Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2013 COMC 188

Date de la décision : 2013-10-31

TRADUCTION

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Amar Singh Chawal Wala, un partenariat composé de Pritam Singh, Kartar Singh et Arvinder Pal Singh, à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,486,060 pour la marque de commerce LAL GATE au nom de Goudas Food Products and Investments Limited

[1]               Amar Singh Chawal Wala, un partenariat composé de Pritam Singh, Kartar Singh et Arvinder Pal Singh (l’Opposante) a produit une opposition en vertu de l’article 38 de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) à l’encontre de la demande produite par Goudas Food Products and Investments Limited pour l’enregistrement de la marque de commerce LAL GATE.

[2]               La demande produite par Goudas Food Products and Investments Limited (la Requérante) est fondée sur un emploi de la marque de commerce LAL GATE (la Marque) au Canada depuis au moins mai 2010 en liaison avec les marchandises suivantes :

riz; pois et haricots nommément haricots rouges, haricots blancs, haricots noirs, haricots de Lima, doliques à œil noir, pois chiches, pois cajans, pois cassés, pois cassés jaunes, grosses lentilles vertes, petits haricots blancs, haricots romains, soya, haricots noirs, haricots pinto, haricots adzuki, haricots mungo (les Marchandises).

[3]               Le premier motif d’opposition repose sur l’allégation que la demande ne respecte pas les exigences de l’alinéa 30(b) de la Loi. Les autres motifs d’opposition reposent sur des allégations de confusion, dont, mais sans s’y limiter, la confusion entre la Marque et les marques de commerce LAL QILLA (no LMC343,057) et LAL QILLA & Dessin (no LMC525,444) de l’Opposante enregistrées en liaison avec le « riz ».

[4]               Seule l’Opposante a produit une preuve qui consiste en l’affidavit d’Anand (Raj) Singh, avec les pièces A à O. M. Singh est le directeur général d’Amrita Trading Company, une division d’Aikta Group Inc. Il n’y a pas eu de contre-interrogatoire.

[5]               De même, seule l’Opposante a produit un plaidoyer écrit. Il n’y a pas eu d’audience.

[6]               Pour les raisons qui suivent, la demande est rejetée.  

Fardeau ultime et fardeau de preuve initial

[7]               La Requérante a le fardeau ultime de démontrer que la demande ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, contrairement à ce qui est allégué dans la déclaration d’opposition. Cela signifie que, si la Commission n’arrive pas à une conclusion déterminante après clôture de la preuve, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante. L’Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’Opposante signifie qu’un motif d’opposition ne sera pris en considération que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de ce motif d’opposition [voir John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd, (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst.); Dion Neckwear Ltd c. Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF), et Wrangler Apparel Corp c. The Timberland Company (2005), 41 CPR (4th) 223 (CF)].

Questions

[8]               Les questions à trancher dans la présente opposition sont les suivantes :

1.      La Requérante a-t-elle employé la Marque depuis la date de premier emploi revendiquée?

2.      La Marque est-elle enregistrable en date d’aujourd’hui?

3.      La Requérante était-elle la personne ayant droit à l’enregistrement à la date de premier emploi revendiquée?

4.      La Marque distinguait‑elle les Marchandises de la Requérante à la date de production de la déclaration d’opposition?

Analyse des questions

[9]               J’analyserai tour à tour chacune des questions.

1     La Requérante a-t-elle employé la Marque depuis la date de premier emploi revendiquée?

[10]           Cette question découle du motif d’opposition alléguant que la demande ne respecte pas les exigences de l’alinéa 30(b) de la Loi. L’Opposante allègue que la Requérante n’a pas commencé à employer la Marque à la date de premier emploi revendiquée avec une partie ou la totalité des Marchandises. Il est également soutenu que l’emploi allégué de la Requérante ne représentait pas un « emploi » au sens de la Loi.

[11]           La date pertinente pour examiner les circonstances relatives à la question du non-respect de l’article 30 est la date de production de la demande, c’est-à-dire le 22 juin 2010 [voir Georgia-Pacific Corp c. Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)]. L’alinéa 30b) exige en outre que la marque visée par la demande ait été employée de façon continue dans la pratique normale du commerce depuis la date revendiquée dans la demande [voir Labatt Brewing Co c. Benson & Hedges (Canada) Ltd, (1996), 67 CPR (3d) 258 (CF 1re inst.)].

[12]           Dans la mesure où la Requérante est plus à même de connaître les faits pertinents, le fardeau de preuve initial qui incombe à l’Opposante à l’égard de ce motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30(b) de la Loi est moins exigeant [voir Tune Masters c. Mr P’s Mastertune Ignition Services Ltd, (1986), 10 CPR (3d) 84 (COMC)]. À cet égard, l’Opposante s’appuie sur l’affidavit de M. Singh pour s’acquitter de son fardeau initial.  

[13]           Monsieur Singh occupe le poste de directeur général d’Amrita Trading Company (Amrita), une division d’Aikta Group Inc., depuis 1994. Amrita est l’un des distributeurs des produits LAL QILLA de l’Opposante au Canada.

[14]           Monsieur Singh indique qu’Amrita [traduction] « compte environ 100 clients qui, à leur tour, comptent un magasin ou plus, particulièrement dans la RGT ». Je comprends que l’abréviation « RGT », employée par le déposant, fait référence à la région du Grand Toronto. M. Singh explique que dans le cadre de ses tâches, il visite chaque client presque chaque semaine. Il ajoute que même si la Requérante est sise juste au nord de Toronto, les produits LAL GATE de la Requérante [traduction] « n’ont pas été portés à son attention avant la fin de 2010 ou le début de 2011 ». Pour cette raison, il ne croit pas qu’aucune des Marchandises n’était vendue à la date alléguée de mai 2010.  

[15]           Les simples déclarations de M. Singh voulant que les produits de la Requérante n’aient pas été portés à son attention avant la fin de 2010 ou le début de 2011 ne sont pas suffisantes pour que l’Opposante s’acquitte de son fardeau initial en vertu de ce motif d’opposition, même s’il est moins exigeant. En fait, je n’accorde aucun poids au témoignage de M. Singh. D’une part, je considère que ses déclarations sont intéressées. D’autre part, il n’y a aucune indication que M. Singh aurait été mis au courant de nouveaux produits des concurrents de l’Opposante en temps opportun.

[16]           Finalement, l’Opposante n’a fourni aucune preuve pour étayer ses allégations que la Requérante n’a pas employé la Marque au sens de la Loi.

[17]           Par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur le non-respect des exigences de l’alinéa 30(b) de la Loi parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau initial de preuve.  

2     La Marque est-elle enregistrable en date d’aujourd’hui?

[18]           Cette question découle du motif d’opposition alléguant que la Marque n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)(d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce LAL QILLA (no LMC343,057) et LAL QILLA & Dessin (no LMC525,444) de l’Opposante, présentée ci-dessous, enregistrées en liaison avec le « riz ».

LAL QILLA & DESIGN

[19]           La date pertinente pour examiner le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[20]           J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire du registraire et je confirme que les deux enregistrements allégués par l’Opposante existent et couvrent le « riz ». La note de bas de page de l’enregistrement no LMC343,057 montre que l’Opposante a produit une modification de l’enregistrement le 20 mai 2011 pour étendre l’état déclaratif des marchandises afin d’inclure des ustensiles et d’autres produits alimentaires. La modification a été enregistrée le 23 janvier 2013. Cependant, puisque l’Opposante a limité son plaidoyer au « riz », je considère que les marchandises supplémentaires couvertes par la modification de l’enregistrement no LMC343,057 ne sont pas en cause.

[21]           En effet, dans la décision Massif Inc c. Station Touristique Massif du Sud (1993) Inc (2011), 95 CPR (4th) 249 (CF), la Cour fédérale a ordonné que les oppositions soient évaluées en fonction des motifs d'opposition comme ils sont plaidés. Si une opposante soutient qu'une demande contrevient à un article de la Loi en raison de circonstances précises, il n'est pas permis de repousser la demande au motif qu'elle n’est pas conforme à cet article en invoquant des raisons autres que celles plaidées. J’ajouterai que rien n’empêchait l’Opposante de demander l’autorisation de modifier sa déclaration d’opposition pour invoquer l’enregistrement de sa marque no LMC343,057 pour des marchandises additionnelles couvertes par la modification. En tout cas, les marchandises additionnelles n’auraient pas d’incidence sur l’issue de ce motif d’opposition.

[22]           Puisque l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, la question devient donc de savoir si la Requérante s’est acquittée du fardeau ultime de montrer que la Marque n’est pas raisonnablement susceptible de créer de la confusion avec l’une des marques de commerce déposées alléguées de l’Opposante.

[23]           Le test applicable en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[24]           Pour appliquer le test régissant la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles précisées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, de services ou d'entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Il n’est pas nécessaire d’attribuer un poids équivalent à chacun des facteurs énumérés ci‑dessus. [Voir Mattel, Inc c. 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c. Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC) pour une analyse complète des principes généraux régissant le test en matière de confusion.]

[25]           À mon avis, la comparaison de la Marque et de la marque de commerce LAL QILLA (no LMC343,057) permettra de réellement trancher à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d). En d’autres mots, s’il est improbable de créer de la confusion entre la Marque et cette marque de commerce déposée, alors il n’est pas probable que la Marque crée de la confusion avec la marque de commerce déposée LAL QILLA & Dessin (no LMC525,444).

[26]           Dans l’arrêt Masterpiece (précité), la Cour suprême du Canada a indiqué que le degré de ressemblance entre les marques, même s’il est mentionné en dernier lieu au paragraphe 6(5) de la Loi, est susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion; la Cour a choisi de commencer son analyse par l’examen de ce facteur. Par conséquent, je passe à l’évaluation des facteurs du paragraphe 6(5) en commençant par le degré de ressemblance entre les marques.

Le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[27]           Il est bien établi en droit que, lorsqu’il s’agit de déterminer le degré de ressemblance, les marques de commerce doivent être considérées dans leur ensemble; il faut éviter de les placer côte à côte dans le but de les comparer et de relever les similitudes ou les différences entre leurs éléments constitutifs.

[28]           Il existe nécessairement un degré important de ressemblance entre les marques des parties en raison de leur premier élément identique LAL. À cet égard, le premier élément d’une marque de commerce est le plus important quand il s’agit d’apprécier la probabilité de confusion [voir Conde Nast Publications Inc. c. Union des Éditions Modernes, (1979), 46 CPR (2d) 183 à 188 (CF 1re inst.)]. Par conséquent, je suis d’accord avec l’Opposante que prises dans leur ensemble, il y a des ressemblances dans la présentation et dans le son entre les marques des parties en raison de leur premier élément identique. J’ajouterais que la Requérante n’a présenté aucune observation pouvant me convaincre du contraire.

[29]           En ce qui a trait aux idées suggérées par les marques, l’Opposante estime que pour ses clients qui parlent hindi, elles seraient semblables. Dans son affidavit, M. Singh explique que le terme « lal qilla » signifie « fort rouge » en hindi. L’Opposante soutient que puisque [traduction] « tout fort a une entrée principale [GATE, en anglais] », les deux marques évoqueraient la même idée. Je note que l’enregistrement no LMC343,057 ne donne pas de traduction pour les mots « lal » et « qilla », mais que l’enregistrement no LMC525,444 indique que la traduction des mots « qilla » et « lal » est respectivement « fort » et « rouge ».

[30]           Compte tenu de la prétention de l’Opposante, je considère qu’il est approprié de mentionner la décision de la Cour fédérale dans Cheung Kong (Holdings) Limited c. Living Realty Inc (1999), 4 CPR (4th) 71 (CF 1re inst.) où la Cour a conclu qu’il y avait confusion entre une marque composée de caractères chinois et une marque qui en était l’équivalent en anglais. Afin de déterminer si la marque risque de créer de la confusion, le juge Evans a soutenu que la question doit être posée en fonction du marché concret dans lequel les marchandises sont offertes, ce qui représenterait le consommateur moyen approprié. Dans cette cause, la preuve montrait que la requérante ciblait la communauté chinoise de Toronto, ce qui a permis à la Cour de conclure que le marché concret pour ces marchandises était des consommateurs qui comprenaient à la fois l’anglais et le chinois.  

[31]           Alors que l’Opposante semble adapter une partie de sa publicité pour la communauté indienne du Canada (des publicités à la télévision jointes en pièce K de l’affidavit de M. Singh auraient été présentées sur des canaux spécialisés), dans la cause en l’espèce, il n’y a tout simplement pas suffisamment d’éléments de preuve qui suggèrent que le consommateur moyen des marchandises des parties serait un groupe particulier de consommateurs canadiens ayant une connaissance du hindi (et vraisemblablement de l’anglais).

[32]           En fait, la preuve de l’Opposante montre que son public cible va manifestement au-delà de cette communauté particulière. Dans son affidavit, M. Singh atteste que le riz de l’Opposante est vendu dans des marchés généralistes comme Sobeys et Loblaws, de même que dans des magasins desservant d’autres communautés ethniques, dont la communauté chinoise et des consommateurs du Moyen-Orient. Je remarque également que les copies de photographies des produits de riz LAL QILLA de l’Opposante jointes en pièce C montrent des emballages uniquement en anglais.  

[33]           Pour ces raisons, j’examinerai les idées suggérées par les marques du point de vue du consommateur canadien moyen, sans connaissance particulière du hindi. À cet égard, l’Opposante soutient que puisque la marque LAL QILLA ne suggérerait aucune idée au consommateur moyen qui ne comprend pas le hindi, on ne peut pas dire que la Marque suggère une idée différente.

[34]           Comme les termes « lal » et « qilla » ne sont pas des mots ordinaires de la langue anglaise ou française, je considère que la marque de l’Opposante ne suggère aucune idée, outre celle d’un mot inventé ou d’une langue étrangère. Compte tenu du terme « gate » [barrière] dans la Marque, cette dernière pourrait évoquer l’idée d’une « barrière, d’une ouverture ou d’un moyen d’entrer ou de sortir ». Néanmoins, puisque je considère que le premier élément permet de distinguer la Marque, quand celle-ci est prise dans son ensemble, je considère qu’il est raisonnable de conclure que la Marque n’est pas totalement différente de la marque de l’Opposante, prise dans son ensemble, en ce qui a trait aux idées qu’elles suggèrent.

[35]           Par conséquent, le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)(e) favorise l’Opposante.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[36]           Le facteur décrit à l’alinéa 6(5)(a) s’attarde à la combinaison des caractéristiques distinctives inhérentes ou acquises attribuées aux marques de commerce des parties.

[37]           Les deux marques possèdent un certain caractère distinctif inhérent puisqu’elles ne sont ni descriptives ni suggestives des marchandises des parties. Cependant, le terme « gate » [barrière] de la Marque est un mot courant du dictionnaire, tandis que le terme « qilla » de la marque de l’Opposante serait considéré par le consommateur canadien moyen comme un mot inventé ou un mot dans une langue étrangère. Par conséquent, considérant les marques de commerce dans leur ensemble, je trouve que la marque de l’Opposante possède un caractère distinctif inhérent plus important que la Marque.  

[38]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître au Canada par la promotion ou l’emploi. Cependant, la Requérante n’a pas produit de preuve de promotion ou d’emploi de la Marque au Canada.

[39]           Par contre, l’Opposante a produit une preuve de promotion et d’emploi de la marque LAL QILLA au Canada par l’entremise de l’affidavit de M. Singh.

[40]           Comme susmentionné, M. Singh occupe le poste de directeur général d’Amrita depuis 1994. Selon ses déclarations, avant la création d’Amrita, M. Singh était impliqué dans la vente et le marketing des produits de l’Opposante par l’entremise d’autres entreprises au Canada depuis au moins 1984.

[41]           En l’absence d’observations de la part de la Requérante, je ne vois pas la nécessité de discuter de la preuve de l’Opposante en ce qui concerne l’emploi et la promotion de LAL QILLA en liaison avec le riz. Plutôt, je résume ainsi le témoignage de M. Singh :

      L’Opposante transforme et vend du riz en Inde et dans divers pays du monde, dont le Canada, depuis plusieurs décennies.

      Le riz LAL QILLA est vendu au Canada depuis au moins 1984.

      Les ventes annuelles d’Amrita pour le riz LAL QILLA au Canada se chiffrent en [traduction] « millions de dollars ».

      Le riz LAL QILLA a fait l’objet de publicité au Canada.

[42]           De plus, M. Singh a versé au dossier des copies de photographies de produits de riz arborant la marque LAL QILLA [pièce C], des copies de factures et de connaissements maritimes pour le riz LAL QILLA de l’Opposante à diverses entreprises canadiennes, y compris Amrita, entre 1987 et 2011 [pièce O], des copies de publicités à la télévision pour le riz LAL QILLA qui auraient été présentées au Canada par des canaux spécialisés comme Zee Cinema et Sony India TV, avec des factures montrant des dates de diffusion en 2006 et 2007 [pièces K et L], et deux copies de publicités imprimées, dont l’une est une partie d’un dépliant de Loblaws [pièce F].

[43]           L’affidavit de M. Singh peut certainement être critiqué en raison de son caractère incomplet et imprécis en ce qui concerne la manière exacte et la mesure dans laquelle la marque de l’Opposante a été publicisée au Canada. Néanmoins, en me basant sur une lecture équitable de l’affidavit dans son ensemble, je considère raisonnable de conclure que la marque LAL QILLA est devenue connue au Canada par d’importantes ventes de riz sur une période prolongée.  

[44]           En résumé, la marque LAL QILLA possède un caractère distinctif inhérent plus important que la Marque et bénéficie d’un caractère distinctif acquis, alors que ce n’est pas le cas de la Marque. Par conséquent, le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)(a) favorise l’Opposante.  

La période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[45]           La demande d’enregistrement de la Marque est fondée sur un emploi au Canada depuis au moins mai 2010, bien que la Requérante n’ait versé aucune preuve d’emploi au dossier.

[46]           Par contre, l’enregistrement no LMC343,057 de l’Opposante revendique l’emploi de la marque LAL QILLA au Canada en liaison avec le « riz » depuis au moins le 2 avril 1983. De plus, comme susmentionné, l’Opposante a produit une preuve d’emploi de la marque LAL QILLA en liaison avec le riz, dont des copies de factures et de connaissements maritimes adressés à des entreprises au Canada et remontant aussi loin que 1987 [pièce O de l’affidavit de M. Singh].

[47]           Par conséquent, le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)(b) favorise l’Opposante.

Le genre de marchandises

[48]           Je suis d’accord avec l’Opposante que les marchandises des parties sont soit identiques, soit connexes. Les deux marques sont en liaison avec des produits alimentaires. La marque LAL QILLA de l’Opposante est enregistrée pour un emploi en liaison avec le riz tandis que les Marchandises de la Requérante comprennent du riz, des pois et des haricots.

[49]           Par conséquent, le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)(c) favorise l’Opposante.

La nature du commerce

[50]           L’Opposante a démontré que son riz est vendu dans des marchés généralistes comme Sobeys et Loblaws, de même que dans des magasins desservant la communauté indienne de même que d’autres communautés ethniques, dont la communauté chinoise et des consommateurs du Moyen-Orient.

[51]           En l’absence de preuve de la part de la Requérante et étant donné que les marchandises des parties sont soit identiques, soit connexes, aux fins de mon appréciation de la probabilité de confusion, je conclus qu’il existe une probabilité de chevauchement des voies commerciales des parties.

[52]           Par conséquent, le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)(d) favorise l’Opposante.

Autres circonstances additionnelles

[53]           L’Opposante soutient que sa preuve établissant prétendument des cas avérés de confusion de même que le caractère sensible de l’industrie alimentaire sont des circonstances additionnelles à l’appui d’une conclusion de probabilité de confusion. Cependant, je ne vois pas la nécessité de prendre en considération ces circonstances additionnelles pour trancher en faveur de l’Opposante.  

Conclusion concernant la probabilité de confusion

[54]           Au moment d’appliquer le test en matière de confusion, je l’ai considéré sous l’angle de la première impression et du vague souvenir.

[55]           Puisque j’ai conclu que chaque facteur énoncé au paragraphe 6(5) favorise l’Opposante, et gardant à l’esprit que la Requérante n’a guère manifesté d’intérêt envers cette procédure (n’ayant versé au dossier aucune preuve ni aucun plaidoyer écrit et n’ayant pas demandé d’audience), je conclus que la Marque en liaison avec les Marchandises crée de la confusion avec la marque de commerce LAL QILLA de l’Opposante pour le riz.

[56]           Par conséquent, je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve de démontrer qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce déposée LAL QILLA en liaison avec le riz. Compte tenu de ma conclusion, je ne vois pas la nécessité de décider s’il existe une probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce LAL QUILLA & Dessin de l’enregistrement no LMC525,444.

[57]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d) est accueilli dans la mesure où il repose sur l’enregistrement no LMC343,057.

3     La Requérante était-elle la personne ayant droit à l’enregistrement à la date de premier emploi revendiquée?

[58]           Cette question découle du motif d’opposition alléguant que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en vertu de l’alinéa 16(1)(a) de la Loi au regard de la probabilité de confusion avec ses marques de commerce LAL QILLA et LAL QILLA & Dessin de même que sa marque de commerce LAL, qui aurait précédemment été employée ou serait devenue connue au Canada en liaison avec le riz et/ou d’autres produits alimentaires.  

[59]           Il incombe à l’Opposante de s’acquitter du fardeau de preuve initial en démontrant que chacune de ses marques de commerce alléguées était employée ou rendue connue au Canada avant la date de premier emploi revendiquée dans la demande, nommément depuis au moins mai 2010, et n’avait pas été abandonnée à la date de publication de la demande, nommément le 15 décembre 2010 [voir le paragraphe 16(5) de la Loi].

[60]           En commençant, je considère que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne la marque de commerce LAL alléguée. Plus particulièrement, outre une simple déclaration dans l’affidavit de M. Singh affirmant que les riz LAL QILLA sont connus sous le nom « LAL » par bon nombre de ses consommateurs, l’Opposante n’a produit aucune preuve d’emploi ou de promotion de la marque LAL en liaison avec le riz, ou de tout autre produit alimentaire d’ailleurs.  

[61]           Pour ce qui est des marques de commerce déposées, je trouve que la comparaison de la Marque et de la marque de commerce LAL QILLA de l’Opposante permettra de réellement trancher à l’égard de ce motif d’opposition.

[62]           Suivant l'examen que j'ai fait de l'affidavit de M. Singh, je suis convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de démontrer que sa marque LAL QILLA est devenue connue au Canada en liaison avec le riz avant mai 2010 et qu’elle n’a pas été abandonnée au 15 décembre 2010. Cependant, je ne suis pas convaincue que l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve en ce qui concerne les autres produits alimentaires. En effet, je trouve qu’il n’existe pas de preuve évidente d’emploi de cette marque de commerce avec ces produits. Par exemple, tandis que M. Singh fournit spécifiquement des chiffres de vente pour le riz, je ne suis pas en mesure d’établir dans quelle mesure les chiffres de vente fournis pour [traduction] « tous les produits » portent sur les autres produits alimentaires, puisque [traduction] « tous les produits » comprend des marchandises comme des ustensiles, de la coutellerie et des cuillères. De plus, la majorité des copies de photographies en pièces jointes à l’affidavit de M. Singh sont des photographies des produits de riz de l’Opposante.

[63]           Compte tenu de ce qui précède, la question devient de savoir si la Requérante s’est acquittée de son fardeau de démontrer que la Marque, à partir de mai 2010, ne risquait pas raisonnablement de créer de la confusion avec la marque de commerce LAL QILLA de l’Opposante précédemment employée en liaison avec le riz.  

[64]           À mon avis, l’analyse des facteurs énoncés au paragraphe 6(5) à partir de mai 2010 plutôt qu’en date d’aujourd’hui n’a pas une incidence importante sur mon analyse précédente des circonstances additionnelles en l’espèce. Par conséquent, pour des raisons semblables à celles exprimées en vertu du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)(d), je conclus que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce LAL QILLA à la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement.  

[65]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)(a) est accueilli dans la mesure où il repose sur la confusion avec la marque de commerce LAL QILLA précédemment employée au Canada par l’Opposante en liaison avec le riz.

4     La Marque distinguait‑elle les Marchandises de la Requérante à la date de production de la déclaration d’opposition?

[66]           Considérant que j’ai déjà accueilli l’opposition en vertu de deux motifs d’opposition, je n’aborderai pas de cette dernière question, sauf pour dire qu’elle découle du motif d’opposition alléguant que la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi.

Disposition

[67]           Conformément aux pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette la demande aux termes de l'article 38 de la Loi.

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Nathalie Tremblay

 

 

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