Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2015 COMC 152

Date de la décision : 2015-09-08

[TRADUCTION CERTIFIÉE,

NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Richtree Market Restaurants Inc. / Richtree Restaurants du Marche Inc.

 

Opposante

et

 

Mövenpick Holding AG

Requérante

 

 

 



 

1,405,272 pour Marché et dessin de vague dans un rectangle couronné d'une vague

 

Demande d'enregistrement

[1]               Richtree Market Restaurants Inc./Richtree Restaurants du Marche Inc. s'oppose à l'enregistrement de la marque de commerce Marché et dessin de vague dans un rectangle couronné d'une vague [Marché & Wave Design in a rectangle with a wave on top] (la Marque), reproduite ci-dessous, qui fait l'objet de la demande no 1,405,272 produite par Mövenpick Holding AG.

Marché & Wave Design in a rectangle with a wave on top.

[2]               La demande comporte la revendication de couleur suivante [Traduction] : « [l]a première vague supérieure est VERT PÂLE (Pantone* 376 U, 376 C, CMJN 50/0/85/0, RVB 144/194/77, SW 50 % BLACK), le rectangle est VERT FONCÉ (Pantone* 355 U, 355 C, CMJN 86/0/87/0, RVB 0/171/89, SW 75 % BLACK), le mot MARCHÉ est BLANC et la seconde vague sous la vague VERT PÂLE est BLANCHE également. Il y a aussi un trait BLANC sous le mot MARCHÉ. *Pantone est une marque déposée ».

[3]               Produite le 29 juillet 2008, la demande est fondée sur l'emploi et l'enregistrement de la Marque en Suisse, ainsi que sur l'emploi projeté au Canada, en liaison avec des [Traduction] « services de restaurant; services de comptoir de plats à emporter; offre d'aide technique dans l'établissement et l'exploitation de franchises de restaurant ».

[4]               En substance, l'Opposante allègue que : i) la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi); ii) la Marque n'est pas enregistrable aux termes des articles 12(1)b) et 12(1)c) de la Loi; et iii) la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi. À l'audience, l'Opposante a abandonné les motifs d'opposition fondés sur l'article 30 de la Loi. Je ne tiendrai, par conséquent, aucun compte de ces motifs d'opposition.

[5]               Pour les raisons exposées ci-après, je rejette l'opposition.

Le dossier

[6]               L'Opposante a produit sa déclaration d'opposition le 9 août 2011, puis, après avoir obtenu l'autorisation du registraire, a produit, le 11 octobre 2011, une déclaration d'opposition modifiée. La déclaration d'opposition modifiée a de nouveau été modifiée suivant une décision interlocutoire en date du 19 octobre 2011. Le 21 décembre 2011, la Requérante a produit et signifié sa contre-déclaration, dans laquelle elle conteste l'ensemble des motifs d'opposition.

[7]               Au soutien de son opposition, l'Opposante a produit la preuve suivante : l'affidavit de Lynda Palmer, recherchiste en marque de commerce et propriétaire de Lynda Palmer Trade Mark Searching; l'affidavit de James Meadway, enquêteur chez Northwood & Associates Inc.; l'affidavit de Yves Crépeault, enquêteur chez GW Consulting and Investigations; et l'affidavit de Robert Breton, également enquêteur chez GW Consulting and Investigations. Tous les déposants de l'Opposante ont été contre-interrogés; les transcriptions des contre-interrogatoires, ainsi que les réponses aux engagements, ont été versées au dossier.

[8]               Au soutien de sa demande, la Requérante a produit la preuve suivante : l'affidavit de Geng Liu, qui travaillait, à l'époque, comme adjoint auprès de l'agent de marque de commerce de la Requérante, lequel affidavit comprend une copie certifiée d'un affidavit de Yves Lefebvre, enquêteur privé chez GW Consulting and Investigations, qui a été produit dans une procédure distincte devant la Cour fédérale; une copie certifiée de l'enregistrement de marque de commerce no LMC460,114; des copies certifiées d'extraits des dossiers de demandes de marque de commerce; ainsi qu'une copie certifiée d'un affidavit de Matthew Williams, président et chef de la direction de la société mère de l'Opposante, Natural Market Restaurants Corp., accompagné de la transcription du contre-interrogatoire de ce dernier, des pièces y afférentes et des réponses aux engagements, qui a été produit auprès du registraire dans le cadre d'une procédure d'opposition distincte entre les parties. M. Liu n'a pas été contre-interrogé.

[9]               Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit et étaient toutes deux représentées à l'audience qui a été tenue.

Fardeau de preuve incombant à chacune des parties

[10]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante a, toutefois, le fardeau initial de présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), p 298].

La marque donne-t-elle une description claire des services?

[11]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable aux termes de l'article 12(1)b) de la Loi parce qu'elle donne une description claire de la nature ou de la qualité des services en liaison avec lesquels la Requérante projette de l’employer.

[12]           Dans son plaidoyer écrit, l'Opposante soutient que la première impression que la Marque produit dans l'esprit d'une personne normale ou raisonnable, dans le contexte d'un emploi en liaison avec des « services de restaurant » et des « services de comptoir de plats à emporter » est que [Traduction] « ces services sont des services de restaurant/comptoir de plats à emporter de style marché(market) ». Plus particulièrement, [Traduction] « la première impression qu'aurait le consommateur moyen serait celle d'un restaurant (avec service aux tables ou de mets pour emporter) où les repas sont exposés ou préparés à différentes stations de telle sorte que les consommateurs peuvent s'approcher pour évaluer le produit avant de commander, comme le font les consommateurs depuis des siècles dans d'autres types de marchés, tels les marchés fermiers et les marchés aux poissons ». L'Opposante soutient également que la première impression que produit la Marque dans le contexte d'un emploi en liaison avec l'« offre d'aide technique dans l'établissement et l'exploitation de franchises de restaurant » est que [Traduction] « ces services se rapportent à des franchises de restaurant de style marché(market) ».

[13]           En réponse, la Requérante prétend qu'aucune des significations qui sont attribuées au terme MARCHÉ ne donne une description claire des services visés par la demande. À cet égard, la Requérante affirme que les tribunaux ont régulièrement reconnu qu'une marque suggestive, voire une marque descriptive, est enregistrable. Citant Mövenpick Holding AG c Exxon Mobil Corporation 2011 CF 1397, la Requérante souligne qu'une habile allusion à l'une des caractéristiques des produits ou services liés à la marque n'enfreint pas l'article 12(1)b) de la Loi.

[14]           La date pertinente pour l'appréciation d'un motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b) est la date de production de la demande, soit, en l'espèce, le 29 juillet 2008 [Shell Canada Limited c PT Sari Incofood Corporation (2005), 41 CPR (4th) 250 (CF); Fiesta Barbeques Limited c General Housewares Corporation (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF)].

[15]           L'analyse relative à l'article 12(1)b) de la Loi a été résumée comme suit dans Engineers Canada/Ingénieurs Canada c Burtoni, 2014 COMC 174, aux para. 14 à 16 :

[Traduction]
Lorsqu'il s'agit d'analyser une marque de commerce aux termes de l'article 12(1)b) de la Loi, il faut considérer la marque de commerce sous l'angle de la première impression et dans son ensemble, c'est-à-dire en se gardant de décomposer la marque en ses éléments constitutifs [Wool Bureau of Canada Ltd c le Registraire des marques de commerce (1978), 40 CPR (2d) 25 (CF 1re inst), pp. 27-28; Atlantic Promotions Inc c. le Registraire des marques de commerce (1984), 2 CPR (3d) 183 (CF 1re inst), p. 186].

Le mot « nature » à l'article 12(1)b) est interprété comme désignant une particularité, un trait ou une caractéristique des produits ou des services, et le mot « claire » est interprété comme signifiant « facile à comprendre, évident ou simple » [voir Drackett Co of Canada Ltd c American Home Products Corp (1968), 55 CPR 29 (C. de l'É.), p. 34].

Le test à appliquer pour déterminer si une marque de commerce correspond à l'exclusion prévue à l'article 12(1)b) de la Loi a été résumé par la Cour d'appel fédérale dans Ontario TeachersPension Plan Board c. Canada (2012), 99 CPR (4th) 213 (CAF), au para. 29 :

[Traduction]
Il est de jurisprudence constante que le critère applicable pour décider si une marque de commerce donne une description claire est celui de la première impression créée dans l’esprit de la personne normale ou raisonnable. […] On ne devrait pas tenter de résoudre la question en procédant à une analyse critique des mots qui forment la marque, mais on devrait plutôt tenter de déterminer l’impression immédiate que donne la marque, compte tenu des marchandises ou des services avec lesquels elle est utilisée ou avec lesquels on se propose de l’utiliser. En d’autres termes, la marque de commerce ne doit pas être examinée de façon isolée, mais en fonction de l’ensemble du contexte des marchandises et des services.

[16]           En outre, conformément à Best Canadian Motor Inns Ltd c Best Western International Inc (2004), 2004 CF 135, il faut, lorsque la marque en cause est une marque mixte, c'est-à-dire une marque comprenant à la fois des éléments nominaux et graphiques, évaluer l'impression visuelle qui est créée par les éléments nominaux et graphiques de la marque de commerce. Lorsque l'élément graphique de la marque de commerce ne stimule pas l'intérêt visuel, l'élément nominal est considéré comme dominant. Lorsqu’une marque mixte comporte, sous sa forme sonore, des mots qui donnent une description claire ou une description fausse ou trompeuse, la marque ne sera pas enregistrable aux termes de l’alinéa 12(1)b) si les mots constituent la caractéristique dominante de la marque [voir également Ottawa Athletic Club Inc (Ottawa Athletic Club) c Athletic Club Group Inc, 2014 CF 672, para. 186].

[17]           À cet égard, l'Opposante soumet que la partie nominale de la Marque, à savoir MARCHÉ, constitue l'élément dominant de la marque de commerce et que les éléments graphiques ne sont ni originaux ni mémorables. La Requérante, en revanche, soutient que les éléments graphiques de la Marque, y compris la revendication de couleur, sont intrinsèquement distinctifs, uniques, et qu'ils stimulent l'intérêt visuel de façon indépendante. Partant, la Requérante prétend que la partie nominale de la Marque, soit le mot MARCHÉ, ne peut pas être considérée comme la partie dominante de la marque de commerce, et que l'enregistrabilité de la Marque devrait être évaluée à la fois à la lumière de l'élément nominal et des éléments graphiques. La Requérante soutient que, en tout état de cause, le terme MARCHÉ ne donne pas une description claire des services visés par la demande, car il n'est pas évident, clair ou manifeste qu'il désigne des services de restaurant ou leur équivalent.

[18]           Ainsi qu'il est indiqué dans Ottawa Athletic Club, une marque de commerce peut être considérée comme donnant une description claire ou une description fausse et trompeuse selon la forme graphique, écrite ou sonore qu'elle présente. En l'espèce, je ne considère pas que les éléments graphiques stimulent suffisamment l'intérêt visuel pour détourner l'attention de l'élément nominal. À mon sens, l'élément graphique, y compris la revendication de couleur, ne ressort pas autant de la Marque que l'élément nominal. En outre, j'estime que le contraste entre le terme MARCHÉ en blanc et le fond vert foncé sur lequel il est apposé contribue à rendre encore plus dominant l'élément nominal de la Marque. Étant donné qu'il n'y a aucune preuve que le consommateur moyen attribuerait une forme sonore à la composante graphique de la Marque, et que rien ne donne à penser que les consommateurs identifieraient ou distingueraient la Marque par ses éléments géométriques ou ses différentes nuances de vert, plutôt que par le terme MARCHÉ, je conviens avec l'Opposante que, lorsqu'on considère la Marque dans son ensemble et sous l'angle de la première impression, l'élément dominant est le terme MARCHÉ.

[19]           Partant, la question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si la Marque, sous sa forme sonore prononcée comme MARCHÉ, donne une description claire de la nature ou de la qualité des « services de restaurant; services de comptoir de plats à emporter; offre d'aide technique dans l'établissement et l'exploitation de franchises de restaurant », selon la première impression qu'elle produit dans l'esprit d'une personne normale ou raisonnable.

[20]           Ainsi qu'il est indiqué dans Ottawa Athletic Club, l'analyse fondée sur l'article 12(1)b) [Traduction] « n’est pas un exercice abstrait visant à déterminer si les services offerts en liaison avec une marque de commerce correspondent aux définitions que donnent les dictionnaires aux mots de la marque, mais une analyse contextuelle fondée sur l’impression immédiate des utilisateurs possibles du service » [para. 188], même si des dictionnaires ou d'autres ouvrages de référence peuvent être utilisés comme guides pour aider à déterminer les significations possibles d'une marque de commerce [voir ITV Technologies Inc c WIC Television 2013 CF 1056 citant Brûlerie Des Monts Inc c 3002462 Canada Inc (1997), 132 FTR 150 et Bagagerie SA c Bagagerie Willy Ltée (1992), 97 DLR (4th) 684]. Il faut, en outre, user de bon sens lorsqu'il s'agit de trancher une telle question [voir Neptune SA c Canada (Procureur général) 2003 CFPI 715, para. 11].

[21]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime qu’il est approprié de commencer, aux fins de mon analyse, par déterminer quelle signification les dictionnaires donnent à l'élément nominal de la Marque [voir Insurance Co of Prince Edward Island c Prince Edward Island Insurance Co (1999), 2 CPR (4th) 103 (COMC); Yahoo! Inc c audible.ca inc (2009), 76 CPR (4th) 222 (COMC)].

Définitions du dictionnaire

[22]            Comme l'a souligné la Cour fédérale dans Mövenpick Holding AG c Exxon Mobil Corporation, qui porte sur un appel de la décision du registraire dans Mövenpick Holding AG c ExxonMobil Oil Corporation 2010 COMC 125, le terme MARCHÉ a un sens large (para. 28).

[23]           Selon Le Petit Robert, le terme MARCHÉ a plusieurs significations, dont les suivantes :

           Convention portant sur la fourniture de marchandises, de valeur ou de services;

           Lieu public de vente de biens et de services. Lieu où se tient une réunion périodique des marchands de denrées alimentaires et de marchandises d’usage courant.

[24]           Entre autres éléments de preuve, l'Opposante a produit des photocopies de pages extraites de différents dictionnaires Anglais-Français/Français-Anglais dans lesquels le terme français MARCHÉ est traduit par MARKET en anglais [pièces 31 à 34 de l'affidavit Meadway].

[25]           The Canadian Oxford Dictionary donne également plusieurs définitions pour le terme MARKET, notamment [Traduction] :

           Rassemblement de personnes aux fins de l'achat et de la vente de marchandises, de bétail, etc., en particulier avec un certain nombre de commerçants différents;

           Un espace ouvert ou un bâtiment couvert utilisé à cette fin;

           [souvent suivi par pour] Une demande pour une marchandise ou un service : il existe un marché pour ces produits – un endroit ou un groupe de personnes caractérisé par un désir de se procurer ces produits : le Canada est un petit marché;

           Conditions relatives à un achat ou à une vente; occasion d'achat ou de vente.

[26]           Enfin, je souligne que le The Canadian Oxford Dictionary définit le mot « restaurant » comme [Traduction] « un établissement commercial où des repas sont préparés, servis et consommés ».

[27]           Aucune des définitions des termes MARCHÉ et MARKET ne fait référence aux restaurants. Au contraire, les termes MARCHÉ et MARKET sont définis comme un concept large qui inclut les situations ou les endroits où des gens se rassemblent pour acheter ou vendre des produits ou des services.

[28]           J'examinerai maintenant la preuve de l'Opposante concernant l'emploi de ces termes par des tiers au sein du marché.

Emploi par des tiers

[29]           L'Opposante soutient que le terme MARCHÉ et son équivalent anglais MARKET sont couramment employés au Canada dans l'industrie de la restauration et des services alimentaires en général et que, de ce fait, il ne devrait pas être permis à la Requérante de s'approprier le terme MARCHÉ, car l'objet de l'interdiction prévue à l'article 12(1)b) est d'empêcher un commerçant de monopoliser un mot qui donne une description claire ou qui est couramment employé dans le commerce.

[30]           L'Opposante fonde son allégation sur les éléments de preuve suivants :

           l'affidavit Palmer, qui contient des extraits, tirés de la Base de données sur les marques de commerce canadiennes, de demandes et d'enregistrements de marques de commerce qui comprennent le terme MARKET ou MARCHE pour emploi en liaison avec l'industrie des services alimentaires, y compris des restaurants, des épiceries, des supermarchés, des services alimentaires et des produits alimentaires, à l'exclusion des demandes et enregistrements inscrits au nom de la Requérante ou de l'Opposante. J'examinerai ces résultats plus en détail ci-dessous;

           l'affidavit Meadway, qui présente les résultats d'une enquête ayant impliqué des recherches dans des annuaires d'entreprises en ligne, des recherches dans Internet, l'impression de pages de sites Web, la consultation de menus ainsi que des appels téléphoniques et des visites dans des épiceries, des dépanneurs et des restaurants, pour la plupart situés en Ontario et dont les noms comprennent le terme MARKET. Je souligne qu'il y a des photos de l'extérieur des restaurants auxquels M. Meadway s'est rendu, notamment le Fallingbrook Market & Cafe, l'Ichiban Fish Market, le Carmelina Fresh Market Cuisine, le Sushi Marché II, et le Marcello’s Market and Deli;

           l'affidavit Breton, qui présente les résultats d'une enquête ayant impliqué des recherches dans des annuaires d'entreprises en ligne, des recherches dans Internet, l'impression de pages de sites Web ainsi que des appels téléphoniques et des visites dans des épiceries, des dépanneurs et des restaurants de la région de Montréal dont les noms comprennent le terme MARCHÉ. Je souligne qu'aucun des commerces figurant sur les photos prises par M. Breton n'est identifié par le déposant comme étant un restaurant;

           l'affidavit Crépeault, qui présente les résultats d'une enquête ayant impliqué des recherches, des appels téléphoniques et des visites dans des épiceries, des dépanneurs et des restaurants de la région de Québec dont les noms comprennent le terme MARCHÉ. Je souligne qu'aucun des commerces figurant sur les photos prises par M. Crépeault n'est identifié par le déposant comme étant un restaurant;

[31]           En réponse, la Requérante soutient que la preuve présente des lacunes et que, dans tous les cas, elle ne fait qu'établir qu'il n'y a que très peu de noms et de marques de commerce de tiers comprenant le terme MARCHÉ ou MARKET qui sont employés au Canada en liaison avec des services de restaurant.

[32]           D'emblée, je souligne que je ne tiendrai pas compte des rapports des enquêteurs dans l'analyse de ce motif d'opposition, car ces rapports sont fondés sur des recherches et des visites qui ont eu lieu entre mars et août 2011, soit près de trois après la date pertinente applicable.

[33]           S'agissant de l'objection de la Requérante quant à la pertinence de la preuve de l'Opposante, je conviens que la preuve d'emploi du terme MARCHÉ ou MARKET en liaison avec des supermarchés, des épiceries, des magasins d'alimentation spécialisée et des dépanneurs n'indique pas si le terme MARCHÉ décrit clairement la nature ou la qualité de services de restaurant, de services de comptoir de plats à emporter et d'une offre d'aide technique dans l'établissement et l'exploitation de franchises de restaurant, pas plus qu'il n'indique si le terme MARCHÉ est couramment employé, car les entreprises susmentionnées offrent des services qui sont fondamentalement différents de ceux d'un restaurant. Les magasins d'alimentation sont axés sur l'achat et la vente de produits alimentaires, tandis que, dans les restaurants, l'accent est mis sur la préparation des plats et le service des repas aux clients de l'établissement.

[34]           À l'audience, l'Opposante a souligné que la Commission avait déjà admis la comparaison entre des services de restaurant et des dépanneurs intégrés à des stations-services qui offrent en vente un certain nombre de produits de restauration rapide, car elle estimait qu'il y avait une possibilité de recoupement entre les voies de commercialisation, même si cette possibilité était considérée comme faible [voir Mövenpick Holding AG c ExxonMobil Oil Corporation, précitée]. L'Opposante a également invoqué l'enregistrement LMC735,328, dont les détails sont présentés au point 192 de la pièce « A » de l'affidavit Palmer, comme exemple d'une marque de commerce liée à des services d'épicerie ainsi qu'à des services de restaurant et de boulangerie en épicerie.

[35]           Je ne considère pas cette affaire comme analogue à la présente espèce et je l'estime dénuée de pertinence. Dans la décision de la Commission que cite l'Opposante, la comparaison entre les différentes entreprises du secteur de l'alimentation a été effectuée dans le contexte d'une analyse de la probabilité de confusion qui tenait compte de facteurs tels que la possibilité de recoupement entre les services des parties et entre leurs voies de commercialisation, ainsi que de la preuve de l'état du marché concernant l'emploi d'un certain terme comme marque de commerce, et qui visait à déterminer si l’emploi d’une marque de commerce dans une région donnée risquait de créer de la confusion avec une autre marque de commerce employée dans la même région en portant les consommateurs à conclure que les produits ou services liés à ces marques de commerce provenaient de la même source. Ce n'est pas la question qui nous occupe en l'espèce.

[36]           L'Opposante n'allègue pas la confusion entre les services de restaurant liés à la Marque et d'autres types d'entreprises du secteur de l'alimentation liées aux marques de commerce MARCHÉ ou MARKET. La question n'est pas de savoir si un consommateur canadien moyen penserait que les services de restaurant MARCHÉ de la Requérante sont fournis par une entité qui exploite un supermarché, une épicerie ou un dépanneur en liaison avec une marque de commerce, un nom commercial ou un nom d'entreprise comprenant le terme MARKET ou MARCHÉ. La question en l'espèce est plutôt de savoir si le terme MARCHÉ donne une description claire de la nature ou de la qualité des services de restaurant, des services de comptoir de plats à emporter et de l'offre d'aide technique dans l'établissement et l'exploitation de franchises de restaurant, au regard de l'emploi présumé par des tiers du terme MARKET ou MARCHÉ pour décrire la nature ou la qualité de services similaires ou identiques.

[37]           De même, invoquer un enregistrement se rapportant à une épicerie qui exploite également, dans ses locaux, un restaurant en liaison avec une marque de commerce qui comprend le terme MARKET n'est d'aucune aide pour déterminer si le terme MARKET est couramment employé par des tiers pour décrire des services de restaurant.

[38]           Par conséquent, en l'absence d'une preuve démontrant que diverses entreprises du secteur de l'alimentation, tels des supermarchés, des épiceries, des dépanneurs et des magasins d'alimentation spécialisée, sont exploitées en tant que restaurants et fournissent des services de restaurant, je tiendrai compte uniquement de la preuve d'emploi des termes MARCHÉ et MARKET en liaison avec des entreprises qui offrent des services similaires ou identiques à ceux de la Requérante.

[39]           En gardant ces considérations à l'esprit, je souligne que l'affidavit Palmer fournit la preuve décrite ci-après. Parmi les 203 résultats obtenus lors de la recherche de demandes ou d'enregistrements de marques de commerce comprenant le terme MARKET pour emploi en liaison avec divers produits ou services rattachés à l'alimentation, il y a environ 30 demandes admises et enregistrements compris dans la période pertinente qui sont liés à des services similaires ou identiques à des services de restaurant. Cette preuve ne contient cependant aucune information sur les dates de premier emploi alléguées, ou sur la question de savoir si les demandes sont fondées sur un emploi projeté ou sur un emploi à l'étranger, des marques de commerce. Ces 30 demandes admises et enregistrements comprennent, entre autres, les suivants :

           100 MILE MARKET (demande no 1,374,874 – admise)

           BIER MARKT (LMC571122) et ESPLANADE BIER MARKT (LMC554,097)

           COLUMBUS FISH MARKET – marque nominale et marque mixte (LMCA813,157 et LMC812,935)

           COUNTRY MARKET RESTAURANT & BUFFET (LMC493,875)

           MARCELLO’S MARKET & DELI (LMC701,837)

           MARKET BUFFET AND GRILL (LMC700,285)

           MARKET BY JEAN-GEORGES (LMC7854,353)

           MARKET LANE PIAZZA (LMC472,525)

           NEIGHBOURHOOD MARKET CAFÉ (LMC617,620)

           PACIFIC MARKET (LMC541,132)

           RESTAURANT MARKET STREET & Dessin (LMC510,446)

           THE FISH MARKET RESTAURANT (LMC504,135)

[40]           En outre, parmi les 74 résultats obtenus lors de la recherche de demandes ou d'enregistrements de marques de commerce comprenant le terme MARCHÉ pour emploi en liaison avec des services similaires ou identiques aux services de restaurant, il n'y a qu'une seule demande comprise dans la période pertinente. Là encore, cette preuve ne contient aucune information sur la date de premier emploi alléguée, ou sur la question de savoir si la demande est fondée sur un emploi projeté ou sur un emploi à l'étranger, de la marque de commerce :

           PLACE DU MARCHÉ (demande no 1,147,159 – admise)

[41]           La vaste majorité des autres résultats de recherche se rapporte à des demandes et enregistrements de marques de commerce qui comprennent le terme MARKET ou MARCHÉ pour emploi en liaison avec des produits alimentaires ou des épiceries, des supermarchés, des dépanneurs ou des magasins d'alimentation spécialisée, c'est-à-dire des établissements qui achètent et vendent des produits alimentaires et qui, en cela, diffèrent fondamentalement des services offerts dans les restaurants.

[42]           La preuve de l'état du registre a généralement pour but de montrer le caractère commun ou le caractère distinctif d'une marque de commerce ou d'une partie d'une marque par rapport à l'ensemble des marques au registre, mais elle n'est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions quant à l'état du marché, et de telles conclusions ne peuvent être tirées que si un nombre significatif d'enregistrements pertinents est repéré [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. Étant donné que la preuve de l'état du registre montre que certains mots sont employés comme marques de commerce, c.-à-d. en tant qu'identificateur de source, il semble presque contre-intuitif d'avoir recours à la preuve de l'état du registre pour démontrer que certains mots ne peuvent pas servir de marques de commerce puisqu'ils sont prétendument couramment employés dans le commerce pour décrire la nature ou la qualité d'un type particulier de produits ou de services.

[43]           En outre, bien que l'affidavit Palmer montre qu'il y a, au Canada, un nombre considérable de tiers qui fournissent des services de restaurant en liaison avec des marques de commerce comprenant le mot MARKET, l'emploi par des tiers n'est pertinent par rapport à la question du caractère distinctif que dans la mesure où il montre que d'autres commerçants emploient un terme donné dans un sens descriptif pour décrire leurs produits et services, mais pas comme élément d'une marque de commerce, d'un nom commercial ou d'un nom d'entreprise servant à identifier leurs propres services de restaurant. Cette preuve de l'état du registre n'est pas suffisante pour démontrer que la personne normale ou raisonnable, bilingue ou non, percevrait, sous le coup de la première impression, le terme MARCHÉ, ou son équivalent anglais MARKET, comme donnant une description claire de la nature ou de la qualité de services de restaurant, de services de comptoir de plats à emporter ou d'une offre d'aide technique dans l'établissement et l'exploitation de franchises de restaurants.

[44]           Je souligne également que bien que l'Opposante allègue que la première impression que le consommateur moyen aurait de la Marque serait celle d'un restaurant [Traduction] « de style marché(market) » (avec service aux tables ou de mets pour emporter), elle n'a fourni aucune preuve quant à ce qui est généralement considéré comme un restaurant « de style marché(market) » au sein de l'industrie. En somme, il n'y a aucune preuve qu'un ou plusieurs des restaurants identifiés par l'Opposante sont des endroits qui sont couramment connus dans l'industrie comme des restaurants de « de style marché(market) », [Traduction] « où les repas sont exposés ou préparés à différentes stations de telle sorte que les consommateurs peuvent s'approcher pour évaluer le produit avant de commander, comme le font les consommateurs depuis des siècles dans d'autres types de marchés, tels que les marchés fermiers et les marchés aux poissons ».

[45]           J'ajouterai que même si la Requérante projetait d'employer la Marque en liaison avec des restaurants qui s'inspirent de l'idée d'un marché public, ce dont il n'y a aucune preuve au dossier, rien n'indique qu'une personne normale ou raisonnable comprendrait, à la première impression, ce que suppose un restaurant « de style marché(market) ». Dans un tel cas, le terme MARCHÉ évoquerait simplement une thématique particulière choisie par le propriétaire du restaurant, mais ne donnerait pas une description claire de la nature ou de la qualité des services de restaurant.

[46]           Dans Worldwide Diamond Trademarks Limited c Canadian Jewellers Association 2010 CF 309 conf. par 2010 CAF 326, la Cour fédérale a formulé les remarques suivantes relativement à l'objet de l'article 12(1)b) et à la notion de monopole, aux para. 47 et 48 :

[Traduction]
L’objet de l’alinéa 12(1)b) a été habilement exposé par le juge Cattanach dans la décision GWG Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1981), 55 C.P.R. (2d) 1, au paragraphe 37, dans laquelle il cite un extrait de la décision Eastman Photographic Materials Co. Ltd. c. Comptroller-General of Patents, Designs and Trade Marks, [1898] A.C. 571, p. 580, Lord Herschell :

[TRADUCTION] […] n’importe quel mot de la langue anglaise peut être utilisé comme marque de commerce -- on pourrait employer le mot le plus commun. Dans ces circonstances, il serait évidemment impossible d’accorder à quelqu’un le monopole de l’emploi d’un mot qui réfère à la nature ou à la qualité de certaines marchandises en lui permettant d’enregistrer une marque de commerce en liaison avec une certaine catégorie de marchandises. Les mots de la langue anglaise constituent un bien commun : ils appartiennent également à tous; et personne ne devrait être autorisé à empêcher les autres membres de la communauté d’employer un mot qui réfère à la nature ou à la qualité de marchandises pour les décrire.

S’il est effectivement possible d’utiliser n’importe quel mot à titre de marque de commerce, il est également essentiel d’empêcher l’emploi d’un mot à titre de marque de commerce lorsqu’un tel emploi priverait le reste de la communauté de son droit à utiliser ce mot dans le but de décrire la nature ou la qualité de marchandises.

[non souligné dans l'original]

[47]           À mon sens, compte tenu des définitions du dictionnaire susmentionnées et de la preuve pertinente soumise par l'Opposante relativement au motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b), la preuve n'appuie pas la conclusion que les termes MARCHÉ et MARKET décrivent quelque chose qui se rapportent à la composition matérielle ou à une qualité intrinsèque des services de restaurant, des services de comptoir de plats à emporter et l'offre d'aide technique dans l'établissement et l'exploitation de franchises de restaurants de la Requérante, dans l'esprit d'une personne normale ou raisonnable sous le coup de la première impression [voir ITV Technologies, précitée]. Ni l'un ni l'autre de ces termes ne désigne, de façon évidente, claire ou manifeste, des services de restaurant (avec service aux tables ou de mets pour emporter), lesquels services vont au-delà du simple fait de vendre et d'acheter des produits alimentaires, et sont axés sur la préparation des plats et le service des repas aux clients de l'établissement.

[48]           En outre, on ne peut pas dire que la nature ou la qualité des services de restaurant et de comptoir de plats à emporter de la Requérante sont évidentes d'emblée pour une personne normale ou raisonnable à la première impression qu'a cette personne d'une marque de commerce comprenant le terme MARCHÉ [voir Ontario Teachers Pension Plan Board c Canada (Procureur général) 2012 CAF 60]. Bien qu'il y ait au dossier une preuve établissant que le terme MARKET est employé comme élément de marques de commerce, de noms commerciaux et de noms d'entreprise liés à des services de restaurant, il n'y a pas de preuve claire quant à la nature ou à la qualité des services de restaurant qu'il est censé couramment décrire au sein de l'industrie. Je soulignerai également que le lien entre le terme MARCHÉ et l'offre d'aide technique dans l'établissement et l'exploitation de franchises de restaurants est encore plus ténu, si ce n'est inexistant.

[49]           En conséquence, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)b) de la Loi.

La Marque est-elle adaptée à distinguer les Services de la Requérante?

[50]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas distinctive au sens de l'article 2 de la Loi en ce qu'elle n'est ni adaptée ni propre à distinguer les services en liaison avec lesquelles la Marque sera employée par la Requérante [Traduction] « des marques de commerce, des noms commerciaux ou des noms d'entreprise comprenant le mot « marché » ou « market » qui sont employés par un certain nombre de tiers en liaison avec des services similaires ou identiques », dont des exemples sont présentés aux annexes A à C de la déclaration d'opposition modifiée.

[51]           Dans son plaidoyer écrit, l'Opposante soutient que la Marque ne peut pas servir d'identificateur de source parce que 1) la Requérante tente de monopoliser injustement l'emploi d'un terme qui est couramment employé par des tiers dans le commerce pour décrire des services qui sont identiques aux services visés par la demande; et 2) la Marque donne une description claire de la nature ou de la qualité des services visés par la demande.

[52]           Dans Conseil canadien des ingénieurs professionnels c APA Engineered Wood Association (2000), 7 CPR (4th) 239 (CF 1re inst), la Cour a souligné que [Traduction] « bien qu'il puisse être vrai qu'une marque de commerce qui donne une description claire ou une description fausse et trompeuse soit nécessairement sans caractère distinctif, il n'est pas exact de soutenir que, du simple fait qu'une marque de commerce est considérée comme ne donnant pas une description simple ou une description fausse et trompeuse, elle est par conséquent distinctive ». [para. 49].

[53]           Il est généralement admis que la date pertinente pour l'appréciation du caractère distinctif est la date de production de la déclaration d'opposition; en l'espèce le 9 août 2011 [Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF 1re inst)]. C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer que la Marque distingue véritablement ses services de ceux de tiers partout au Canada ou qu'elle est adaptée à les distinguer ainsi [voir Muffin Houses Inc c The Muffin House Bakery Ltd (1985), 4 CPR (3d) 272 (COMC)]. L'Opposante doit toutefois s'acquitter du fardeau de preuve initial d'établir les faits allégués à l'appui de son motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif.

[54]           Comme preuve de l'emploi par des tiers des termes MARCHÉ et MARKET, l'Opposante invoque les résultats des recherches effectuées dans la Base de données sur les marques de commerce canadiennes exposés dans l'affidavit Palmer, les résultats des recherches en ligne ainsi que les appels téléphoniques et les visites dans des entreprises du Canada dont il est question dans les rapports d'enquête présentés dans l'affidavit Meadway, l'affidavit Breton et l'affidavit Crépeault, mentionnés précédemment dans l'analyse relative à l'article 12(1)b).

[55]           En réponse aux allégations d'absence de caractère distinctif de l'Opposante, la Requérante réitère son argument selon lequel la preuve présente des lacunes et que, de toute façon, la preuve n'établit pas un emploi de noms ou de marques suffisant pour faire perdre à la Marque son caractère distinctif en liaison avec des services de restaurant.

[56]           Pour les raisons exposées ci-après, je rejette le motif fondé sur l'absence de caractère distinctif.

[57]           Pour qu'une marque de commerce projetée soit adaptée à distinguer les produits ou services d'un propriétaire, elle doit posséder un caractère distinctif inhérent [voir AstraZeneca AB c Novopharm Ltd, 2003 CAF 57, para. 16]. Une marque de commerce possède un caractère distinctif inhérent lorsque rien en elle n'oriente le consommateur vers une multitude de sources [voir Compulife Software Inc c CompuOffice Software Inc 2001 CFPI 559, para. 19]. Comme l'a souligné le juge Bédard dans Philip Morris Products SA c Imperial Tobacco Canada Limited 2014 CF 1237, citant Apotex Inc c Canada (Registraire des marques de commerce) 2010 CF 291, la question de savoir si une marque de commerce est distinctive est une question de fait qui doit être jugée en fonction du message que la marque transmet au consommateur ordinaire des produits ou services en question lorsque la marque est considérée dans sa globalité sous l'angle de la première impression.

[58]           En outre, la Cour d'appel fédérale a indiqué que le test à appliquer pour déterminer le caractère distinctif d'une marque mixte dont les éléments graphiques sont jugés non dominants, comme en l'espèce, est celui de la « forme sonore », c'est-à-dire le son des mots [voir Worldwide Diamond Trademarks Limited, précitée].

[59]           Au regard de la preuve dans son ensemble, je ne suis pas convaincue que l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait de démontrer que le terme MARCHÉ ou MARKET est un terme couramment employé par des tiers dans le commerce pour décrire les services visés par la demande ou que la Marque donne une description claire de la nature ou de la qualité de ces services.

[60]           Ici encore, je conviens avec la Requérante que la preuve d'emploi du terme MARCHÉ ou MARKET en liaison avec d'autres types d'entreprises du secteur de l'alimentation, tels des supermarchés, des épiceries, des magasins d'alimentation spécialisée et des dépanneurs, est sans rapport avec la question de savoir si le terme MARCHÉ décrit clairement, ou décrit tout court, des services de restaurant, des services de comptoirs de plats à emporter et l'offre d'aide technique dans l'établissement et l'exploitation de franchises de restaurant, car ces autres entreprises offrent des services qui sont fondamentalement différents de ceux d'un restaurant.

[61]           Quant à l'allégation selon laquelle la Marque n'est pas distinctive puisqu'elle donne une description claire de la nature ou de la qualité des services visés par la demande, elle est écartée pour les mêmes raisons que celles exposées dans l'analyse relative à l'article 12(1)b).

[62]           Quant à la question de savoir si la Marque est un terme couramment employé par des tiers dans le commerce pour décrire des services similaires ou identiques, j'ai déjà conclu que la preuve ne démontre pas que le terme MARKET ou MARCHÉ a été adopté par l'industrie de la restauration pour décrire un style particulier de restaurant ou qu'il revêt une signification communément acceptée en liaison avec des services de restaurant. Bien que la date pertinente qui s'applique au motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif soit ultérieure, cette différence de dates ne se traduit pas par un résultat différent en l'espèce.

[63]           Si on fait l'analyse en fonction de cette date ultérieure, l'affidavit Palmer présente une douzaine de demandes et d'enregistrements supplémentaires se rapportant à la fourniture de services de restaurant en liaison avec des marques de commerce qui comprennent le terme MARKET au Canada. Je demeure néanmoins d'avis que cette preuve de l'état du registre ne concerne pas le caractère distinctif du terme MARKET ou MARCHÉ en liaison avec des services de restaurant. Je peux, tout au plus, inférer que le terme MARKET est couramment employé comme élément de marques de commerce liées à des services de restaurant au sein du marché. Or, cela n'est pas pertinent, car il n'y a aucune allégation de confusion relativement à l'emploi de marques de commerce comprenant le terme MARKET ou MARCHÉ en l'espèce.

[64]           En ce qui concerne les rapports d'enquête, à l'audience, l'Opposante a soutenu que, malgré que certaines des enquêtes dont il est question dans l'affidavit Meadway, dans l'affidavit Crépeault et dans l'affidavit Breton aient été réalisées après la date pertinente, elles devraient être prises en considération dans l'évaluation du caractère distinctif de la Marque à la date pertinente. D'après ce que je comprends, la Requérante a reconnu à l'audience qu'il existe une jurisprudence à cet effet, mais que l'image globale du marché pendant la période pertinente tend à devenir de plus en plus floue à mesure que le temps passe. En l'espèce, comme il n'y a pas d'objection, et étant donné que ladite preuve est simplement postérieure à la date pertinente de quelques mois, je suis disposée à accorder un certain poids à cette preuve étant donné la nature des résultats de recherche [voir Proctor & Gamble Company c Reckitt Benckiser (Canada) Inc, 2015 COMC 69].

[65]           Il ressort des rapports d'enquête considérés dans leur ensemble qu'une vaste majorité des établissements qui ont reçu la visite des déposants de l'Opposante sont caractérisés comme des dépanneurs, des épiceries, des marchés publics, des supermarchés et des magasins d'alimentation spécialisée. Quant aux entreprises classées dans la catégorie des restaurants dans les annuaires d'entreprises en ligne ayant un nom qui comprend le terme MARKET, et aux affirmations selon lesquelles les enquêteurs ont communiqué avec un certain nombre de restaurants de diverses villes dont le nom comprend le terme MARKET ou MARCHÉ, je soulignerai que, là encore, il n'y a pas de preuve donnant à penser que ces restaurants ont en commun une nature ou une qualité que les restaurants qui ne sont pas « de style marché(market) » n'ont pas, ou qu'une signification communément acceptée est attribuée aux restaurants qui sont identifiés par le terme MARKET ou MARCHÉ. En d'autres termes, la preuve ne démontre pas que le terme MARCHÉ ou MARKET serait perçu par le consommateur moyen de services de restaurant comme autre chose qu'un identificateur de source.

[66]           En somme, la preuve démontre simplement qu'il existe de nombreuses entreprises de tiers dont les services de restaurant sont identifiés par des marques de commerce, des noms commerciaux ou des noms d'entreprise qui comprennent le terme MARKET, et dans une mesure nettement moindre, le terme MARCHÉ. Or, en l'absence d'allégations de confusion avec ces marques de commerce et noms commerciaux de tiers, le simple fait que le terme MARKET ou MARCHÉ apparaissent dans d'autres identificateurs de source n'a pas pour effet de rendre la Marque impropre à servir d'identificateur de source pour les services de la Requérante.

[67]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'absence de caractère distinctif.

La Marque est-elle constituée du nom des Services?

[68]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable aux termes de l'article 12(1)c) de la Loi parce qu'elle est constituée du nom des « services de restaurant » et des « services de comptoir de plats à emporter ».

[69]           La date pertinente pour l'appréciation du motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)c) est la date de ma décision [Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)].

[70]           Comme l'a souligné la Requérante, le test à appliquer relativement à l'article 12(1)c) de la Loi est plus étroit que celui qui s'applique à l'emploi de termes descriptifs [voir Unitel Communications Inc c Bell Canada (1995) 92 FTR 161]. En outre, pour qu'un motif fondé sur l'article 12(1)c) soit accueilli, la marque, considérée dans son ensemble, doit être manifestement constituée du nom des produits ou services, selon l'impression immédiate ou première qu'aurait le consommateur ordinaire de ces produits ou services. [voir ITV Technologies, supra]. Il est à noter que les éléments non distinctifs d'une marque mixte ne peuvent pas rendre la marque enregistrable si les éléments écrits dominants contreviennent à l'article 12(1)c) de la Loi [voir Ottawa Athletic Club, précitée, para. 228 et 229].

[71]           Pour s'acquitter de son fardeau de preuve initial, l'Opposante devait présenter une preuve suffisante à l'appui de son allégation selon laquelle la Marque est constituée du nom des services visés par la demande. Elle ne l'a pas fait.

[72]           Il n'y a tout simplement aucun élément de preuve pour étayer l'allégation de l'Opposante selon laquelle le terme MARCHÉ est le nom des services de restaurant ou des services de comptoir de plats à emporter. Au contraire, d'après les définitions du dictionnaire mentionnées précédemment et la propre preuve de l'Opposante que les termes MARKET et MARCHÉ décrivent, et sont couramment employés en liaison avec, des supermarchés, des épiceries et des dépanneurs, mais pas des services de restaurant. Qui plus est, il n'y a aucune preuve que les services de restaurant sont connus comme des « services de marché » ou des « market services ».

[73]           Par conséquent, je conclus que l'Opposante n'a pas produit une preuve suffisante pour démontrer que le terme MARCHÉ est le nom d'un des services visés par la demande.

[74]           Compte tenu de ce qui précède, je rejette le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)c).

Décision

[75]           Dans l'exercice des pouvoirs qui m'ont été délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je rejette l'opposition conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

_____________________________

Pik-Ki Fung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Judith Lemire, trad.

Date de laudience : 29 juillet 2015

 

Comparutions

 

Thomas W. Kurys                                                                    Pour l'Opposante

 

Mark Robbins                                                                          Pour la Requérante

 

Agents au dossier

 

Dimock Stratton LLP                                                              Pour l'Opposante

 

Bereskin & Parr LLP/S.E.N.C.R.L., S.R.L.                            Pour la Requérante

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