Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 150

                                                                                                      Date de la décision : 2010-09-17

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION produite par Kruger International, Inc. à l'encontre de la demande no 1256828 pour la marque de commerce BARON au nom d'Okamura Corporation

[1]               Okamura Corporation (la Requérante) a produit le 6 mai 2005 une demande d'enregistrement de la marque de commerce BARON (la Marque), fondée sur son emploi projeté en liaison avec des meubles que spécifie l'état déclaratif des marchandises.

[2]               La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 15 novembre 2006.

[3]               Krueger International, Inc. (l'Opposante) a produit une déclaration d'opposition le 6 mars 2007.

[4]               La Requérante a produit une contre-déclaration le 16 avril 2007.

[5]               L'Opposante a produit en preuve, sous le régime de l'article 41 du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96‑195 (le Règlement), un affidavit signé par Mme Lisa Zeller le 11 janvier 2008, accompagné de pièces cotées de 1 à 27 inclusivement. La Requérante a obtenu une ordonnance l'autorisant à contre-interroger Mme Zeller, mais a décidé de ne pas le faire. Le 7 avril 2009, l'Opposante a reçu, sous le régime du paragraphe 44(1) du Règlement, l'autorisation de présenter à titre de preuve additionnelle un affidavit signé par M. Mike Novitzki le 27 janvier 2009, accompagné lui aussi de pièces cotées de 1 à 27 inclusivement.

[6]               La Requérante n'a pas présenté de preuve à l'appui de sa demande.

[7]               Le 3 octobre 2008, la Requérante a produit une demande révisée, que le registraire a acceptée le 29 du même mois. L'état déclaratif des marchandises de la demande au dossier consiste en conséquence dans la mention [TRADUCTION] « sièges de bureau ».

[8]               L'Opposante a reçu l'autorisation de produire une déclaration d'opposition modifiée à deux reprises au cours de la procédure d'opposition. Le registraire lui a accordé la dernière de ces autorisations, sous le régime de l'article 40 du Règlement, le 6 avril 2009. En conséquence, les motifs d'opposition sont ceux qu'énonce la déclaration d'opposition modifiée produite le 28 janvier 2009.

[9]               En préambule à l'exposé de ses motifs d'opposition, l'Opposante revendique la propriété de la demande d'enregistrement no 1316324, visant l'enregistrement de la marque de commerce BARRON (la marque de l'Opposante) et fondée sur l'emploi de celle‑ci au Canada depuis au moins le 17 juin 1997 en liaison avec des meubles. Cependant, la demande de l'Opposante ne forme la base d'aucun des motifs d'opposition qu'elle invoque. Les motifs d'opposition énoncés dans la déclaration d'opposition modifiée au dossier peuvent se résumer comme suit :

a)   Alinéa 38(2)c) de la Loi – la Requérante, selon l'alinéa 16(3)a) de la Loi, n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque parce que, aux dates de production de la demande et de la demande révisée, la Marque créait de la confusion avec la marque de l'Opposante, antérieurement employée et révélée au Canada.

b)   Alinéa 38(2)d) de la Loi – la Marque n'est pas distinctive, c'est‑à‑dire qu'elle ne distingue ni n'est adaptée à distinguer les marchandises de la Requérante de celles de l'Opposante.

[10]           Seule l'Opposante a déposé un plaidoyer écrit et était représentée à l'audience.

[11]           Le 26 août 2010, soit après l'audience, l'Opposante a produit auprès du registraire des copies des décisions auxquelles avaient donné lieu les oppositions qu'elle avait formées aux demandes d'enregistrement de la Marque en Union européenne et aux États-Unis. Par lettre en date du 30 août 2010, la Requérante a fait valoir qu'il n’y avait pas lieu de prendre ces décisions en considération. Sans me prononcer sur la valeur des décisions étrangères relatives à la présente affaire, j'accueille la thèse de la Requérante. Si l'Opposante souhaitait qu’il soit tenu compte ces décisions dans la présente procédure d'opposition, elle aurait dû les produire dans les délais et dans les règles.

La preuve de l'Opposante

[12]           Madame Zeller est chef de produit chez l'Opposante depuis le 5 décembre 2005, et M. Novitski y occupe le poste de directeur de la propriété intellectuelle depuis avril 1995. J'examinerai séparément leurs affidavits respectifs plus loin, mais je voudrais d'abord récapituler les éléments de preuve pour l'essentiel identiques qu'ils présentent.

[13]           L'Opposante est propriétaire de plus de 100 demandes et enregistrements actifs de marques de commerce au Canada.

[14]           Fondée en 1941, l'Opposante [TRADUCTION] « fabrique une gamme étendue et diversifiée de meubles pour bureaux, commerces, établissements d'enseignement et établissements médico-sociaux, destinés à toutes sortes de consommateurs et à de multiples marchés ». Les clients de l'Opposante comprennent [TRADUCTION] « des collèges et universités, des écoles, des hôpitaux et établissements sanitaires, des organismes d'État, et diverses catégories d'entreprises et de commerces ». Kruger International Canada, Inc. (KICI) reçoit les bons de commande et distribue les produits aux clients de l'Opposante ou les leur fait expédier par l'intermédiaire de cette dernière.

[15]           On a fait la promotion au Canada des produits de l'Opposante par divers moyens : textes publicitaires, communiqués de relations publiques, salons professionnels, site Web de l'Opposante (www.ki.com) et activité des représentants de commerce de KICI. Le site Web de l'Opposante, mis en ligne le 1er février 2001, [TRADUCTION] « a reçu en moyenne annuelle de 2004 à 2006 quelque 500 000 visiteurs, dont environ 15 000 du Canada, les visiteurs canadiens représentant donc à peu près 3,3 % du total mondial pour cette période ».

L'affidavit de Lisa Zeller, fait le 11 janvier 2008

[16]           Madame Zeller a déposé sous la cote 1 une copie de la demande no 1316324 de l'Opposante. Elle déclare que la marque de l'Opposante est employée au Canada depuis au moins le 17 juin 1997 en liaison avec [TRADUCTION] « toutes sortes de meubles » fabriqués par l'Opposante. J'interprète les expressions [TRADUCTION] « produit BARRON » et « produits BARRON » qui se retrouvent tout au long de l'affidavit de Mme Zeller comme désignant les meubles liés à la marque de l'Opposante. Par conséquent, toute mention que je ferai ci‑après des « produits BARRON » se rapportera aussi aux meubles liés à la marque de l'Opposante.

[17]           Madame Zeller explique que les produits BARRON se répartissent en quatre styles, soit les tables à pieds fixes, les tables à pieds pliants, les tables à bascule et les tables « plus », et qu'ils sont vendus sous la forme standard ou avec un plateau léger, accompagnés d'un assortiment d'accessoires. La gamme standard des produits BARRON comprend plus de 300 modèles distincts. Madame Zeller a joint à son affidavit, sous les cotes 2 à 12, des imprimés tirés du site Web de l'Opposante, comprenant entre autres des exposés détaillés sur la gamme des produits BARRON et des représentations de ces produits. Elle a aussi déposé, en pièce 13, une copie d'une étiquette représentative de celles qui sont apposées sur chacun des produits BARRON vendus au Canada depuis au moins le 17 juin 1997. Je fais remarquer que la marque de l'Opposante figure sur cette étiquette.

[18]           Selon la ventilation annuelle proposée dans l'affidavit de Mme Zeller, le chiffre approximatif des ventes de produits BARRON de l'Opposante au Canada (minoré aux fins de confidentialité) a atteint un total de 235 000 $ pour la période 1997‑2006. Madame Zeller a aussi annexé à son affidavit, sous la cote 14, un échantillonnage de factures liées aux ventes de produits BARRON au Canada. Elle déclare que ces factures s'appliquent à la période 1997‑2007, mais je dois préciser que, d'après mon examen, elles ne portent que sur les années 1997, 1998 et 2003 à 2007.

[19]           Madame Zeller a aussi produit, sous les cotes 16 à 27 inclusivement, un échantillonnage qu'elle déclare représentatif des documents de promotion et du matériel publicitaire relatifs aux produits BARRON.

L'affidavit de Mike Novitski, fait le 27 janvier 2009

[20]           Monsieur Novitski déclare qu'au moins 42 des demandes d'enregistrement et enregistrements canadiens de marques de commerce de l'Opposante sont fondés sur l'emploi en liaison avec des sièges, et qu'au moins 18 sont basés sur l'emploi en liaison avec [TRADUCTION] « des sièges utilisés dans les bureaux ». Il a joint à son affidavit, sous la cote 2, un tableau récapitulant une certain nombre des marques de commerce de l'Opposante liées à des sièges [TRADUCTION] « conçus expressément pour usage dans les bureaux ». J'interprète l'expression [TRADUCTION] « meubles pour s'asseoir » qu'on retrouve tout au long de l'affidavit de M. Novitski comme désignant les sièges liés aux marques de commerce de l'Opposante. Par conséquent, cette expression, chaque fois que je l'emploierai ci‑après, désignera aussi les sièges fabriqués par l'Opposante.

[21]           Monsieur Novitski explique que les meubles pour s'asseoir comprennent [TRADUCTION] « toutes sortes de sièges, destinés à toutes sortes d'usages dans toutes sortes de cadres ». Il a joint à son affidavit des imprimés tirés du site Web de l'Opposante, qui décrivent en détail les meubles pour s'asseoir destinés aux bureaux (pièces 3 à 17 inclusivement), ainsi qu'un échantillonnage qu'il déclare représentatif de documents de promotion et de matériel publicitaire (pièces 19 à 27 inclusivement). 

[22]           Selon la ventilation annuelle proposée dans l'affidavit de M. Novitski, le chiffre approximatif des ventes de meubles pour s'asseoir de l'Opposante au Canada (minoré aux fins de confidentialité) a atteint un total de 19 700 000 $ pour la période 2004‑2008.

[23]           Je souligne que, s'il tend à établir que les meubles pour s'asseoir sont liés à diverses marques de commerce de l'Opposante (par exemple IMPRESS, STRIVE et KISMET), l'affidavit de M. Novitski n'atteste pas l'emploi de la marque de l'Opposante en liaison avec des produits de cette nature. J'ajouterai que l'Opposante n'a pas contesté ce point dans ses conclusions écrites. Elle soutient que le fait qu'elle fabrique et vende des meubles pour s'asseoir est une circonstance pertinente de l'espèce.

Le fardeau de preuve et les dates pertinentes

[24]           Il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels s’appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), page 298].

[25]           Bien que chacun des motifs d'opposition soit fondé sur l'allégation que la Marque crée de la confusion avec la marque de l'Opposante, les dates pertinentes pour la question de la confusion diffèrent selon le cas et s'établissent comme suit :

         Alinéas 38(2)c)/16(3)a) – la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(3)].

         Alinéa  38(2)d)/absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

[26]           J'estime que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau initial de prouver que la marque de l'Opposante était employée en liaison avec des meubles, plus précisément des tables, avant le 6 mai 2005 et n'avait pas été abandonnée à la date de l'annonce de la demande [paragraphe 16(5) de la Loi]. J'estime également que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de prouver que la marque de l'Opposante était devenue suffisamment connue au 6 mars 2007 pour priver la Marque de caractère distinctif [voir Motel 6, Inc. c. No. 6 Motel Ltd., 56 C.P.R. (2d) 44 (C.F. 1re inst.); et Bojangles’ International, LLC et Bojangles Restaurants, Inc. c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.)]. En conséquence, la Requérante supporte le fardeau de convaincre le registraire, suivant la prépondérance de la preuve, qu'il n'y avait pas, à chacune des dates pertinentes, de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de l'Opposante.  

[27]           L'examen de la preuve au dossier m'amène à conclure que la date en fonction de laquelle s'évaluerait la probabilité de confusion est sans conséquence dans cette analyse. Je passerai donc directement à la détermination de la probabilité de confusion.

Détermination de la probabilité de confusion

[28]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi dispose que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués et exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[29]           Dans l'application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, notamment celles qui sont spécifiées au paragraphe 6(5) de la Loi, soit : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. On n'attribue pas nécessairement un poids égal à ces facteurs spécifiés par la Loi. [Voir l'analyse générale que donne de ces facteurs l'arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).]

[30]           J'estime que les marques de commerce ont à peu près le même degré de caractère distinctif inhérent, encore qu'on pourrait soutenir que celui de la Marque est plus faible puisque baron/« baron » est un mot courant aussi bien en français qu'en anglais.

[31]           La preuve de l'Opposante me convainc que la marque de l'Opposante est devenue connue dans une certaine mesure et est employée au Canada depuis le 17 juin 1997, alors que la Requérante n'a produit aucun élément de preuve tendant à établir l'emploi de la Marque.

[32]           Je souscris à l'argument de l'Opposante comme quoi, par définition, le terme furniture [meubles, mobilier ou ameublement] peut désigner des marchandises très diverses, y compris des [TRADUCTION] « sièges de bureau ». À ce propos, je renvoie au Canadian Oxford Dictionary, qui définit comme suit le mot furniture : [TRADUCTION] « Ensemble des objets mobiles qui concourent à l'aménagement d'une maison, d'une chambre, etc.; par exemple : tables, sièges et lits. » En conséquence, je conclus que les marchandises des parties se chevauchent.

[33]           La Requérante n'a produit aucun élément de preuve concernant ses voies de commercialisation et elle ne spécifie pas de restrictions dans sa demande. Par conséquent, dans la détermination de la probabilité de confusion, j'estime raisonnable de conclure que les voies de commercialisation respectives des parties pourraient être identiques ou coïncider dans une certaine mesure.

[34]           En plus d'être pratiquement identiques par la présentation, la Marque et la marque de l'Opposante sont identiques par le son. Ces ressemblances l'emportent sur la différence quant aux idées suggérées – ou quant à la présence ou à l'absence de telles idées, puisque le mot baron, qui constitue la Marque, possède une signification déterminée, alors que le mot inventé barron en est dépourvu.

[35]           Enfin, la preuve introduite par l'affidavit de M. Novitski touchant les meubles pour s'asseoir que fabrique l'Opposante, encore que ce ne soit pas sous la marque de l'Opposante, constitue un facteur de plus qui me semble étayer la conclusion que la Marque crée de la confusion.

[36]           Dans l'application du test en matière de confusion, j'ai considéré qu’il s’agit d’une question de première impression et de souvenir imparfait. Je conclus à la probabilité raisonnable que la Marque incitera les consommateurs à penser que les marchandises qui y sont liées proviennent de la même source que celles liées à la marque de l'Opposante ou qu'elles se rapportent d'autre manière à l'Opposante. En conséquence, je conclus que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créait pas de confusion avec la marque de l'Opposante aux dates pertinentes. 

[37]           Vu les considérations qui précèdent, le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 16(3)a) de la Loi est accueilli. De même, j'accueille le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif de la Marque.

Décision

[38]           En vertu des pouvoirs qui me sont délégués sous le régime du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande en application de son paragraphe 38(8).

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Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

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