Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence: 2012 COMC 92

Date de la décision: 2012-05-22

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION par Paladin Labs Inc. à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1,388,419 pour la marque de commerce KAOPECLIN au nom de Vetoquinol N.-A. inc.

[1]               Le 25 mars 2008, Vetoquinol S.A. a produit une demande d'enregistrement concernant la marque de commerce KAOPECLIN (la Marque) basée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada liaison avec les marchandises suivantes : « produit pharmaceutique vétérinaire, nommément suspension orale pour le traitement des diarrhées et entérites pour bovins, veaux et chevaux, à base de kaolin et pectine » (ci-après parfois référées les Marchandises).

 

[2]               Par cession intervenue le 1er août 2008, inscrite par le registraire le 28 janvier 2010, la demande a été cédée de Vetoquinol S.A. à Vetoquinol N.-A. inc. Je référerai indistinctement à ces deux sociétés comme la Requérante.

 

[3]               La demande a été annoncée pour fins d’opposition le 14 mai 2008 dans le Journal des marques de commerce.

 

[4]               Squire Pharmaceuticals Inc. (Squire) a produit une déclaration d'opposition à l’encontre de cette demande en date 14 octobre 2008. Paladin Labs Inc., à titre de successeur en titre de Squire, a par la suite demandé la permission de produire une déclaration d’opposition amendée afin d’être substituée à Squire comme opposante, laquelle permission fut accordée par le registraire en date du 28 avril 2009. Je référerai indistinctement à ces deux sociétés comme l’Opposante. Les motifs d’opposition peuvent se résumer comme suit :

 

  1. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(e) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) en ce qu’à la date de production de la demande au Canada, la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises, ou, alternativement, la Marque avait déjà été employée au Canada par la Requérante;
  2. La demande ne satisfait pas aux exigences de l’article 30(i) de la Loi en ce que la Requérante ne pouvait être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque en liaison avec les Marchandises puisqu’à la date de production de la demande, la Requérante était bien au fait de l’existence de la marque de commerce KAOPECTATE de l’Opposante décrite ci-après, laquelle a été employée de façon continue au Canada par l’Opposante elle-même ou ses prédécesseurs en titre;
  3. Eu égard aux dispositions de l’article 12(1)(d) de la Loi, la Marque n’est pas enregistrable en ce qu’elle crée de la confusion avec la marque de commerce KAOPECTATE de l’Opposante faisant, depuis 1937, l’objet de l’enregistrement UCA09974 couvrant les marchandises suivantes : « a medicinal preparation to be used in the treatment of intestinal dysfunction »;
  4. Eu égard aux dispositions de l’article 16(3)(a) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en ce qu’à la date de production de la demande au Canada et à toute autre date pertinente, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce KAOPECTATE de l’Opposante mentionnée plus avant, laquelle marque avait été antérieurement employée par l’Opposante et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande;
  5. Eu égard aux dispositions de l’article 16(3)(c) de la Loi, la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque en ce qu’à la date de production de la demande au Canada et à toute autre date pertinente, la Marque créait de la confusion avec le nom commercial KAOPECTATE, lequel nom avait été antérieurement employé par l’Opposante et n’avait pas été abandonné à la date de l’annonce de la demande; et
  6. Eu égard aux dispositions de l’article 38(2)(d) de la Loi, la Marque n’est pas distinctive des Marchandises de la Requérante en ce qu’à la date de la déclaration d’opposition, la Marque n’était (et n’est toujours) pas adaptée à distinguer et ne distinguait (et ne distingue toujours) véritablement pas celles-ci des marchandises et services d’autres personnes, en particulier, des marchandises de l’Opposante mentionnées plus avant.

 

[5]               La Requérante a produit une contre-déclaration déniant tous et chacun des motifs d’opposition.

 

[6]               Au soutien de son opposition, l’Opposante a produit une copie certifiée de l’enregistrement UCA09974 pour la marque KAOPECTATE ainsi qu’une déclaration statutaire de Samira Sakhia, chef de la direction financière de l’Opposante, assermentée le 17 avril 2009. Mme Sakhia a été contre-interrogée sur sa déclaration statutaire. La transcription de son contre-interrogatoire de même que les réponses aux engagements souscrits lors de celui-ci ont été produits au dossier. Au soutien de sa demande, la Requérante a produit une déclaration statutaire de Tom Robitaille, directeur général Amérique du Nord de la Requérante, assermenté le 25 janvier 2010, et un affidavit de Johanne Montpetit, secrétaire au sein du cabinet d’avocats et d’agents de marques de commerce représentant la Requérante, également assermentée le 25 janvier 2010.

 

[7]               Seule la Requérante a produit un plaidoyer écrit et participé à une audience.

Analyse

[8]               Il incombe à la Requérante de démontrer que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de faire en sorte que chacun de ses motifs d’opposition soit dûment plaidé et de s’acquitter du fardeau de preuve initial en établissant les faits sur lesquels elle appuie ses motifs d’opposition. Une fois ce fardeau de preuve initial rencontré, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucun de ces motifs d’opposition ne fait obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF); et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al, (2002), 20 CPR (4th) 155 (CFA)].

 

[9]               Appliquant ces principes au présent dossier, les motifs d’opposition fondés sur les paragraphes (e) et (i) de l’article 30 de la Loi peuvent être sommairement rejetés en ce que la Requérante n’a pas satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant en vertu de la Loi.

 

[10]           Concernant plus particulièrement le motif d’opposition fondé sur l’article 30(i) de la Loi, lorsqu’un requérant a produit la déclaration exigée par cet article, pareil motif ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque la preuve démontre que le requérant était de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Rien ne démontre que la Requérante était de mauvaise foi en l’espèce.

 

[11]           Concernant plus particulièrement le motif d’opposition fondé sur l’article 30(e) de la Loi, il n’y a aucun élément de preuve au dossier permettant de conclure que la Requérante n’avait pas, au moment de la production de la présente demande, l’intention d’employer la Marque au Canada, ou qu’elle avait, alternativement, déjà commencé à employer celle-ci. La preuve de la Requérante, présentée par M. Robitaille, confirme au contraire pareille intention. Il convient également de noter que lorsque contre-interrogée à ce sujet, Mme Sakhia a répondu qu’elle n’avait aucune connaissance personnelle de quelque fait permettant à l’Opposante d’alléguer que la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada [transcription, pp. 11-12, Q. 23].

 

[12]           Les quatre autres motifs d’opposition tournent tous autour de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque ou le nom commercial KAOPECTATE de l’Opposante. Je débuterai mon analyse de la probabilité de confusion en regard du motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque en vertu de l’article 12(1)(d) de la Loi.

 

Motif d’opposition fondé sur l’article 12(1)(d) de la Loi

 

[13]           La date pertinente pour décider d’un motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité d’une marque de commerce en regard de la confusion créée avec une marque de commerce enregistrée est la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CFA)]. J’ai exercé ma discrétion et vérifié que l’enregistrement UCA09974 pour la marque KAOPECTATE de l’Opposante est toujours en vigueur sur le registre des marques de commerce. Puisque cela est le cas, l’Opposante a satisfait le fardeau de preuve initial lui incombant. La Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a pas de risque de confusion entre la Marque et cette marque de l’Opposante.

 

[14]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Selon l’article 6(2) de la Loi, l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques de commerce sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[15]           En décidant si des marques de commerce créent de la confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, notamment de celles énumérées à l’article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive et un poids différent pourra être accordé à chacun de ces facteurs selon le contexte [voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[16]           Dans sa déclaration statutaire, M. Robitaille explique que la Marque a été développée par le personnel de la Requérante et provient de la concaténation du préfixe « KAO » et du suffixe « LIN », tous deux provenant du mot « KAOLIN », et de la syllabe centrale « PEC » provenant du mot « PECTINE », les deux ingrédients entrant dans la composition des Marchandises. M. Robitaille explique que la référence indirecte à ces deux ingrédients est utilisée parce qu’il s’agit de deux ingrédients traditionnellement connus pour leurs vertus antidiarrhéiques, entrant dans la composition de produits antidiarrhéiques, et connus pour le renforcement mutuel de ces vertus lorsque les deux ingrédients cohabitent. M. Robitaille produit à cet effet comme pièce P-5, copie de divers passages pertinents de dictionnaires et/ou encyclopédies décrivant les produits connus sous les appellations françaises « KAOLIN » et « PECTINE », ainsi que sous les appellations anglaises « PECTIN », « PECTATE DISACCHARIDE-LYASE » et « PECTATE LYASE ».

 

[17]           Tel qu’argumenté par la Requérante, il est permis de croire que la marque de l’Opposante provient de la concaténation du préfixe « KAO », provenant également du mot « KAOLIN », avec le mot « PECTATE ».

 

[18]           Dans les circonstances, je conviens avec la Requérante que les marques des parties évoquent, dans une certaine mesure et chacune à leur façon, les ingrédients de base entrant généralement dans la formulation du type de produits leur étant associés. En cela, j’estime qu’elles possèdent en soi un caractère distinctif inhérent relativement modéré et équivalent, bien que légèrement moindre en ce qui a trait à la marque KAOPECTATE puisque celle-ci reprend intégralement le mot « PECTATE ».

 

[19]           Il est possible d’accroître la force d’une marque de commerce en la faisant connaître par la promotion et l’emploi. En l’occurrence, comme l’emploi de la Marque n’a pas encore débuté, la mesure dans laquelle celle-ci est devenue connue n’assiste pas la Requérante. En comparaison, la preuve de l’Opposante établit pour sa part que la marque KAOPECTATE a été employée au Canada et est devenue connue dans une certaine mesure, tel que discuté ci-après.

 

[20]           Plus particulièrement, il ressort de la preuve présentée par Mme Sakhia que l’Opposante emploie la marque KAOPECTATE au Canada depuis le 8 juillet 2008, date à laquelle celle-ci fut cédée de la société Johnson & Johnson à Paladin Labs (Barbados) Inc., laquelle société l’a à son tour cédée le même jour à Squire [voir les contrats de cession produits comme pièces C et D au soutien de la déclaration statutaire de Mme Sakhia]. Les produits commercialisés sous la marque KAOPECTATE consistent en une solution orale d’attapulgite visant à soulager rapidement la diarrhée et les crampes, tel qu’illustré par les photographies de spécimens de bouteilles produites comme pièce E au soutien de la déclaration statutaire de Mme Sakhia, représentant une solution orale d’attapulgite « pour enfants » en format de 180 ml de même que « régulier » et « exta fort » en format de 250 ml, sur lesquelles est apposée la marque KAOPECTATE. Ces produits sont vendus sans ordonnance (« over the counter ») dans les pharmacies.

 

[21]           Aux dires de Mme Sakhia, les ventes des produits KAOPECTATE ont totalisé plus de 800 000 $ entre le mois de juillet 2008 et la date de sa déclaration statutaire en avril 2009, représentant quelque 120 000 bouteilles. Mme Sakhia produit comme pièce G au soutien de sa déclaration statutaire, des copies de factures attestant de la vente de ces produits à la chaîne de pharmacies Shoppers Drug Mart en Ontario, datées d’octobre 2008 et mars 2009. Le prix de détail des produits KAOPECTATE est entre 9,99 $ et 13,99 $ par bouteille, selon la formulation et la quantité.

 

[22]           Concernant l’emploi fait de la marque KAOPECTATE antérieurement au mois de juillet 2008 par la société Johnson & Johnson, Mme Sakhia affirme que selon ses informations et croyances (« it is my information and belief »), la société Johnson & Johnson a réalisé des ventes annuelles variant de 900 000 $ à 970 000 $ pour les années 2005 à 2008. Elle produit un tableau détaillant ces ventes par année, préparé à partir d’informations obtenues de la société IMS Health Canada Inc. (IMS), laquelle société est décrite par Mme Sakhia comme un important fournisseur de données de marché dans l’industrie pharmaceutique (« a leading provider of market data to the pharmaceutical industry »). Toujours selon les informations et croyances de Mme Sakhia, la société Johnson & Johnson commercialisait les produits KAOPECTATE de la même manière que celle employée par l’Opposante.

 

[23]           Il convient de noter à ce stade-ci de mon analyse que la Requérante ne s’est pas objectée comme tel à cette portion de la preuve présentée par Mme Sakhia concernant l’emploi fait de la marque KAOPECTATE par la société Johnson & Johnson. Compte tenu d’une part, que la Requérante a contre-interrogé Mme Sakhia sur cette question et n’a pas mis en cause la validité et la fiabilité des chiffres de vente compilés par la société IMS et, d’autre part, que Mme Sakhia affirme dans sa déclaration statutaire que l’Opposante a, depuis l’acquisition de la marque KAOPECTATE, graduellement introduit de nouvelles étiquettes pour ses produits faisant référence au fait que l’Opposante est maintenant propriétaire de la marque, présupposant ainsi que Johnson & Johnson commercialisait de fait les produits KAOPECTATE dans les mêmes bouteilles que celles illustrées dans la pièce E mentionnée plus avant, je suis prête à considérer cette portion de la preuve portant sur l’emploi de la marque KAOPECTATE par Johnson & Johnson, laquelle portion serait autrement inadmissible puisque reposant sur du ouï-dire.

 

[24]           Mme Sakhia affirme qu’en raison de l’emploi répandu et continu au fil des ans de la marque KAOPECTATE, celle-ci est devenue bien connue au Canada sans qu’il soit nécessaire pour cela de faire la promotion et la publicité des produits KAOPECTATE. Plus particulièrement, Mme Sakhia affirme que la marque KAOPECTATE est devenue hautement reconnue par les consommateurs canadiens en raison de la qualité des produits KAOPECTATE et du bouche à oreille.

 

[25]           Bien que je reconnaisse que les chiffres de vente fournis par Mme Sakhia supportent dans une certaine mesure, ses affirmations selon lesquelles la marque KAOPECTATE jouit d’une certaine reconnaissance au Canada, j’estime que l’ensemble de la preuve fournie par Mme Sakhia s’avère insuffisante pour conclure que la marque KAOPECTATE est devenue « hautement reconnue » au Canada. Ceci étant dit, et gardant à l’esprit le fait que la marque KAOPECTATE est enregistrée depuis 1937 - bien que la preuve d’emploi continu de la marque présentée par Mme Sakhia remonte seulement à 2005 - j’estime raisonnable de conclure que celle-ci est devenue connue au Canada dans une certaine mesure. En cela, j’estime que l’emploi fait de la marque KAOPECTATE renforce le caractère distinctif de celle-ci.

 

[26]           Pour conclure sur ce premier facteur, j’estime que l’appréciation globale du caractère distinctif inhérent des marques de commerce des parties et de la mesure dans laquelle celles-ci sont devenues connues ne favorise significativement aucune partie. Bien que la Marque possède en soi un caractère distinctif inhérent légèrement supérieur à celui de la marque KAOPECTATE, la mesure dans laquelle cette dernière est devenue connue en renforce le caractère distinctif et fait contrepoids au caractère distinctif inhérent supérieur de la Marque.

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage

[27]           Compte tenu des mes commentaires précédents, ce facteur favorise l’Opposante.

c) le genre de marchandises, services ou entreprises et d) la nature du commerce

[28]           En considérant le genre de marchandises et services, et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des marchandises couvert par la présente demande d’enregistrement avec l’état déclaratif des marchandises couvert par l’enregistrement UCA09974 [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CFA); et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CFA)]. Il importe cependant de lire ces états déclaratifs avec l’objectif de déterminer le genre d’entreprise ou de commerce que les parties entendaient probablement établir plutôt que de répertorier tous les commerces que pourrait englober ces libellés. La preuve relative aux commerces qu’exploitent réellement les parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp c Coffee Hut Stores Ltd (1996), 68 CPR (3d) 168 (CAF); Procter & Gamble Inc c Hunter Packaging Ltd (1999), 2 CPR (4th) 266 (COMC); et American Optional Corp c Alcon Pharmaceuticals Ltd (2000), 5 CPR (4th) 110 (COMC)].

 

[29]           L’état déclaratif des Marchandises est très précis en l’occurrence. Tel qu’indiqué dans celui-ci, le produit pharmaceutique vétérinaire de la Requérante consiste en une suspension orale pour le traitement des diarrhées et entérites pour bovins, veaux et chevaux, à base de kaolin et de pectine. L’exclusivité recherchée se limite aux animaux de grande taille. M. Robitaille explique d’ailleurs dans sa déclaration statutaire que la Requérante entend commercialiser ce produit exclusivement auprès des vétérinaires et de comptoirs de magasins agricoles. Basé sur les recommandations vétérinaires en termes de solutions requises par animal, la Requérante entend commercialiser ce produit dans des contenants d’un format minimum de 4 litres, soit un format approprié pour la taille des animaux visés.

 

[30]           Par comparaison, l’état déclaratif des marchandises couvert par l’enregistrement UCA09974 consiste pour sa part en « a medicinal preparation to be used in the treatment of intestinal dysfunction ». Tel que noté par la Requérante, cet enregistrement remonte à une époque à laquelle les critères prévalant en matière de description requise des marchandises appelées à être couvertes par un enregistrement n’étaient pas nécessairement aussi détaillés que ceux d’aujourd’hui, de sorte qu’une description large des marchandises était plus aisément octroyée. Aussi, afin de déterminer le genre d’entreprise ou de commerce visé par la préparation médicinale de l’Opposante, il convient de se référer à l’ensemble de la preuve présentée par l’intermédiaire de Mme Sakhia.

 

[31]           Tel qu’indiqué plus avant, les produits KAOPTECTATE de l’Opposante sont vendus en vente libre dans les pharmacies. Il ressort en fait du contre-interrogatoire de Mme Sakhia que ces produits se doivent d’être vendus en pharmacie [transcription, p. 21, Q. 69]. Les produits vendus par l’Opposante et correspondant aux chiffres de vente fournis par Mme Sakhia, se limitent à ceux décrits dans la pièce E discutée plus avant et sont destinés à un emploi chez l’humain [transcription, p. 31, Q. 113 et ss].

 

[32]           La clientèle directe de l’Opposante est restreinte aux grandes chaînes de pharmacies et aux grossistes, lesquels approvisionnent les plus petites pharmacies [transcription, p. 20, Q. 64 et ss.]. Les clients ultimes de l’Opposante sont les consommateurs canadiens en général.

 

[33]           L’Opposante n’a aucun produit approuvé pour l’emploi vétérinaire au Canada. Il est possible par contre que certains produits approuvés pour emploi chez l’humain soient employés par des vétérinaires, bien que ceci soit en dehors du contrôle de l’Opposante («What the veterinarians do with [the Opponent’s] products is beyond [its] grasp… ») [transcription, p. 14, Q. 31 et ss].

 

[34]           Concernant précisément l’emploi de la marque KAOPECTATE dans le domaine vétérinaire, Mme Sakhia produit comme pièce G au soutien de sa déclaration statutaire, un relevé de la base de données de Santé Canada faisant état, entre autres, d’un produit « KAOPECTATE SUSPENSION » en classe vétérinaire au nom de Pharmacia Animal Health (Pharmacia); les autres produits listés dans ce relevé sont les trois produits de l’Opposante pour emploi chez l’humain mentionnés plus avant, à savoir « CHILDREN’S KAOPECTATE SUSPENSION »; « EXTRA STRENGHT KAOPECTATE »; et « REGULAR STRENGHT KAOPECTATE ». Mme Sakhia ajoute au paragraphe 20 de sa déclaration statutaire que la société Pharmacia est une licenciée de l’Opposante en ce qui a trait à l’emploi de la marque KAOPECTATE dans le domaine vétérinaire.

 

[35]           Or, lorsque contre-interrogée à ce sujet, Mme Sakhia n’a pu fournir aucun détail quant à l’emploi fait de la marque KAOPECTATE par la société Pharmacia ou à un quelconque emploi de la marque KAOPECTATE dans le domaine vétérinaire. Il convient de reproduire à cet égard certains passages du contre-interrogatoire de Mme Sakhia :

 

Q. 138 […] Now, I was looking at Exhibit G again and I see that there is a fourth name which appears on that document, which is Pharmacia Animal Health. What do you know of this particular company?

A. Pharmacia is a division of Pfizer.

Q. 139 Perfect. And you described this company in paragraph 20 of your affidavit as a licensee of the opponent. Could you be more specific as to the nature of that relationship between you and Pharmacia Animal Health?

A. J & J.

Q. 140 Johnson & Johnson?

A. Johnson & Johnson acquired Pfizer Consumer Health. And from what our understanding is that under that agreement they licensed the vet use. Since we acquired Kaopectate we become the licensor.

Q. 141 Your understanding is that this license for the vet use to Pharmacia would cover which territory?

A. With regard to Kaopectate?

Q. 142 Yes.

A. The J & J licenses…the J & J and Pfizer’s agreement was a worldwide acquisition. This particular piece is Canada only.

Q. 143 To your knowledge, is there a written document to this effect?

A. I would think so.

Q. 144 Could you possibly…if you are now the holder to the rights of that agreement, would you happen to have a copy of it?

A. Because it forms part of a much bigger agreement between Pfizer and Johnson & Johnson, and there’s confidentiality between those two companies, I don’t have access to it.

Q. 145 So you have a licensee that does not report to you?

A. Not at all.

Q. 146 And it pays no royalty?

A. No.

Q. 147 Do you have any information on the sales, if any, that Pharmacia Animal Health has in Canada?

A. No.

[…] [Discussion entre procureurs résultant en la formulation d’objections et la souscription d’engagements]

Q. 150 You testified a few minutes ago that it’s your understanding that there’s a license agreement between… or that there was a license agreement between Pfizer Consumer Products, if I remember the name correctly that you gave us, and Johnson & Johnson for the wordlwide vet use of Kaopectate…

A. No, sorry, not the worldwide use of Kaopectate. Their agreement is a worldwide agreement.

Q. 151 Okay.

A. Period. How the other…

Q. 152 So do you know exactly, for the vet use, exactly what rights were granted to Pfizer in terms of territory for the Kaopectate product?

A. I have no idea.

Q. 153 All right. Do you know…

A. I just know with regards to Canada.

Q. 154 Canada. Okay.

A. Right.

Q. 155 And how did you become aware, or how were you told that there was a right granted to Pfizer by Johnson & Johnson for the Canadian territory?

A. They told us.

[…] [Discussion entre procureurs résultant en la formulation d’objections et la souscription d’engagements]

Q. 162 Have you ever seen the product as distributed or sold by Pharmacia Animal Health in Canada for Kaopectate for the vet market?

A. Have I ever seen it?

Q. 163 Yeah, have you seen a bottle or how it’s …what it looks like, how it’s…

A. No.

Q. 164 …marketed? All right. So you don’t know if the label is similar to yours in any way, shape or form in terms of the visual impact, of how the name is…

A. No, I didn’t.

 

[36]           Les réponses aux engagements souscrits lors du contre-interrogatoire de Mme Sakhia visant à fournir des éclaircissements sur cette soi-disant licence ne s’avèrent d’aucune utilité; l’Opposante maintenant essentiellement son objection de fournir quelque précision que ce soit sur l’entente intervenue entre les sociétés Johnson & Johnson et Pfizer, au motif que l’Opposante n’a pas l’autorité de divulguer pareille entente.

 

[37]           Il convient par ailleurs de noter que M. Robitaille affirme dans sa déclaration statutaire n’avoir connaissance d’aucune présence sur le marché vétérinaire de marchandises vendues sous la marque KAOPECTATE auprès de la clientèle ou des fournisseurs de la Requérante ou autrement. Il convient également de noter, tel que souligné par la Requérante, que le relevé produit comme pièce G au soutien de la déclaration statutaire de Mme Sakhia, date du 16 avril 2009 et mentionne que les informations indiquées dans celui-ci ont été modifiées en date du « 2009-03-04 », soit après la production de la déclaration d’opposition dans le présent dossier; la nature des modifications apportées n’étant pas précisée toutefois. Il convient enfin de noter, tel qu’également souligné par la Requérante, que le rapport annuel de l’Opposante pour l’année 2008, produit comme pièce A au soutien de la déclaration statutaire de Mme Sakhia, fait état d’une démarche corporative centrée sur le marché pharmaceutique, sans qu’aucune référence ne soit faite à quelque activité que ce soit dans le domaine vétérinaire.

 

[38]           Compte tenu de l’ensemble des circonstances décrites plus avant, j’estime que l’Opposante n’a pas établi l’emploi de la marque KAOPECTATE dans le domaine vétérinaire; la preuve de l’Opposante sur ce point étant pour le moins obscure et ne pouvant, au surplus, aucunement bénéficier à l’Opposante en vertu de l’article 50 de la Loi.

 

[39]           Pour conclure, considérant les différences existant entre les préparations médicinales de l’Opposante vendues sans ordonnance, en pharmacie pour emploi chez l’humain, et le produit vétérinaire de la Requérante, expressément limité aux animaux de grande taille, et destiné à être commercialisé exclusivement auprès des vétérinaires et de comptoirs de magasins agricoles, j’estime que l’appréciation de ces troisième et quatrième facteurs favorise la Requérante.

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent

[40]           Les marques en cause se ressemblent dans une certaine mesure en ce que toutes deux incluent le préfixe « KAO » suivi de la syllabe « PEC ». Leurs dernières portions diffèrent cependant de manière importante. Non seulement le son en est complètement différent, mais le nombre de syllabes également. De plus, tel qu’indiqué plus avant, la marque KAOPECTATE reprend intégralement le mot « PECTATE » sorti du dictionnaire. Par comparaison, rien dans la Marque ne ressort directement du dictionnaire puisque les différentes syllabes des mots « KAOLIN » et « PECTINE » ont été concaténées pour évoquer plutôt que pour nommer.

 


Circonstances additionnelles

 

État du registre

 

[41]           La Requérante fait valoir que les recherches effectuées par Mme Montpetit sur le registre des marques de commerce mises en preuve dans la déclaration statutaire de celle-ci démontrent qu’il existe sur le registre quelque 85 entrées comportant le mot « KAO », dont :

-        3 entrées comportant le préfixe « KAO » avec le mot « veterinary » dans la description des marchandises, dont les marques enregistrées KAOBIOTIC BOLUS ; et KAOBIOTIC;

-        3 entrées comportant le préfixe « KAO » avec le mot « intestinal » dans la description des marchandises, dont les marques enregistrées KAOBIOTIC et KAOMYCIN;

-        9 entrées comportant le préfixe « KAO » avec le mot « pharmaceutical » dans la description des marchandises, dont les marques enregistrées KAOCHLOR-TAB et KAOMAGMA; et

-        3 entrées comportant le préfixe « KAO » avec le mot « medicinal » dans la description des marchandises, dont les marques enregistrées KAOMAGMA et KAOMYCIN.

 

[42]           La Requérante fait valoir de plus que ces recherches démontrent l’existence de 6 entrées pour des marques de commerce comprenant la syllabe « PEC » et le mot « pharmaceutique » dans la description des marchandises, dont la marque enregistrée UNIPECTINE.

 

[43]           La preuve de l’état du registre est pertinente seulement dans la mesure où on peut en tirer des conclusions concernant l’état du marché, et des conclusions au sujet de l’état du marché ne peuvent être tirées que si un grand nombre d’enregistrements pertinents sont relevés [voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432 (C.O.M.C.); Welch Foods Inc. c. Del Monte Corp. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.); et Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.)].

 

[44]           En l’occurrence, bien que je convienne avec la Requérante que les enregistrements relevés par les recherches de Mme Montpetit, dont plus particulièrement ceux concernant les marques KAOBIOTIC (enregistrée en liaison avec « a veterinary preparation for the treatment of intestinal dysfunction »), et KAOMYCIN (enregistrée en liaison avec « a medicinal preparation for the treatment of intestinal conditions ») supportent l’argument de la Requérante concernant le caractère suggestif du préfixe KAO, évoquant l’ingrédient kaolin, dans le contexte de préparations destinées au traitement de conditions intestinales, j’estime que le nombre d’enregistrements pertinents relevés s’avère insuffisant pour tirer des inférences quant à l’état du marché.

 

Conclusion – probabilité de confusion

 

[45]           Compte tenu de mon analyse qui précède, et considérant plus particulièrement le fait que les marchandises des parties s’adressent à deux marchés différents, soit le marché de la consommation humaine et le marché de la consommation vétérinaire, et les différences existant entre les marques des parties, je suis d’avis que la Requérante a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’un consommateur ayant un souvenir imparfait de la marque KAOPECTATE de l’Opposante ne serait pas susceptible de conclure que les Marchandises de la Requérante proviennent de la même source ou sont autrement reliées ou associées aux marchandises de l’Opposante.

 

[46]           Conséquemment, je rejette le motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité de la Marque.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[47]                Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’absence de caractère distinctif, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce KAOPECTATE était devenue suffisamment connue au Canada à la date de la déclaration d’opposition de manière à nier le caractère distinctif de la Marque [voir Motel 6, Inc c No 6 Motel Ltd (1981), 56 CPR (2d) 44 (CF); et Bojangles’ International, LLC and Bojangles Restaurants, Inc c Bojangles Café Ltd (2006), 48 CPR (4th) 427 (CF)]. Ce fardeau de preuve initial ayant été satisfait en l’espèce, la Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre la Marque et cette marque de l’Opposante à la date de la déclaration d’opposition.

[48]                Ayant conclu, au vu de la preuve au dossier, qu’il n’existe aucune probabilité de confusion au titre de l’article 12(1)(d) de la Loi, et puisque la différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence sur mon analyse précédente, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif de la Marque.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi

[49]                Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’article 16(3)(a) de la Loi, l’Opposante doit démontrer que sa marque de commerce KAOPECTATE avait été employée au Canada antérieurement à la date de production de la demande et n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la demande de la Requérante [article 16(5) de la Loi]. Ce fardeau de preuve initial ayant été satisfait en l’espèce, la Requérante doit dès lors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre la Marque et cette marque de l’Opposante à la date de production de la présente demande.

[50]                Ayant conclu, au vu de la preuve au dossier, qu’il n’existe aucune probabilité de confusion au titre de l’article 12(1)(d) de la Loi, et puisque la différence entre les dates pertinentes n’a pas d’incidence sur mon analyse précédente, je rejette le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(a) de la Loi.

Motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(c) de la Loi

[51]                Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial en ce qui a trait à l’article 16(3)(c) de la Loi, l’Opposante doit démontrer que le nom commercial KAOPECTATE avait été employé au Canada antérieurement à la date de production de la demande et n’avait pas été abandonné à la date de l’annonce de la demande de la Requérante [article 16(5) de la Loi]. La preuve de l’Opposante portant exclusivement sur l’emploi de la marque de commerce KAOPECTATE par opposition au nom commercial KAOPECTATE, ce fardeau de preuve initial n’a pas été satisfait en l’espèce. Partant, le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)(c) de la Loi est rejeté.


Décision

 

[52]           Dans l’exercice des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu des dispositions de l’article 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en vertu de l’article 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

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