Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS TRADUCTION

Référence : 2011 COMC 148

Date de la décision : 2011-08-23

 

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION produite par Alberto Carreras Coll à l’encontre de la demande d’enregistrement n1,237,288 pour la marque de commerce LAKME BEAUTY SALON au nom de Hindustan Unilever Limited

 

 

[1]               Le 16 novembre 2004, Hindustan Unilever Limited (la Requérante) a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce LAKME BEAUTY SALON (la Marque) fondée sur l’emploi projeté de la Marque au Canada. L’état déclaratif des services modifié indique ce qui suit :

 

Services médicaux, d’hygiène et de soins de beauté, nommément salons de beauté, fourniture des services suivants : massages manuels et de massages à l’aide des pieds, massages corporels, soins de la peau, cliniques médicales, consultation en soins de santé, bains pour fins hygiéniques et de santé, traitement ayurvédique, conseils propices à la santé, relaxation, traitement des douleurs continues, traitement des douleurs, perte de poids, consultation en beauté, enseignement du yoga, massages thérapeutiques, purification du corps (les Services).

 

[2]               La demande, qui inclut un désistement du droit à l’usage exclusif des mots BEAUTY SALON en dehors de la Marque, a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 28 septembre 2005.

 

[3]               Le 28 février 2006, Alberto Carreras Coll (l’Opposant) a produit une déclaration d’opposition, faisant valoir que la demande ne satisfaisait pas aux exigences des alinéas 38(2)a) et 30i) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi). La déclaration d’opposition plaide également que la Marque n’est pas enregistrable en raison des al. 38(2)b) et 12(1)d) de la Loi, qu’elle n’est pas distinctive suivant l’al. 38(2)d) et l’art. 2 de la Loi, et que la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la Marque suivant les al. 38(2)c) et 16(3)a) de la Loi en ce que la Marque crée de la confusion avec la marque LAKMÉ de l’Opposant, enregistrée sous le numéro LMC496,016 et antérieurement employée ou révélée au Canada par l’Opposant ou ses prédécesseurs en titre en liaison avec les marchandises suivantes : [traduction] « teintures d’oxydation, teinture semi-permanente pour cheveux ondulés, coloration directe, poudres de décoloration, peroxydes, ondulation permanente, défrisants et neutralisants, laques, fixatifs, crèmes à coiffer, gels, cires, shampoings, revitalisants, masques de beauté, extraits et lotions capillaires ».

 

[4]               La Requérante a produit et signifié une contre-déclaration dans laquelle elle nie les allégations de l’Opposant.

 

[5]               À l’appui de son opposition, l’Opposant a produit son propos affidavit, souscrit le 5 juin 2007, un affidavit de Jaclyn M. Seidman, souscrit le 22 mai 2007 et une copie certifiée de l’enregistrement no LMC496,016 pour la marque de commerce LAKMÉ. À l’appui de sa demande, la Requérante a produit l’affidavit de Kathryn Stewart, souscrit le 10 mars 2008. Mme Stewart a été contre-interrogée relativement à son affidavit, et la transcription de son contre-interrogatoire est versée au dossier. À titre de preuve en réponse, l’Opposant a produit un second affidavit de Mme Seidman, souscrit le 25 septembre 2008.

 

[6]               Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits. La tenue d’une audience n’a pas été demandée.

 

Fardeau de preuve et dates pertinentes

 

[7]               C’est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. Toutefois, l’Opposant a le fardeau initial de produire une preuve suffisante pour établir la véracité des faits sur lesquels il appuie chacun de ses motifs d’opposition [voir John Labatt Limitée c. Les Compagnies Molson Limitée (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.); et Dion Neckwear Ltd. c. Christian Dior, S.A. et al. (2002), 20 C.P.R. (4th) 155 (C.A.F.)].

 

[8]               Les dates pertinentes pour l’examen des circonstances afférentes à chacun des motifs d’opposition soulevés en l’espèce sont les suivantes :

 

  • Motif fondé sur les al. 38(2)a) / 30i) de la Loi : la date de production de la demande [voir Tower Conference Management Co. c. Canadian Exhibition Management Inc. (1990), 28 C.P.R. (3d) 428 (C.O.M.C.)];
  • Motif fondé sur les al. 38(2)b) / 12(1)d) de la Loi : la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickers/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)];
  • Motifs fondés sur les al. 38(2)c) / 16(3)a) de la Loi : la date de production de la demande;
  • Motif fondé sur l’al. 38(2)d) / art. 2 de la Loi: la date de production de l’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc. c. Stargate Connections Inc. (2004), 34 C.P.R. (4th) 317 (C.F.); et Re Andres Wines Ltd. and E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.)].

 

Analyse des motifs d’opposition

 

Motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i)

 

[9]               L’Opposant fait valoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i) de la Loi en ce que [traduction] « la Requérante ne peut être convaincue qu’elle a droit d’employer la [Marque] en liaison avec les [Services] car elle sait que la marque de commerce LAKMÉ est largement employée par l’Opposant au Canada à l’égard des [marchandises décrites ci-dessus] ».

 

[10]           Ce motif, tel qu’il est plaidé, n’est pas un motif d’opposition valable. Le simple fait que la Requérante ait pu être au courant de l’existence de la marque de commerce LAKMÉ de l’Opposant ne l’empêche pas de faire la déclaration exigée par l’alinéa 30i) de la Loi dans sa demande.

 

[11]           Même si le motif avait été valablement plaidé, lorsqu’un requérant a produit la déclaration exigée par l’alinéa 30i), pareil motif ne doit être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsque la preuve démontre que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co. Ltd. c. Bristol-Myers Co. (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Cette preuve n’a pas été faite en l’espèce.

 

[12]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

 

Autres motifs d’opposition

 

[13]           Les motifs d’opposition fondés sur l’al. 16(3)a) (non-enregistrabilité), l’al. 16(3)a) (absence de droit à l’enregistrement) et l’art. 2 (absence de caractère distinctif) se rapportent tous à la question de la probabilité de confusion entre la Marque et la marque de commerce LAKMÉ de l’Opposant. Je vais examiner en premier lieu le motif d’opposition fondé sur l’al. 12(1)d) car c’est le plus solide eu égard à la date pertinente la plus récente.

 

Motif d’opposition fondé sur la non-enregistrabilité

 

[14]           L’Opposant fait valoir que la Marque n’est pas enregistrable eu égard aux dispositions de l’al. 12(1)d) de la Loi parce qu’elle crée de la confusion avec la marque déposée LAKMÉ de l’Opposant, décrite précédemment.

 

[15]           Comme je l’ai indiqué plus haut, l’Opposant a fourni une copie certifiée de son enregistrement. Me prévalant du pouvoir discrétionnaire du registraire, j’ai pu confirmer que l’enregistrement est en règle en date d’aujourd’hui.

 

[16]           L’Opposant s’étant acquitté de son fardeau de preuve, il revient donc à la Requérante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et la marque de commerce LAKMÉ de l’Opposant.

 

[17]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. Le paragraphe 6(2) de la Loi dispose que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[18]           Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l’espèce, dont celles qui sont mentionnées au par. 6(5) de la Loi : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent. Cette liste n’est pas exhaustive; tous les facteurs pertinents doivent être pris en considération, mais ces facteurs n’ont pas nécessairement le même poids [voir Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2006), 49 C.P.R. (4th) 321 (C.S.C.); Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée (2006), 49 C.P.R. (4th) 401 (C.S.C.), pour une analyse complète des principes généraux qui régissent le test en matière de confusion].

 

[19]           La marque de commerce LAKMÉ de l’Opposant possède un caractère distinctif inhérent, en ce qu’elle ne décrit aucune caractéristique particulière des marchandises en liaison avec lesquelles elle est enregistrée. De fait, l’Opposant explique dans son affidavit qu’en 1996 il a conçu l’idée de créer une gamme de produits de soins capillaires et a constitué une société qu’il a désignée sous le nom de LAKMÉ, d’après l’opéra éponyme de 1883 dont Delibes a fait la musique sur un livret de Edmond Gondinet et Philippe Gille. La Marque de la Requérante possède également dans son ensemble un caractère distinctif inhérent, en raison du mot LAKME, lequel, comme le confirme la Requérante elle-même, n’a pas de traduction française ou anglaise et est le nom d’un opéra.

 

[20]           La force d’une marque de commerce peut s’accroître par la promotion ou l’emploi qu’on en fait. Toutefois, il n’y a en l’espèce aucune preuve que la Marque projetée de la Requérante a été employée au Canada au sens de l’art. 4 de la Loi ou qu’elle est devenue connue dans quelque mesure que ce soit au Canada.

 

[21]           Quant à la marque de commerce LAKMÉ de l’Opposant, elle a été enregistrée sous le no LMC496,016 le 25 septembre 1996, sur la base de l’emploi et de l’enregistrement de la marque en Espagne. Cet enregistrement permet tout au plus d’établir un emploi de minimis et ne permet pas de conclure à l’emploi important et continu de la marque LAKMÉ au Canada [voir Entre Computer Centers, Inc. c. Global Upholstery Co. (1992), 40 C.P.R. (3d) 427 (C.O.M.C.)]. Cela dit, il ressort de l’examen qui suit de l’affidavit de M. Coll que la marque de commerce LAKMÉ de l’Opposant a, dans les faits, été employée de façon continue au Canada depuis au moins 1999 et est devenue connue dans une certaine mesure dans ce pays en liaison avec des produits de soins capillaires.

 

[22]           M. Coll a d’abord fait l’historique de l’emploi de la marque de commerce LAKMÉ. M. Coll déclare qu’il a fondé Lakmé Cosmetics SL (Lakmé Cosmetics) et qu’il en est actionnaire [paragraphe 1 de son affidavit]. M. Coll a conçu l’idée de créer une gamme de produits de soins capillaires sous le nom de LAKMÉ et a constitué la société Lakmé Cosmetics en 1996. Lakmé Cosmetics a commencé à vendre des produits portant la marque de commerce LAKMÉ cette même année [paragraphe 2 de son affidavit].

 

[23]           M. Coll dit qu’il a toujours été propriétaire de la marque de commerce LAKMÉ, qu’il a enregistrée dans plusieurs pays, dont le Canada [paragraphes 3 et 4 de son affidavit; pièces A et B]. Il explique que Lakmé Cosmetics vend des produits portant la marque de commerce LAKMÉ dans 60 pays, dont le Canada. Plus particulièrement, la marque de commerce LAKMÉ est employée au Canada depuis 1999 en liaison avec des produits de soins capillaires. Il ajoute qu’aux termes d’un accord de licence conclu entre lui et Lakmé Cosmetics, sa société détient une licence exclusive d’emploi de la marque de commerce LAKMÉ et des variantes de cette marque, dont la dénomination sociale Lakmé Cosmetics [paragraphe 5 de son affidavit].

 

[24]           Plus particulièrement, M. Coll explique qu’en vertu de cette licence, Lakmé Cosmetics est autorisée à fabriquer, étiqueter, emballer, distribuer, commercialiser et vendre les produits portant la marque de commerce LAKMÉ et à utiliser le mot LAKMÉ dans sa dénomination sociale. En vertu de la licence, Lakmé Cosmetics doit se conformer aux exigences, procédures et instructions qu’il impose en ce qui concerne l’emploi de la marque de commerce LAKMÉ. De même, aux termes de la licence, il contrôle directement ou indirectement, par l’entremise de sa société, les caractéristiques ou la qualité des marchandises portant la marque de commerce LAKMÉ. En outre, M. Coll dit qu’étant donné qu’il participe quotidiennement à l’élaboration des produits et des stratégies de commercialisation, il se rend régulièrement en personne au siège et aux usines de Lakmé Cosmetics pour y superviser la fabrication et la distribution des produits de soins capillaires portant la marque de commerce LAKMÉ [paragraphe 6 de son affidavit].

 

[25]           M. Coll décrit ensuite l’emploi de la marque de commerce LAKMÉ au Canada. Il dit que Lakmé Cosmetics vend des produits de soins capillaires en liaison avec la marque de commerce LAKMÉ à quatre distributeurs exclusifs au Québec, en Ontario, dans la région Ouest (Burnaby) et la région Centre (Edmonton), lesquels à leur tour vendent les produits à des salons de beauté et des coiffeurs, qui les vendent directement aux consommateurs ultimes dans tout le pays. Au total, environ 300 détaillants au Canada vendent des produits de soins capillaires portant la marque de commerce LAKMÉ. Ces produits incluent ceux qui sont énumérés dans l’enregistrement no LMC496,016 de l’Opposant. À cette fin, M. Coll joint sous la cote C des copies de photographies d’emballages représentatifs de produits affichant bien en vue la marque de commerce LAKMÉ, à savoir des bouteilles de 300 ml de shampoing et de revitalisant [paragraphes 7 et 8 de son affidavit].

 

[26]           M. Coll dit que depuis 1999 les ventes de produits de soins capillaires portant la marque de commerce LAKMÉ au Canada ont dépassé 3 100 000 $, soit une moyenne annuelle d’environ 67 000 unités de produits de soins capillaires portant la marque de commerce LAKMÉ [paragraphe 10 de son affidavit].

 

[27]           M. Coll aborde ensuite la question de l’annonce de ces produits de soins capillaires. Il explique qu’il utilise à cette fin des brochures imprimées [voir pièce D consistant en copies de cinq brochures représentatives de celles qui sont distribuées depuis 1999 au Canada]; à du matériel de vente fourni aux détaillants canadiens, tels des affiches et des bannières portant la marque de commerce LAKMÉ pour installation dans leurs salons [voir pièce E montrant la façon dont certains détaillants canadiens présentent en vente les produits portant la marque de commerce LAKMÉ]; des réclames publicitaires pour la gamme des produits LAKMÉ dans des publications comme des revues spécialisées, des magasines et des journaux distribués au Canada [voir pièce F consistant en copies de réclames parues en 2000 et 2006 dans divers numéros du Salon Magazine]; le site Web de Lakmé Cosmetics www.lakme.com [voir pièce G consistant en imprimés d’ordinateur affichant la marque de commerce LAKMÉ qui sont représentatifs de la promotion en ligne de cette marque de commerce] [paragraphes 11 à 15 de son affidavit].

 

[28]           La Requérante soutient dans son plaidoyer écrit que l’Opposant n’a pas établi que l’emploi antérieur de la marque de commerce LAKMÉ par Lakmé Cosmetics était un emploi autorisé. Plus particulièrement, la Requérante fait valoir que M. Coll n’indique dit pas dans son affidavit la date de début de la licence, et qu’il n’y a pas joint celle-ci. Par conséquent, soutient-elle, on ne peut présumer que tout emploi de la marque de commerce LAKMÉ par Lakmé Cosmetics avant l’affidavit de M. Coll était un emploi autorisé par l’Opposant. La Requérante plaide de plus que Lakmé Cosmetics se sert des mots « LAKMÉ » et « LAKMÉ COSMETICS » uniquement comme noms commerciaux. Je ne suis pas d’accord.

 

[29]           De l’examen ci-dessus de l’historique de l’emploi de la marque de commerce LAKMÉ, il appert que l’emploi de cette marque par Lakmé Cosmetics a toujours été un emploi sous licence. Faire une autre lecture de l’affidavit de M. Coll serait illogique. De plus, la marque de commerce LAKMÉ est affichée bien en vue sur les bouteilles de shampoing et de revitalisant produites sous la cote C, ainsi que sur plusieurs des emballages de produits de soins capillaires montrés sous les cotes D et F. Par conséquent, j’estime qu’il y a eu emploi de la marque de commerce LAKMÉ par Lakmé Cosmetics, comme l’atteste M. Coll, et que cet emploi est à l’acquit de l’Opposant suivant l’art. 50 de la Loi.

 

[30]           Vu ce qui précède, l’analyse globale de la distinctivité inhérente des marques des parties et de la mesure dans laquelle ces marques sont devenues connues, ainsi que la période pendant laquelle elles ont été en usage favorise l’Opposant.

 

[31]           En ce qui concerne le genre des marchandises et la nature du commerce, je dois comparer l’état déclaratif des services de la Requérante à l’état déclaratif des marchandises figurant dans l’enregistrement de l’Opposant [voir Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c. Super Dragon Import Export Inc. (1986), 12 C.P.R. (3d) 110 (C.A.F.); et Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.)]. Toutefois, il faut en lisant ces états déclaratifs chercher à déterminer le genre d’entreprise ou de commerce que les parties entendaient probablement établir plutôt qu’à répertorier tous les commerces que pourraient englober pareils libellés. La preuve des commerces véritables des parties est utile à cet égard [voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.); Proctor & Gamble Inc. c. Hunter Packaging Ltd. (1999), 2 C.P.R. (4th) 266 (C.O.M.C.); et American Optional Corp. c. Alcon Pharmaceuticals Ltd. (2000), 5 C.P.R. (4th) 110 (C.O.M.C.)].

 

[32]           Se fondant sur les affidavits de M. Coll et Mme Seidman, et la pièce jointe à la propre preuve de la Requérante introduite par l’affidavit de Mme Stewart affidavit, l’Opposant soutient que les marchandises et services respectifs des parties relèvent d’une même branche d’activité et pourraient éventuellement être offerts au public dans des lieux rapprochés par l’entremise des mêmes types d’établissements, à savoir des spas, des salons de coiffure et des salons de beauté.

 

[33]           Plus particulièrement, l’Opposant fait valoir que l’affidavit de M. Coll établit que les produits capillaires LAKMÉ sont vendus au Canada aux salons de beauté et aux coiffeurs qui les vendent directement aux consommateurs ultimes dans tout le pays. Les affidavits de M. Coll et de Mme Seidman  ainsi que la preuve que la Requérante a elle-même produite démontrent que ces types d’établissements offrent communément des services de spa tels que ceux que la Requérante Canada projette d’offrir au Canada, ainsi qu’il appert des documents suivants :

 

  • Pièce H jointe à l’affidavit de M. Coll, consistant en copies papier du site Web de la Requérante www.lakmeindia.com que M. Coll a consulté. M. Coll déclare au paragraphe 17 de son affidavit qu’à sa connaissance la Requérante a commencé à utiliser la Marque en Inde pour des marchandises et services qui recoupent directement les produits de soins capillaires que vend Lakmé Cosmetics. Les descriptions qui suivent figurent dans les copies papier :

 

[traduction] Les Salons de beauté Lakme offrent une gamme complète de services innovateurs de beauté et de soins personnels pour tout ce qui concerne le cheveu, la peau et l’esthétique. Nous offrons des services spécialisés pour la peau (facials), le cheveu (coloration, coupes, styles, permanentes, etc), les mains & les pieds (manucures et pédicures avancées) ainsi que des soins de beauté de base (épilation à la cire, pédicures, manucures).

 

[…]

 

Lakme présente Hairnext. Une gamme exclusive de produits de soins capillaires qui vous donne le « look salon », instantanément.

 

Lakme, groupe expert en soins de beauté, fait maintenant une percée dans le marché des soins du cheveu. […]

 

  • Les diverses pièces jointes au premier affidavit de Mme Seidman. Mme Seidman explique dans son affidavit qu’elle s’est présentée à la boutique Yves Rocher au Centre Eaton de Toronto. La boutique Yves Rocher comprend le Spa végétal Yves Rocher et le Centre de Beauté Yves Rocher. Le spa offre des traitements d’esthétique (facial, épilation, maquillage, soins des mains, soins des pieds et massage). Juste devant l’entrée du Spa végétal, le Centre de beauté Yves Rocher vend une gammée produits Yves Rocher, dont des produits de soins capillaires [paragraphes 3 à 8 de son affidavit, pièces A à E consistant en échantillons de brochures et de catalogues amassés par Mme Seidman et en photographies qu’elle a prises lors de sa visite à la boutique Yves Rocher]. Mme Seidman ajoute qu’elle s’est également rendue à la boutique Aveda au centre commercial Yorkdale à Toronto et à la boutique Jalouse Hair Inc., située au 2467 rue Yonge à Toronto. Les deux emplacements offrent des services de spa et vendent des produits de soins capillaires [paragraphes 9 à 17 de son affidavit, pièces F à N].

 

  • La pièce A de l’affidavit de Mme Stewart, qui consiste en un imprimé d’ordinateur de la page Web affichant le résultat de la recherche effectuée pour le terme « BEAUTY SALON » (Salon de beauté) dans Wikipedia. On y trouve la définition suivante :

 

Un salon de beauté ou institut de beauté (Beauty salon, Beauty parlor ou Spa salon en anglais) est un établissement offrant des services esthétiques aux femmes et aux hommes. On retrouve également dans cette catégorie les salons de coiffure et les spas.

 

Un salon de coiffure offre des services relatifs à la chevelure, alors qu’un salon de beauté offre des services relatifs à la peau (épilation à la cire et au fil par exemple), au visage, aux mains (manucure), aux pieds (pédicure), ainsi que d’autres soins destinés à améliorer l’esthétisme des clientes. Les petits salons offrent souvent les deux types de services.

 

[…]

 

Les salons de beauté offrent des traitements tels que l’épilation à la cire et au fil. Certains offrent également tous les services tels soins des cheveux, des ongles, soins esthétiques, massages, bronzage, etc.

 

 

 

On retrouve sur la page Web (version anglaise) une photo d’un salon de beauté à Salt Lake City, appelé « Eduardo’s Beauty Salon ». Sous les mots « Eduardo’s Beauty Salon », figurent les mots « hair-cut, perm, color and highlight ». On y voit également une photo de l’intérieur d’un salon de beauté, montrant des clients se faisant couper les cheveux [également confirmé par Mme Stewart, aux p. 9 et 10 de la transcription de son contre-interrogatoire].

 

[34]           La Requérante soutient pour sa part que les marchandises énumérées dans l’enregistrement de l’Opposant sont toutes reliées à des produits pour les cheveux et, en particulier, à des produits de coloration des cheveux. Par contre, les Services de la Requérante énumérés dans sa demande ne sont pas reliés à la coloration des cheveux ou aux soins des cheveux. La Requérante, se fondant sur une décision de la présente Commission, Omnium de la Perfurmerie de Luxe c. First Jewellery Co. of Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 444 (Omnium), soutient que l’absence de lien entre les Services de la Requérante et les marchandises de l’Opposant fait obstacle à la présente opposition. Je ne suis pas de cet avis.

 

[35]           Premièrement, l’Opposant offre à la fois des produits de coloration et des produits de soins capillaires. Deuxièmement, M. Coll déclare dans son affidavit que les distributeurs exclusifs de Lakmé Cosmetics vendent ces produits tant aux salons de beauté qu’aux coiffeurs, lesquels les vendent directement aux consommateurs ultimes au Canada. Troisièmement, la propre preuve de la Requérante étaye la thèse de l’Opposant selon laquelle les salons de beauté et les salons de coiffure ne s’excluent pas mutuellement. Au contraire, la pièce A de l’affadavit de Mme Stewart affidavit indique expressément que les salons de beauté peuvent aussi offrir tous les services, tel le soin des cheveux, comme l’atteste également le premier affidavit de Mme Seidman. À cet égard, je n’estime pas nécessaire de vérifier la fiabilité des extraits de Wikipedia et de formuler des commentaires détaillés sur le second affidavit de Mme Seidman abordant cette question. Qu’il suffise de dire que l’édition en ligne des dictionnaires Oxford donne la définition suivante du terme « beauty salon » (et « beauty parlor »): [traduction] « un établissement où divers traitements esthétiques sont dispensés par des spécialistes (coiffure, maquillage et autres) ». Quatrièmement, les copies papier du propre site Web de la Requérante joints comme pièce H à l’affidavit de M. Coll tendent également à discréditer la thèse de la Requérante, bien que je reconnaisse qu’ils ne font pas preuve de leur contenu [voir Candrug Health Solutions Inc. c. Thorkelson (2007), 60 C.P.R. (4th) 35 (F.C.), infirmé (2008), 64 C.P.R. (4th) 431 (C.A.F.)]. Cinquièmement, le paragraphe 6(2) de la Loi dispose que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

[36]           La présente espèce se distingue en outre de l’affaire Omnium. Dans cette affaire, la Requérante avait demandé l’enregistrement de la marque de commerce FIRST, fondé sur son emploi projeté en liaison avec « jewellery » et avec des services « operating a wholesale business dealing in the sale of jewellery ». L’opposant s’est fondé sur l’enregistrement de FIRST Dessin en liaison avec « perfumes; toilet waters; bubble bath preparations; perfume and lotions; perfume gels; perfume powders; soaps; and personal deodorants ». Rejetant l’opposition de l’opposant, l’ancien président Partington a estimé que faute d’une preuve satisfaisante l’autorisant à conclure autrement, il n’y aurait pas de recoupement dans les voies de commercialisation des marchandises et services des parties. Il y avait également eu emploi concurrent des marques des parties sans aucun incident de confusion. Contrairement à Omnium, la preuve en l’espèce établit l’existence d’un lien entre les marchandises et services des parties. Il n’y a pas non plus de preuve d’emploi concurrent des marques des parties.

 

[37]           Cela m’amène au degré de ressemblance entre les marques de commerce des parties. Comme le fait valoir l’Opposant, la première partie de la Marque est identique à sa marque de commerce. Les seuls autres éléments formant la Marque consistent en l’inclusion du terme descriptif « BEAUTY SALON », pour lequel il y a eu désistement. La caractéristique dominante de la Marque est le mot distinctif « LAKME ». À ce titre, je suis d’accord avec l’Opposant pour dire qu’il existe un degré assez marqué de ressemblance entre les marques des parties.

 

Conclusion concernant la probabilité de confusion

 

[38]           Comme il a été dit précédemment, la Requérante a le fardeau ultime de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande satisfait aux exigences de la Loi. Le fardeau ainsi imposé à la Requérante signifie qu’en l’absence d’une conclusion déterminante après clôture de la preuve, la question doit être tranchée à l’encontre de la Requérante.

 

[39]           J’estime que la preuve de l’Opposant soulève des doutes suffisants quant à la probabilité de confusion, considérant le fait qu’il y a un degré assez marqué de ressemblance entre les marques des parties, que la marque de commerce LAKMÉ de l’Opposant a été employée et révélée au Canada au cours de la dernière décennie, et que les marchandises et services respectifs des parties pourraient être éventuellement offerts au public dans des lieux rapprochés par l’entremise des mêmes types d’établissements, à savoir des spas, des salons de coiffure et des salons de beauté. Pour cette raison, j’estime que la Requérante ne s’est pas acquittée de son fardeau ultime d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, qu’il n’est pas raisonnablement vraisemblable qu’une personne qui a un souvenir imparfait de la marque de commerce LAKMÉ de l’Opposant affichée sur des produits de soins capillaires, ne conclue pas, d’après sa première impression et son souvenir imparfait, que les services de la Requérante proviennent de la même source.

 

[40]           Par conséquent, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est accueilli.

 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif

 

[41]           L’Opposant a soutenu que la Marque n’est pas distinctive, étant donné qu’elle ne distingue pas véritablement les Services de la Requérante des marchandises d’autres propriétaires, y compris l’Opposant, ni n’est adaptée à les distinguer ainsi.

 

[42]           La partie opposante satisfait à son fardeau de preuve initial relativement au motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif si elle établit que la réputation de sa marque de commerce est assez importante, significative ou suffisante pour détruire le caractère distinctif de la marque visée par la demande [voir Bojangles’ International LLC c. Bojangles Café Ltd. (2006), 48 C.P.R. (4th) 427 (C.F.)]. Suivant mon examen de la preuve de l’Opposant, celui-ci s’est acquitté de ce fardeau

 

[43]           Il me reste donc à statuer sur ce motif en fonction de la confusion qui existait entre les marques à la date de production de la déclaration d’opposition. Ayant conclu, au vu de la preuve au dossier, que la Marque crée de la confusion avec la marque LAKMÉ de l’Opposant suivant l’al. 12(1)d) et puisque la différence dans les dates pertinentes n’a pas d’incidence importante sur mon analyse, je fais droit au motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

 

Motif d’opposition fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement

 

[44]           Comme j’ai déjà repoussé la demande pour deux motifs, je n’examinerai pas les autres motifs d’opposition.

 

Décision

 

[45]           Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande conformément au paragraphe 38(8) de la Loi.

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Annie Robitaille

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

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