Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2011 COMC 173

      Date de la décision : 2011-09-14

       

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Sun Life du Canada, Compagnie d’Assurance‑Vie à l’encontre de la demande d’enregistrement no 1265002 pour la marque de commerce ÉTABLISSEMENT STANDARD GARANTI au nom de la Banque Royale du Canada – Royal Bank of Canada

[1]               Le 14 juillet 2005, la Banque Royale du Canada (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce ÉTABLISSEMENT STANDARD GARANTI (la Marque) en liaison avec la fourniture de « services d’assurances » (les Services) depuis mai 2004.

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 1er mars 2006. Le 5 décembre, l’Opposante a produit une déclaration d’opposition. L’Opposante a invoqué des motifs d’opposition fondés sur les alinéas 38(2)a), b) et d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi).

[3]               La Requérante a produit et signifié une contre‑déclaration dans laquelle elle nie les allégations formulées par l’Opposante.

[4]               Le 27 août 2007, l’Opposante a produit l’affidavit de M. Norm Leblond ainsi que les pièces A1 à A19. La Requérante a produit une copie certifiée conforme de son enregistrement no LMC567636 relatif à la marque de commerce GUARANTEE STANDARD ISSUE. Aucune preuve n’a été produite en réponse et M. Leblond n’a pas été contre‑interrogé sur son affidavit. Les deux parties ont produit un plaidoyer écrit; seule l’Opposante était représentée à l’audience.

Les motifs d’opposition

[5]               Les motifs d’opposition se résument de la façon suivante :

Alinéa 38(2)a)

                      La demande ne satisfait pas aux exigences prévues à l’article 30 car la marque de commerce projetée alléguée n’est pas visée par la définition de l’expression « marque de commerce » figurant à l’article 2 de la Loi. Il s’agit en effet d’une expression clairement descriptive qui est devenue reconnue, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique au Canada, comme désignant la sorte de services visés par la demande d’enregistrement.

 

                      La demande ne satisfait pas aux exigences prévues à l’alinéa 30b) car la Requérante n’a pas employé la Marque alléguée au Canada depuis la date de premier emploi revendiquée (mai 2004) dans l’enregistrement, ni à aucun autre moment.

 

                      La demande ne satisfait pas aux exigences prévues à l’alinéa 30i) car, à la date de sa production, à la date alléguée de premier emploi et à tous les moments pertinents, la Requérante, contrairement à l’assertion formulée dans la demande, ne pouvait, et ne peut, être convaincue qu’elle avait, et a, le droit d’employer la Marque projetée au Canada en liaison avec des « services d’assurances », compte tenu de son caractère descriptif et du fait qu’il s’agit d’une expression qui est devenue, en raison d’une pratique ordinaire et authentique, reconnue au Canada comme désignant la sorte de services visés par la demande d’enregistrement, à savoir des « services d’assurances ».

 

Alinéa 38(2)b)

 

                      La marque de commerce visée par la demande n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)b) de la Loi parce qu’elle donne une description claire, en langue française, de la nature ou de la qualité des services à l’égard desquels on projette de l’employer, à savoir des « services d’assurances ». Elle donne en effet une description claire du fait qu’il s’agit de services à « établissement garanti », expression qui est couramment employée dans l’industrie des assurances pour désigner les polices d’assurance pouvant être assorties d’une tarification fixe.

 

Alinéa 38(2)d)

 

                      La Marque n’est pas distinctive parce qu’elle ne distingue pas véritablement les services de la Requérante des services d’autres propriétaires qui font le commerce du même genre de services – à savoir des « services d’assurances » –, et n’est pas non plus adaptée à les distinguer ainsi, puisqu’elle est devenue, en raison d’une pratique ordinaire et authentique, reconnue au Canada comme désignant la sorte de services visés par la demande d’enregistrement, à savoir des « services d’assurances ».

 

Le fardeau de preuve

[6]               Le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est satisfait aux dispositions de la Loi incombe à la Requérante. Toutefois, l’Opposante a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité sur lesquels elle appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limited c. The Molson Companies Limited (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.), à la page 298].

Les dates pertinentes

[7]               Les dates pertinentes au regard des motifs d’opposition en l’espèce sont généralement reconnues comme étant les suivantes :

          non-respect de l’article 30 de la Loi : la date de production de la demande (14 juillet 2005) [voir Georgia-Pacific Corp. c. Scott Paper Ltd. (1984), 3 C.P.R. (3d) 469 (C.O.M.C.), à la page 475];

          non-enregistrabilité de la Marque selon l’alinéa 12(1)b) de la Loi : la date de production de la demande [voir Zorti Investments Inc. c. Party City Corp. (2004), 36 C.P.R. (4th) 90 (C.O.M.C.); Havana Club Holdings S.A. c. Bacardi & Co. (2004), 35 C.P.R. (4th) 541 (C.O.M.C.); Fiesta Barbeques Limited c. General Housewares Corporation (2003), 28 C.P.R. (4th) 60 (C.F. 1re inst.)];

          absence de caractère distinctif de la Marque suivant l’article 2 de la Loi : la date de production de la déclaration d’opposition (5 décembre 2006) [voir Metro‑Goldwyn‑Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F. 1re inst.)].

[8]               J’examinerai maintenant les parties de la preuve de l’Opposante qui, à mon sens, sont les plus pertinentes.

L’affidavit de M. Norm Leblond

[9]               Monsieur Leblond travaille comme directeur de la tarification technique chez Sun Life du Canada, Compagnie d’Assurance‑Vie. Il occupe ce poste depuis juin 2006. Il était auparavant premier conseiller en tarification. Il ajoute qu’il est membre du Canadian Institute of Underwriters (CIU) et l’actuel vice‑président du conseil exécutif de cet organisme. Il compte plus de douze années d’expérience en tarification, et il porte le titre d’AALU (Associate‑Academy of Life Underwriting).

[10]           Son affidavit a pour objet d’établir que la Marque est descriptive et qu’elle est devenue reconnue au Canada comme désignant la sorte de services visés par la demande d’enregistrement, à savoir des « services d’assurances ».

[11]           Il affirme en premier lieu que son expérience dans l’industrie des assurances lui a permis de bien connaître la terminologie propre à celle‑ci et que l’expression ÉTABLISSEMENT STANDARD GARANTI, ses équivalents en langue anglaise GUARANTEE STANDARD ISSUE et GUARANTEED STANDARD ISSUE, ainsi que les expressions analogues GUARANTEED STANDARD-ISSUE, GUARANTEEED ISSUE, GURANTEED-ISSUE et ÉTABLISSEMENT GARANTI lui sont familiers. Il ajoute que ces expressions sont utilisées pour désigner ou définir des services d’assurances liés aux polices d’assurance susceptibles d’être assorties d’une tarification fixe.

[12]           Il offre les précisions suivantes sur ces termes :

          Garanti [Guaranteed] – ce terme est communément employé dans l’industrie de l’assurance vie et de l’assurance maladie pour désigner la promesse d’une offre d’assurance d’une certaine somme. Il peut aussi signifier la promesse d’une offre d’assurance d’une certaine somme à certains taux en fonction de l’état de santé et du mode de vie de la personne dont la vie sera éventuellement assurée;

          Établissement [Issue] – ce terme est communément employé dans l’industrie de l’assurance vie et de l’assurance maladie pour désigner le fait, par l’assureur, de produire, d’imprimer et de délivrer une police d’assurance vie ou d’assurance maladie au propriétaire du contrat;

          Standard [Standard] – ce terme est communément employé dans l’industrie de l’assurance vie et de l’assurance maladie pour désigner la catégorie à laquelle appartient un demandeur d’assurance vie ou d’assurance maladie dont l’état de santé, le mode de vie ou d’autres facteurs de risque sont ceux en fonction desquels on établit les taux de prime normaux ou standard;

          Établissement garanti [Guaranteed Issue] – cette expression est communément employée dans l’industrie de l’assurance vie et de l’assurance maladie pour désigner la promesse d’un assureur d’offrir de l’assurance à un demandeur duquel on n’exige aucune preuve, ou qu’une preuve minimale, d’assurabilité;

          Établissement standard garanti [Guaranteed Standard Issue] – dans l’industrie de l’assurance vie et de l’assurance maladie, l’offre à un demandeur d’une assurance dont la tarification est assujettie à des exigences très restreintes, lesquelles sont analogues à celles appliquées par l’industrie lorsqu’elle fixe la tarification applicable à un groupe dans le cadre d’une assurance collective.

[13]           L’auteur de l’affidavit mentionne qu’il parle couramment l’anglais et le français et que les expressions GUARANTEE STANDARD ISSUE et GUARANTEED STANDARD ISSUE peuvent se traduire correctement par ÉTABLISSEMENT STANDARD GARANTI.

[14]           Monsieur Leblond affirme aussi qu’il est facile de trouver des emplois descriptifs des expressions susmentionnées, en anglais et en français, dans des manuels de tarification en assurance et des manuels relatifs à l’assurance ainsi que dans Internet, que ces expressions sont employées couramment par d’autres compagnies et courtiers d’assurance et qu’elles figurent dans des glossaires en ligne. À l’appui de ces assertions, il a produit des copies de pages couvertures, une page comportant les renseignements sur le droit d’auteur, des copies d’extraits tirés de quatre livres, des copies de pages trouvées sur 14 sites Web touchant à l’assurance ainsi qu’une définition tirée d’un glossaire en ligne sur l’assurance.

[15]           La pièce A1 comprend des copies de certaines pages tirées de Life Company Underwriting de Charles A. Will. Les pages présentent deux sortes d’assurance à [traduction] « établissement garanti » : a) l’[traduction] « établissement standard garanti » [guaranteed standard issue] et b) la [traduction] « garantie de non‑refus » [guaranteed no declination]. Selon l’auteur, l’établissement standard garanti offre aux participants un régime assorti d’exigences de tarification minimales, tandis que la garantie de non‑refus garantit une couverture d’assurance à tous les participants. La tarification paraît s’entendre de la collecte de données, comme l’âge, la profession, les antécédents médicaux, etc., sur chacun des participants en vue d’évaluer leur admissibilité à la couverture. Rien ne permet de savoir où et quand cet ouvrage a été publié.

[16]           La pièce A2 est constituée de copies de certaines pages tirées d’un livre intitulé Disability Income – The Sale The Product The Market. Dans ces pages, l’auteur, Jeff Sadler, semble renseigner les employeurs sur la façon d’obtenir l’adhésion des employés à un régime d’assurance‑invalidité et de procéder aux retenues à la source. L’auteur recommande aux employeurs de faire signer une formule de renonciation à l’employé qui refuse la protection offerte et il fournit un exemplaire d’une telle formule [traduction] « utilisée pour la sollicitation effectuée dans le cadre d’un programme à établissement garanti ». Dans les paragraphes précédant la signature de l’employé sur la formule de renonciation se trouve notamment la phrase suivante :

[traduction] Après avoir attentivement examiné les avantages offerts, je choisis de ne pas demander de couverture. Je comprends que cette couverture m’est offerte dans le cadre d’un établissement garanti à la condition que je sois activement au travail à la date de prise d’effet du régime. » [Non en italique dans l’original.]

[17]           L’une des autres sources sur ce sujet énumérées sur la page est un article de Robert G. Price intitulé « Guaranteed Issue Disability Through Payroll Deduction ». Selon l’avis de droit d’auteur, l’ouvrage a été publié une première fois en 1991 et à nouveau en 1995; la publication paraît avoir eu lieu aux États‑Unis.

[18]           La pièce A3 est constituée de photocopies de certaines pages d’un livre intitulé Life Insurance écrit par Kenneth Black, Jr., et Harold D. Skipper, Jr. L’ouvrage semble avoir été imprimé aux États-Unis bien avant la date de la demande visée en l’espèce. Sous la rubrique [traduction] « Établissement d’assurance garanti » [Guaranteed Issue Insurance] figurant sur l’une des pages, on donne une explication compatible avec celle qu’a proposée l’auteur de l’affidavit et qui est exposée dans les pages mentionnées plus haut.

[19]           La pièce A4 comprend des photocopies de certaines pages de l’ouvrage Underwriting in Life and Health Insurance Companies, publié sous la direction de Richard Bailey, FLMI. Il semble s’agir d’un livre publié par le Life Management Institute LOMA dans le cadre du FLMI Insurance Education Program, à Atlanta (Géorgie). De plus, selon le timbre de bibliothèque apposé sur la page couverture, cet ouvrage faisait partie de la bibliothèque de Mutual Life of Canada en 1985. Les pages fournies renferment une partie relative aux produits d’assurance à établissement garanti. On y explique qu’avec ce genre d’assurance aucune tarification particulière n’est effectuée et une police d’assurance est automatiquement délivrée à tous les membres admissibles d’un groupe donné d’assurés proposés qui demandent la couverture et satisfont à certaines conditions fixées par l’assureur. Ce qui paraît également compatible avec les précisions susmentionnées offertes par l’auteur de l’affidavit.

[20]           La plupart des autres pièces sont des pages tirées des sites Web de diverses autres compagnies d’assurance de responsabilité civile, qui offrent toutes des produits d’assurance à établissement garanti ou en font mention; cinq de ces sites Web font état de produits ou de programmes d’établissement standard garanti. Voici des exemples.

          La pièce A6 renferme des pages tirées du site Web en langue française de Financière Manuvie/Manulife Financial et, en particulier, une formule de demande intitulée « Demande D’Assurance-Vie Á Établissement Garanti [sic] ».

          La pièce A7 consiste en une page tirée du National Post publié le 21 juillet 2006 dans laquelle on peut voir une annonce de la compagnie d’assurance Canada Protection Plan concernant une [traduction] « police d’assurance vie à établissement garanti » [Guaranteed Issue Life Insurance Policy].

          La pièce A9 renferme des extraits (en anglais et en français) du rapport annuel de 2003 présenté sur le site Web de La Great‑West, compagnie d’assurance‑vie. Le rapport annuel concerne manifestement l’industrie des assurances au Canada et on fait mention, à la page 33 de la version anglaise, du lancement en 2002 du programme pilote Guaranteed Standard Issue de la Great‑West. Selon le texte français équivalent, il s’agit d’« un programme pilote sur les ventes de contrats à établissement standard garanti en 2002 ».

          La pièce A10 est une copie d’un bulletin d’information intitulé Group Benefits Update qui a été publié en 2003 par un courtier d’assurance en Ontario et qui énumère clairement à titre d’avantage les [traduction] « produits d’assurance à établissement garanti » [GSI – Guaranteed Standard Issue Products].

          La pièce A12 est constituée de copies de pages d’un bulletin d’information d’août 2005 publié par le Groupe financier PPI, une compagnie d’assurance qui a des bureaux partout au Canada. Le bulletin d’information donne des précisions sur la protection offerte dans le cadre de l’assurance collective pour maladies graves et signale la différence qui existe entre la protection individuelle, laquelle fait l’objet d’une tarification fondée sur l’état de santé, et la protection collective, laquelle fait l’objet d’un « établissement garanti ». Le bulletin ajoute que cette protection a l’avantage d’offrir une couverture à ceux qui, pour des raisons médicales, ne pourraient obtenir une protection individuelle. Dans le rapport anglais correspondant, on emploie l’expression « guaranteed issue ».

          La pièce A17 est une copie papier d’une page intitulée « Canadian Health Travel Insurance Blog » et datée du 24 février 2006 dans laquelle on examine les [traduction] « régimes de soins médicaux à établissement garanti » [Guaranteed Issue Health Plans]. On y décrit un régime de soins médicaux [traduction] « standard » [standard], qui exclut les affections préexistantes, et un régime d’assurance‑maladie [traduction] « à établissement garanti » [guaranteed issue], qui couvre une affection préexistante.

          La pièce A19 est une page tirée de ce qui semble être un glossaire en ligne sur l’assurance vie qui fait partie d’un site Web appelé Insurance Options Guide. Ce glossaire comporte une entrée pour l’expression Guaranteed Standard Issue, laquelle est définie comme un terme relatif à la tarification servant à désigner la délivrance d’un contrat d’assurance collective sans mention d’une quelconque tarification fondée sur l’état de santé. La date de cette entrée n’est pas précisée; la page a été imprimée le 22 août 2007.

L’examen de la preuve

[21]           Selon la Requérante, les pages Web consistent en des assertions faites par des tiers et elles doivent donc être considérées comme inadmissibles au motif qu’elles constituent du ouï‑dire. Elle fait en outre valoir que la preuve ne permet pas d’établir que des Canadiens ont visité les sites Web en question. Elle avance aussi, en ce qui concerne les extraits tirés des différents ouvrages, qu’il n’a pas été prouvé que ceux‑ci étaient disponibles au Canada; en fait, ils semblent plutôt avoir été imprimés aux États‑Unis.

[22]           Je comprends l’argument selon lequel les renseignements obtenus sur des sites Web de tiers ne peuvent être considérés comme une preuve de la véracité de leur contenu et qu’ils doivent donc être considérés comme inadmissibles parce qu’il s’agit de ouï‑dire. À mon avis, il est toutefois légitime de reconnaître que les mentions répétées des expressions [traduction] « établissement garanti » [Guaranteed Issue] et [traduction] « établissement standard garanti » [Guaranteed Standard Issue] sur les sites Web de diverses compagnies partout au Canada établissent leur existence à titre de termes commerciaux employés dans l’industrie des assurances.

[23]           Je ne pense pas qu’il était de l’intention du législateur, lorsqu’il a instauré les instances en matière d’opposition, d’accabler les parties d’obligations coûteuses, comme celle d’engager des experts indépendants pour fournir une preuve de la signification de mots et de termes commerciaux alors que d’autres éléments de preuve sont plus faciles à se procurer. Le bon sens doit l’emporter et, en l’espèce, de nombreuses sources, obtenues auprès de différentes compagnies d’assurance dans tout le Canada, utilisent toutes les mêmes termes; il s’agit d’une méthode logique et raisonnable de produire des éléments de preuve et je suis donc disposée à accorder une certaine valeur probante à ces pièces.

[24]           J’estime également que l’abondance de la preuve, à savoir le fait que la même information figure dans des livres et dans un grand nombre de pages Web canadiennes qui sont liés à l’industrie des assurances au Canada et qui s’adressent manifestement à des consommateurs canadiens, renforce les précisions données par M. Leblond quant à la signification des termes tels qu’ils sont employés dans l’industrie des assurances.

[25]           En ce qui touche les livres, même si je conviens qu’ils paraissent avoir été publiés aux États‑Unis, le bon sens exige que l’industrie des assurances dans ce pays et au Canada soit relativement semblable et j’accorderai donc un certain poids à ces extraits pour tirer mes conclusions. De plus, le timbre portant la mention « Library of Mutual Life of Canada 1985 » figurant sur la page couverture de la pièce A4 étaye l’inférence voulant qu’à tout le moins un de ces ouvrages ait été pertinent au regard de l’industrie canadienne des assurances bien avant la date de production de la demande en cause en l’espèce.

[26]           Quoi qu’il en soit, j’estime convaincant que de multiples sites Web canadiens, qu’il s’agisse de courtiers d’assurance locaux ou d’importantes compagnies d’assurance, offrent tous des produits à établissement garanti [Guaranteed Issue] et/ou à établissement standard garanti [Guaranteed Standard Issue]. Je remarque que l’expression n’est présentée dans aucun des cas comme une marque de commerce ou un produit d’une compagnie d’assurance donnée. En outre, bien que la date de certains éléments de preuve tirés des sites Web soit postérieure tant à celle de la demande qu’à celle de la production de l’opposition, la date de certaines des pièces, comme il est mentionné plus haut, est antérieure à celle de la demande de même qu’à celle de la production de la déclaration d’opposition. Je signale en outre que les extraits tirés des ouvrages indiquent que les livres ont été publiés bien avant la date de la demande.

[27]           De plus, après avoir examiné les éléments en langue française qui ont été produits, je suis disposée à accepter que l’Établissement Standard Garanti sert aux mêmes fins lorsque des services d’assurance sont fournis en français.

La preuve de la Requérante

[28]           La Requérante a produit une copie certifiée conforme de son enregistrement no LMC567636 pour la marque de commerce GUARANTEE STANDARD ISSUE. Il convient de préciser à cet égard que le fait d’être propriétaire de l’enregistrement de la Marque en anglais ne confère pas automatiquement à la Requérante le droit d’enregistrer la même Marque ou une marque similaire en français, peu importe à quel point les marques de commerce sont liées, car on pourrait faire valoir que la marque de commerce anglaise n’était peut‑être pas descriptive au moment où la demande a été produite. Quoi qu’il en soit, à l’étape de l’examen, le registraire n’est pas saisi des mêmes éléments de preuve quant au caractère descriptif, et la Requérante n’a pas le même fardeau d’établir que sa marque de commerce est enregistrable, puisque, selon l’alinéa 37(1)b), les marques de commerce ne peuvent être refusées au stade de l’examen que si le registraire est convaincu que la marque de commerce n’est pas enregistrable [voir American Cyanamid Co. c. Stanley Pharmaceuticals Ltd. (1996), 74 C.P.R. (3d) 571 (C.O.M.C.); Ralston Purina Canada Inc. c. H.J. Heinz Co. of Canada (2000), 6 C.P.R. (4th) 394 (C.O.M.C.)]. Cet enregistrement n’a donc aucune pertinence en l’espèce.

L’alinéa 38(2)b) – la marque n’est pas enregistrable suivant l’alinéa 12(1)b)

[29]           J’examinerai d’abord le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)b). L’Opposante a soutenu que la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse ou trompeuse, en langue française, de la nature ou de la qualité des services à l’égard desquels on projette de l’employer, à savoir des « services d’assurances ». En effet, la Marque donne une description claire du fait qu’il s’agit de services à « établissement garanti », une expression qui est couramment employée dans l’industrie des assurances pour désigner les polices d’assurance pouvant être assorties d’une tarification fixe.

[30]           La question de savoir si la Marque donne une description claire dépend du point de vue de l’acheteur ordinaire des services en cause. Il ne faut pas scruter séparément chacun des éléments constitutifs de la Marque; celle‑ci doit plutôt être considérée dans son ensemble et sous l’angle de la première impression [Atlantic Promotions Inc. c. Registrar of Trade Marks, (1984) 2 C.P.R. (3d) 183 (C.F. 1re inst.), à la page 186]. Le mot « nature », à l’alinéa 12(1)b), s’entend d’une particularité, d’un trait ou d’une caractéristique des marchandises ou des services et le mot « claire » signifie [traduction] « facile à comprendre, évident ou simple » [Drackett Co. of Canada Ltd. c. American Home Products Corp. (1968), 55 C.P.R. 29 (C. de l’É.), à la page 34].

[31]           L’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial compte tenu du fait qu’il s’agit manifestement de mots du dictionnaire qui ont une certaine signification dans l’industrie des assurances. Il incombe maintenant à la Requérante de prouver que sa marque de commerce était enregistrable à la date de production de la demande.

[32]           Si je comprends bien la prétention de l’Opposante, comme le terme « standard » est aussi connu comme un mot employé pour désigner une police d’assurance « standard », l’expression dans son intégralité – ÉTABLISSEMENT STANDARD GARANTI – donne une description claire d’une police d’assurance standard à établissement garanti, c’est‑à‑dire une police garantie et sans exclusion. Compte tenu de son expérience en la matière et de l’abondance des éléments de preuve tirés des pages Web, des ouvrages et de la définition donnée dans le Life Insurance Glossary jointe comme pièce A19, je souscris à l’interprétation que M. Leblond donne de ces mots et je conviens qu’il s’agit de termes commerciaux reconnus, tant pris isolément qu’ensemble à titre d’expression.

[33]           À mon avis, la preuve établit qu’à la date de la demande, des compagnies d’assurance au Canada offraient des produits à [traduction] « établissement garanti » [guaranteed issue] ainsi que des produits à [traduction] « établissement standard garanti » [guaranteed standard issue]. Je signale qu’il ne ressort nullement de la preuve que l’une ou l’autre de ces expressions était employée comme marque de commerce dans les faits; elles paraissent plutôt servir à désigner un avantage particulier lié aux régimes d’assurance collective. Comme le montrent les pièces A9 et A12, l’expression française équivalente était également utilisée.

[34]           Je suis donc convaincue que la Marque donnait une description claire de la nature précise des « services d’assurances » offerts par la Requérante à la date de la demande en cause en l’espèce, à savoir que ces services comprennent le fait de délivrer aux participants une assurance à établissement standard garanti. Ce motif d’opposition est donc accueilli.

L’alinéa 38(2)d) – l’absence de caractère distinctif suivant l’article 2

[35]           L’Opposante a allégué que l’expression ÉTABLISSEMENT STANDARD GARANTI est courante et bien connue dans l’industrie des assurances et de la tarification connexe et qu’elle est employée pour désigner ou décrire les services d’assurance liés aux polices d’assurance susceptibles d’être délivrées à des taux standard suivant une tarification fixe.

[36]           La date pertinente pour apprécier le caractère distinctif est celle de la production de la déclaration d’opposition, soit le 5 décembre 2006. Je suis convaincue, pour les raisons exposées plus haut relativement à l’alinéa 12(1)b), que la Marque donne une description des « services d’assurances »; aucun élément de preuve n’a été produit pour établir que la Marque a acquis une signification secondaire. J’estime donc que le raisonnement suivi dans la décision Canadian Council of Professional Engineers c. APA-The Engineered Wood Assn. (2002), 7 C.P.R. (4th) 239 (C.F. 1re inst.), s’applique en l’espèce. Dans cette décision, le juge O’Keefe mentionne qu’« une marque de commerce qui donne une description claire ou une description fausse et trompeuse [est] nécessairement sans caractère distinctif ». À la lumière de ma conclusion précédente voulant que la Marque donne une description claire des Services, et comme la différence concernant les dates pertinentes n’a aucune importance en l’espèce, je conclus que la Marque n’est pas non plus intrinsèquement adaptée pour distinguer les services de la Requérante de services similaires de tiers. Ce motif d’opposition est également accueilli.

[37]           Comme j’ai donné raison à l’Opposante sur deux motifs d’opposition, il est inutile que je statue sur les autres questions en litige.

Décision

[38]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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P. Heidi Sprung

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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