendant la période pertinente ni l’existence des circonstances spéciales justifiant le défaut d’emploi. À l’opposé, la propriétaire actuelle a fait valoir que la preuve appuie le maintien de l’enregistrement pour ces deux ordres de motif.

[10]           La preuve concernant l’emploi se résume ainsi :

         Une enseigne affichant la Marque était exposée à l’extérieur du bâtiment durant l’exploitation de la brasserie par l’inscrivante initiale. (pièce D)

         La Marque était clairement affichée sur les boîtes dans lesquelles la bière de l’inscrivante initiale était offerte en vente avant la mise sous séquestre. (pièce E) 

         Les ventes réalisées par l’inscrivante initiale de janvier à juin 2006 s’élevaient à 167 000 $. (pièce J)

         Les ventes estimées de l’inscrivante initiale effectuées de juillet au décembre 2006 s’élevaient à 100 000 $ et en 2007 à 150 000 $ (M. Gluck fonde ces estimations sur les ventes antérieures et sur les négociations du bail avec l’inscrivante initiale).

         Le premier rapport du séquestre intérimaire remis à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, daté du 10 juillet 2007, présente les renseignements suivants : l’entreprise de l’inscrivante initiale est décrite comme une brasserie qui comptait une salle de réception destinée à l’accueil; l’inscrivante initiale a continué à exploiter l’entreprise jusqu’en avril 2007; entre avril 2007 et la date de la nomination du séquestre intérimaire, l’entreprise exerçait des activités minimales et aucun nouveau produit n’a été conçu, les activités étant limitées à l’accueil; lorsque l’inventaire des biens a été effectué le 6 juillet 2007, tous les produits finis se trouvant sur les lieux étaient abîmés puisqu’ils n’avaient pas été réfrigérés; l’inscrivante initiale a exploité une « brasserie artisanale » licence de catégorie E délivrée par l’Alberta Gaming and Liquor Commission; l’inventaire des biens comprenait 12,5 boîtes portant la marque Maverick (caisses), 1 300 bouteilles de bière de marque Maverick (approximativement), et 5 fûts à bière de marque Maverick (pleins). (pièce C)

[11]           J’estime qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de ce qui précède, que l’inscrivante initiale a effectué des ventes de bière en liaison avec la Marque au Canada entre le 7 mai 2006 et juillet 2007. Certes, il n’y a aucune preuve quant aux ventes spécifiques, telles des factures datées, mais, dans les circonstances de la présente affaire, on peut comprendre que de tels documents n’aient pas été fournis. De plus, vu l’objet de l’art. 45, il semble que la seule conclusion possible est que la Marque a été employée par l’inscrivante initiale antérieurement à la mise sous séquestre. L’inscrivante initiale exploitait clairement une « brasserie artisanale », à savoir une brasserie liée à un salon‑bar où était servie la bière ainsi brassée. L’emballage de la bière montre la façon dont la Marque était employée, conformément à l’art. 4 de la Loi, et le nombre de contenants de bière et les ventes effectuées antérieurement à la mise sous séquestre permettent de conclure qu’il y a eu des ventes de bière de marque MAVERICK pendant la période pertinente, avant juillet 2007. Certes, la preuve aurait pu être meilleure, mais je ne vois aucune raison de soupçonner que cet enregistrement particulier constitue du « bois mort ».

[12]           La preuve concernant les activités de la propriétaire actuelle depuis l’acquisition de la Marque, le 1er novembre 2007, peut être résumée comme suit :

         M. Gluck a déclaré que la propriétaire actuelle est sur le point de réintroduire une gamme de bière portant la Marque, initialement sur le marché de l’Alberta du Nord, ensuite dans le reste de la province d’Alberta, et finalement partout au Canada.

         M. Gluck a fourni la copie non datée d’un plan d’affaires sur la stratégie d’entreprise de la propriétaire actuelle, l’énoncé de mission, l’analyse du marché, les plans de marketing et de distribution, qui comprennent la vente de ses marchandises directement de la brasserie.  (pièce K)

         En janvier 2009, la propriétaire actuelle a commencé à tester la bière brassée sur le marché en liaison avec la Marque.

         M. Gluck a déclaré que, depuis mars 2009, la propriétaire actuelle a sollicité de manière pressante auprès de l’Alberta Gaming and Liquor Commission une licence pour vendre de la bière en Alberta, et qu’elle prévoyait que la licence serait accordée au plus tard à la fin de novembre 2009.

         Au 6 novembre 2009, la propriétaire actuelle était prête à offrir en vente la bière, mais elle attendait la délivrance de la licence de vente.

[13]           Là encore, la preuve concernant les efforts de la propriétaire actuelle en vue de commencer à employer la Marque qu’elle a achetée auprès de l’inscrivante initiale aurait pu être meilleure. Plus précisément, celle‑ci n’a pas expliqué pourquoi, deux ans plus tard, elle n’était pas arrivée à vendre de la bière. Il se peut que l’obtention d’une licence soit un long processus, mais il n’y a aucune preuve à cet égard. Toutefois, un délai de deux ans n’est pas déraisonnable pour un nouveau propriétaire qui essaye de redresser une entreprise ayant fait l’objet d’une mise sous séquestre. Quoi qu’il en soit, étant donné que j’ai conclu à l’existence d’une preuve suffisante que Marque a été employée dans la pratique normale du commerce en liaison avec de la bière pendant une partie de la période pertinente, la propriétaire actuelle n’a pas à établir l’existence des circonstances spéciales qui justifient le défaut d’emploi de la Marque au cours de la période de deux ans où elle a été propriétaire de celle‑ci.

Conclusion

[14]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du par. 63(3) de la Loi, l’enregistrement sera maintenu, en application de l’art. 45 de la Loi.

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 

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