Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2012 COMC 187

Date de la décision : 09-10-2012

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Safety Spill Systems Inc. à la demande no 1 406 760 produite par Quinn Holtby en vue de l’enregistrement de la marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS (SSS)

Le dossier

[1]               Le 8 août 2008, Quinn Holtby (le Requérant) a produit une demande en vue d’enregistrer la marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS (SSS) (la Marque) en liaison avec les marchandises et services suivants :

[TRADUCTION]
équipement de sécurité pour appareils de forage, nommément tapis tressés, protège-mains, pare-éclaboussures, protecteurs pour carrés d'entraînement, vêtements de sécurité, bacs à éclaboussures, plateaux de confinement se fixant au plancher des appareils de forage (les Marchandises); services de construction de plateformes pétrolières et d’infrastructures pétrolières (les Services).

[2]               La demande a été produite sur la base d’un emploi projeté au Canada. Elle a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 9 septembre 2009.

[3]               Le 30 octobre 2009, Safety Spill Systems Inc. (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition, laquelle a été transmise au Requérant par le registraire le 12 novembre 2009. Les motifs d’opposition peuvent être résumés ainsi :

1. la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30 de la Loi sur les marques de commerce L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), car, eu égard à l’alinéa 30i), le Requérant ne pouvait pas et ne peut pas être convaincu d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et Services puisque, à la date de production de la demande, le Requérant savait que l’Opposante avait employé et fait connaître, et continuait et avait l’intention de continuer d’employer et de faire connaître la marque de commerce et le nom commercial de l’Opposante (tels qu’ils sont décrits ci-dessous) au Canada en liaison avec des marchandises et des services identiques ou similaires aux Marchandises et Services décrits dans la demande, de telle sorte que la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce et le nom commercial de l’Opposante. La demande d’enregistrement de la Marque a été produite dans le but de créer de la confusion entre la Marque et la marque de commerce et le nom commercial de l’Opposante;

2. Le Requérant n’a pas et n’avait pas, à la date de production de la demande, véritablement l’intention d’employer la Marque au Canada en liaison avec les Marchandises et Services;

3. le Requérant n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant les alinéas 16(3)a) et c) de la Loi, car, à la date de production de la demande, la Marque créait de la confusion avec la marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS et le nom commercial SAFETY SPILL SYSTEMS INC. de l’Opposante (la Marque de commerce et le Nom commercial de l’Opposante) ayant été antérieurement employés ou révélés au Canada par l’Opposante;

4. suivant l’alinéa 38(2)d) de la Loi, la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2, car, en réalité, elle ne distingue pas et n’est pas adaptée à distinguer les marchandises ou services du Requérant des marchandises ou services de tiers, nommément les marchandises et services de l’Opposante.

[4]               Le 29 décembre 2009, le Requérant a produit une contre-déclaration dans laquelle il nie l’ensemble des motifs d’opposition.

[5]               À titre de preuve, l’Opposante a produit l’affidavit de Gregory Meimaroglou, tandis que le Requérant a produit l’affidavit de Quinn Holtby. À titre de preuve supplémentaire, l’Opposante a produit un second affidavit de Gregory Meimaroglou. M. Meimaroglou a été contre-interrogé au sujet de son premier affidavit.

[6]               Les parties ont toutes deux présenté des observations écrites et étaient toutes deux représentées à l’audience.

Le fardeau de preuve

[7]               La partie requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa demande d’enregistrement est conforme aux dispositions de la Loi. Il incombe toutefois à la partie opposante de s’acquitter du fardeau initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition soulevés. Une fois que la partie opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, la partie requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition soulevés ne sauraient faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd et al c. Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.) et Wrangler Apparel Corp c. The Timberland Company [2005] C.F. 722].

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30e)

[8]               La date pertinente pour l’examen du deuxième motif d’opposition est la date de production de la demande [voir Dic Dac Holdings (Canada) Ltd c. Yao Tsai Co (1999), 1 C.P.R. (4th) 263]. L’Opposante a le fardeau initial de prouver son allégation selon laquelle, à la date de production de la demande, le Requérant n’avait pas véritablement l’intention d’employer la Marque au Canada. Or, parmi les éléments de preuve produits par l’Opposante, aucun ne se rapporte à cette question. Par conséquent, le deuxième motif d’opposition est rejeté, car l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement suivant le paragraphe 16(3) de la Loi

[9]               Pour s’acquitter de son fardeau de preuve initial, l’Opposante doit démontrer qu’elle a employé ou fait connaître sa marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS et/ou employé son nom commercial Safety Spill Systems Inc. avant le 8 août 2008 et que, à la date du 9 septembre 2009, elle n’avait pas cessé de les employer [voir le paragraphe 16(5) de la Loi].

[10]           M. Meimaroglou a été embauché par l’Opposante. Il est responsable des questions ayant trait à la protection de la propriété intellectuelle. Dans le cadre de ces activités commerciales, l’Opposante fournit de l’équipement de sécurité et des produits de confinement des déversements dans le secteur des services à l’industrie pétrolière. Ses clients feraient partie de l’industrie pétrolière en amont; ils offriraient leurs services aux entrepreneurs fournisseurs d’appareils et d’installations de forage.

[11]           M. Meimaroglou soutient que l’Opposante a commencé à employer la marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS aux alentours du 1er janvier 2007. Le mot « emploi » est un terme juridique défini à l’article 4 de la Loi. On ne peut conclure à l’emploi d’une marque de commerce en l’absence d’une preuve concrète en ce sens.

[12]           M. Meimaroglou a fourni, aux pièces A-1 et A-2, des copies de chacune des faces d’une brochure que l’Opposante a commencé à distribuer aux alentours du 1er janvier 2007. La brochure montre des images de pièces, assorties de leur numéro respectif. À titre de pièces A-3 et A-4, il a produit deux factures adressées à des clients de l’Opposante relativement à la vente de deux des composantes illustrées dans la brochure fournie aux pièces A-1 et A-2.

[13]           M. Meimaroglou a également produit une copie du certificat de constitution en société de l’Opposante, daté du 6 mars 2006.

[14]           Lors de son contre-interrogatoire, M. Meimaroglou a admis ce qui suit : la brochure (pièces A-1 et A-2) ne contient aucune information sur les marchandises ou services; la marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS n’apparaît nulle part dans la description des composantes figurant sur les factures produites en preuve (pièces A-3 et A-4). La première facture est datée du 24 octobre 2006 et concerne la vente, au prix de 55 $, d’une (1) conduite d’écoulement identique à celle illustrée à la pièce A-1; la seconde facture, quant à elle, est datée du 9 novembre 2009, ce qui la situe en dehors de la période pertinente.

[15]           À son second affidavit, M. Meimaroglou a joint une brochure de 14 pages (pièce A-6) et indiqué les pages où il est fait mention de « Safety Spill Systems ». Selon lui, cette brochure aurait été imprimée pour la première fois en novembre 2008, soit après la date pertinente.

[16]           M. Meimaroglou n’a fourni aucune information relativement aux ventes annuelles ou totales de marchandises ou de services qu’aurait effectuées l’Opposante en liaison avec la marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS ou le nom commercial Safety Spill Systems Inc. De même, je ne dispose d’aucune information quant à l’usage qui a été fait de la brochure fournie aux pièces A-1 et A-2, c’est-à-dire combien d’exemplaires de cette brochure ont été distribués, à qui et dans quelles régions du Canada. Ni la brochure présentée aux pièces A-1 et A-2, ni la facture fournie à la pièce A-3 ne font mention de la marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS. Il est cependant fait mention du nom commercial Safety Spill Systems Inc.

[17]           Pour ce qui est du certificat de constitution en société de l’Opposante, il a été établi qu’un tel document ne constituait pas une preuve valable de l’emploi d’un nom commercial [voir Geotech Ltd c. TTI Geotechnical Resources Ltd (1985), 7 C.P.R. (3d) 200 (C.O.M.C.) et Pharmx Rexall Drug Stores Inc c. Vitabrin Investments Inc (1995), 62 C.P.R. (3d) 108 (C.O.M.C.)].

[18]           La Loi ne précise pas en quoi consiste l’emploi d’un nom commercial. Même en admettant que l’unique facture fournie à la pièce A-3 puisse constituer une preuve de l’emploi du nom commercial Safety Spill Systems Inc., comme il s’agit du seul élément de preuve au dossier à porter une date antérieure à la date pertinente, cette unique facture est loin d’être suffisante pour établir que le nom commercial faisait l’objet d’un emploi continu à la date pertinente et que cet emploi n’avait pas été interrompu à la date d’annonce de la demande [voir Korkay System Canada Ltd c. Canada Packers Inc (1989), 22 C.P.R. (3d) 417 (C.O.M.C.)].

[19]           En l’absence d’information sur les ventes annuelles de l’Opposante et d’éléments de preuve documentaires suffisants pour établir que le nom commercial Safety Spill Systems Inc. ou la marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS de l’Opposante ont été employés au Canada avant la date pertinente, je suis dans l’obligation de conclure que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

[20]           En conséquence, le troisième motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

[21]           L’Opposante a le fardeau initial de démontrer que son nom commercial et/ou sa marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS étaient devenus suffisamment connus à la date de production de la déclaration d’opposition (le 30 octobre 2009) pour priver la Marque de tout caractère distinctif [voir Motel 6, Inc c. No 6 Motel Ltd (1981), 56 C.P.R. (2d) 44 p. 58 (C.O.M.C.)]. Si l’Opposante s’acquitte de ce fardeau initial, le Requérant a alors le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne créait pas de confusion avec la marque de commerce et/ou le nom commercial de l’Opposante et qu’elle était, à la date pertinente, adaptée à distinguer ou distinguait véritablement, dans l’ensemble du Canada, les Marchandises et Services des marchandises et services de l’Opposante [voir Muffin Houses Incorporated c.The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.)].

[22]           Le seul élément de preuve supplémentaire dont je pourrais peut-être tenir compte aux fins de l’examen de ce motif d’opposition est la brochure supplémentaire que M. Meimaroglou a jointe à son second affidavit à titre de pièce A-6. Je dis bien « peut-être », car M. Meimaroglou affirme dans son second affidavit que cette brochure a été imprimée pour la première fois en novembre 2008. Même en admettant que la brochure imprimée en novembre 2008 était identique à celle fournie à la pièce A-6 du second affidavit M. Meimaroglou, il n’en demeure pas moins que je ne dispose d’aucune information quant à l’usage qui a été fait de cette brochure sur le marché, c’est-à-dire combien d’exemplaires de cette brochure ont été distribués, à qui et dans quelles régions du Canada

[23]           La preuve produite par l’Opposante n’est pas suffisante pour établir que sa marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS et/ou son nom commercial Safety Spill Systems Inc. étaient devenus suffisamment connus au Canada à la date du 30 octobre 2009 pour annuler le caractère distinctif de la Marque. En conséquence, le quatrième motif d’opposition est rejeté.

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

[24]           L’alinéa 30i) de la Loi exige seulement que la partie requérante se déclare convaincue d’avoir le droit d’enregistrer la Marque. Cette déclaration fait partie intégrante de la demande d’enregistrement. L’allégation de l’Opposante selon laquelle le Requérant ne pouvait pas être convaincu d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada étant donné que l’Opposante employait déjà au Canada sa marque de commerce et/ou son nom commercial ne peut pas servir de fondement à un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi. L’alinéa 30i) ne peut être invoqué que dans des cas bien précis, comme lorsqu’il est allégué que la partie requérante a commis une fraude [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. En l’espèce, l’Opposante allègue dans sa déclaration d’opposition que le Requérant a produit la demande en cause dans le but de créer de la confusion avec la marque de commerce et/ou le nom commercial de l’Opposante.

[25]           À l’audience, l’Opposante a fait valoir que la preuve au dossier démontrait que le Requérant connaissait l’existence de l’entreprise de l’Opposante à la date de production de la demande compte tenu du litige existant entre les parties. À l’appui de cette affirmation, l’Opposante a présenté la copie d’une lettre datée du 9 avril 2010 produite par un cabinet d’avocats représentant Katch Kan Limited dans le cadre d’un litige entre Katch Kan Limited et une certaine Tracy Mcintosh, deux parties autres que celles concernées par la présente procédure d’opposition. La lettre en question a trait au dépôt d’un affidavit. Il n’est fait aucune mention dans cette lettre de l’identité du déposant.

[26]           La date pertinente pour l’examen de ce motif d’opposition est la date de production de la demande. Comme je l’ai mentionné précédemment, M. Meimaroglou affirme dans son second affidavit qu’une brochure similaire à celle qu’il a jointe à son second affidavit a été imprimée en novembre 2008, soit après la date pertinente. Si, pour les besoins de ce motif d’opposition, j’admettais en preuve la lettre datée du 9 avril 2010, la seule chose que cela permettrait d’établir est que le Requérant a obtenu la brochure après novembre 2008, mais avant le 9 avril 2010. La preuve ne contient aucune information quant à la façon dont le Requérant aurait obtenu un exemplaire de la brochure fournie à la pièce A-6, ni à quel moment exactement. Au somme, rien dans le dossier n’indique que le Requérant connaissait l’existence de l’entreprise de l’Opposante à la date du 8 août 2008 et, plus particulièrement, qu’il savait que cette dernière employait déjà au Canada la marque de commerce SAFETY SPILL SYSTEMS et/ou le nom commercial Safety Spill Systems Inc. à la date de production de la demande.

[27]           Il est très possible, effectivement, que les parties exercent des activités commerciales dans la même région géographique, dans un domaine d’expertise très spécialisé et qu’elles s’adressent à la même clientèle. Bien que M. Meimaroglou ait insisté sur ce point à l’audience, le dossier ne contient aucun élément de preuve attestant l’existence d’une telle situation. Je ne puis conclure que le Requérant a agi de mauvaise foi uniquement sur la base d’hypothèses, de suppositions et de présomptions.

[28]           L’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial à l’égard de ce motif d’opposition non plus. En conséquence, le cinquième motif d’opposition est rejeté.

Décision

 

[29]           Dans l’exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire

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