Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 117

Date de la décision : 2015-06-29

TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

Apple Inc

Opposante

et

 

Les Ateliers Mach Dépot (Mach Depot) Inc.

Requérante

 

 

 

 

1,516,567 pour « deux flèches vertes dirigées de façon à former un cercle au-dessus duquel se trouve une feuille verte »

Demande

Présentation

[1]               Apple Inc. (l'Opposante) s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce identifiée comme représentant « deux flèches vertes dirigées de façon à former un cercle au-dessus duquel se trouve une feuille verte », reproduite ci-dessous :

2 green arrows pointing in a rounded shape with a leaf at the top(la Marque)

La couleur est revendiquée comme caractéristique de la Marque. La Marque est constituée de « deux flèches vertes dirigées de façon à former un cercle au-dessus duquel se trouve une feuille verte.

[2]               La demande couvre les services suivants :

Offre de services de réparation et de recyclage de matériel électronique et informatique usagé qui n'est plus sous garantie du fabricant (les Services).

[3]               La demande a été produite par Les Ateliers Mach Dépot (Mach Depot) Inc (la Requérante) le 24 février 2011, sur la base d'un emploi projeté au Canada.

[4]               L'Opposante a produit une déclaration d'opposition sur le fondement de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). Les motifs d'opposition invoqués sont fondés sur l'article et les alinéas suivants : l'alinéa 30a) et i) ainsi que l'alinéa 12(1)d) (enregistrabilité); l'alinéa 16(3)a) et b) (absence de droit à l’enregistrement); et l'article 2 (caractère distinctif). Ils portent tous sur la question de la probabilité de confusion avec la famille des enregistrements Apple de l'Opposante figurant dans la déclaration d'opposition. Les motifs d'opposition sont présentés en détail à l'annexe A de la présente décision.

[5]               Pour les raisons exposées ci-après, je repousse la demande.

Le dossier

[6]               La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce du 9 novembre 2011. L'Opposante a produit sa déclaration d'opposition le 23 mars 2012. Le 11 juin 2012, la Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle conteste chacun des motifs d'opposition soulevés par l'Opposante.

[7]               L'Opposante a produit en preuve l'affidavit de Thomas La Perle, daté du 6 février 2013, ainsi que des copies certifiées des enregistrements LMC690,668 (apple dessin); LMC541,334 (MAC); LMC354,378 (apple dessin); et LMC396,871 (apple dessin).

[8]               La Requérante a produit en preuve l'affidavit de M. Roberto Ziroma.

[9]               Comme preuve en réponse, l'Opposante a produit l'affidavit de M. La Perle, daté du 4 novembre 2013.

[10]           Les parties ont toutes deux produit des plaidoyers écrits et étaient toutes deux représentées à l'audience.

Le fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[11]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que sa demande d'enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi, tel qu'il est allégué dans la déclaration d'opposition. Cela signifie que s'il est impossible d'arriver à une conclusion déterminante une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée à l'encontre de la Requérante. Toutefois, l'Opposante doit, pour sa part, s'acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu'un fardeau de preuve soit imposé à l'Opposante signifie qu'un motif d'opposition ne sera pris en considération que s'il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF); et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company (2005), 41 CPR (4th) 223 (CF 1re inst)].

Remarques préliminaires

[12]           J'aimerais souligner que pour prendre ma décision, j'ai pris en considération l'ensemble de la preuve au dossier, mais je ne ferai référence qu'aux éléments pertinents de cette preuve dans les motifs de ma décision.

Demande d'autorisation de déposer une preuve supplémentaire présentée par la Requérante

[13]           Au début de l'audience, la Requérante, représentée par son secrétaire M. Romagnino, m'a informé qu'elle avait soumis au bureau du registraire, en vertu des paragraphes 47(1) et (2) de la Loi, une demande d'autorisation pour ajouter des éléments à son plaidoyer écrit. Je suppose que la Requérante avait aussi l'intention de citer la règle 44 du Règlement sur les marques de commerce (Règlement). J'ai reçu une copie d'un document qui est censé être un ajout au plaidoyer écrit de la Requérante. Cependant, j'ai aussi reçu 4 dossiers différents contenant :

         de la jurisprudence (D.J. 01 à D.J. 12);

         d'autres documents (P.D. 01 à P.D. 23);

         d'autres documents (P.D. 24 à P.D. 67);

         d'autres documents (P.D. 68 à P.D. 95).

[14]           À l'audience, j'ai fait les observations suivantes :

         Selon moi, le dossier qui contient la jurisprudence et le document qui est censé s'ajouter au plaidoyer écrit ne posent aucun problème. En fait, l'Opposante n'a pas contesté vigoureusement le dépôt de ce document.

         Il n'y avait aucun affidavit joint aux documents supplémentaires produits (P.D. 01 à P.D. 95).

[15]           J'ai aussi mentionné que je refuserais la production des documents P.D. 01 à P.D. 95 pour les raisons suivantes.

[16]           Étant donné la nature des documents P.D. 01 à P.D. 95, je ne peux pas accepter leur production au dossier sans affidavit. La règle 42 du Règlement sur les marques de commerce est bien claire : la preuve de la Requérante doit être présentée sous forme d'affidavit, à moins qu'il s'agisse de documents officiels dont est saisi le registraire. Dans ce dernier cas, l'article 54 de la Loi prévoit que la production de ces documents peut se faire simplement par la production d'une copie certifiée conforme par le registraire. Aucun des documents P.D. 01 à P.D. 95 ne s'inscrit dans cette catégorie. Il y a des extraits de divers sites Web ou résultats de recherches effectuées dans la base de données du Registraire des Entreprises du Québec. Nous n'avons aucune information quant à l'auteur de ces recherches, le moment où elles ont été réalisées et la manière dont elles ont été effectuées, tant sur Internet que dans le Registraire des Entreprises du Québec.

Objection au dépôt de la correspondance classée comme étant privilégiée et références connexes

[17]           Dans son affidavit, M. Ziroma, président et directeur de l'exploitation pour la Requérante, fait référence à l'échange de correspondance entre les agents de l'Opposante et M. Romagnino concernant des discussions sur le règlement d'ententes. L'Opposante s'oppose à la production de cette correspondance, faisant valoir que celle-ci contient des communications privilégiées et qu'elle n'a pas renoncé à cette protection. Sans faire la liste de tous les documents qui s'inscrivent dans cette catégorie, en voici quelques-uns :

         la lettre de demande de l'Opposante, datée du 3 janvier 2012, adressée à la Requérante (A-5, pages 1 à 4, l'affidavit M. Ziroma).

         le courriel du 19 septembre 2012 énonçant des modalités de règlements (A-6, affidavit de M. Ziroma);

         le courriel du 21 septembre 2012 envoyé à M. Romagnino demandant une autorisation de prolongation de délai pour fournir une proposition de règlement (A-9, affidavit de M. Ziroma);

         le courriel du 8 février 2013 concernant la preuve de l'Opposante et la proposition de règlement (A-10, A-11 et A-12, affidavit de M. Ziroma);

         un courriel non daté envoyé à M. Romagnino par l'avocat de l'Opposante, fournissant une autre proposition de règlement révisée (A-13, page 1, l'affidavit de M. Ziroma);

         divers documents de correspondance envoyés à M. Romagnino par l'avocat de l'Opposante (A229-A234, affidavit de M. Ziroma).

[18]           Dans Bauer Nike Hockey Inc c Tour Hockey, 2003 CFPI 451, la juge Tremblay-Lamer a résumé l'état du droit sur cette question dans les mots suivants :

[18]           Trois conditions doivent être remplies pour qu'un tribunal judiciaire reconnaisse que les communications visant un règlement sont privilégiées : a) un différend prêtant à litige doit exister ou être prévu; b) la communication doit être effectuée dans l'intention expresse ou implicite qu'elle ne serait pas divulguée au tribunal judiciaire advenant le cas où les négociations échoueraient; et c) la communication doit viser la conclusion d'un règlement (Sopinka, Liederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada, 2e éd. (1999), à la page 810).

[19]           Les offres de règlement échangées entre les parties qui satisfont aux critères susmentionnés sont assujetties à un privilège. Pareilles communications sont protégées en vue d'éviter de causer préjudice aux parties en cas d'échec des négociations. (…)

[19]           Les mêmes principes s'appliquent dans les procédures d'opposition aux marques de commerce de nature litigieuse [voir Mothercare Ltd c "Precious Secret" Maternity Inc (1976), 27 CPR (2d) 171 (COMC)]. Par conséquent, je ne tiendrai pas compte dans la preuve des pièces détaillées ci-dessus ni de toute autre correspondance de nature semblable.

[20]           J'aimerais toutefois ajouter que ce type de documentation ne s'applique pas aux questions soulevées dans le cadre de ces procédures.

Objection au dépôt de documents supplémentaires joints au plaidoyer écrit initial de la Requérante

[21]           L'Opposante a contesté tous les renvois faits par la Requérante aux documents annexés au plaidoyer écrit initial de la Requérante, puisque ces documents n'étaient pas dûment inscrits au dossier. Je suis d'accord. Comme il a été mentionné précédemment, tout document doit être introduit en preuve par voie d'un affidavit et, en l'espèce, une demande aurait dû être soumise en vertu de la règle 44 du Règlement afin que ces documents soient produits à titre de preuve supplémentaire. Je ne considère aucun des documents annexés au plaidoyer écrit initial de la Requérante comme faisant partie du dossier. Quoi qu'il en soit, leur contenu constitue une preuve par ouï-dire inadmissible puisqu'il s'agit d'extraits de sites Web de tiers.

Absence de résolution

[22]           Dans son plaidoyer écrit, la Requérante fait valoir que toute société parle par voie d'une résolution dûment adoptée par son Conseil d'administration. Il semble que la Requérante allègue que M. La Perle n'était pas autorisé par voie de résolution à produire un affidavit au nom de l'Opposante.

[23]           Afin de comprendre l'argument de la Requérante, j'ai reproduit le premier paragraphe de l'affidavit de M. La Perle, souscrit le 6 février 2013.

[Traduction] Je suis le directeur des services juridiques d'Apple et je gère le groupe responsable de la marque de commerce Apple et des droits d'auteur connexes. Je suis chargé entre autres des poursuites à l'international et de la protection des marques de commerce pour Apple Inc (ci-après Apple Inc. ou ses prédécesseurs en titres sont appelés « Apple » ou « la Société »). Avant de me joindre à Apple en 1999, j'étais l'un des avocats externes d'Apple spécialisé en propriété intellectuelle. Étant donné ma vaste expérience de travail au sein de l'équipe juridique d'Apple, je connais bien les activités de la Société, plus particulièrement en ce qui concerne ses marques de commerce, y compris son logo Apple (référence ci-dessous) très connu et les activités marketing associées à ses produits et services. Soit je suis personnellement au courant de tous les renseignements fournis dans cet affidavit, soit ils m'ont été fournis, et je les considère comme étant véridiques. En outre, en ce qui concerne les images de produits contenues dans mon affidavit, je suis familier avec les produits et j'ai vérifié que les images constituent une représentation exacte de ces produits.

[24]           À l'audience, l'Opposante n'a formulé aucune représentation à cet égard et n'a pas été en mesure de commenter la jurisprudence produite par la Requérante sur ce sujet à l'audience, puisque les documents étaient tous en français et elle ne pouvait pas les comprendre.

[25]           La Requérante a cité trois jugements, une partie de ses listes de pouvoirs, mais seulement deux d'entre eux portaient sur une résolution ou y ou faisaient référence. Cependant, le contexte était très différent de celui dont je suis saisi. Dans Foyer de Marie Inc c Barbreau [1968] C.S. 188, une poursuite a été intentée afin d'invalider la résolution d'une société ayant mené à l'exécution d'un acte de vente. Le plaignant alléguait que la personne autorisée par voie de la résolution à agir au nom de la société ne détenait pas de tel pouvoir. Le tribunal devait donc trancher une question de procédure, puisque le défendeur soutenait que le plaignant n'avait pas intenté la bonne procédure pour s'attaquer à la validité de la résolution. Je ne vois pas comment cette affaire peut s'appliquer au cas qui nous occupe.

[26]           La Requérante a également fait référence à l'affaire Lafleur c Uniboard Canada Inc, 2008 QCCS 5839. Seul un résumé du jugement a été produit, mais j'ai été en mesure d'obtenir et de lire toute la décision. Dans ce cas, une poursuite visant le paiement d'une facture pour des services rendus a été intentée. Le plaignant était un membre du Conseil d'administration du défendeur, avant que ce dernier soit vendu à une entité tierce. Les services rendus par le plaignant ont été exécutés à l'avantage de l'unique actionnaire du défendeur. Le tribunal a souligné le principe général du droit des sociétés, selon lequel on doit pouvoir distinguer la société de ses actionnaires. Il s'agit d'entités distinctes. En outre, le tribunal, faisant référence aux lois applicables issues du droit des sociétés, a conclu que la rémunération d'un directeur doit être établie par une résolution dûment approuvée par le Conseil d'administration. Encore ici, ces principes ne s'appliquent aucunement en l'espèce.

[27]           Enfin, la règle 41 du Règlement stipule que la partie opposante doit produire sa preuve sous forme d'affidavit ou de déclaration solennelle. Ni la Loi ni le Règlement ne contiennent de disposition exigeant une preuve sous forme de résolution indiquant qu'un déposant a été autorisé à procéder à un dépôt au nom d'une société dans une procédure d'opposition. M. La Perle n'a jamais été contre-interrogé. Étant le directeur du service juridique de l'Opposante, on peut supposer qu'il détenait le pouvoir de formuler les déclarations contenues dans son affidavit. Si la Requérante désirait contester le statut de M. La Perle auprès de l'Opposante, elle aurait pu le faire au moyen d'un contre-interrogatoire.

[28]           Par conséquent, je n'ai pas l'intention d'ignorer le contenu de son affidavit sur le seul fondement qu'il n'y a aucune résolution de la part du Conseil d'administration de l'Opposante autorisant M. La Perle à signer un affidavit déposé en preuve au dossier.

Preuve par ouï-dire

[29]           Les deux parties ont soulevé l'argument selon lequel la preuve de la partie opposante contient du ouï-dire et ne devrait pas être considérée comme faisant partie de la preuve. Je vais d'abord me pencher sur l'argument de la Requérante portant sur certaines déclarations faites par M. La Perle dans son affidavit.

[30]           À l'audience, la Requérante a fait valoir que M. La Perle n'a pas indiqué de qui il avait obtenu l'information contenue dans son affidavit. Qu'il me soit permis de ne pas partager cet avis. Par exemple, en ce qui a trait aux chiffres de vente de l'Opposante, M. La Perle a clairement énoncé dans son affidavit qu'ils avaient été tirés des rapports annuels de l'Opposante et qu'il a produit des extraits pertinents. On trouve un autre exemple où M. La Perle identifie sa source d'information au paragraphe 24, lequel commence comme suit : « [Traduction] J'ai été informé par notre avocat canadien... »

[31]           Dans son plaidoyer écrit comme à l'audience, la Requérante a fait valoir que, étant donné qu'aucune résolution approuvée par le Conseil d'administration de l'Opposante n'a été présentée, le contenu de l'affidavit de M. La Perle constitue une preuve par ouï-dire. J'ai déjà tranché sur l'obligation qu'a l'Opposante de produire une résolution autorisant M. La Perle à produire un affidavit au nom de l'Opposante. Compte tenu du fait qu'aucune résolution du genre n'est requise, je ne considère pas que la totalité de l'affidavit de M. La Perle constitue une preuve par ouï-dire inadmissible.

[32]           Quant aux éventuelles déclarations par ouï-dire inadmissibles figurant dans l'affidavit de M. Ziroma, je vais aborder cette question si, effectivement, ces déclarations doivent être considérées comme des éléments pertinents de la preuve de la Requérante.

La marque de commerce MAC de l'Opposante

[33]           Je n'ai pas l'intention d'aborder les arguments des parties portant sur la marque de commerce MAC de l'Opposante ni la signification du nom commercial « Les Ateliers Mach Dépôt Inc » de la Requérante, puisque cette opposition ne concerne que la Marque. Quoi qu'il en soit, l'Opposante n'a pas cité sa marque de commerce MAC dans sa déclaration d'opposition comme fondement d'un motif d’opposition.

Motifs d'opposition rejetés sommairement

Motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30a)

[34]           À l'audience, l'agent de l'Opposante m'a informé qu'elle n'avait pas l'intention de faire de représentations relativement à ce motif d'opposition. Elle a admis qu'il n'y a aucune preuve au dossier pour soutenir un tel motif d'opposition.

[35]           Par conséquent, je rejette ce motif d'opposition puisque l'Opposante ne s'est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i)

[36]           L'alinéa 30i) de la Loi exige uniquement que la Requérante se déclare convaincue d'avoir le droit d'employer la marque au Canada en liaison avec les services décrits dans la demande d'enregistrement. Une telle déclaration est comprise dans la présente demande d'enregistrement. Une partie opposante peut invoquer l'alinéa 30i) dans des cas précis, comme lorsqu'on allègue la mauvaise foi de la partie requérante [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC)]. Aucune allégation de ce genre n'est faite dans la déclaration d'opposition, et il n'y a aucune preuve au dossier à cet effet.

[37]           L'Opposante s'appuie sur le fait que M. Ziroma déclare dans son affidavit qu'il a déjà réparé des ordinateurs de marque Apple et qu'il a aussi fait référence aux produits iPod et iPhone dans son affidavit. Le fait de montrer que la Requérante connait les marques de commerce de l'Opposante ne suffit pas pour qu'une Opposante s'acquitte du fardeau de preuve initial qui lui incombe au titre d'un motif d'opposition invoqué en vertu de l'alinéa 30i).

[38]            Par conséquent, ce motif d'opposition est également rejeté.

Enregistrabilité de la Marque en vertu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi

[39]           La date pertinente pour l'analyse de ce motif d'opposition est la date de la décision du registraire [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413, page 424 (CAF)].

[40]           Comme il a été mentionné précédemment, l'Opposante a produit des copies certifiées des enregistrements LMC690,668; LMC354,378 et LMC396,871. J'ai utilisé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je confirme que l'Opposante est la propriétaire de ces enregistrements et que ceux-ci sont en vigueur.

[41]           Je vais centrer mon analyse sur les enregistrements LMC690,668 et LMC354,378 puisqu'ils couvrent tous les deux le dessin reproduit ci-dessous :

APPLE DESIGN(Apple Logo)

[42]           Quant à l'enregistrement LMC396,871, visant aussi la marque Apple Logo, il couvre les services (direction et gestion d'un groupe de personnes afin d'accroître leurs connaissances du matériel informatique et des logiciels) qui ne sont pas directement liés aux Services.

[43]           Je vais simplement mentionner à cette étape-ci que l'enregistrement LMC354,378 couvre les ordinateurs alors que l'enregistrement LMC690,668 couvre une longue liste de produits et de services, dont du matériel informatique et des logiciels; des services d'installation d'ordinateurs; des services d'entretien d'ordinateurs; des services de réparation d'ordinateurs; des services consultatifs concernant l'ensemble des éléments susmentionnés (les produits et services de l'Opposante).

[44]           L'Opposante s'est donc acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard de ce motif d'opposition.

[45]           Le test en matière de confusion est énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi. Certaines des circonstances de l’espèce dont il convient de tenir compte aux fins de l’évaluation de la probabilité de confusion entre deux marques de commerce sont énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi : le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou des noms commerciaux et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus; la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce; et le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent. Ces facteurs ne forment pas une liste exhaustive et le poids qu’il convient d’accorder à chacun d'eux n’est pas nécessairement le même [voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée et al (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC); Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC); et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 96 CPR (4th) 361 (CSC)].

[46]           Le test énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi ne concerne pas la confusion entre les marques elles-mêmes, mais la confusion portant à croire que des produits ou des services provenant d’une source proviennent d’une autre source. En l'espèce, la question que soulève le paragraphe 6(2) est celle de savoir si, à la vue des Services de la Requérante en liaison avec la Marque, un consommateur croirait que ces derniers proviennent de l'Opposante, ou sont parrainés ou approuvés par l'Opposante.

Le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[47]           Les marques des parties possèdent un caractère distinctif inhérent, étant exclusivement constituées d'un dessin qui n'est pas lié aux produits et services respectifs des parties.

[48]           Le caractère distinctif d'une marque de commerce peut être accru par l'emploi ou la promotion de la marque au Canada. La demande est fondée sur un emploi projeté et la Requérante n'a inscrit aucune preuve d'emploi de la Marque au dossier. Il existe une preuve d'emploi limitée de la Marque dans la preuve de l'Opposante, et j'en ferai la description plus tard. Quant à l'emploi de la marque de commerce Apple Logo de l'Opposante, celle-ci a produit l'affidavit de M. La Perle.

[49]           Comme il a été indiqué précédemment, M. La Perle a été le directeur du service juridique de l'Opposante, gérant le groupe responsable des marques de commerce et des droits d'auteur de l'Opposante. Il s'est joint à l'Opposante en 1999. Il affirme que le prédécesseur en titre de l’Opposante, Apple Computer Inc, a été constitué en société en janvier 1997. Il explique que l'Opposante conçoit, fabrique et commercialise un éventail de dispositifs de médias et de communications mobiles, ordinateurs personnels et lecteurs de musique numériques portatifs, et qu'elle vend divers logiciels, services et périphériques connexes, solutions réseau et contenu et applications numériques de tiers. Il soutient que la marque APPLE et ses produits figurent maintenant parmi les produits les plus reconnus et recherchés dans le monde. Il affirme qu'aujourd'hui, l'Opposante est reconnue comme l'un des chefs de file dans l'industrie de l'informatique.

[50]           Il atteste que les produits et les services de l'Opposante ont été annoncés, ont fait l'objet de promotions, ont été commercialisés et ont été offerts en étroite connexion avec les marques de commerce très connues de l'Opposante, y compris Apple Logo et ses variantes (ci-après appelées collectivement les marques de commerce APPLE). L'une des variantes est le logo Apple illustré en vert.

[51]           M. La Perle affirme que le logo Apple est employé de manière continue et évidente par l'Opposante depuis sa conception en 1977. Au fil des ans, l'Opposante a utilisé diverses variantes du logo Apple. Cependant, le dessin a toujours conservé sa forme et ses proportions distinctives, y compris :

(a) une taille et une silhouette relativement semblables;

(b) une feuille détachée sur le dessus de la pomme, selon un angle orienté vers le coin supérieur droit.

[52]           M. La Perle mentionne que le logo Apple est enregistré dans 134 pays dans le monde, y compris au Canada. Il allègue qu'à la suite des efforts de publicité importants déployés par l'Opposante et de l'emploi considérable de son logo Apple en liaison avec ses produits et ses services, lesquels sont présentés en détail ci-dessous, il croit que le logo Apple est sans contredit bien connu, a acquis un achalandage considérable et est désormais immédiatement associé à l'Opposante.

[53]           M. La Perle affirme que les marques APPLE et Apple Logo ont été classées parmi les plus grandes marques au monde. Il a joint en pièce B des copies des classements des plus grandes marques mondiales (Most Valuable Global Brands) préparés par Millward Brown Optimor (MBO) pour 2009 à 2012 inclusivement. La marque a été classée au premier rang en 2011 et 2012, et sa valeur était estimée à plus de 153 milliards de dollars.

[54]           M. La Perle explique que depuis l'introduction de l'ordinateur personnel Apple II en 1977, l'Opposante n'a pas cessé d'employer les marques de commerce APPLE, y compris le logo Apple, en liaison avec ses produits informatiques. Les marques de commerce APPLE, précisément le logo Apple, sont également affichées à l'écran lorsque sont utilisés les logiciels APPLE, y compris le système d'exploitation APPLE. Elles sont également apposées sur les ordinateurs de bureau, ordinateurs portables et périphériques de l'Opposante, sur leur boîtier et leur emballage. De plus, une copie rétroéclairée du logo Apple apparaît aussi sur bon nombre de ces unités. Il illustre au paragraphe 9 de son affidavit la manière dont le logo Apple a été apposé sur les produits de l'Opposante par le passé, y compris sur sa gamme d'ordinateurs de marque MAC.

[55]           M. La Perle a produit en pièce C des imprimés du site Web canadien de l'Opposante, datés du 26 septembre 2012, qui montrent la manière dont le logo Apple est apposé sur divers ordinateurs APPLE vendus au Canada, y compris ses ordinateurs iMac, Mac Pro et Mac Mini. Il a aussi produit en pièce D d'autres extraits du même site Web représentant l'emploi du logo Apple sur les ordinateurs portables de l'Opposante vendus au Canada, y compris ses ordinateurs portables MacBookAir et MacBook Pro.

[56]           M. La Perle affirme qu'en outre, le logo Apple est aussi reproduit sur les lecteurs de musique numérique et appareils mobiles bien connus de l'Opposante, comme l'iPod lancé au Canada en novembre 2001. Il a produit en pièce E des extraits du site Web susmentionné qui montrent le logo Apple apposé sur les versions actuelles des lecteurs de musique iPod et utilisé en liaison avec ceux-ci, chacun de ces produits étant vendus au Canada.

[57]           M. La Perle présente un autre type d'appareil sur lequel on peut voir le logo Apple, soit le téléphone cellulaire iPhone introduit au Canada en 2007. Il a produit en pièce F des imprimés du site Web susmentionné montrant les appareils iPhone 4 et iPhone 4s vendus au Canada.

[58]           De plus, le logo Apple apparaît sur les appareils numériques mobiles iPad introduits au Canada en mai 2010. M. La Perle a produit en pièce G des imprimés dudit site Web obtenus le 3 février 2013 et montrant le logo Apple sur la version actuelle de l'appareil numérique mobile iPad offert au Canada.

[59]           M. La Perle affirme que l'entière gamme de produits APPLE est offerte au Canada grâce au site Web de commerce en ligne de l'Opposante ainsi que dans ses points de vente au détail conventionnels. Il a produit en pièce H des imprimés du site Web de l'Opposante obtenus le 3 février 2013 sur lesquels le logo Apple apparaît.

[60]           M. La Perle affirme que la première boutique Apple Store a ouvert ses portes au Canada le 21 mai 2005 dans le centre commercial Yorkdale de Toronto en Ontario. Il affirme que l'Opposante exploite actuellement 26 boutiques au Canada. Il a produit en pièce I la liste des adresses de ces boutiques. Il affirme que toutes les boutiques Apple Store du Canada arborent le logo Apple sur leur façade extérieure. Depuis 2005, plus de 60 millions de personnes se sont rendues dans les boutiques Apple Store du Canada.

[61]           M. La Perle explique que l'Opposante offre des services de réparation et de soutien technique pour ses divers produits, et ce, de différentes façons :

         Le « Genius Bar » est un programme offert dans les boutiques de l'Opposante où les clients peuvent parler à des experts afin de recevoir une réponse en personne aux questions qu'ils ont au sujet de leurs différents appareils APPLE, logiciels connexes et besoins ou pour résoudre un problème technique, y compris des réparations. Il a produit en pièce K divers imprimés tirés du site Web canadien de l'Opposante et une affiche intelligente utilisée dans les boutiques Apple Store du Canada. Le logo Apple figure bien en vue, en liaison avec ces services.

         Le service « One To One » permet à un client de collaborer avec un expert Apple Genius pour le démarrage de son nouvel ordinateur Mac. Il a produit en pièce L des imprimés tirés du site Web susmentionnés concernant ce service. Le logo Apple figure bien en vue, en liaison avec ces services.

         « AppleCare » est le plan de garantie sur le matériel et d'entretien standard offert par l'Opposante et il est fourni avec les produits APPLE. L'achat supplémentaire du plan de protection AppleCare fournit aux consommateurs un soutien technique supplémentaire et une garantie prolongée sur le service. Il a produit en pièce M des imprimés concernant l'offre du plan de protection AppleCare et des annonces connexes affichées dans les boutiques Apple Store.

         L'Opposante offre des services de soutien sur le Web, fournissant des réponses aux questions de nature générale ou aux questions fréquemment posées. Il a produit en pièce N des extraits du site Web obtenus le 4 février 2013, montrant des questions générales accompagnées de leurs réponses au sujet de divers appareils APPLE. Le logo Apple figure bien en vue, en liaison avec ces services de soutien.

         L'Opposante offre aussi des services de soutien sur le Web grâce à son portail de soutien Apple. Il a produit en pièce O divers imprimés obtenus le 29 novembre 2012.

         L'Opposante dispose de lignes téléphoniques de soutien et la pièce P contient un imprimé tiré du site Web canadien d'Apple montrant les numéros de téléphone pour communiquer avec le soutien technique du Canada.

[62]           M. La Perle a aussi produit en pièces R et S divers documents promotionnels supplémentaires concernant les services de formation et de soutien de l'Opposante qui illustrent le logo Apple. L'une des brochures produites dans la pièce R a été imprimée en 2007 et décrit le programme One to One.

[63]           M. La Perle affirme que l'Opposante s'engage à protéger l'environnement et fournit des moyens efficaces de réutiliser ou de recycler l'équipement électronique, y compris les ordinateurs et les présentoirs de tout fabricant. Il a produit en pièce T un imprimé du site Web détaillant l'engagement de l'Opposante à l'égard du recyclage ainsi que la manière dont les consommateurs peuvent recycler de façon responsable leurs produits électroniques et les endroits où ils peuvent le faire. Aussi dans cette pièce figure un disque compact contenant des copies numériques de deux annonces télévisées diffusées au Canada en 2009. Cependant, il n'y a aucun renseignement quant à la portée de cette diffusion.

[64]           M. La Perle allègue que l'Opposante a considérablement investi dans des produits promotionnels arborant le logo Apple au Canada et à l'échelle mondiale. Depuis 2001, il allègue que l'Opposante a dépensé des milliards de dollars en marketing et publicité pour faire la promotion de ses divers produits et services. Il dresse la liste des montants annuels dépensés mondialement depuis l'exercice financier 1994 jusqu'à celui de 2012; ces chiffres varient de plus de 140 millions de dollars américains à 1 milliard de dollars américains et totalisent pour cette période près de 7 milliards de dollars américains.

[65]           Au Canada, M. La Perle affirme que l'Opposante a dépensé des centaines de millions de dollars canadiens en publicité et en marketing pendant cette même période.

[66]           M. La Perle affirme que le logo Apple est apposé sur les emballages, les manuels et les documents publicitaires d'Apple au Canada. Il a produit en pièce V diverses photographies de produits et d'emballages de produits qui sont actuellement vendus au Canada et qui arborent le logo Apple. Ces photographies, lesquelles font partie de la pièce V, illustrent les annonces affichées au cours des années dans les stations de métro, dans les métros et sur divers édifices au Canada.

[67]           M. La Perle a également produit en pièce W un disque compact qui comprend des copies numériques de deux annonces qui ont été diffusées partout au Canada en 2008 et qui font référence aux services de soutien Apple et mettent bien en évidence le logo Apple.

[68]           Enfin, M. La Perle fournit les chiffres de vente annuels de l'Opposante concernant ses produits et services en liaison avec le logo Apple depuis 2001, fabriqués dans les Amériques, cette région incluant l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud, l'Amérique centrale et les Caraïbes. Il affirme qu'au Canada seulement, les revenus de l'Opposante pendant la même période s'élevaient à plus de 15 milliards de dollars américains. En outre, en ce qui concerne les points de vente au détail canadiens, les revenus de l'Opposante depuis le lancement de sa première boutique en 2005 jusqu'à 2012 dépassent les 3 milliards de dollars.

[69]           Compte tenu de cette preuve exhaustive, je n'hésite aucunement à conclure que la marque de commerce Apple Logo est non seulement bien connue au Canada, mais qu'il s'agit également d'une marque célèbre.

[70]           La demande est fondée sur un emploi projeté et la Requérante n'a produit aucune preuve de l'emploi ou de la réputation de la Marque au Canada. Cependant, comme je l'ai déjà mentionné, il existe une preuve d'emploi limitée de la Marque et elle provient de la preuve en réponse de l'Opposante. En pièce C de son affidavit du 4 novembre 2012, M. La Perle a produit des extraits du site Web de la Requérante datant du 29 octobre 2013 où la Marque est illustrée. Je note que la Requérante a annoncé la vente d'ordinateurs remis à neuf, y compris ceux fabriqués à l'origine par l'Opposante. La Marque est située très près du nom des produits de l'Opposante, comme : iPhone, Apple, iMac, etc. Je note aussi l'inscription suivante : « Une entreprise écoresponsable qui se spécialise dans la vente et la réparation de matériel informatique Mac! ».

[71]           Dans l'ensemble, je conclus que ce facteur s'applique clairement en faveur de l'Opposante, étant donné la célébrité de sa marque Apple Logo.

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[72]           Encore ici, compte tenu de la preuve décrite ci-dessus, ce facteur favorise l'Opposante.

Genre de services et voies de commercialisation

[73]           Bon nombre d'arguments de la Requérante concernent ce facteur.

[74]           M. Roberto Ziroma est le président et directeur de l'exploitation pour la Requérante. Il a commencé à travailler en 1998 pour Micro Boutique Inc, une entreprise de réparation d'ordinateurs de toute marque (IBM, Compaq, HP, Apple). Il s'est vite rendu compte que plusieurs pièces (déchets électroniques) étaient simplement jetées aux poubelles. Il allègue que l'Opposante avait le monopole sur la réparation de ses appareils électroniques et que lorsque l'appareil de l'Opposante ne fonctionnait plus après l'expiration de la garantie, on invitait le propriétaire de l'appareil à remplacer celui-ci par l'achat d'un nouveau modèle, créant ainsi encore plus de déchets.

[75]           M. Ziroma explique que la Requérante œuvre dans le domaine du recyclage de produits informatiques de tout genre et de toute marque, y compris les produits APPLE qui ne sont plus protégés par une garantie ou qui sont désuets. Il affirme que grâce à ce service, il offre une deuxième vie à un produit informatique et contribue à la protection des espaces verts d'un point de vue écologique. En effet, la Requérante rachète le produit afin de le réparer, et le revend à prix modeste, ou le répare et le remet à son propriétaire respectif. Tout produit qui ne peut pas être réparé est envoyé dans un dépotoir spécialisé.

[76]           Dans sa preuve en réponse, M. La Perle conteste les allégations formulées par M. Ziroma au sujet du piètre dossier de l'Opposante en matière de recyclage à cause de l'introduction d'encore plus d'équipements électroniques. M. La Perle allègue que l'Opposante a atteint un taux de recyclage de plus de 70 %. Il affirme que l'Opposante a mis en place des programmes d'échange selon lesquels les anciens modèles sont échangés pour de nouveaux à prix réduit.

[77]           À l'audience, sur cette question relative au recyclage, l'agent de l'Opposante a mentionné plus particulièrement le contenu des pièces M et O du premier affidavit de M. La Perle. La pièce M contient des imprimés du site Web canadien de l'Opposante concernant l'offre du Plan de protection AppleCare et les diverses annonces connexes affichées dans les boutiques Apple Store de l'Opposante. La pièce O contient des imprimés du site Web canadien de l'Opposante relativement au soutien technique de l'Opposante offert sur le Web.

[78]           Comme on peut le voir dans cette portion de la preuve, il existe un chevauchement clair entre les Services et les services de réparation d'ordinateurs de l'Opposante visés par l'enregistrement LMC690,668 et décrits ci-dessus.

[79]           Je suis entièrement conscient que les Services de la Requérante concernent des services de réparation d'équipement informatique dont la garantie du fabricant est échue. Malgré le fait que la preuve produite par l'Opposante semble laisser entendre que les services de réparation d'ordinateur de l'Opposante sont offerts soit pendant la période de garantie associée au produit acheté, soit en vertu d'un programme de garantie prolongée acheté par le client, je ne considère pas que cette distinction soit un élément important dans l'examen de ces facteurs.

[80]           En réalité, les consommateurs qui cherchent à obtenir les Services de la Requérante peuvent faire partie de ceux qui ont acheté, à un moment donné, un ordinateur APPLE qui n'est plus couvert par la garantie de l'Opposante. Quoi qu'il en soit, les services de réparation d'ordinateurs couverts par l'enregistrement LMC690,668 ne sont pas limités à la durée de la garantie associée au produit acheté.

[81]           Je conclus qu'il existe un chevauchement dans le genre de services des parties. Quant aux voies de commercialisation, il existe un certain chevauchement puisque les deux parties annoncent leurs services sur Internet et offrent leurs services à des propriétaires d'ordinateurs, y compris ceux qui ont acheté un ordinateur auprès de l'Opposante.

Le degré de ressemblance

[82]           La Requérante fait référence à la Marque comme étant « un symbole de recyclage formé de deux flèches pointant dans des directions opposées sur lesquelles est placée une feuille sur le côté gauche, tombant vers l'intérieur de la forme arrondie dessinée par les deux flèches ».

[83]           Le test en matière de confusion a été établi dans les termes suivant par le juge Binnie dans Veuve Clicquot, supra, au paragraphe 20 :

[Traduction]
Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l'esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque] alors qu'il n'a qu'un vague souvenir des marques de commerce [précédentes] et qu'il ne s'arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

[84]           La Requérante a essayé de distinguer les marques en cause en soulignant les différences suivantes : la feuille située au-dessus de chaque composante graphique des marques en cause pointe dans une direction opposée; et il y a un morceau de pomme qui a été croquée sur le logo Apple.

[85]           Peu importe que la Requérante décrive la Marque, c'est la première impression de la Marque qu'il faut prendre en compte et non une analyse détaillée de chaque élément de la Marque. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l'apparence générale de la Marque correspond à une pomme, particulièrement en raison de la présence de la feuille sur la partie supérieure de la Marque. Comme l'a souligné l'Opposante, il y a des affaissements dans le haut et le bas du dessin, ce qui ressemble au logo Apple. L'utilisation de la couleur verte sur la Marque ajoute aussi à cette perception globale. Par conséquent, l'idée suggérée par la Marque est une pomme.

[86]           Il existe donc un degré de ressemblance assez élevé entre les marques des parties dans la présentation et dans les idées qu'elles suggèrent, puisqu'elles représentent toutes deux une pomme. En effet, dans l'ensemble, la Marque évoque l'idée d'un service de recyclage pour les produits APPLE, lorsqu'employée en liaison avec les Services.

Autres circonstances de l'espèce

Célébrité de la marque Apple Logo

[87]           Comme je l'ai indiqué plus tôt, la marque Apple Logo est une marque de commerce très connue. Par conséquent, elle jouit d'une protection plus étendue [voir Veuve Clicquot, supra]. La vaste exposition de la marque Apple Logo dans le domaine de l'informatique, et l'absence de dessins de pommes utilisés dans cette industrie créent dans l'esprit du consommateur une association entre l'Opposante et la représentation d'une pomme en liaison avec des ordinateurs et des services connexes, y compris des services de réparation.

[88]           Le consommateur ordinaire pensera que les Services offerts en liaison avec la Marque proviennent de l'Opposante ou qu'ils ont été autorisés par celle-ci.

État du marché

[89]           La majorité de la preuve de la Requérante est constituée d'extraits de sites Web de tiers où une pomme est utilisée comme marque de commerce ou à l'intérieur d'un logo. Il s'agit de trois cartables représentant plus de 250 pages de matériel. Ils font partie des pièces B à Y de l'affidavit de M. Ziroma. J'ai regardé toutes ces pièces et je ne vois pas comment elles peuvent être utiles à la Requérante en l'espèce, et ce, pour les raisons suivantes.

[90]           À l'exception des illustrations : 1) sur la page A-210 (partie de la pièce W) qui semble illustrer un album de musique arborant une pomme; 2) sur la page A-212 représentant un CD arborant une pomme, avec la marque TELUS; et 3) sur la page A-215 pour le logo Apple Corps des Beatles’(groupe de musique) qui est une pomme, aucune des autres illustrations n'est liée aux services pouvant être de près ou de loin associés aux services des parties.

[91]           Sans dresser la liste de chacun des services annoncés ou offerts en liaison avec l'illustration d'une pomme figurant aux pièces B à Y de l'affidavit de M. Ziroma, je peux énumérer les suivants :

United States U.S. Apple Association

Société des Alcools du Québec

Ville de Rougemont, Quebec

Apple Farm Inn Hotel & Lodging; Apple Barn Winery

A dental center

Perfume industry

Apple Fitness Store

Boutique Séduction in Montreal

Appletree Medical Group.

[92]           Par conséquent, même si je devais accepter la production d'extraits de sites Web comme preuve d'emploi de marques de commerce ou de noms commerciaux sur le marché canadien, ce qui n'est pas nécessairement le cas, la preuve produite par la Requérante ne permet pas de démontrer que les divers dessins de pommes sont largement employés dans l'industrie de l'informatique.

Approbation préliminaire en vertu de l'article 37

[93]           En tant qu'autre circonstance de l'espèce, la Requérante soutient que la présente demande a reçu une approbation préliminaire et a été annoncée dans le Journal des marques de commerce aux fins d'opposition. Cependant, le fardeau de preuve qui incombe à une partie requérante à l'étape de l'examen est bien différent de celui exigé à l'étape de l'opposition [voir les articles 37 et 38 de la Loi]. En outre, le registraire n'a pas été saisi de la preuve produite par l'Opposante et décrite ci-dessus. Par conséquent, je ne considère pas qu'il s'agit d'une circonstance de l'espèce favorisant la Requérante.

Conclusion

[94]           Je conclus de mon analyse des critères pertinents que la Requérante ne s'est pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque n'est pas susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce Apple Logo de l'Opposante. Je fonde ma décision sur le fait que la marque de commerce Apple Logo de l'Opposante est une marque célèbre; qu'il existe un chevauchement entre les services et les voies de commercialisation des parties; et qu'il existe un degré de ressemblance assez élevé entre les marques sur le plan de la présentation et des idées suggérées. Quant aux différences entre la Marque et la marque Apple Logo décrites au paragraphe 84 ci-dessus, je ne considère pas qu'elles sont suffisantes pour permettre à un consommateur, selon une première impression, de distinguer la Marque de la marque Apple Logo.

[95]           Par conséquent, je maintiens le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi.

Motif d'opposition fondé sur l'absence de droit à l'enregistrement en vertu du paragraphe 16(3)a) de la Loi

[96]           La date pertinente pour ce motif est la date de production de la demande (24 février 2011) [voir le paragraphe 16(3) de la Loi].

[97]           En premier lieu, je dois déterminer si l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial, à savoir de démontrer qu'elle a employé et/ou révélé au Canada sa marque de commerce Apple Logo avant la date pertinente. Au vu de la preuve fournie par M. La Perle, je suis convaincu que l'Opposante s'est acquittée de ce fardeau de preuve initial. De plus, la preuve démontre que l'Opposante n'a pas abandonné l'emploi de sa marque Apple Logo à la date de l'annonce (9 novembre 2011) de la demande de la Requérante [voir le paragraphe 16(5) de la Loi].

[98]           Par conséquent, je dois déterminer si la Marque créait de la confusion avec la marque Apple Logo de l'Opposante le 24 février 2011. La date pertinente la plus ancienne n'aurait pas d'incidence sur l'analyse des divers facteurs qui j'ai faite au titre du motif d’opposition précédent. Le résultat final serait le même, c'est-à-dire que la Marque était susceptible de créer de la confusion avec la marque de commerce Apple Logo de l'Opposante à cette date pertinente.

[99]           Par conséquent, je maintiens également ce motif d'opposition.

Autres motifs d’opposition

[100]       Comme deux motifs d’opposition distincts de l’Opposante ont été accueillis, il n'est pas nécessaire d'évaluer les autres motifs d'opposition.

La décision

[101]       Dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement conformément aux dispositions du paragraphe 38(8) de la Loi.

_____________________________

Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

Traduction certifiée conforme

Sophie Ouellet, trad. a.

Date de l'audience : 2015-05-27

 

Comparutions

 

Stephanie Vaccari                                                                                          Pour l'Opposante

 

Dominico A. Romagnino                                                                           Pour la Requérante

 

 

Agents au dossier

 

Baker McKenzie LLP                                                                                  Pour l'Opposante

 

Aucun agent nommé                                                                                     Pour la Requérante


 

Annexe A

L'Opposante soulève les motifs d'opposition suivants :

1.              La demande n'est pas conforme aux exigences prévues à l'alinéa 30i) de la Loi sur les marques de commerce RSC 1985, ch T-13 (la Loi) en ce sens que la Requérante n'aurait pas pu être convaincue qu'elle avait le droit d'employer la Marque au Canada en liaison avec les Services, étant donné que la Requérante savait ou devait savoir que chacune des marques de commerce de l'Opposante faisant partie de la famille des enregistrements Apple énumérés ci-dessous et que tout emploi de la Marque par la Requérante aurait créé de la confusion avec ces marques;

2.              La demande n'est pas conforme aux exigences de l'alinéa 30a) de la Loi, puisque les Services ne sont pas énoncés dans les termes ordinaires du commerce;

3.              La Marque de commerce ne peut pas être enregistrée au titre de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, puisqu'elle crée de la confusion avec chacune des marques de commerce déposées de l'Opposante faisant partie de la famille des enregistrements Apple :

Marque de commerce

Numéros d'enregistrement

APPLE DESIGN

LMC690668

LMC354378

LMC396871

4.              La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque suivant l'alinéa 16(3)a) de la Loi en ce que, à la date de production de la demande d'enregistrement de la Marque, celle-ci créait de la confusion avec les chacune des marques de commerce déposées de l'Opposante faisant partie de la famille des enregistrements Apple qui avaient été antérieurement employés ou révélés au Canada par l'Opposante ou son prédécesseur en titre en liaison avec les produits et les services spécifiés dans chacun des enregistrements susmentionnés et n'avaient pas été abandonnées par l'Opposante;

5.              La Requérante n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement de la Marque en vertu de l'alinéa 16(3)b) de la Loi en ce sens que, à la date de production de la demande d'enregistrement de la Marque, celle-ci créait de la confusion chacune des marques de commerce déposées de l'Opposante faisant partie de la famille d'enregistrements Apple relativement auxquels une demande d'enregistrement au Canada avait été produite et enregistrée avant la production de la demande;

6.              En vertu de l'alinéa 38(2)d) de la Loi, la Marque n’est pas distinctive ni n'est adaptée à distinguer les Services des produits et services de l'Opposante en raison de l'emploi continu antérieur et de l'annonce au Canada par l'Opposante de sa famille d'enregistrements Apple.

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