Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 186

Date de la décision : 2011-09-30

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Spirits International B.V. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1203487 pour la marque de commerce MOSKOVA au nom de Distilleries Melville Limitée

[1]               Le 16 janvier 2004, Distilleries Melville Limitée (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque MOSKOVA (la Marque), en liaison avec de la « vodka », fondée sur son emploi au Canada depuis au moins 1970.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 22 septembre 2004.

[3]               Le 22 février 2005, Spirits International N.V. a produit une déclaration d’opposition. Elle a reçu l’autorisation de produire une première déclaration d’opposition modifiée le 7 septembre 2007 et une seconde le 14 mars 2008. La déclaration d’opposition datée du 14 février 2008 (dont la production a été autorisée le 14 mars 2008) remplaçait notamment le nom de l’opposante par Spirits International B.V. (l’Opposante) et elle constitue la déclaration d’opposition qui est actuellement au dossier. Les motifs d’opposition soulevés se résument comme suit :

         En vertu des alinéas 38(2)a) et 30b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), la demande d’enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi parce qu’elle ne contient aucune indication précise de la date à compter de laquelle la Requérante a employé la Marque au Canada tel qu’il est exigé. Aussi, l’emploi de la Marque n’a pas été celui de la Requérante ou ne lui a pas autrement profité. De plus, la Marque n’a pas été employée de façon continue ou sans interruption depuis la date de premier emploi revendiquée. Enfin, la marque employée par la Requérante diffère considérablement de la Marque visée par la demande d’enregistrement si bien que nul ne considérerait ou ne pourrait considérer qu’il s’agit de la même marque.

         En vertu des alinéas 38(2)a) et 30i) de la Loi, la Requérante n’aurait pu être convaincue qu’elle a le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les marchandises compte tenu des allégations énoncées dans les autres motifs d’opposition.

         Contrairement à l’alinéa 38(2)d) de la Loi, à l’alinéa 29c) du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195 (le Règlement), et aux articles 2 et 4 de la Loi, l’exemple d’emploi de la Marque depuis la date de premier emploi alléguée diffère considérablement de la Marque visée par la demande d’enregistrement si bien que nul ne considérerait ou ne pourrait considérer qu’il s’agit de la même marque de commerce.

         En vertu des alinéas 38(2)b) et 12(1)b) de la Loi, la Marque donne une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises contrairement à l’alinéa 12(1)b) puisque : a) Moskova est le nom d’un lieu géographique en Russie; b) la Russie est un pays ayant acquis la renommée de producteur de vodka de qualité dans le monde entier; c) la première impression créée par la Marque lorsqu’elle est employée en liaison avec la vodka de la Requérante est que la vodka provient de la Russie; d) cependant, la véritable origine géographique de la vodka de la Requérante est la province de Québec.

         L’emploi de la Marque contrevient aux articles 52 et 74.01 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, parce qu’elle crée l’impression générale trompeuse que la vodka de la Requérante provient de la Russie. Cette impression est de nature à inciter fortement le consommateur à acheter la vodka de la Requérante en raison de la renommée que la Russie a acquise dans le monde entier comme producteur de vodka.

         En vertu des alinéas 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce déposée MOSKOVSKAYA RUSSIAN VODKA & Dessin (LMC208808) de l’Opposante, illustrée ci‑dessous, qui a été enregistrée le 15 août 1975 sur la base de l’emploi au Canada, depuis au moins le 6 juin 1966, en liaison avec la vodka (la marque déposée de l’Opposante).

RUSSIAN VODKA & DESIGN

         En vertu des alinéas 38(2)c) et 16(1)a) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, à la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement de la Marque, ou à toute autre date pertinente le cas advenant que le motif fondé sur l’alinéa 30b) soit retenu, la Marque créait de la confusion avec la marque déposée de l’Opposante et avec sa marque nominale MOSKOVSKAYA, toutes les deux déjà employées par l’Opposante au Canada depuis aussi tôt que 1966.

         En vertu des alinéas 38(2)c) et 16(1)b) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque parce que, à la date de premier emploi revendiquée, ou à toute autre date pertinente le cas advenant que le motif fondé sur l’alinéa 30b) soit retenu, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce MOSKOVSKAYA de l’Opposante employée au Canada depuis au moins aussi tôt que 1966.

         En vertu des alinéas 38(2)c) et 16(1)b) de la Loi, le cas advenant que le motif fondé sur l’alinéa 30b) soit retenu, à la date de production du 16 janvier 2004, ou à toute autre date pertinente, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce MOSKOVSKAYA de l’Opposante visée par la demande no 1065645 produite le 30 juin 2000 (revendiquant la priorité de la demande no 958555 produite le 29 février 2000 au Benelux) et avec la marque de commerce MOSKOVSKAYA & Dessin de l’Opposante visée par la demande d’enregistrement no 1065643 produite le 20 juin 2000 (revendiquant la priorité de la demande no 963143 produite le 25 avril 2000 au Benelux).

         En vertu de l’alinéa 38(2)d) et de l’article 2 de la Loi, la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, parce que, n’étant pas adaptée à les distinguer, elle ne distinguera pas les marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée des marchandises et services d’autres propriétaires et en particulier des marchandises en liaison avec lesquelles l’Opposante a déjà enregistré et employé les marques de commerce MOSKOVSKAYA au Canada.

[4]               La Requérante a produit et fait signifier une contre‑déclaration dans laquelle elle niait les allégations de l’Opposante et demandait que celle‑ci soit tenue d’en faire la preuve.

[5]               À l’appui de sa déclaration d’opposition, l’Opposante a produit les affidavits suivants :

         Mikhail Tsyplakov, no 1, souscrit le 25 mai 2007, avec les pièces A à H;

         Mikhail Tsyplakov, no 2, souscrit le 21 mai 2007, avec les pièces A à M;

         Michael Mulvey, no 1, souscrit le 14 juin 2007, avec la pièce A;

         Michael Mulvey, no 2, souscrit le 16 juillet 2007;

         Dawn Brennan, no 1, souscrit le 14 juin 2007, avec les pièces A et B;

         Dawn Brennan, no 2, souscrit le 14 juin 2007, avec la pièce A;

         Yoram « Jerry » Wind, souscrit le 6 juillet 2007, avec les pièces A et B;

         Cori Egan, souscrit le 4 juillet 2007;

         Alexandra Thompson Dobo, souscrit le 14 juin 2007;

         Lisa Thompson Dobo, souscrit le 14 juin 2007;

         Éric Demers, souscrit le 22 juin 2007;

         Barry Bett, souscrit le 14 juin 2007;

         Josihanne Lappel, souscrit le 22 juin 2007;

         Norma Berman, souscrit le 22 juin 2007;

         Tara Buckley, souscrit le 22 juin 2007;

         Lucette Dion, souscrit le 23 juin 2007;

         Rita Dion, souscrit le 23 juin 2007;

         Patricia Joyce Thebaud, souscrit le 18 juin 2007;

         Barbara Swanson, souscrit le 26 juin 2007.

[6]               La Requérante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre‑interroger Mikhail Tsyplakov sur ses affidavits datés du 21 et du 25 mai 2007, Michael Mulvey sur ses affidavits datés du 14 juin et du 16 juillet 2007 et Dawn Brennan sur ses affidavits datés du 14 juin 2007. La Requérante n’a finalement pas procédé à ces contre‑interrogatoires.

[7]               L’Opposante a également obtenu le 12 avril 2011 l’autorisation de produire des copies certifiées du rapport de l’examinateur de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’OPIC) daté du 24 janvier 2011 concernant la demande d’enregistrement no 1494511 pour la marque de commerce MOSKOVSKAYA et du rapport de l’examinateur de l’OPIC daté du 24 janvier 2011 concernant la demande d’enregistrement no 1506241 pour la marque de commerce MOSKOVSKAYA & Dessin.

[8]               Quatre jours avant la tenue de l’audience prévue le 15 avril 2011, l’Opposante a demandé l’autorisation de produire une copie certifiée de l’affidavit de Warren Redman, souscrit le 13 avril 1998, qui avait été produit dans le cadre de la procédure d’opposition Mantha & Associates c. Old Time Stove Co. (1990), 30 C.P.R. (3d) 574 (C.O.M.C.). La demande d’autorisation n’a pas été portée à mon attention avant la date de l’audience. Par conséquent, aucune décision n’a été prise à l’audience concernant cette demande d’autorisation, mais elle sera plutôt traitée comme une question préliminaire dans ma décision.

[9]               La Requérante a produit les affidavits suivants à l’appui de sa demande :

         Louis Huchette, souscrit le 22 août 2008, avec les pièces 1 à 12;

         Jean-Louis Laplante, souscrit le 22 août 2008, avec la pièce JLL-1;

         Lena Desilets, souscrit le 25 août 2008, avec la pièce LD-1.

[10]           L’Opposante a obtenu une ordonnance l’autorisant à contre‑interroger Louis Huchette et Jean-Louis Laplante sur leurs affidavits datés du 22 août 2008. L’Opposante a produit une transcription du contre‑interrogatoire de Louis Huchette, mais elle n’a pas procédé au contre‑interrogatoire de Jean‑Louis Laplante. L’Opposante a tenté de produire tardivement des réponses aux engagements qui ont finalement été versées au dossier lorsque la Requérante a reçu, le 31 juillet 2009, l’autorisation de produire un élément de preuve additionnel, sous la forme d’un affidavit d’Anne‑Marie Whittle, souscrit le 10 juillet 2009, auquel étaient jointes les pièces A à C, en vertu de l’article 44 du Règlement. La pièce A jointe à l’affidavit d’Anne‑Marie Whittle est une lettre que l’agent de la Requérante a envoyée à l’OPIC pour l’informer de la désignation d’un nouvel agent au dossier pour la Requérante. La pièce B est une lettre de l’agent de la Requérante fournissant les réponses aux engagements pris au cours du contre‑interrogatoire de Louis Huchette. La pièce C est une lettre adressée à la Requérante dans laquelle l’OPIC lui retournait la lettre de la pièce B.

[11]           Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits et étaient représentées à l’audience.

[12]           À l’audience, l’agent de l’Opposante a parlé des accessoires qu’il avait fabriqués et qui prenaient la forme d’agrandissements de deux étiquettes de produit de la Requérante figurant à la pièce LH7 jointe à l’affidavit de M. Huchette et d’agrandissements de l’annonce des produits de la Requérante figurant à la pièce LH2 jointe à l’affidavit de M. Huchette.

[13]           Sans objection de la part de l’agent de la Requérante, j’ai permis à l’Opposante d’utiliser ces accessoires au cours de l’audience à la condition qu’elle ne parle pas des couleurs des photos puisque les copies présentées en pièces jointes à l’affidavit de M. Huchette produit devant la Commission étaient en noir et blanc seulement.

 

Preuve de l’Opposante

Affidavits de Mikhail Tsyplakov

[14]           M. Tsyplakov est directeur de la filiale suisse de l’Opposante.

[15]           M. Tsyplakov fournit la preuve de l’emploi allégué par l’Opposante des diverses marques de commerce qu’elle revendique.

[16]           Il sera question de la preuve de M. Tsyplakov plus loin dans l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d). Je tiens à préciser cependant que je ne ferai pas référence aux déclarations de M. Tsyplakov exposant son opinion sur les questions intéressant le fond de l’opposition et je n’y accorderai pas d’importance non plus [voir British Drug Houses Ltd. c. Battle Pharmaceuticals (1944), 4 C.P.R. 48, à la page 53, et Les Marchands Déco Inc. c. Société Chimique Laurentide Inc. (1984), 2 C.P.R. (3d) 25 (C.O.M.C.)].

Affidavits de Michael Mulvey

[17]           M. Mulvey, Ph. D., est professeur de marketing à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa.

[18]           M. Mulvey, que l’Opposante présente comme un expert en marketing, donne son opinion sur diverses questions concernant l’impression des consommateurs devant les différentes marques de commerce en cause dans la présente affaire.

[19]           Il sera question de la preuve de M. Mulvey plus loin dans l’analyse des motifs d’opposition relatifs à la confusion.

Affidavits de Dawn Brennan

[20]           Mme Brennan est adjointe administrative au service de l’agent de l’Opposante.

[21]           Mme Brennan joint à son premier affidavit des copies certifiées des enregistrements et de la demande d’enregistrement suivants de l’Opposante :

         LMC208808 pour MOSKOVSKAYA RUSSIAN VODKA & Dessin;

         LMC208809 pour STOLICHNAYA RUSSIAN VODKA & Dessin;

         LMC612614 pour STOLICHNAYA;

         LMC617721 pour STOLI;

         LMC642065 pour KREMLYOVSKAYA;

         demande no 380016 pour MOSKOVSKAYA RUSSIAN VODKA & Dessin.

[22]           Mme Brennan joint également à son premier affidavit une copie certifiée des affidavits de Jean-François Fortin et de Jean-Louis Laplante produits en preuve par la Requérante dans une procédure d’opposition intentée par l’Opposante à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1054797 pour la marque de commerce MOSKOVA PREMIUM DELUXE VODKA & Dessin.

[23]           Mme Brennan joint à son second affidavit la traduction des affidavits de Jean‑François Fortin et de Jean‑Louis Laplante qui étaient joints à son premier affidavit.

Affidavit de Yoram « Jerry » Wind

[24]           M. Wind, Ph. D., est professeur à l’Institut Lauder et professeur de marketing à la Wharton School de l’université de Pennsylvanie.

[25]           Les services de M. Wind ont été retenus par l’Opposante pour organiser un sondage sur la probabilité de confusion entre les marques des parties. Le sondage a été mené auprès de 252 consommateurs dans cinq centres commerciaux situés à Québec, Montréal, Toronto, Edmonton et Vancouver, entre le 9 et le 18 juin 2007. Les villes de Montréal et de Québec ont été choisies parce que les marques de vodka des deux parties y sont vendues. La preuve démontre que le sondage visait à déterminer si la vodka MOSKOVA est susceptible de créer de la confusion avec la vodka MOSKOVSKAYA de l’Opposante.

[26]           Les participants au sondage étaient âgés de plus de 19 ans et susceptibles de prendre la décision d’acheter de la vodka dans un magasin, un bar ou un restaurant et avaient déjà acheté de la vodka dans un magasin, un bar ou un restaurant au cours de la dernière année ou avaient l’intention de le faire dans les trois prochains mois.

[27]           Au cours du sondage, cinq étiquettes de vodka, dont celles de MOSKOVA et de MOSKOVSKAYA, illustrées ci‑dessous, étaient montrées aux consommateurs.

                            

[28]           On a demandé aux personnes interrogées : [traduction] « Parmi ces marques de vodka, croyez‑vous que certaines sont produites par la même société? » Si elles répondaient par l’affirmative, on leur demandait ensuite de mettre ensemble les marques qui, à leur avis, étaient produites par la même société et d’expliquer pourquoi elles croyaient qu’il en était ainsi.

[29]           En tant qu’expert, M. Wind est d’avis que les résultats du sondage démontrent que 33 % des consommateurs interrogés croyaient que la vodka MOSKOVA est produite par le producteur de la vodka MOSKOVSKAYA, ou lui est autrement apparentée, en raison de la similarité des appellations. Dans la seule province de Québec, 29 % des personnes interrogées croyaient que c’était le cas. Par contre, 4 % des personnes interrogées croyaient que la vodka MOSKOVSKAYA ou la vodka MOSKOVA était apparentée à l’une des trois autres étiquettes de vodka en raison de la similarité des appellations.

[30]           J’examinerai plus en détail l’affidavit de M Wind dans l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) car je note que, comme il a été mené en 2007, le sondage est postérieur aux dates pertinentes établies pour les motifs d’opposition de l’absence de droit à l’enregistrement et de l’absence de caractère distinctif.

Autres affidavits

[31]           Les autres affidavits ont été souscrits par des personnes ayant participé à la conduite du sondage. Chacune de ces personnes déclare qu’elle a accompli les tâches qui lui avaient été assignées en conformité avec les exigences imposées et avec les normes du secteur.

Preuve de la Requérante

Affidavit et contre‑interrogatoire de Louis Huchette

[32]           M. Huchette est administrateur et trésorier de la Requérante.

[33]           M. Huchette témoigne de l’historique de l’emploi allégué de la Marque par la Requérante en liaison avec de la vodka.

[34]           Il sera question de l’affidavit et du contre‑interrogatoire de M. Huchette plus loin dans l’analyse des motifs d’opposition fondés sur la confusion.

Affidavit de Jean-Louis Laplante

[35]           M. Laplante est commis à la Société des alcools du Québec (la SAQ). M. Laplante a obtenu une copie des listes de prix publiées par la Régie des alcools du Québec et la SAQ de 1969 à 2007 dans laquelle il devait repérer les inscriptions relatives à la vodka MOSKOVA.

[36]           Il sera question de la preuve de M. Laplante plus loin dans l’analyse des motifs d’opposition fondés sur la confusion.

Affidavit de Lena Desilets

[37]           Mme Desilets travaille comme technicienne juridique pour l’ancien agent de la Requérante.

[38]           Mme Desilets joint à son affidavit des copies certifiées de la Marque et de la demande d’enregistrement no 1054797 pour la marque de commerce MOSKOVA PREMIUM DELUXE VODKA & Dessin.

Fardeau de la preuve et dates pertinentes

[39]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer, suivant la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi, mais il incombe d’abord à l’Opposante de présenter une preuve suffisante pour établir la véracité des faits allégués sur lesquels s’appuie chacun des motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

[40]           Les dates pertinentes qui s’appliquent aux motifs d’opposition soulevés sont les suivantes :

         Alinéas 38(2)a), 30b) et 30i) – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C), à la page 475, et Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc. (1990), 28 C.P.R. (3d) 428 (C.M.O.C.), à la page 432].

         Alinéas 38(2)b) et 12(1)b) – la date de production de la demande [voir Fiesta Barbeques Ltd. c. General Housewares Corp. (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F.)].

         Alinéas 38(2)b) et 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. et Registraire des marques de commerce (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)].

         Alinéas 38(2)c), 16(1)a) et 16(1)b) – la date de production de la demande [voir le paragraphe 16(1) de la Loi].

         Alinéa 38(2)d) et article 2 – la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.)].

Question préliminaire concernant la copie certifiée de l’affidavit de Warren Redman

[41]           Pour les motifs exposés ci‑après, je ne suis pas convaincue que l’importance potentielle de la preuve (qui, à mon avis, se limite à très peu de choses) l’emporterait sur le préjudice sérieux que subirait la Requérante en raison d’une preuve additionnelle soumise à une date si tardive.

[42]           Fait plus important encore, l’affidavit se rapporte à une affaire complètement différente de la présente procédure, en l’occurrence une décision citée par la Requérante dans son plaidoyer écrit et invoquée par l’agent de la Requérante à l’audience, à savoir Mantha, précitée. L’Opposante aurait vraisemblablement utilisé cet affidavit pour tenter d’écarter l’application de cette décision à la présente affaire. Je ne suis pas convaincue que l’Opposante ait besoin de cet affidavit pour le faire. De plus, le contenu de l’affidavit constituerait du ouï‑dire dans sa totalité et, par conséquent, je ne serais pas disposée à l’invoquer pour sa véracité en tout état de cause.

[43]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue qu’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder à l’Opposante l’autorisation de produire cette copie certifiée et la demande de l’Opposante est par les présentes refusée.

Rejet sommaire des motifs d’opposition

[44]           Conformément à l’arrêt Novopharm Limited c. AstraZeneca AB (2002), 21 C.P.R. (4th) 289 (C.A.F.) (Novopharm), je dois apprécier le caractère suffisant des arguments exposés dans la déclaration d’opposition au regard de la preuve.

[45]           Après avoir examiné la preuve dans son ensemble, je suis d’avis de rejeter le motif d’opposition énoncé ci‑dessous parce qu’il ne s’agit pas d’un motif d’opposition valable étant donné qu’il ne précise pas de faits pertinents importants à l’appui d’une allégation d’absence de caractère distinctif fondée sur l’alinéa 38(2)d) de la Loi.

[traduction] Contrairement à l’alinéa 38(2)d) de la Loi, à l’alinéa 29c) du Règlement et aux articles 2 et 4 de la Loi, l’exemple d’emploi de la Marque depuis la date de premier emploi alléguée diffère considérablement de la Marque visée par la demande d’enregistrement si bien que nul ne considérerait ou ne pourrait considérer qu’il s’agit de la même marque de commerce.

[46]           Le deuxième motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)b) de la Loi est plaidé comme suit :

[traduction] L’Opposante fonde également son opposition sur les motifs énoncés à l’alinéa 38(2)c), à savoir que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque de commerce MOSKOVA visée par la demande no 1203487, compte tenu des dispositions de l’alinéa 16(1)b). Plus particulièrement, à la date de premier emploi revendiquée dans la demande no 1203487, ou à toute autre date pertinente le cas advenant que le motif d’opposition fondé sur les alinéas 38(2)a) et 30b) soit retenu, la marque de commerce MOSKOVA de la Requérante, telle qu’apposée sur les marchandises à l’égard desquelles l’enregistrement est demandé sur la base de l’emploi au Canada depuis au moins 1970, créait de la confusion avec la marque de commerce MOSKOVSKAYA de l’Opposante employée au Canada depuis au moins 1966.

[47]           Ce motif d’opposition n’a pas été valablement invoqué puisque l’Opposante n’a pas précisé le numéro de la demande relative à la marque de commerce MOSKOVSKAYA revendiquée. En outre, il semble plus probable que les faits invoqués soutiennent un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi, lequel a déjà été invoqué comme un motif d’opposition distinct. Pour cette raison, le deuxième motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)b) est rejeté de façon sommaire. Le premier motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)b) sera examiné un peu plus loin.

Motifs d’opposition fondés sur l’article 30

Motifs d’opposition fondés sur l’alinéa 30i)

[48]           L’Opposante a plaidé deux motifs d’opposition qui peuvent être interprétés comme étant liés à la non‑conformité aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi. Le premier traite sans équivoque de l’alinéa 30i) et le deuxième, qui est énoncé ci‑dessous, traite également, à mon avis, de la non-conformité de la demande aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi.

[traduction] L’emploi de la Marque contrevient aux articles 52 et 74.01 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C-34, parce qu’elle crée l’impression générale trompeuse que la vodka de la Requérante provient de la Russie. Cette impression est de nature à inciter fortement le consommateur à acheter la vodka de la Requérante en raison de la renommée que la Russie a acquise dans le monde entier comme producteur de vodka.

[49]                 En ce qui a trait au motif portant précisément sur la non‑conformité aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi, l’Opposante allègue que la Requérante ne pouvait être convaincue de façon satisfaisante qu’elle avait le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises compte tenu des autres motifs d’opposition.

[50]                 Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée à l’alinéa 30i), le motif d’opposition fondé sur cette disposition ne devrait être retenu que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque la mauvaise foi du requérant a été établie [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.), à la page 155]. Étant donné que la demande renferme la déclaration exigée et qu’il n’y a aucune allégation ni preuve de mauvaise foi ou d’autres circonstances exceptionnelles, le premier motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

[51]           En ce qui a trait au second motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i), selon lequel il y aurait contravention à des dispositions de la Loi sur la concurrence, il incombe à l’Opposante de présenter une preuve prima facie de violation de la Loi sur la concurrence [voir E. Remy Martin and Co. S.A. c. Magnet Trading Corp (HK) Ltd. (1988), 23 C.P.R. (3d) 242 (C.O.M.C.); Co‑operative Union of Canada c. Tele-Direct (Publications) Inc. (1991), 38 C.P.R. (3d) 263 (C.O.M.C.); Institut National des Appellations d’Origine c. Pepperidge Farm, Inc. (1997), 84 C.P.R. (3d) 540 (C.O.M.C.)].

[52]           Dans la présente affaire, il incombait à l’Opposante de présenter une preuve suffisante permettant raisonnablement de conclure que l’emploi de la Marque par la Requérante en liaison avec de la vodka contrevenait aux articles 52 et 74.01 de la Loi sur la concurrence. Les articles 52 et 74.01 de la Loi sur la concurrence sont rédigés comme suit :

 (1) Nul ne peut, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l’utilisation d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques, donner au public, sciemment ou sans se soucier des conséquences, des indications fausses ou trompeuses sur un point important.

 (1) Est susceptible d’examen le comportement de quiconque donne au public, de quelque manière que ce soit, aux fins de promouvoir directement ou indirectement soit la fourniture ou l’usage d’un produit, soit des intérêts commerciaux quelconques :

a) ou bien des indications fausses ou trompeuses sur un point important;

[53]           Ce motif d’opposition repose sur la question de savoir si, par son emploi de la Marque avec de la vodka, la Requérante donne au public des « indications fausses ou trompeuses sur un point important ».

[54]           L’Opposante soutient que [traduction] « compte tenu de la renommée de la Russie comme fournisseur de vodka, l’impression générale créée par la marque de commerce MOSKOVA figurant sur une étiquette de vodka qui ne provient pas de la Russie constitue une indication fausse et trompeuse sur un point important ».

[55]           L’Opposante n’a produit aucune preuve admissible à l’appui de sa prétention suivant laquelle la Russie est bien connue comme fournisseur de vodka. De plus, l’Opposante n’a fourni aucune preuve à l’appui de la conclusion suivant laquelle le consommateur canadien moyen de la vodka de la Requérante croirait à tort qu’elle provient de la Russie.

[56]           Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que l’Opposante a fourni une preuve suffisante pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombait. Par conséquent, le motif d’opposition est rejeté parce que l’Opposante n’a pas réussi à s’acquitter de son fardeau de preuve.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b)

[57]           L’Opposante peut s’appuyer sur la preuve présentée par la Requérante pour s’acquitter du fardeau initial de la preuve relativement à ce motif d’opposition [voir Molson Canada c. Anheuser-Busch Inc., (2003), 29 C.P.R. (4th) 315 (C.F. 1re inst.), et York Barbell Holdings Ltd. c. ICON Health and Fitness, Inc. (2001), 13 C.P.R. (4th) 156 (C.O.M.C.)]. Par ailleurs, l’Opposante a l’obligation de démontrer que la preuve de la Requérante est [traduction] « manifestement incompatible » avec les déclarations faites dans sa demande d’enregistrement [voir Ivy Lea Shirt Co. c. 1227624 Ontario Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 562 (C.O.M.C.), aux pages 565 et 566, conf. par 11 C.P.R. (4th) 489 (C.F. 1re inst.)].

[58]                 À l’égard de ce motif d’opposition, l’Opposante soutient que la Requérante n’a pas employé la Marque visée par la demande depuis la date revendiquée. Plus particulièrement, l’Opposante soutient que la Marque a toujours figuré sur une étiquette comportant d’autres mots et éléments graphiques, laquelle est illustrée ci‑dessous (étiquette idéale).

[59]                 À l’audience, l’Opposante a utilisé le terme [traduction] « indissociables » pour décrire les éléments de l’étiquette idéale, laissant ainsi entendre que la Marque faisait partie d’un ensemble et que la Requérante n’avait jamais employé le mot MOSKOVA seul. L’Opposante fonde cet argument sur le contre‑interrogatoire de M. Huchette. L’Opposante a produit comme pièce, lors du contre‑interrogatoire de M. Huchette, l’affidavit de Roland A. Fortin, souscrit le 2 février 2004 et déposé par la Requérante dans une procédure d’opposition également en instance visant la demande d’enregistrement no 1065645 de l’Opposante pour la marque de commerce MOSKOVSKAYA. L’Opposante invoque l’affidavit de Roland A. Fortin pour étayer ses observations concernant l’alinéa 30b) de la Loi (voir Q351, à la page 91 et la pièce P6 du contre‑interrogatoire de M. Huchette qui constituent les pièces RF9 et RF10 jointes à l’affidavit de Roland A. Fortin). Plus particulièrement, l’Opposante soutient que M. Huchette et M. Fortin ont tous les deux confirmé que, de 1970 à 2000, la Requérante a employé la Marque seulement comme une partie de l’étiquette idéale. L’Opposante soutient également que M. Huchette et M. Fortin ont confirmé que, en avril 2000, la Requérante a commencé à utiliser une étiquette différente, illustrée ci‑dessous, qui, a‑t‑elle admise, remplirait les conditions requises pour l’emploi de la Marque (l’étiquette Moskova).

 

[60]                 L’Opposante invoque la décision Coastal Culture Inc. c. Wood Wheeler Inc. (2007), 57 C.P.R. (4th) 261 (C.F.) à l’appui de cet argument [voir le paragraphe 50 de cette décision]. L’Opposante soutient que, dans Coastal Culture, la preuve révélait que les marchandises de la requérante avaient toujours porté les inscriptions P.E.I. DIRT SHIRT ou THE ORIGINAL P.E.I. DIRT SHIRT, alors que c’était la marque DIRT SHIRT qui avait fait l’objet de la demande d’enregistrement. La Cour fédérale a déclaré qu’il fallait déterminer si les modifications de la marque visée par la demande « sont si négligeables qu’elles n’induiront pas les acheteurs en erreur » [voir Coastal Culture, au paragraphe 54]. En fin de compte, la Cour fédérale a conclu que « [l]a preuve établit sans équivoque que Wheeler n’a jamais employé la marque DIRT SHIRT seule […] » et le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) a été retenu [voir Coastal Culture, au paragraphe 54].

[61]                 En réponse, la Requérante a soutenu que l’affaire Coastal Culture était différente de la présente affaire. Plus particulièrement, la Requérante s’appuie sur le fait que, dans Coastal Culture, la Cour fédérale a déclaré que « [l]a fonte et la taille des caractères composant l’acronyme “P.E.I.” sont les mêmes que pour les mots “DIRT SHIRT” » [voir Coastal Culture, au paragraphe 54]. Premièrement, la Requérante a fait valoir que c’était exactement ce type d’analyse qui devrait être fait dans la présente affaire pour déterminer si la Marque a été employée ou non. L’argument de la Requérante va à l’encontre de la proposition de l’Opposante suivant laquelle la Requérante a l’obligation d’établir l’emploi de la Marque « seule ». Deuxièmement, la Requérante avance que, dans la présente affaire, le mot MOSKOVA est suffisamment différent des autres éléments (notamment la fonte utilisée) pour que l’emploi de l’étiquette composée constitue l’emploi de la Marque. En particulier, la Requérante affirme que le mot MOSKOVA qui apparaît sur l’étiquette présente une police de caractère qui se démarque nettement grâce à l’embellissement des lettres K, V et A. La Requérante soutient que, en examinant bien l’étiquette idéale, les différences dans la police de caractère et le lettrage sont suffisantes pour distinguer le mot MOSKOVA des autres mots inscrits sur l’étiquette. Je suis d’accord avec elle.

[62]                 L’Opposante invoque également l’arrêt Brasseries Molson, société en nom collectif c. John Labatt Ltée (2000), 5 C.P.R. (4th) 180 (C.A.F.), à l’appui de l’argument selon lequel la Marque doit apparaître seule pour qu’elle soit employée en conformité avec le paragraphe 4(1) de la Loi. Dans cette affaire, la marque en cause était EXPORT, mais la preuve démontrait qu’elle apparaissait seulement avec le mot MOLSON. Ainsi, toute la preuve relative à l’emploi faisait état de la marque MOLSON EXPORT.

[63]                 La Requérante avance que les faits de cette affaire sont différents de ceux de l’espèce, car les mots MOLSON et EXPORT ont toujours été présentés ensemble dans une police de caractère de même taille (voir Molson, précité, au paragraphe 57 : « [s]ur les bouteilles, les mots “Molson” ou “Molson’s” et “EXPORT” sont de même grandeur et ont la même présentation »). Il s’agit de circonstances contraires à la présente affaire où la Requérante avance que le mot MOSKOVA se distingue des autres mots, car il présente une police de caractère différente et est séparé de la marque maison MELVILLE par le nom des marchandises en liaison avec lesquelles il est employé, à savoir VODKA. La Requérante invoque également Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.) pour affirmer que l’emploi d’une marque nominale peut être corroboré par l’emploi d’une marque composée dans laquelle apparaissent la marque nominale et d’autres éléments. Je suis d’accord avec elle.

[64]                 La Requérante fait valoir qu’une marque de commerce sera considérée comme étant employée au sens de la Loi si elle est employée de telle manière qu’elle ne perde pas son identité et qu’elle demeure reconnaissable malgré les différences entre la forme dans laquelle elle a été présentée dans la demande d’enregistrement et la forme dans laquelle elle est employée. Tel qu’il a été précisé dans l’arrêt Registraire des marques de commerce c. Compagnie Internationale pour l’Informatique CII Honeywell Bull, Société Anonyme et al. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.), à la page 525 :

Le critère pratique qu’il faut appliquer pour résoudre un cas de cette nature consiste à comparer la marque de commerce enregistrée et la marque de commerce employée et à déterminer si les distinctions existant entre ces deux marques sont à ce point minimes qu’un acheteur non averti conclurait, selon toute probabilité, qu’elles identifient toutes deux, malgré leurs différences, des marchandises ayant la même origine.

[65]                 La Requérante fait valoir également qu’il ressort clairement de la jurisprudence que, si la marque employée n’est pas très différente de la marque figurant dans la demande et conserve les caractéristiques dominantes de cette dernière, pareil emploi sera considéré comme un emploi de la marque de commerce attaquée conforme à la Loi. La Requérante affirme que cette conclusion est une conclusion de droit et que, par conséquent, le témoignage des déposants ne sera pas déterminant pour la question en litige [voir John Labatt Ltée c. Brasseries Molson (1992), 46 C.P.R. (3d) 6 (C.F. 1re inst.); Promafil Canada Ltée c. Munsingwear Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 59 (C.A.F.); Banque Toronto‑Dominion c. Evergreen Savings Credit Union, [2004] C.O.M.C. no 50, au paragraphe 11].

[66]                 Je souscris aux observations de la Requérante. La démarche appropriée consiste à examiner la preuve dans le but de déterminer si la Marque, telle qu’elle apparaît sur les marchandises, se distingue suffisamment des autres éléments de l’étiquette idéale, de sorte qu’il est évident que le mot MOSKOVA est employé comme une marque de commerce en soi. La démarche appropriée ne consiste pas, comme l’a affirmé l’Opposante, à chercher une preuve de l’emploi de la marque nominale « seule ».

[67]                 La Requérante soutient également qu’il est légitime de présenter plusieurs marques ensemble sur les marchandises. La Requérante invoque plus particulièrement la décision Mantha, précitée, à l’appui de cet argument. Je signale que, dans Mantha, l’agent d’audience a fait la déclaration suivante qui s’applique également à la présente affaire :

[traduction] Comme l’indiquent clairement les paragraphes 5 et 6 de l’affidavit, la marque BEAUMONT est utilisée pour désigner une gamme de petits poêles et d’accessoires pour foyer portant également les appellations Acadian, Laurentia, etc. […] À mon humble avis, il s’agit plutôt de l’emploi de deux marques différentes; par exemple la PONTIAC PARISIENNE de General Motor ou la NEW YORKER FIFTH AVENUE de Chrysler. L’emploi similaire de plusieurs marques de commerce pour désigner une marchandise donnée dans une large gamme de produits est répandu dans tout le marché canadien.

[68]                 Il ressort clairement de l’analyse de la preuve dans son ensemble que, lorsque l’on examine l’étiquette idéale, utilisée par la Requérante entre 1970 et avril 2000, on y voit deux marques de commerce, à savoir MELVILLE, qui est la marque de commerce et le nom commercial de l’entreprise de distillerie de la Requérante, Distilleries Melville Limitée (c.‑à‑d. ce que la Requérante appelle une [traduction] « marque parapluie » puisqu’elle apparaît sur tous ses produits, comme en fait foi la pièce LH2 jointe à l’affidavit de M. Huchette), et la Marque. En outre, je constate que les deux marques de commerce sont séparées par le mot « vodka », qui est le nom de la marchandise que l’on trouve dans la bouteille sur laquelle l’étiquette est apposée.

[69]                 Je suis d’avis, comme l’a affirmé la Requérante, que le mot MOSKOVA qui apparaît avec une police de caractère différente des autres mots et éléments graphiques sur l’étiquette idéale constitue l’emploi de la Marque. De plus, je suis convaincue que l’étiquette idéale comprend deux marques de commerce, l’une étant la [traduction] « marque parapluie » utilisée pour tous les produits de la Requérante, autrement dit une marque de commerce et un nom commercial servant à identifier la Requérante elle‑même, et l’autre étant la Marque qui désigne une sous‑marque de la Requérante employée pour distinguer sa vodka de ses autres boissons alcoolisées. Enfin, je conclus également que la présence du terme générique « vodka », qui est le nom des marchandises, entre ces deux marques de commerce a pour effet de distinguer davantage le mot MOSKOVA.

[70]                 Je suis également d’avis que la preuve permet de conclure que la Requérante a vendu sa vodka de marque MOSKOVA au Canada sans interruption depuis 1970 (affidavit de M. Huchette, paragraphes 9 et 12, pièces LH4 et LH5, et affidavit de M. Laplante, pièce JLL-1). Dans son affidavit, M. Laplante fournit la preuve que la vodka de la Requérante de marque MOSKOVA est vendue à la SAQ depuis aussi tôt que1969 (pièce JLL-1). La preuve de la Requérante n’est pas donc manifestement incompatible avec la date de premier emploi revendiquée pour la Marque.

[71]                 Sur la foi de ce qui précède, je conclus que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve à l’égard du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) et, par voie de conséquence, le motif d’opposition est rejeté.

Motifs fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement

[72]           En ce qui a trait aux motifs d’opposition fondés sur le paragraphe 16(1) de la Loi, l’Opposante avance que, le cas advenant que le motif fondé sur l’alinéa 30b) soit retenu, la date pertinente deviendrait la date de production de la demande. Même si cela est vrai (voir Everything for a Dollar Store (Canada) Inc. c. Dollar Plus Bargain Centre Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d), 269 (C.O.M.C.)), dans la présente affaire, j’ai rejeté le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) et, par conséquent, la date pertinente pour l’examen des motifs d’opposition concernant l’absence de droit à l’enregistrement demeure la date de premier emploi revendiquée.

Alinéa 16(1)a) de la Loi

[73]           Le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) s’appuie sur l’emploi antérieur au Canada par l’Opposante de sa marque déposée et de la marque nominale MOSKOVSKAYA (les marques MOSKOVSKAYA de l’Opposante) depuis aussi tôt que 1966.

[74]           Même s’il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et les marques MOSKOVSKAYA de l’Opposante, il revient d’abord à l’Opposante de prouver que les marques de commerce alléguées à l’appui de son motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a) de la Loi étaient employées au Canada avant la date de premier emploi revendiquée dans la demande d’enregistrement de la Requérante (aussi tôt que 1970) et n’avaient pas été abandonnées à la date de l’annonce de la demande visant la Marque (le 22 septembre 2004) [paragraphe 16(5) de la Loi].

[75]           Pour s’acquitter du fardeau de preuve qui lui incombe, l’Opposante doit prouver que les marques MOSKOVSKAYA ont été employées par elle ou par un licencié conformément à l’article 50 de la Loi avant la date de premier emploi revendiquée par la Requérante, soit avant 1970. À l’audience, l’Opposante a soutenu que la question de savoir qui a employé les marques MOSKOVSKAYA était dépourvue de pertinence et que la seule question à trancher était plutôt de savoir s’il existe ou non une probabilité de confusion entre les marques des parties. Je ne suis pas d’accord. Comme nous le verrons plus en détail dans les paragraphes qui suivent, la preuve de l’Opposante est ambigüe quant à savoir qui emploie en fait les marques MOSKOVSKAYA, ce qui nuit à la position qu’elle défend.

[76]           Premièrement, je note que, dans ses affidavits, M. Tsyplakov emploie, lorsqu’il parle des ventes ou des dépenses, les mots [traduction] « MA SOCIÉTÉ », qu’il définit comme étant [traduction] « le groupe SPI et ses sociétés affiliées » et qui [traduction] « incluent les droits acquis [par l’Opposante] en 1999 de Closed Joint Stock Company Sojuzplodimport et ses prédécesseurs ».

[77]           M. Tsyplakov affirme simplement que [traduction] « MA SOCIÉTÉ » a vendu des produits portant les marques MOSKOVSKAYA de l’Opposante depuis 1966. Toutefois, il ne fournit aucun document à l’appui de cette déclaration qui établirait véritablement l’emploi allégué des marques en 1966.

[78]           M. Tsyplakov produit ce qu’il affirme être des étiquettes représentatives apposées sur les bouteilles de vodka de l’Opposante. Par ailleurs, je constate que ces étiquettes semblent être de simples « maquettes » des véritables étiquettes employées, comme l’a fait valoir la Requérante (pièce B de l’affidavit no 1 de M. Tsyplakov). La Requérante soutient que, en l’absence d’autres éléments de preuve à l’appui, les maquettes de ce genre ne constituent pas une preuve de l’emploi, et je suis d’accord avec elle. Je tiens à préciser que M. Tsyplakov ne fait aucune déclaration sous serment quant au moment où ces « étiquettes » ont été employées par l’Opposante. Comme nous le verrons plus en détail un peu plus loin, quoi qu’il en soit, le nom de l’Opposante n’apparaît sur aucune de ces maquettes d’étiquette.

[79]           M. Tsyplakov fournit un document qui, selon ce qu’il affirme, prouve les frais de publicité engagés par [traduction] « MA SOCIÉTÉ » pour les marques MOSKOVSKAYA (pièce E). Je constate que le document ne fait pas état des dépenses de l’Opposante mais plutôt de celles de « SPI ». De plus, je note que le document porte sur les années 2002 à 2006 seulement, soit bien longtemps après la date pertinente de 1970.

[80]           M. Tsyplakov fournit des chiffres sur les ventes de vodka réalisées par [traduction] « MA SOCIÉTÉ » entre 1999 et 2005. Je souligne que, compte non tenu de la question de savoir si elles ont profité à l’Opposante (question dont je discuterai un peu plus loin), ces ventes ont été réalisées bien longtemps après la date pertinente de 1970, quoi qu’il en soit. M. Tsyplakov joint également à son affidavit un tableau qui, selon ce qu’il affirme, présente les ventes de vodka, en décalitres de produit vendu, réalisées par la Requérante entre 1999 et 2006 (pièce C de l’affidavit no 1 de M. Tsyplakov). Je le répète, ces ventes ont été réalisées bien longtemps après la date pertinente de 1970.

[81]           M. Tsyplakov a également produit un document établi par une tierce partie qui témoigne des ventes réalisées entre 1986 et 1999 (pièce D de l’affidavit no 1 de M. Tsyplakov). Comme ce document n’a pas été préparé par M. Tsyplakov ou un autre représentant de l’Opposante, il constitue du ouï‑dire et, par conséquent, je ne suis pas disposée à considérer qu’il fait preuve de la véracité de son contenu. Même si je devais lui accorder une certaine importance, je tiens à préciser encore une fois que, quoi qu’il en soit, ces ventes ont été réalisées après la date pertinente de 1970.

[82]           M. Tsyplakov produit également ce qu’il affirme être des factures représentatives des ventes de vodka de l’Opposante pour les années 1999 à 2006 (pièce D de l’affidavit no 1 de M. Tsyplakov). Je note que, comme l’a souligné la Requérante, le nom de l’Opposante n’apparaît sur aucun des échantillons de facture, mais que les entités suivantes y figurent comme fournisseurs ou vendeurs de la vodka en question :

         Z/O Sojuzplodimport; 

         ZAO Sojuzplodimport;

         SPI Spirits (Cyprus) Limited;

         SPI Limited; 

         SPI Group.

[83]           Rien dans la preuve ne révèle l’existence d’une licence liant l’une ou l’autre de ces entités à l’Opposante. M. Tsyplakov joint à son premier affidavit un document qui, affirme‑t‑il, explique le lien existant entre ces entités (pièce F). Si l’on se fie à ce document, il semble que le SPI Group SA possède 83,5 % du capital‑actions de l’Opposante. Il semble également que SPI Group soit propriétaire des autres entités. L’Opposante affirme que, en raison de cette propriété commune, tout emploi par l’une des autres entités profiterait à l’Opposante, en vertu de l’article 50 de la Loi.

[84]           La Requérante soutient, et je suis d’accord avec elle, que la preuve de la propriété collective n’est pas suffisante pour satisfaire au critère de contrôle de l’article 50 de la Loi [voir Axa Assurances Inc. c. Charles Schwab & Co. (2005), 49 C.P.R. (4th) 47 (C.O.M.C.), aux pages 57 et 58; MCI Communications Corp. c. MCI Multinet Communications Inc. (1995), 61 C.P.R. (3d) 245 (C.O.M.C.)].

[85]           Il s’ensuit que ces factures ne prouvent pas l’emploi des marques MOSKOVSKAYA par l’Opposante. Même si cet emploi profitait à l’Opposante, les factures portent une date de beaucoup postérieure à 1970.

[86]           Je tiens également à souligner que la preuve produite dans la présente procédure d’opposition s’apparente à celle soumise dans la procédure visant à faire radier l’enregistrement LMC208808 de l’Opposante en vertu de l’article 45. À cette fin, je reproduis l’extrait suivant de la décision radiant l’enregistrement LMC208808, BCF S.E.N.C.R.L. c. Spirits International B.V., 2010 COMC 122 (décision inédite) au paragraphe 12, décision à laquelle je souscris et qui s’applique directement en l’espèce :

[12]      Lorsque j’examine l’ensemble de la preuve, je ne puis que conclure qu’un groupe de sociétés appelé MA SOCIÉTÉ et composé d’au moins cinq entités distinctes a exercé une forme de contrôle sur les caractéristiques ou sur la qualité des marchandises visées par l’enregistrement au cours de la période pertinente. Bien qu’il soit possible que l’inscrivante appartienne à l’une ou à chacune de ces entités ou qu’elle soit affiliée à celles‑ci, il n’y a tout simplement pas suffisamment d’éléments de preuve au sujet du contrôle pour me permettre de conclure que les ventes des marchandises visées par l’enregistrement en liaison avec la Marque, qu’elles aient été réalisées par MA SOCIÉTÉ ou par l’une des sociétés affiliées, seraient attribuées à l’inscrivante.

[87]           J’estime qu’il en va de même pour la preuve de l’Opposante dans la présente affaire, si bien qu’elle n’a pas réussi à établir son emploi des marques MOSKOVSKAYA en conformité avec le paragraphe 4(1) de la Loi.

[88]           Je note que la Requérante a également invoqué la décision Spirits International B.V. c. Nemiroff Intellectual Property Establishment , [2009] C.O.M.C. no 129, dans laquelle la membre Bradbury a conclu que la preuve, qui était de nature semblable à celle produite dans la présente affaire, n’était pas suffisante pour satisfaire au critère de l’article 50 de la Loi. Cette conclusion renforce la position de la Requérante.

[89]           Compte tenu des motifs qui précèdent, il est évident que l’Opposante n’a pas établi l’emploi des marques MOSKOVSKAYA par elle ou par ses licenciés, conformément à l’article 50 de la Loi, avant la date pertinente de 1970 et que, pour cette raison, elle ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

[90]           Pour ces motifs, je rejette le motif d’opposition relatif à l’absence de droit à l’enregistrement fondé sur l’alinéa 16(1)a) parce que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve.

Alinéa 16(1)b) de la Loi

[91]           En ce qui a trait à ce motif d’opposition, l’Opposante soutient, suivant son interprétation de la preuve, que la Requérante emploie la Marque depuis avril 2000 seulement et que, par conséquent, la date pertinente devrait être avril 2000. Tel que nous l’avons vu précédemment, puisque le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) a été rejeté, la date pertinente demeure la date de premier emploi revendiquée.

[92]           Le premier motif fondé sur l’alinéa 16(1)b) (absence de droit à l’enregistrement ) est lié aux demandes d’enregistrement des marques de commerce MOSKOVSKAYA (demande no 1065645) et MOSKOVSKAYA & Dessin (demande no 1065643) qui sont en instance. Je constate que ces deux demandes ont été produites le 30 juin 2000. La date pertinente pour l’examen du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)b) est la date de premier emploi revendiquée [voir le paragraphe 16(1) de la Loi]. Les demandes d’enregistrement de l’Opposante, qui ont été produites en 2000, n’ont pas été produites avant la date de premier emploi revendiquée de la Marque, à savoir 1970.

[93]           Pour ces motifs, le premier motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)b) est rejeté parce que l’Opposante n’a pas réussi à s’acquitter de son fardeau de preuve.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif – alinéa 38(2)d) de la Loi

[94]           Conformément au fardeau de preuve qui lui incombe, l’Opposante est tenue de démontrer que, au moment de la production de la déclaration d’opposition, une ou plusieurs de ses marques de commerce étaient devenues suffisamment connues pour annuler le caractère distinctif de la Marque [voir Bojangles’ International, LLC c. Bojangles Café Ltd. (2004), 40 C.P.R. (4th) 553, conf. par (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F. 1re inst.)].

[95]           Comme je l’ai mentionné dans mon analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a), l’Opposante n’a pas réussi à faire la preuve de l’emploi des marques de commerce MOSKOVSKAYA par elle‑même ou par ses licenciés, conformément à l’article 50 de la Loi. Par conséquent, étant donné que le motif d’opposition invoqué repose sur l’emploi des marques MOSKOVSKAYA par l’Opposante, celle‑ci n’a pas réussi à s’acquitter de son fardeau de preuve. Par conséquent, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement – alinéa 12(1)b) de la Loi

[96]                 La question de savoir si la Marque donne une description claire ou une description fausse et trompeuse doit être examinée du point de vue de l’acheteur ordinaire des marchandises en liaison avec lesquelles elle est employée. Il faut éviter de décomposer et d’analyser minutieusement chacun des éléments de la Marque; celle‑ci doit plutôt être considérée dans son ensemble et sous l’angle de la première impression [voir Wool Bureau of Canada Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1978), 40 C.P.R. (2d) 25 (C.F. 1re inst.), aux pages 27 et 28; Promotions Atlantiques Inc. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1984), 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 186]. Enfin, l’interdiction prévue à l’alinéa 12(1)b) de la Loi vise à empêcher un commerçant de monopoliser un mot qui donne une description claire ou qui est habituellement employé dans le commerce et de placer ainsi des commerçants légitimes dans une position désavantageuse [voir Canadian Parking Equipment Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1990), 34 C.P.R. (3d) 154 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 15].

[97]                 L’Opposante soutient que la Marque donne une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises.

[98]                 L’Opposante avance que la Marque a été choisie par M. Melville et s’inspirait de la rivière Moskova qui traverse la ville de Moscou et qui a donné son nom à la ville (pièce P6 du contre‑interrogatoire de M. Huchette; paragraphe 7 de l’affidavit de M. Roland A. Fortin; Dictionnaire Hachette Encyclopédique, éd. 2000, à la page 1252 (pièce 2 jointe à l’affidavit de M. Roland A. Fortin)). L’Opposante avance également qu’il s’ensuit que la Marque donne une description fausse et trompeuse du lieu d’origine de la vodka de la Requérante, car elle porte à croire que sa vodka est russe.

[99]                 Je note qu’il n’y a au dossier aucune preuve étayant une conclusion selon laquelle le Canadien moyen serait au courant que le mot « Moskova » est le nom d’une rivière située à Moscou, en Russie.

[100]             L’Opposante soutient, en s’appuyant sur la décision Sociedad Agricola Santa Teresa Ltda. et. al. c. Vina Leyda Limitada (2007), 63 C.P.R. (4th) 321 (C.F. 1re inst.), que l’impression du consommateur moyen n’est pas pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer si une marque de commerce est le lieu d’origine des marchandises. En fait, une fois qu’il a été établi qu’une marque correspond à l’appellation du lieu d’origine des marchandises, le motif d’opposition doit être retenu. Je souligne que, dans la décision Sociedad, la cour ne devait pas se prononcer sur une allégation selon laquelle la marque donnait une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises en liaison avec lesquelles elle était employée.

[101]             En réponse, la Requérante soutient que la preuve démontre que le mot « Moskova » est le nom d’une rivière, et non celui d’un lieu, d’une ville ou d’une région. En outre, la Requérante affirme que rien au dossier ne permet de soutenir une conclusion selon laquelle la rivière Moskova est connue comme étant une rivière qui produit de la vodka. La Requérante soutient que le nom d’une rivière ne peut donner une description fausse et trompeuse d’un type de vodka ou de l’origine géographique de celle‑ci. Je suis d’accord avec elle.

[102]             L’Opposante demande que j’admette d’office le fait que la Russie est reconnue pour sa vodka. Je refuse d’admettre ce fait d’office. Je constate que le dossier ne renferme aucune preuve admissible permettant de conclure que la Russie est reconnue pour sa vodka ou que cette renommée est bien connue du Canadien moyen. Même si j’avais accepté d’admettre d’office ce fait, je ne conclurais pas inexorablement que la rivière Moskova peut être un lieu d’origine pour la vodka.

[103]             Après avoir examiné les observations des deux parties et la preuve au dossier, je ne suis pas convaincue que la Marque donne une description fausse et trompeuse du lieu d’origine des marchandises. Par conséquent, l’Opposante n’a pas réussi à s’acquitter de son fardeau de preuve et le motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement – alinéa 12(1)d) de la Loi

[104]       L’Opposante a produit une copie certifiée de l’enregistrement de sa marque déposée illustrée ci‑dessous. J’ai exercé le pouvoir discrétionnaire conféré au registraire pour confirmer l’état de l’enregistrement allégué. Je constate que la marque est toujours « enregistrée », mais que l’enregistrement a fait l’objet d’une procédure de radiation fondée sur l’article 45 [voir BCF, S.E.N.C.R.L. c. Spirits International B.V., 2010 COMC 122 (décision inédite)]. Le registraire a radié l’enregistrement le 11 août 2010 et la Cour fédérale a confirmé la décision du registraire le 30 juin 2011 [voir Spirits International B.V. c. BCF S.E.N.C.R.L. et le Procureur général du Canada, 2011 CF 805 (en appel, dossier no A-357-11)]. Le 28 septembre 2011, l’Opposante a déposé un avis d’appel à la Cour d’appel fédérale pour contester la décision de la Cour fédérale datée du 30 juin 2011. Ainsi, l’enregistrement demeure valide.

RUSSIAN VODKA & DESIGN

[105]       Comme l’Opposante s’est acquittée du fardeau de preuve initial quant à ce motif d’opposition, il incombe maintenant à la Requérante de convaincre le registraire, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque déposée de l’Opposante.

[106]       Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi prévoit que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[107]       Dans l’application du test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Le poids qu’il convient d’accorder à chacun de ces facteurs n’est pas forcément le même. [Voir, en général, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.).]

Alinéa 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[108]       La preuve semble indiquer que la Marque est le nom d’une rivière située à Moscou. Toutefois, rien ne permet de croire que le Canadien moyen le sache; en fait, celui‑ci pourrait tout aussi bien penser qu’il s’agit d’un mot inventé.

[109]       L’Opposante s’est désistée du droit à l’usage exclusif des mots figurant dans sa marque déposée, à l’exception des mots MOSKOVSKAYA et OSOBAYA qui sont des mots inventés.

[110]       Compte tenu de ce qui précède, j’estime que le caractère distinctif inhérent des marques de commerce des parties est à peu près le même.

[111]       Comme il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion et l’usage au Canada, je vais maintenant m’intéresser à la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues au Canada.

[112]       Comme nous l’avons vu dans l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b), la Requérante a fait la preuve des ventes de sa vodka portant la Marque au Canada depuis 1970 et de la publicité faite pour sa vodka de marque MOSKOVA au Canada depuis cette date.

[113]       La seule preuve fournie par l’Opposante concernant l’emploi allégué de sa marque déposée est la suivante :

a.       Une simple déclaration de M. Tsyplakov dans son premier affidavit voulant que, sur la base de l’enregistrement no LMC208808, l’Opposante ait vendu des produits portant sa marque déposée depuis 1966.

b.      Des étiquettes représentatives (pièce B jointe au premier affidavit de M. Tsyplakov) — Je souligne que, comme nous l’avons vu précédemment dans l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)a), il ne s’agit que de simples « maquettes » d’étiquette, et non des véritables étiquettes employées. De plus, je souligne que la marque déposée de l’Opposante, telle qu’elle apparaît dans l’enregistrement, ne figure pas sur les étiquettes.

c.       Les ventes réalisées pour les années 1999 à 2006 (pièce C jointe au premier affidavit de M. Tsyplakov) — La preuve n’indique pas clairement si ces ventes sont liées aux produits vendus sous la marque déposée de l’Opposante, comme l’exige le paragraphe 4(1) de la Loi.

d.      Les ventes réalisées pour les années 1986 à 1999 (pièce D jointe au premier affidavit de M. Tsyplakov) — Ces chiffres ont été fournis par une tierce partie et, par conséquent, ils constituent une preuve par ouï‑dire inadmissible.

e.       Les échantillons de facture pour les années 1999 à 2006 (pièce D jointe au premier affidavit de M. Tsyplakov) — L’Opposante n’est mentionnée comme vendeur ou fournisseur sur aucune de ces factures. La preuve n’indique pas clairement si ces factures sont liées aux produits vendus sous la marque déposée de l’Opposante, comme l’exige le paragraphe 4(1) de la Loi.

f.       Une déclaration sous serment de M. Tsyplakov dans son second affidavit selon laquelle l’Opposante expédie au Canada depuis 1966 des produits dans des caisses en carton sur lesquelles apparaît toujours la marque déposée de l’Opposante (pièce M jointe au second affidavit de M. Tsyplakov) — Je souligne qu’aucun des échantillons d’emballage ne présente la marque déposée de l’Opposante, mais qu’ils présentent plutôt la marque nominale MOSKOVSKAYA.

[114]       Par voie de conséquence, l’Opposante n’a pas réussi à établir que sa marque déposée est devenue connue dans une mesure suffisamment appréciable pour désigner sa vodka.

Alinéa 6(5)b) – la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[115]       Comme je l’ai mentionné dans l’analyse du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30b) de la Loi, je suis convaincue que la Requérante a employé la Marque depuis environ 1970 en liaison avec de la vodka.

[116]       Comme nous l’avons vu de plus dans l’analyse du facteur énoncé à l’alinéa 6(5)a), aucune preuve admissible n’a été fournie quant à l’emploi par l’Opposante de sa marque déposée.

Alinéas 6(5)c) et d) – le genre de marchandises ou d’entreprises et la nature du commerce

[117]       Ma décision sur ce facteur dépend de la comparaison de l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande d’enregistrement de la Requérante et des marchandises visées par l’enregistrement de l’Opposante [voir Esprit International c. Alcohol Countermeasure Systems Corp. (1997), 84 C.P.R. (3d) 89 (C.O.M.C.)].

[118]       Je suis d’avis que le genre de marchandises ou d’entreprises ou la nature du commerce des parties est identique, puisqu’elles vendent toutes les deux de la vodka.

Alinéa 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[119]       Dans la plupart des cas, le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent est le facteur décisif, les autres facteurs jouant un rôle secondaire [voir Beverly Bedding & Upholstery Co. c. Regal Bedding & Upholstery Ltd. (1980), 47 C.P.R. (2) 145, conf. par 60 C.P.R. (2d) 70 (C.F. 1re inst.)]. Ce principe a été confirmé récemment par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc. (2011), 92 C.P.R. (4th) 361 (C.S.C.).

[120]       La Requérante soutient que la Marque se distingue de la marque déposée de l’Opposante pour les raisons suivantes :

         Différences dans la présentation – les autres mots contenus dans la marque déposée de l’Opposante ont pour effet de la distinguer de la Marque. En particulier, la Requérante soutient que les différences entre les éléments MOSKOVA, d’une part, et MOSKOVSKAYA et OSOBAYA VODKA, d’autre part, sont suffisantes pour permettre aux consommateurs de faire la différence entre les marques des parties.

         Différences dans le son – encore une fois, les autres mots contenus dans la marque déposée de l’Opposante ont pour effet de créer des différences importantes entre les marques des parties dans le son.

         Différences dans l’impression commerciale – la Requérante soutient que la marque déposée de l’Opposante suggère une vodka vendue sous la marque MOSKOVSKAYA OSOBAYA VODKA qui est embouteillée et distillée en URSS. La Requérante affirme que la Marque ne présente pas pareille connotation.

[121]       Je souscris aux observations de la Requérante. Je suis d’avis que l’impression générale que donne la marque déposée de l’Opposante est très différente de celle que donne la Marque, si bien que les marques des parties présentent peu de similarités dans la présentation, le son ou les idées qu’elles suggèrent.

Autres circonstances de l’espèce – la preuve de l’expert et du sondage

[122]       La Cour suprême s’est récemment penchée, dans l’arrêt Masterpiece, sur la pertinence et l’admissibilité de la preuve d’expert dans les affaires de marques de commerce. Dans cet arrêt, le juge Rothstein nous rappelle que, pour être admissible, la preuve d’expert doit satisfaire aux quatre exigences suivantes énoncées dans R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9 :

         la pertinence;

         la nécessité d’aider le juge des faits;

         l’absence de toute règle d’exclusion;

         la qualification suffisante de l’expert.

[123]       En ce qui a trait à l’exigence de la nécessité d’aider le juge des faits, la Cour suprême a conclu que le témoignage de l’expert ne devrait être nécessaire que dans les cas où il contient des renseignements qui, selon toute vraisemblance, dépassent l’expérience et la connaissance du décideur.

[124]       La Cour suprême a également conclu dans Masterpiece que, dans les affaires de confusion entre des marques de commerce où le test en matière de confusion doit être appliqué du point de vue du consommateur ordinaire qui ne possède pas de compétences ou de connaissances particulières, la preuve d’expert n’est généralement pas nécessaire. La Cour suprême a affirmé que, lorsque les marchandises sont vendues au grand public en vue d’un usage normal, comme en l’espèce, la question de savoir si une marque de commerce crée de la confusion peut être tranchée par les décideurs qui peuvent se fier à leur propre opinion quant à la probabilité de confusion.

[125]       De plus, s’agissant de la question de la nécessité, la Requérante a soutenu que le témoignage de l’expert est nécessaire s’il permet au juge des faits : a) d’apprécier les faits vu leur nature technique; b) de se former une opinion juste sur une question s’il est peu probable que des personnes ordinaires puissent le faire sans l’aide de personnes ayant des connaissances particulières.

[126]       La preuve d’expert présentée dans l’affaire Masterpiece s’apparentait à celle présentée dans la présente affaire. Dans Masterpiece, la Cour suprême a conclu que la preuve d’expert n’était pas particulièrement utile et qu’elle ne satisfaisait pas au critère de la nécessité énoncé dans l’arrêt Mohan. La Cour suprême a déclaré que, dans le cas où le consommateur moyen des marchandises n’est qu’un consommateur ordinaire qui n’est pas censé posséder des compétences ou des connaissances particulières et où il existe une ressemblance entre les marques des parties, il n’est généralement pas nécessaire de soumettre une preuve d’expert qui ne fournit qu’une simple appréciation de ces facteurs.

[127]       En ce qui a trait à la question de la pertinence, je constate qu’en l’espèce l’affidavit de M. Mulvey fournit de la preuve concernant l’opinion des consommateurs sur diverses étiquettes de bouteilles de vodka. La Requérante a fait valoir que, comme elle a produit une demande d’enregistrement pour une marque nominale, il n’était pas approprié que M. Mulvey s’intéresse à la conception des étiquettes. Je suis d’accord avec elle. Une demande visant une marque nominale n’est assujettie à aucune restriction quant à la façon de l’employer. La façon dont la Requérante emploie actuellement ou a employé antérieurement le mot MOSKOVA pour ce qui est de l’étiquetage de ses marchandises n’est pas particulièrement pertinente pour déterminer si les marques des parties créent de la confusion. M. Mulvey aurait dû examiner la Marque faisant l’objet de la demande d’enregistrement, à savoir le mot MOSKOVA, par rapport aux droits allégués par l’Opposante.

[128]       Compte tenu de ce qui précède, y compris l’analyse de la Cour suprême dans l’arrêt Masterpiece, je refuse d’accorder de l’importance aux renseignements contenus dans les affidavits de M. Mulvey parce qu’ils n’étaient ni nécessaires ni pertinents pour me permettre d’arriver à une conclusion sur la probabilité de confusion entre les marques des parties.

[129]       En ce qui a trait à la preuve du sondage présentée dans l’affidavit de M. Wind, je souligne que, dans l’arrêt Masterpiece, la Cour suprême a également tiré des conclusions sur l’utilité d’une preuve par sondage dans les affaires portant sur la confusion entre des marques de commerce.

[130]       Plus particulièrement, la Cour suprême a déclaré que les sondages peuvent apporter une preuve empirique des réactions des consommateurs qui ne sont généralement pas connues des décideurs. La Cour suprême a affirmé que, pour satisfaire à l’exigence de la pertinence décrite dans l’arrêt Mohan, le sondage doit être à la fois fiable et valide.

[131]       La Requérante a soutenu que le sondage joint à l’affidavit de M. Wind n’était pas impartial parce qu’aucune autre marque de vodka également produite par l’Opposante ou présentant une ressemblance phonétique avec MOSKOVSKAYA n’a été choisie comme témoin positif. La Requérante affirme donc que l’interprétation du sondage ne permet pas de savoir quelles marques étaient connues des consommateurs ou de quelles marques ces marques se distinguent. Elle fait valoir que le sondage apporte plutôt seulement une preuve circonstancielle établissant que les consommateurs sondés croient qu’il peut exister un lien entre les marques des parties. Pour cette raison, elle soutient que le sondage n’est pas pertinent quant à l’issue de la procédure d’opposition et qu’il devrait être jugé inadmissible et se voir accorder peu d’importance.

[132]       De plus, la Requérante a également discrédité le sondage parce qu’il porte essentiellement sur les étiquettes alors que ce qui est en cause est la question de savoir si la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce de l’Opposante. La Requérante s’inquiète également du fait que l’étiquette utilisée dans le sondage pour désigner son produit était une version modifiée de l’étiquette qu’elle utilise actuellement, étant donné que les détails la concernant (nom, lieu de distillerie) avaient été supprimés.

[133]       Même si je comprends, comme l’a fait valoir l’Opposante, que le sondage a été conçu avec des étiquettes, au lieu des mots, pour donner aux questions une impression de « réalité » du marché, je tiens à préciser encore une fois que la Marque visée par la demande d’enregistrement se limite au mot MOSKOVA. Une conclusion de confusion entre les étiquettes utilisées dans le sondage n’est pas nécessairement applicable à une conclusion de probabilité de confusion entre la Marque et les marques de l’Opposante.

[134]       Compte tenu de ce qui précède, y compris l’analyse de l’arrêt Masterpiece, je ne suis pas convaincue que le sondage satisfait au critère de pertinence défini dans Mohan et, par voie de conséquence, je ne suis pas disposée à accorder de l’importance aux renseignements contenus dans l’affidavit de M. Wind.

Autres circonstances de l’espèce – aucune preuve de confusion réelle

[135]       À l’audience, la Requérante a avancé que, si les observations de l’Opposante concernant l’emploi allégué des marques MOSKOVSKAYA depuis la fin des années 60 sont retenues, compte tenu de la preuve sur les ventes de vodka réalisées par la Requérante depuis la fin des années 60, on peut soutenir que les marques des parties ont coexisté sur le marché canadien pendant environ 40 ans.

[136]       La Requérante affirme qu’il faut prendre en considération le fait que, malgré la coexistence alléguée, l’Opposante n’a produit aucune preuve semblant indiquer qu’elle a déjà engagé une action en violation ou même soulevé une allégation de confusion réelle dans le marché à l’endroit de la Requérante.

[137]       L’Opposante a produit une preuve provenant d’un site Web indépendant dans laquelle, selon la déclaration de M. Tsyplakov, [traduction] « un utilisateur du site Web met en garde plus particulièrement les consommateurs de ne pas confondre » les vodkas des parties et elle a laissé entendre que cette preuve établissait l’existence d’une probabilité de confusion sur le marché (pièce L jointe à l’affidavit no 2 de M. Tsyplakov). Je souligne que, comme il s’agit du site Web d’une tierce partie, M. Tsyplakov n’est pas en mesure de confirmer l’exactitude des renseignements qu’il contient. Très peu d’importance peut être accordée à une preuve Internet de cette nature [voir Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (C.F. 1re inst.), infirmé par (2008), 64 C.P.R. (4th) 431 (C.A.F.)]. Par conséquent, je ne suis pas disposée à m’en remettre à ce site Web comme preuve de la véracité des déclarations qui y sont faites [voir Candrug, précité]. Qui plus est, comme je l’ai mentionné, je refuse d’accorder de l’importance à l’opinion de M. Tsyplakov concernant l’interprétation des renseignements contenus sur ce site Web [voir British Drug Houses, précité]. Par conséquent, je suis d’avis que le dossier ne renferme aucune preuve de confusion réelle entre les marques des parties.

[138]       À l’audience, la Requérante a affirmé que, au lieu de creuser les résultats du sondage (une construction artificielle), il faudrait analyser le facteur le plus important, à savoir le fait que ces marques auraient coexisté sur le marché pendant au moins 40 ans sans signe de confusion réelle au cours de cette période.

[139]       La Requérante a soutenu que la jurisprudence semble indiquer que ce facteur est maintenant reconnu comme un facteur pertinent. Je reproduis le passage suivant de l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.) :

À cet égard, la preuve d’une confusion réelle, même si elle n’était pas nécessaire, aurait été utile (ConAgra, Inc. c. McCain Foods Ltd, [2001] A.C.F. no 1331 (QL), 2001 CFPI 963; Matsushita Electric Industrial Co. c. Panavision, Inc., [1992] A.C.F. no 19 (QL) (1re inst.), mais elle n’a pas été produite. Le juge Décary a fait remarquer dans Christian Dior, par. 19 :

 

Bien que la question à laquelle il faut répondre soit celle de savoir s’il existe un « risque de confusion » et non une « confusion effective » ou « des cas concrets de confusion », l’absence de « confusion effective » est un facteur auquel les tribunaux accordent de l’importance lorsqu’ils se prononcent sur le « risque de confusion ». Une inférence négative peut être tirée lorsque la preuve démontre que l’utilisation simultanée des deux marques est significative et que l’opposant n’a soumis aucun élément de preuve tendant à démontrer l’existence d’une confusion.

 

Je suis d’accord. L’absence d’une preuve de confusion réelle (c.‑à‑d. que des consommateurs éventuels tirent la conclusion erronée) est une autre des « circonstances de l’espèce » à mettre dans la balance : Pepsi-Cola Co. of Canada, Ltd. c. Coca-Cola Co. of Canada, Ltd., [1940] R.C.S. 17, p. 30.

[140]       Malgré les lacunes évidentes de la preuve de l’Opposante quant à l’emploi de sa marque déposée ou quant aux marques MOSKOVSKAYA dont l’emploi profiterait à l’Opposante, il est évident que la vodka de marque MOSKOVSKAYA est vendue au Canada depuis au moins 1999. Compte tenu de la période durant laquelle ces vodkas ont coexisté sur le marché canadien, je suis d’avis que l’absence de preuve d’exemples de confusion réelle constitue une circonstance pertinente à l’appui de la position de la requérante.

Conclusion sur le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi

[141]       Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, en particulier la mesure dans laquelle la Marque est devenue connue et les différences entre les marques des parties dans la présentation, le son et les idées qu’elles suggèrent, je suis convaincue que la Requérante s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque déposée de l’Opposante.

[142]       Compte tenu des motifs exposés précédemment, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) de la Loi.

Décision

[143]       En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

 

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Andrea Flewelling

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

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