Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                                                            Référence: 2015 COMC 124

Date de la décision: 2015-07-09

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Kruger Products L.P.

Opposante

et

 

 

Requérante

 

Cascades Canada ULC

 

 

 



1,540,778 pour la marque de commerce Rouleau de couleur beige (Dessin)

Demande

 

Introduction

[1]               Kruger Products L.P. (l’Opposante) s’oppose à l’enregistrement de la marque de commerce illustrée ci-dessous, faisant l’objet de la demande no 1,540,778, au nom de Cascades Canada ULC (la Requérante).

ROULEAU DE COULEUR BEIGE (DESSIN)

[2]               La demande indique que la marque « consiste en la couleur beige appliquée sur toute la surface visible de l’objet montré dans le dessin, à savoir, du papier hygiénique » (la Marque).

[3]               La demande, produite le 23 août 2011, est fondée sur l’emploi projeté de la Marque en liaison avec du « papier hygiénique ».

[4]               Les motifs d’opposition soulevés sous l’article 38(2) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi) allèguent essentiellement que :

la Marque n’est pas distinctive des produits de la Requérante [art. 38(2)d) / art. 2 de la Loi];

la Marque n’est pas enregistrable parce qu’en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, la Marque est devenue reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité ou la valeur de produits hygiéniques en papier [art. 38(2)b) / art. 12(1)e) et 10 de la Loi];

la Marque n’est pas enregistrable parce qu’elle donne une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité du « papier hygiénique » [art. 38(2)b) / art. 12(1)b) de la Loi];

la demande ne renferme pas un dessin de la Marque constituant une représentation exacte de cette marque [art. 38(2)a) / art. 30h) de la Loi]; et

la Requérante n’avait pas l’intention d’employer la Marque au Canada [art. 38(2)a) / art. 30e) de la Loi].

[5]               Pour les raisons qui suivent, j’estime qu’il y a lieu de repousser la demande d’enregistrement.

Le dossier

[6]               La déclaration d’opposition a été produite le 13 juin 2012. Les motifs d’opposition soulevés sous l’article 38(2) de la Loi sont reproduits intégralement à l’annexe A de la présente.

[7]               La Requérante a produit une contre-déclaration déniant chacun des motifs d’opposition.

[8]               La preuve de l’Opposante consiste en les affidavits de Jay Candido, incluant ses pièces 1 à 11, et David Morrison, incluant ses pièces 1 à 54. Messieurs Candido et Morrison ont été contre-interrogés. La transcription de chaque contre‑interrogatoire est au dossier.

[9]               La preuve de la Requérante consiste en 25 certificats d’authenticité d’enregistrements de marque de commerce et une déclaration solennelle de Thelma Thibodeau, incluant ses pièces TT‑1 et TT-2. Mme Thibodeau n’a pas été contre-interrogée.

[10]           Chaque partie a produit un plaidoyer écrit et était représentée à l’audience.

Les dates pertinentes

[11]           Les dates pertinentes pour l’appréciation des circonstances relatives aux motifs d’opposition en l’espèce sont les suivantes :

     art. 38(2)d) / art. 2 de la Loi: la date de production de la déclaration d’opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)];

     art. 38(2)b) / art. 12(1)e) et 10 de la Loi : la date de ma décision [voir Canadian Olympic Association c Allied Corporation (1989), 28 CPR (3d) 161 (CAF) et Canadian Olympic Association c Olympus Optical Company Limited (1991), 38 CPR (3d) 1 (CAF)];

     art. 38(2)b) / art. 12(1)b) de la Loi : la date de production de la demande d’enregistrement [voir Fiesta Barbeques Limited c General Housewares Corporation (2003), 28 CPR (4th) 60 (CF)]; et

     art. 38(2)a) / art. 30 de la Loi: la date de production de la demande d’enregistrement [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC)].

Le fardeau qui repose sur les parties

[12]          C'est à la Requérante qu’incombe le fardeau ultime de démontrer que la demande d’enregistrement ne contrevient pas aux dispositions de la Loi. Cela signifie que, si une conclusion déterminante ne peut être tirée une fois que toute la preuve a été présentée, la question doit être tranchée en sa défaveur. Toutefois, l’Opposante doit, pour sa part, s’acquitter du fardeau initial de prouver les faits sur lesquels elle appuie ses allégations. Le fait qu’un fardeau de preuve initial soit imposé à l’Opposante signifie qu’un motif d'opposition ne sera pris en considération que s’il existe une preuve suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de ce motif d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst); Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA et al (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF); et Wrangler Apparel Corp c The Timberland Company (2005), 41 CPR (4th) 223 (CF)].

Les questions en l’espèce

[13]           J’ai identifié cinq questions découlant des motifs d’opposition en l’espèce, à savoir :

1.       La Marque était-elle distinctive des produits de la Requérante au 13 juin 2012?

2.       La Marque est‑elle aujourd’hui devenue reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité ou la valeur du « papier hygiénique » qui y est associé?

3.       La Marque donnait-elle une description claire ou une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité du « papier hygiénique » qui y est associé en date du 23 août 2011?

4.       La demande renfermait-elle un dessin de la Marque constituant une représentation exacte de celle‑ci au 23 août 2011?

5.       La Requérante pouvait-elle avoir l’intention d’employer la Marque au Canada en date du 23 août 2011?

[14]          Avant d’analyser ces questions, je passerai en revue la preuve au dossier, en débutant par celle de l’Opposante, suivi de celle de la Requérante.

La preuve de l’Opposante

[15]          En passant en revue les affidavits de MM. Candido et Morisson, je référerai à des passages de leurs contre-interrogatoires respectifs dans la mesure où ils sont pertinents au regard de la preuve et des représentations des parties, notamment de celles de la Requérante.


 

Affidavit de Jay Candido souscrit le 20 décembre 2012

[16]          M. Candido s’identifie comme « Director of Marketing and Operations - Away from Home » de l’Opposante, poste qu’il occupe depuis le mois de janvier 2012. M. Candido précise dans son affidavit qu’il est à l’emploi de l’Opposante depuis le mois de mai 2002 (il a toutefois corrigé cette information en contre-interrogatoire en indiquant être à l’emploi de l’Opposante depuis mai 2003 [Q20]). M. Candido déclare qu’il a toujours été directement impliqué dans les ventes, le marketing et la promotion pour plusieurs des lignes de produits en papier de l’Opposante [paragr. 1 de l’affidavit].

[17]          M. Candido débute son affidavit par des informations sur l’Opposante et son entreprise.

[18]          Selon les dires de M. Candido, l’Opposante est le premier fabricant et distributeur de papiers‑mouchoirs et serviettes en papier à usage domestique (« in-home use ») au Canada. L’Opposante est également un fournisseur de pointe de produits en papier à usage hors foyer (« away from home (‘AFH’) use ») [paragr. 3 de l’affidavit].

[19]          M. Candido explique que les produits hygiéniques en papier à usage domestique (« in‑home hygienic paper products ») de l’Opposante, incluant des papiers‑mouchoirs, essuie‑tout, papier hygiénique et serviettes de table, sont vendus sous un certain nombre de marques, dont CASHMERE, SCOTTIES, SPONGETOWELS, WHITE SWAN et WHITE CLOUD [paragr. 4 de l’affidavit]. Les produits hygiéniques en papier à usage hors foyer (« AFH hygienic paper products ») de l’Opposante, incluant des papiers‑mouchoirs et papier hygiénique, essuie-mains, chiffons, serviettes et soin des mains, sont aussi vendus sous un certain nombre de marques, dont EMBASSY, ESTEEM et WHITE SWAN [paragr. 5 de l’affidavit].

[20]          Toujours selon les dires de M. Candido, la division de produits hors foyer de l’Opposante dessert d’importants secteurs du marché, dont les secteurs de l’hébergement, la restauration, la gestion immobilière et les soins de santé. Ces produits sont ultimement employés par des consommateurs dans des milliers d’établissements à travers le Canada, incluant des hôtels, restaurants, édifices à bureaux et hôpitaux [paragr. 5 de l’affidavit].

[21]          M. Candido annexe à son affidavit une sélection de pages des sites Web de l’Opposante (www.krugerproducts.ca et www.afhkrugerproducts.ca) illustrant des produits hygiéniques en papier à usage domestique et hors foyer [paragr. 6 et pièce 1 de l’affidavit].

[22]          M. Candido discute par la suite des produits hygiéniques en papier de couleur blanc cassé, beige ou brune commercialisés par l’Opposante et des tiers au Canada. Il déclare ce qui suit :

7.  Beige, brown and off-white and similar shades and colours naturally occur in the paper‑making process if paper fibres are not bleached white or dyed another colour. Paper products made with such beige, brown and off-white paper are often referred to as “kraft paper” within the industry.

8.  Kruger’s products, and those of many of our competitors, feature the colour beige, brown or off-white when those products are unbleached. These colours now signal that hygienic paper products are environmentally-friendly or low cost, because the associated products have neither been bleached nor dyed in the manufacturing process. Light brown tissue products have been sold in Canada for many decades.

[23]          Pour ce qui est des produits hygiéniques en papier de couleur blanc cassé, beige et brune de l’Opposante, M. Candido reproduit au paragraphe 10 de son affidavit un tableau identifiant une sélection de ceux vendus au Canada à la date de son affidavit. Il affirme que ces produits sont vendus par l’Opposante depuis au moins dix ans dans les mêmes formats ou des formats comparables. Des pages du site Web (apparemment kruger.com/afh) donnant une description de chacun des produits listés, incluant une illustration, sont jointes à l’affidavit [paragr. 10 et pièces 2‑10 de l’affidavit]. Afin de refléter la teneur de cette preuve, je reproduis à l’annexe B de ma décision un tableau provenant du plaidoyer écrit de l’Opposante et associant les images des produits illustrés par les pièces 2 à 10 de l’affidavit (en couleur dans le plaidoyer écrit) aux descriptions retrouvées au paragraphe 10 de l’affidavit.

[24]          Selon les affirmations de M. Candido, l’Opposante fait la promotion de ses produits hygiéniques en papier de couleur blanc cassé, beige et brune par le biais de ses sites Web et de publicité ciblée pour des clients existants et potentiels. Une fiche de vente des produits associés à la marque ESTEEM est annexée à l’affidavit comme exemple de publicité ciblée [paragr. 11‑12 et pièce 11 de l’affidavit].

[25]          Lors de son contre-interrogatoire, M. Candido a été questionné sur la pratique de l’Opposante d’annoncer ou non le fait qu’un produit est fabriqué en employant un procédé sans blanchiment (« using an unbleached process »). Selon le témoignage de M. Candido, ce fait est reflété de façon constante sur la page du site Web concernant un produit, mais pas nécessairement au niveau de la documentation [page 15 de la transcription]. Tel que démontré par l’extrait suivant de son contre-interrogatoire, M. Candido a admis pouvoir difficilement se prononcer sur la perception du consommateur quant à un procédé sans blanchiment [page 17 de la transcription] :

71   Q.  If you say it's not entirely consistent, this is mentioned of the fact that -- the product is using an unbleachable process, does the message get a cross [sic] that such an unbleached process is carried out?

A.  That all depends on the perception of the consumer or consumers, right, so --

72   Q.  Do you have any knowledge of that?

A.  In many cases they may have knowledge that it's unbleached, in other cases they may not, and may not even think about it in that regard.  So it would be hard for me to say --

73   Q.  About the perception of the consumer?

A.  Right.

[26]          Je fais une pause dans ma revue de la preuve pour discuter d’une observation de la Requérante relativement au témoignage de M. Candido concernant les produits hygiéniques en papier de couleur beige commercialisés par l’Opposante.

[27]          La Requérante prétend qu’il faut conclure du témoignage de M. Candido que les seuls produits de l’Opposante qui seraient de couleur beige, à savoir les chiffons (« wipers »), ne seraient même pas le résultat naturel d’un procédé de fabrication sans blanchiment ni teinture des fibres.

[28]          Pour expliquer le fondement de la prétention de la Requérante, j’estime utile de reproduire ci-dessous des extraits de son plaidoyer écrit.


 

33.  […]. Les documents mentionnés [au paragraphe 10] et annexés à l’affidavit, soit les exhibits 2 à 10, sont des pages tirées du site Web de l’opposante qui donnent une description de chacun des produits « off-white », « beige », « brown » en question :

[…]

34.  Si l’on examine tous ces exhibits, les exhibits 2 à 9 sont pour des « hand towels » qui sont identifiés comme « brown » tandis que l’exhibit 10 est pour des « wipers » qui sont identifiés comme « beige ».

35.  En examinant les différents documents joints à l’affidavit de Jay Candido, il est noté que sur les exhibits 2 à 9, soit les « hand towels » qui sont identifiés comme « brown », il y a toujours une mention « Made from 100% recycled fibre and over 88% post-consumer content using an unbleached process » (nous soulignons). À titre d’exemple, l’exhibit 2 de l’affidavit Candido montre la mention suivante :

36.  Par contre, pour l’exhibit 10, pour les « wipers », soit les seuls produits qui sont identifiés comme « beige », la mention « using an unbleached process » est absente comme le montre l’extrait suivant de l’exhibit 10 :

[…]

38.  Si Jay Candido indique [en contre-interrogatoire] que l’information concernant l’emploi d’un « unbleached process » est mentionnée de manière « consistent » sur le site Web de l’opposante, nous devons conclure que le produit annoncé sur le site en question et reproduit sous l’onglet 10, soit les wipers qui sont « beige », n’utilise pas un « unbleached process » puisque ce processus n’est pas mentionné. […]

[29]          Avec respect, j’estime que la Requérante se perd en conjectures sur les motifs de l’absence de la mention « using an unbleached process » sur la page du site Web de l’Opposante produite sous la pièce 10. La Requérante ne m’a pas convaincue qu’il faut conclure du témoignage de M. Candido que le seul produit de l’Opposante qui serait de couleur beige ne serait même pas le résultat naturel d’un procédé de fabrication sans blanchiment ni teinture des fibres.

[30]          Je reprends maintenant ma revue de l’affidavit de M. Candido en reproduisant ci-dessous ses déclarations quant aux produits hygiéniques en papier de couleur blanc cassé, beige ou brune commercialisés par des tiers :

13.  In the tissue paper industry in Canada, it is and has been common for many of our competitors to produce and sell unbleached tissue products, which are beige or off-white. I am personally familiar with the sales and marketing across Canada of a number of these products, including those manufactured by Georgia Pacific, Wasau Paper and Seventh Generation. I have also seen private labels brands of unbleached off-white hygienic paper products, now sold across Canada through Shopper Drug Mart under the BIO-LIFE brand. In recent years, it has become increasingly common for food retailers in the fast food industry to supply their customers with beige or light brown napkins (such as those illustrated by the marketplace evidence gathered for this proceeding).

14.  I have reviewed the Affidavit of David Morrison, which includes print-outs from the webpages of these competitors in Canada, along with samples products. I confirm that the selected pages from these websites, and the actual samples, accurately represent the unbleached tissue products that are now and have been sold or distributed in Canada.

15.  It is understood in our market that the colour brown or beige serves to identify a product characteristic (unbleached fibres) rather than a specific source for the product. Many of our competitors are now using the colours beige, brown or off‑white to signal that their hygienic paper products are “environmentally-friendly” or low cost, because these colours convey that product feature, namely that such products have neither been bleached nor dyed.

[31]          M. Candido poursuit son affidavit en faisant des déclarations concernant la vente de rouleaux de papier hygiénique. Il déclare, entre autres, que lors de leur vente ou transfert à un consommateur, ces produits seraient généralement, au moins partiellement et dans certains cas complètement, obscurcis par un emballage ou conditionnement. Il déclare qu’un simple rouleau non-emballé et partiellement déroulé, tel que celui illustré par la Marque, ne serait pas vendu à un consommateur [paragr. 17 de l’affidavit]. En contre-interrogatoire, M. Candido a indiqué ne pas connaitre tous les points de vente des produits de la Requérante [Q74‑Q75].

[32]          Pour conclure ma revue de l’affidavit de M. Candido, je note que je n’accorde pas de poids à son opinion selon laquelle la Marque n’est pas distinctive [paragr. 19 de l’affidavit]. Il s’agit d’une question de fait et de droit qu’il revient au registraire de trancher en l’espèce.

Affidavit de David Morrison souscrit le 21 décembre 2012

[33]          À la date de son affidavit, M. Morrison était un étudiant en droit à l’emploi des agents de marques de commerce de l’Opposante. Il n’était plus à l’emploi de ces derniers au moment de son contre-interrogatoire [Q14].

[34]          Avant de débuter ma revue de la preuve présentée par M. Morrison, je dois discuter de l’argument implicite de la Requérante selon lequel je ne devrais pas tenir compte de l’affidavit de M. Morrison parce que celui-ci fournit un témoignage d’opinion sur des questions contestées [voir Cross‑Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited et al c Hyundai Auto Canada (2005), 43 CPR (4th) 21 (CF); conf. par 53 CPR (4th) 286 (CAF) (Cross‑Canada)].

[35]          Je conviens avec la Requérante qu’à titre d’étudiant en droit à l’emploi des agents de l’Opposante, M. Morrison ne peut être considéré comme un témoin indépendant déposant en toute objectivité. Néanmoins, une lecture raisonnable de son l’affidavit m’amène à conclure que M. Morrison n’émet pas d’opinions, ni ne fait des affirmations assimilables à des opinions, qui doivent être exclues de la preuve en application de la décision Cross-Canada. Je considérerai donc la preuve qu’il présente, en tenant évidemment compte de sa force probante.

[36]          Par conséquent, je reviens à la revue de la preuve présentée par M. Morrison, laquelle comprend quatre parties.

[37]          Premièrement, M. Morrison produit des définitions du mot « beige » retrouvées dans divers dictionnaires de langue anglaise [paragr. 2 et pièces 1‑7 de l’affidavit].


 

[38]          Deuxièmement, M. Morrison produit des pages des sites Web de Seventh Generation Inc. (www.seventhgeneration.com), Georgia-Pacific (www.gp.com), et Wasau Paper (www.wasaupaper.com) auxquels il a accédé le 17 décembre 2012. Selon les dires de M. Morrison, ces pages concernent tous les produits hygiéniques en papier de couleur beige, brune ou blanc cassé qu’il a retrouvés sur ces sites Web et qu’il identifie dans un tableau reproduit dans son affidavit [paragr. 3 et pièces 8‑34 de l’affidavit; Q6]. Lors de son contre-interrogatoire, M. Morrison a indiqué que « beige » devrait être remplacé par « brown » comme couleur du produit « Towlsaver Roll Towell (C-series) » identifié dans son tableau [Q10, pièce 25 de l’affidavit]. Afin de refléter la teneur de cette preuve, j’ai choisi encore une fois de reproduire à l’annexe C de ma décision un tableau provenant du plaidoyer écrit de l’Opposante et associant les images des produits illustrés par les pièces 8 à 34 de l’affidavit (en couleur dans le plaidoyer écrit) aux descriptions retrouvées au paragraphe 3 de l’affidavit, tel que corrigé par M. Morrison en contre-interrogatoire.

[39]          Troisièmement, M. Morrison annexe à son affidavit des photos de produits hygiéniques en papier qu’il a achetés en décembre 2012 dans des magasins de Toronto et des environs, à savoir :

      « a single roll of brown-coloured Seventh Generation brand recycled paper towels » qu’il a acheté dans deux magasins différents, l’un chez Whole Foods Market, l’autre chez Vital Planet [paragr. 5‑6 et pièces 35‑36 de l’affidavit]. Je note que l’Opposante à l’audience avait en sa possession ces deux rouleaux d’essuie-tout pour me permettre d’inspecter de plus près leurs emballages; et

      « a package of 8 rolls of off-white coloured Bio Life brand paper towels” qu’il a acheté chez Shoppers Drug Mart [paragr. 7 et pièce 37 de l’affidavit].

[40]          M. Morrison annexe également des photographies de serviettes de table brunes (« brown napkins ») qu’il a recueillies en décembre 2012 dans des cafés et restaurants de Toronto [paragr. 8‑18 et pièces 38‑48 de l’affidavit].

[41]          Dans la quatrième et dernière partie de son affidavit, intitulée « Internet Searches », M. Morrison déclare produire un échantillonnage des pages Web liées aux résultats d’une recherche Google qu’il a effectuée le 18 décembre 2012 pour la phrase « beige toilet paper ». Il identifie ces pages de la façon suivante [paragr. 19 et pièces 49-53 de l’affidavit] :

      TreeCycle Recycled Paper [pièce 49]

      Is America Ready for Beige Unbleached Bathroom Tissue? [pièce 50]

      New Cascades commercial toilet paper sourced from recycled paper [pièce 51]

      Trying on Shades of Brown to Scream Green – The Wall Street Journal [pièce 52]

      Chlorine-free Paper List [pièce 53]

[42]          Finalement, M. Morrison produit des pages du site Web www.lovegan.com déclarant qu’elles illustrent des aliments et produits biologiques vendus par LoveGan Ltd. dans la région du Grand Toronto [paragr. 20 et pièce 54 de l’affidavit].

La preuve de la Requérante

Déclaration solennelle de Thelma Thibodeau souscrite le 19 décembre 2013

[43]          Mme Thibodeau, une agente de marques de commerce et travailleuse autonome, annexe à sa déclaration:

     les définitions des mots « beige », « blue », « brown », « gold », « green », « grey », « kraft », « orange », « pink », « purple », « red », « silver », « violet » et « yellow » retrouvées dans le Canadian Oxford Dictionary [pièce TT-1]; et

     la définition de « papier » retrouvée dans le dictionnaire Collins Robert, français-anglais anglais-français [pièce TT‑2].

Certificats d’authenticité d’enregistrements de marques de commerce

[44]          Les 25 certificats d’authenticité sont relatifs à 11 enregistrements pour des marques de commerce consistant en la couleur beige appliquée sur toute ou une partie de la surface visible d’un objet et 14 enregistrements pour des marques de commerce revendiquant la couleur beige comme une caractéristique de la marque de commerce.


 

Observations préliminaires

[45]          Aux fins de mon analyse des questions en l’espèce, je souhaite faire les observations qui suivent.

L’affaire Rothmans, Benson & Hedges

[46]           Dans le cadre de ses représentations, la Requérante a référé à diverses reprises à la l’affaire Rothmans, Benson & Hedges c Imperial Tobacco Products, 2012 COMC 226 (CanLII) dans laquelle le registraire, agissant par l’intermédiaire de ma collègue Cindy Folz, a rejeté des oppositions à des demandes d’enregistrement pour deux marques de commerce consistant chacune en la couleur orange appliquée sur la surface visible d’un emballage. La Requérante a correctement noté que l’appel de la décision du registraire a été rejeté par la Cour fédérale [voir Rothmans, Benson & Hedges, Inc c Imperial Tobacco Products Limited, 2014 CF 300].

[47]           Or, je dois mentionner que la décision de la Cour fédérale a été portée à son tour en appel; celui-ci a été rejeté par la Cour d’appel fédérale par jugement rendu le 1er mai 2015, soit deux jours après l’audience tenue dans le cas présent [voir Rothmans, Benson & Hedges, Inc c Imperial Tobacco Products Limited, 2015 CAF 111]. Selon ma lecture du jugement de la Cour fédérale d’appel, l’appelante remettait en cause le rejet par le registraire des motifs d’opposition alléguant que la demande ne satisfaisait pas aux exigences des articles 30b) et h) de la Loi.

[48]           Je reviendrai sur cette affaire au regard des représentations de la Requérante là où j’estime qu’il convient de le faire. J’y référerai sous Rothmans, Benson & Hedges en précisant si je réfère à la décision du registraire ou de la Cour.

Pièces 50 à 52 de l’affidavit de David Morrison

[49]           J’aborde à ce moment‑ci les représentations des parties concernant les pages produites sous les pièces 50 à 52 de l’affidavit de M. Morrison et référant notamment à des supposées « déclarations » de représentantes de « Cascades Tissue » concernant la ligne de papier hygiénique commercial MOKA de couleur beige.

[50]           Il importe de mettre ces éléments de preuve en contexte pour ma discussion de la position de chaque partie quant à leur force probante. À cette fin, j’ai reproduit à l’annexe D de la présente l’article New Cascades commercial toilet paper sourced from recycled paper, du 25 janvier 2012, référant à un commentaire de Suzanne Blanchet, identifiée comme PDG de Cascades Tissue [pièce 51]. Ce commentaire, qui proviendrait de la trousse média, est également reproduit ci-dessous:

Beige is the new green, at least as it relates to towel and tissue. The last several years have brought about countless habit changes meant to preserve the environment. The quality of this bath tissue hasn’t been sacrificed one bit, so adjusting to a new color seems like a small step to take for even greater sustainability.

[51]          Quoique présenté différemment, ce commentaire est repris mot pour mot dans le blog Is America Ready for Beige Unbleached Bathroom Tissue? affiché sur l’Internet le 21 février 2012 [pièce 50]. En outre, ce blog réfère à des déclarations d’Isabelle Faivre, identifiée comme directrice du marketing de « Cascades Tissue Group ». Il suffit de reproduire les deux premiers paragraphes de ce blog pour la mise en contexte de l’une de ces déclarations:

When Cascades Tissue Group, North America’s fourth largest producer of towel and tissue paper, unveiled their beige-colored Cascades Moka line of bathroom tissue at a recent tradeshow, distributers were initially concerned by the color.

“Then they would feel the product and say, ‘Oh, wow that is actually very soft!’” said Isabelle Faivre, the marketing director for Cascades Tissue Group. “And when they learned about our method for producing the 100-percent recycled, undyed and unbleached tissue, their interest immediately peaked.”

[52]          Des références à des déclarations de Mme Faivre se retrouvent aussi dans l’article Trying on Shades of Brown to Scream Green – The Wall Street Journal [pièce 52]. Il suffit de reproduire l’avant dernier-paragraphe référant à l’une de ces déclarations:

[…] When Cascades pitched its Moka toilet paper to distributors at a recent trade show, “faces showed disgust” at first, says Ms. Faivre. “Then they would feel the product and it was, ‘Oh, wow, that would be perfect,’ ” for customers who want softness, but also want green credential, she says.

[53]          Je comprends des représentations orales de l’Opposante qu’elle ne conteste pas la position de la Requérante selon laquelle la production de pages de sites Web par M. Morrison ne prouve pas la véracité de leur contenu. Néanmoins, l’Opposante prétend que je devrais considérer les « déclarations » rapportées dans ces pages Web comme des aveux contre intérêt (« admission against interest »). Outre son objection à la prétention de l’Opposante, lors de l’audience la Requérante a soutenu que la preuve de ces « déclarations » est inadmissible au motif qu’elle consiste en du double ouï‑dire.

[54]           Dans l’éventualité où les « déclarations » seraient jugées admissibles, lors de l’audience la Requérante a soutenu qu’elles ne sont pas pertinentes en l’espèce. À cet égard, la Requérante a non seulement fait valoir que Mmes Blanchet et Faivre sont des représentantes d’une société américaine, mais également qu’il ressort des articles et du blog en question que ceux-ci concernent une ligne de papier hygiénique pour le marché américain plutôt que canadien. Toutefois, selon ma compréhension de ses représentations orales, la Requérante ne nie pas l’existence d’un lien entre elle et cette société américaine.

[55]          J’accepte bien entendu que Mmes Blanchet et Faivre ne sont pas identifiées comme des représentantes de la Requérante. Par contre, je note que l’Opposante lors de l’audience a observé à juste titre que les pièces réfèrent à « Cascades Tissue » ou « Cascades Tissue Group» en tant que producteur nord‑américain. Ultimement, je suis d’accord avec l’Opposante qu’il est raisonnable de conclure que les « déclarations » ne font pas abstraction du marché canadien.

[56]          Ceci étant dit, je suis d’accord avec la Requérante que la preuve de ces « déclarations » constitue de prime abord une preuve par double ouï-dire. La question à se poser est donc de savoir si cette preuve satisfait aux critères de la nécessité et de la fiabilité.

[57]          Pour ce qui est de la nécessité, on peut présumer sans crainte de se tromper que l’Opposante n’aurait pas été en mesure d’obtenir des affidavits ou déclarations solennelles de Mmes Blanchet et Faivre.

[58]          Pour ce qui est de la fiabilité, je ne vois aucune raison de remettre en cause l’information selon laquelle le commentaire de Mme Blanchet dans l’article produit sous la pièce 51 provient de la trousse média de « Cascades Tissue », d’autant plus que ce commentaire est essentiellement repris mot pour mot dans le blog produit sous la pièce 50. Mme Faivre est pour sa part citée par deux sources distinctes et chaque fois dans le contexte d’une référence à une exposition. Cette concordance me laisse croire que le blog et l’article produits sous les pièces 50 et 52 reprennent essentiellement, voire exactement, les déclarations de Mme Faivre.

[59]          Enfin, point important, la Requérante avait l’opportunité de contester l’exactitude des citations rapportant le commentaire de Mme Blanchet et les déclarations de Mme Faivre par le biais de sa preuve. Par exemple, on peut supposer qu’il aurait été plutôt facile pour la Requérante de démontrer par voie affidavit ou de déclaration solennelle d’un de ses représentants, voire d’un représentant de « Cascades Tissue », que le commentaire de Mme Blanchet ne provenait pas de la trousse media en question.

[60]          En bout de ligne, je conclus que cette preuve est recevable en ce qu’elle satisfait les critères de nécessité et de fiabilité. Je discuterai en temps opportun du poids que j’y accorde au regard des motifs d’opposition auxquels elle s’applique.

L’analyse des questions en l’espèce

[61]           J’ai précédemment identifié cinq questions découlant des motifs d’opposition soulevés en l’espèce. Je débute par l’analyse de la première question, à savoir :

La Marque était-elle distinctive des produits de la Requérante au 13 juin 2012?

[62]           Cette question découle des quatre motifs d’opposition soulevés sous l’article 38(2)d) de la Loi, lesquels je rappelle sont reproduits intégralement à l’annexe A de ma décision.

[63]           Selon l’ordre des motifs d’opposition plaidés, en résumé l’Opposante allègue que la Marque n’est pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi parce que :

un certain nombre d’entreprises, incluant l’Opposante elle-même, Seventh Generation, Kimberly-Clark, Georgia‑Pacific, Wasau Paper, et Marcal vendent des produits hygiéniques en papier de couleur blanc cassé, beige ou brune (premier motif d’opposition);

la couleur beige pour du papier hygiénique n’est en fait que le résultat naturel d’un procédé de fabrication de papier dont les fibres ne sont ni blanchies ni teintes (deuxième motif d’opposition);

dans l’esprit des consommateurs canadiens, des couleurs telles blanc cassé, beige, jaune pâle et brun clair sont associées à des produits hygiéniques en papier respectueux de l’environnement ou peu coûteux parce qu’ils ne sont ni blanchis ni teints (troisième motif d’opposition);

le mot « beige » ne désigne pas une couleur spécifique identifiable; il identifie plutôt une large gamme de nuances et de couleurs possibles depuis une variété de blanc cassé, à une variété de jaune pâle, à une variété de brun clair (quatrième motif d’opposition).

[64]           En abordant l’analyse de la question découlant de chacun de ces motifs d’opposition, je souligne qu’aux termes de l’article 2 de la Loi, une marque de commerce distinctive est « celle qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des produits ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi». Pour démontrer le caractère distinctif d’une marque de commerce, les trois conditions énoncées dans Philip Morris Inc c Imperial Tobacco Ltd (1985), 7 CPR (3d) 254 (CF 1re inst.) à la page 270; conf. par (1987), 17 CPR (3d) 289 (CAF) doivent être rencontrées:

[…] (1) that a mark and a product (or ware) be associated; (2) that the « owner » uses this association between the mark and his product and is manufacturing and selling his product; and (3) that this association enables the owner of the mark to distinguish his product from that of others.

[65]           Je souligne également le commentaire du juge Evans de la Cour fédérale dans l’arrêt Novapharm Ltd c Bayer Inc (1999), 3 CPR (4th) 305 (CF 1er inst.) au paragraphe 77; conf. par (2000), 9 CPR (4th) 304 (CAF) concernant un appel d’une décision du registraire de rejeter une opposition à l’enregistrement d’une marque de commerce consistant en une couleur appliquée sur la partie visible d’un comprimé pharmaceutique:


 

[TRADUCTION]

Troisièmement, bien que j'accepte qu’en droit, la couleur, la forme et la taille d’un produit peuvent, ensemble, constituer une marque de commerce, la marque résultante risque généralement d’être faible: […]

[66]           Pour les raisons qui suivent, j’accepte les premier et troisième motifs d’opposition soulevés sous l’article 38(2)d) de la Loi. Puisque je tranche ainsi la question qui en découle à l’encontre de la Requérante, je n’analyserai pas les deuxième et quatrième motifs d’opposition soulevés sous l’article 38(2)d) de la Loi.

Premier motif d’opposition soulevé sous l’article 38(2)d) de la Loi

[67]           La Requérante fait valoir que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne le motif d’opposition alléguant que la Marque n’est pas adaptée à distinguer les produits de la Requérante en raison de la vente au Canada par l’Opposante et par des tiers de produits hygiéniques en papier de couleur blanc cassé, beige ou brune.

[68]          Plus particulièrement, la Requérante soumet que l’affidavit de M. Candido ne permet pas de mesurer la présence et la diffusion réelles sur le marché des produits que l’Opposante prétend vendre. Elle soumet également que ni l’affidavit de M. Candido ni l’affidavit de M. Morrison ne permettent de mesurer la présence et la diffusion réelles sur le marché des produits qui proviennent prétendument de tiers. Pour expliquer la position de la Requérante, j’ai choisi de reproduire les extraits suivants de son plaidoyer écrit :

20.    Dans le présent dossier, en matière de couleurs, il est respectueusement soumis que la preuve de l’opposante est entièrement déficiente puisque l’opposante n’a fourni aucun chiffre permettant de mesurer la prétendue présence sur le marché de ses produits ou des produits de tiers et ce, à la date de sa déclaration d’opposition.

21.    Bien que la preuve de l’opposante fasse état de la supposée existence de ses produits ou des produits de tiers, il n’est pas possible de déterminer la diffusion de ces produits. Les deux affidavits de l’opposante sont silencieux à ce sujet.

22.    Il n’est pas non plus possible de mesurer la diffusion de ces produits à la date de la déclaration d’opposition, ni à aucune autre date d’ailleurs.

23.    Finalement, les produits de l’opposante et ceux des tiers sont des produits différents de celui de la requérante qui est mentionné dans sa demande d’enregistrement. Pour les produits de l’opposante et des tiers, la quasi-totalité des produits exhibent la couleur brune qui est une couleur différente de celle revendiquée par la requérante dans sa demande d’enregistrement.

[69]          Pour appuyer sa prétention quant à l’insuffisance de la preuve de l’Opposante, la Requérante cite l’affaire Rothmans, Benson & Hedges où l’opposante alléguait l’emploi par des tiers de couleurs semblables à la couleur orange dont la requérante demandait l’enregistrement et se fondait sur ces emplois pour contester le caractère distinctif de la marque de la requérante. La Requérante note plus particulièrement que le registraire a écrit au paragraphe 71 :

[TRADUCTION]

[71]    En ce qui concerne les marques ROTHMANS OF PALL MALL et NUMBER 7, aucune information n’a été fournie concernant les dates ou les quantités de ces produits vendus au Canada. Les seuls renseignements concernant ces produits sont des photographies d’un exemple de paquet de ces cigarettes qui ont toutes deux été achetées au cours de la période de septembre – octobre 2008, bien après la date pertinente pour évaluer le caractère distinct. (Hitchens, paragr. 7, 9, 12 et pièces 24, 53 et 77). Par conséquent, cette preuve n’est pas pertinente à la question du caractère distinct.

[70]          La Requérante souligne également qu’en appel de la décision du registraire, la Cour fédérale a confirmé que l’opposante ne s’était pas déchargée de son fardeau de preuve initial. La Requérante a particulièrement noté les commentaires suivants de la Cour fédérale:

[TRADUCTION]

[79]    La Cour estime que la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant que RBH ne s’était pas acquittée de son fardeau initial d’établir l’absence de caractère distinctif.

[80]    La Cour souscrit au point de vue d’ITPL et confirme sa propre conclusion dans la décision connexe JTI, précitée, selon laquelle la majeure partie de la preuve vise la période postérieure à la période pertinente pour l’évaluation du caractère distinctif des marques de commerce de la défenderesse, soit la date de production des oppositions (JTI, précitée, au paragraphe 57).

[81]    RBH ne conteste pas cette conclusion de fait, mais elle prétend que le rejet par la Commission de la majeure partie de sa preuve – notamment la preuve relative aux ventes des produits MORE, NUMBER 7 et ROTHMANS OF PALL MALL – se fonde sur une approche trop restrictive. À cet égard, RBH invoque la décision Scott Paper, précitée, au paragraphe 37, qui établit que la Commission peut utiliser une preuve relative à la période postérieure à la période pertinente pour faire des inférences lorsqu’il est difficile d’obtenir des données antérieures à la date de production de l’opposition.

[82]    Toutefois, RBH n’a pas convaincu la Cour que ces données étaient effectivement difficiles à obtenir. Qui plus est, la preuve concernant ces produits donne à penser que la raison pour laquelle il existe peu de données antérieures à la date de production des demandes est que ces produits ont été lancés par la suite, ou à une date non précisée (voir JTI, précitée, au paragraphe 58, pour une conclusion similaire dans la décision connexe). Pour ce qui est du produit SPORTSMAN, les témoignages indiquent que les ventes étaient très faibles en comparaison aux ventes de cigarettes PETER JACKSON « Saveur veloutée » d’ITPL et que de ce fait elles ne peuvent justifier l’annulation du caractère distinctif (Jerome Alexander, précitée). Sur cette base, il était également raisonnable pour la Commission de conclure que la preuve ne suffisait pas à démontrer que certains paquets orange de produits de tabac (tabac Amphora Mellow Blend, cigares Hav‑A‑Tampa Jewel, cigares Cohiba Club, et cigares White Owl Slim n Mild) étaient répandus sur le marché du tabac à la date pertinente.

[71]          Lors de l’audience, l’Opposante a contesté la prétention de la Requérante selon laquelle le premier motif d’opposition en l’espèce doit être décidé de manière semblable à l’affaire Rothmans, Benson & Hedges. Sans surprise, l’Opposante fait valoir le principe de droit bien connu que chaque cas doit être considéré en fonction de son mérite et des circonstances. L’Opposante ne conteste pas qu’une partie importante de sa preuve est postérieure à la date pertinente, mais elle fait valoir que cette partie doit être considérée dans l’ensemble de la preuve, non en isolation, selon les circonstances de l’espèce. Je suis d’accord.

[72]           En effet, d’une part, lorsque je considère l’ensemble de la preuve de l’Opposante produite en l’espèce pour démontrer l’absence de caractère distinctif de la Marque, j’estime que l’absence de « chiffres » permettant de mesurer la présence sur le marché de ses produits ou des produits de tiers n’est pas fatale à la cause de l’Opposante. D’autre part, la Requérante ne m’a pas convaincue que je dois faire abstraction de toute la preuve postérieure à la date pertinente. Je suis plutôt d’accord avec l’Opposante qu’en l’espèce la preuve me permet de faire des inférences sur l’état du marché relativement à la vente de produits hygiéniques en papier de couleur blanc cassé, beige ou brune par l’Opposante et des tiers au 13 juin 2012 [voir Scott Paper Limited c Georgia-Pacific Consumer Products LP, 2010 CF 478 paragr. 37‑38].

[73]          Je traiterai des représentations de la Requérante quant à l’insuffisance de la preuve de l’Opposante en faisant les remarques qui suivent. J’expliquerai du même coup les raisons pour lesquelles j’estime que la présente procédure se distingue de l’affaire Rothmans, Bensons & Hedges.

[74]          En ce qui concerne les produits de l’Opposante, il est vrai que selon l’affirmation de M. Candido, les produits hygiéniques en papier illustrés sous les pièces 2 à 10 de son affidavit sont une sélection de ceux qui étaient vendus au 20 décembre 2012. Par contre, non seulement M. Candido affirme clairement que ces produits étaient vendus au Canada depuis au moins dix ans, mais cette affirmation n’a aucunement été remise en cause par le biais de son contre‑interrogatoire.

[75]          Pour ce qui est des produits de tiers, je crois que je peux présumer sans me tromper que l’Opposante n’aurait pas été en mesure d’obtenir des données concernant la valeur ou le volume des ventes des produits de Seventh Generation Inc., Georgia‑Pacific et Wasau Paper.

[76]          Il est vrai que la production des pages des sites Web de Seventh Generation Inc., Georgia-Pacific et Wasau Paper par M. Morrison ne prouve pas la véracité de leur contenu, mais tout au plus l’existence de ces pages lorsqu’il a accédé aux sites Web le 17 décembre 2012. Par contre, je rappelle les déclarations suivantes de M. Candido :

13.  In the tissue paper industry in Canada, it is and has been common for many of our competitors to produce and sell unbleached tissue products, which are beige or off-white. I am personally familiar with the sales and marketing across Canada of a number of these products, including those manufactured by Georgia Pacific, Wasau Paper and Seventh Generation. I have also seen private labels brands of unbleached off-white hygienic paper products, now sold across Canada through Shopper Drug Mart under the BIO-LIFE brand. In recent years, it has become increasingly common for food retailers in the fast food industry to supply their customers with beige or light brown napkins (such as those illustrated by the marketplace evidence gathered for this proceeding).

14.  I have reviewed the Affidavit of David Morrison, which includes print-outs from the webpages of these competitors in Canada, along with samples products. I confirm that the selected pages from these websites, and the actual samples, accurately represent the unbleached tissue products that are now and have been sold or distributed in Canada.

       (mon soulignement)

[77]          Même si M. Candido n’est pas un témoin indépendant dans la présente affaire, j’estime raisonnable d’avoir foi en ces déclarations. De par sa fonction actuelle au sein de l’Opposante et du fait de son implication au sein de l’Opposante depuis mai 2003, M. Candido me semble bien placé pour témoigner des compétiteurs de l’Opposante. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une opinion personnelle mais plutôt de faits à la connaissance de M. Candido. D’ailleurs, rien dans le contre‑interrogatoire de M. Candido ne soulève de doutes quant à sa connaissance des produits des compétiteurs de l’Opposante.

[78]          Contrairement à la Cour fédérale dans l’affaire Rohtmans, Benson & Hedges, rien dans la preuve de l’Opposante ne me donne à penser que les produits retrouvés sur les sites Web de Seventh Generation Inc., Georgia-Pacific et Wasau Paper ont été lancés après le 13 juin 2012.

[79]          En effet, outre la déclaration de M. Candido que les pages des sites Web « accurately represent the unbleached tissue products that are now and have been sold or distributed in Canada” (mon soulignement), je conviens avec l’Opposante qu’un bon nombre de produits se retrouvaient sur chacun des sites Web au 17 décembre 2012. Partant, je conviens avec l’Opposante qu’il est difficile de concevoir que tous et chacun de ces produits auraient été lancés uniquement entre les 13 juin et 17 décembre 2012. D’ailleurs, lors de l’audience, l’Opposante a souligné que chaque emballage de rouleau d’essuie-tout de marque SEVENTH GENERATION porte la mention « © 2010 Seventh Generation, Inc. » (mon soulignement) [pièces 35 et 36 de l’affidavit de M. Morrison]. Je conclus que cet avis de droit d’auteur remonte au plus tard au 31 décembre 2010. Je conviens donc avec l’Opposante qu’il est raisonnable d’inférer qu’un produit dont l’emballage porte un tel avis de droit d’auteur a été lancé sur le marché avant le 13 juin 2012. [Voir, par analogie, Kruger Products LP c Cascades Canada ULC, 2015 COMC 39 (CanLII) au paragr. 36.]

[80]          Finalement, je suis en désaccord avec les prétentions de Requérante que : (i) les produits hygiéniques en papier de l’Opposante et des tiers diffèrent du produit « papier hygiénique » associé à la Marque; et (ii) la couleur brune exhibée par la quasi-totalité des produits de l’Opposante et des tiers est une couleur différente de la couleur beige qu’elle revendique. Je suis plutôt d’accord avec l’Opposante qu’il n’y a essentiellement pas de distinction entre les produits et les couleurs en cause.

[81]          En effet, outre que les produits de Georgia-Pacific et Wasau Paper comprennent du papier hygiénique, ultimement tous les produits appartiennent à la même catégorie générale de produits, c.‑à-d. des produits hygiéniques en papier.

[82]          De plus, avec respect pour la Requérante, j’estime qu’il n’est pas raisonnable de suggérer que la couleur beige n’est pas similaire à la couleur brune. À cet égard, il est à noter que la Requérante elle-même a mis en preuve que le Canadian Oxford Dictionary définit le terme « beige » comme : « a very pale yellowish brown » [pièce TT‑1 de la déclaration de Mme Thibodeau]. De plus, parmi les définitions mises en preuve par l’Opposante, le Webster’s Third New International Dictionary définit non seulement le terme « beige », mais également le terme « beige brown »; ce dernier est défini comme « a grayish yellowish brown to light olive brown » [pièce 1 de l’affidavit de M. Morrison].

[83]          J’ajoute que la couleur des produits sur le site Web de Wasau Paper est identifiée par le terme « natural ». M’étant moi-même référée au Canadian Oxford Dictionary, je note que l’une des définitions du terme « natural » est : « having a colour characteristic of the unbleached and undyed state; off-white, creamy beige ». Également, aucune des parties n’ayant mis en preuve la définition du terme « beige » dans un dictionnaire de langue française, je note m’être référée au dictionnaire Le Petit Robert qui définit ce terme comme : « De la couleur d’un brun très clair ».

[84]          En bout de ligne, j’estime que l’Opposante s’est déchargée de prouver qu’elle-même et au moins trois autres fabricants de papier utilisaient au Canada des couleurs similaires à la Marque pour des produits appartenant à la même catégorie générale de produits que celle englobant du « papier hygiénique » au 13 juin 2012.

[85]          Il revenait donc à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque était distinctive ou adaptée à distinguer le papier hygiénique émanant de la Requérante de produits hygiéniques en papier de d’autres au 13 juin 2012.

[86]          Or, outre le fait que la demande d’enregistrement a été produite le 23 août 2011 sur la base d’un emploi projeté, la Requérante n’a produit aucune preuve d’emploi de la Marque au Canada. Ainsi, il n’y a aucune preuve me permettant de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque était distinctive du papier hygiénique émanant de la Requérante, au sens de l’article 2 de la Loi, au 13 juin 2012. Je conclus donc que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau ultime.

[87]          Par conséquent, j’accepte le premier motif d’opposition soulevé sous l’article 38(2)d) de la Loi.

Troisième motif d’opposition soulevé sous l’article 38(2)d) de la Loi

[88]           La Requérante fait valoir que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne le motif d’opposition alléguant que la Marque n’est pas adaptée à distinguer les produits de la Requérante parce que dans l’esprit des consommateurs canadiens, des couleurs telles que blanc cassé, beige, jaune pâle et brun clair sont associées à des produits hygiéniques en papier respectueux de l’environnement ou peu coûteux parce qu’ils ne sont ni blanchis ni teints.

[89]          Selon ma compréhension des représentations de la Requérante, celle-ci soumet essentiellement que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve puisqu’elle n’a produit aucune preuve permettant de tirer une conclusion quant à la perception des consommateurs canadiens au 13 juin 2012. À cet égard, je résume ainsi qu’il suit les représentations écrites et orales de la Requérante à l’appui de sa position :

i)          outre le fait que la propre preuve de l’Opposante ne révèle pas que ses produits qui seraient décrits comme « beige » seraient des produits de papier « which have never been bleached nor dyed », il n’y a aucune preuve présentée par l’Opposante au sujet de la perception des membres du public consommateur canadien;

ii)        lors de son contre-interrogatoire, M. Candido a admis qu’il serait difficile pour lui de se prononcer sur la perception du consommateur au sujet de tout processus utilisant « an unbleached process »;

iii)      si tant est que M. Candido aux paragraphes 8 et 15 de son affidavit se prononce sur la question de ce que signifierait la couleur beige, ses affirmations sont faites au présent, c.‑à-d. en date du 20 décembre 2012 lorsqu’il signe son affidavit. De plus, au paragraphe 15 de son affidavit, M. Candido ne prétend même pas se prononcer sur la perception du public consommateur canadien. Il fait tout au plus une affirmation sur une prétendue compréhension du marché de l’Opposante (« in our market »); et

iv)      il n’y a aucune preuve démontrant le nombre de Canadiens qui avaient accédé, étaient au courant de, ou avaient consulté l’information contenue sur les sites Web mis en preuve par l’Opposante.

[90]           Pour les raisons qui suivent, la Requérante ne m’a pas convaincue que l’Opposante ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve sous le volet du motif d’opposition alléguant que des couleurs telles que blanc cassé, beige, jaune pâle et brun clair sont associées à des produits hygiéniques en papier respectueux de l’environnement parce qu’ils ne sont ni blanchis ni teints. Partant, je ne me pencherai pas sur le volet du motif d’opposition alléguant que ces couleurs sont associées à des produits hygiéniques en papier peu coûteux parce qu’ils ne sont ni blanchis ni teints.

[91]          Tel qu’indiqué précédemment, je ne retiens pas l’argument de la Requérante qu’il faut conclure du témoignage de M. Candido que le seul produit de l’Opposante qui serait de couleur beige ne serait même pas le résultat naturel d’un procédé de fabrication sans blanchiment ni teinture des fibres [voir le paragraphe 29 de ma décision].

[92]          Quoique je convienne avec la Requérante que l’Opposante n’a pas fait une preuve directe de la perception des membres du public consommateur canadien au 13 juin 2012, la jurisprudence nous indique qu’il faut faire preuve de sens commun dans l’évaluation de la preuve. Il suffit de noter le commentaire suivant du juge Mandamin dans l’affaire Ontario Teachers’ Pension Plan Board c Canada (Attorney General) (2010), 89 CPR (4th) 301 (CF); conf. par (2012), 99 CPR (4th) 213 (CAF) :

[TRADUCTION]

[48]    Dans la décision Neptune S.A. c. Canada (Procureur général), 2003 CFPI 715 (Neptune S.A.), le juge Martineau a statué que le décideur doit non seulement considérer les éléments de preuve dont il dispose, mais aussi appliquer son sens commun à l’évaluation des faits. Par conséquent, pour évaluer la validité d’une marque de commerce projetée, il faut non seulement apprécier la preuve, mais aussi tenir compte du sens commun. De plus, la décision que la marque de commerce donne une description claire doit être fondée sur la première impression créée par les marchandises ou services en question : Neptune S.A.

[93]          L’Opposante a mis en preuve que la couleur beige est définie dans des dictionnaires comme étant associée à un tissu de laine non teinte ou non blanchie [pièces 1, 2, 6 et 7 de l’affidavit de M. Morrison]. Bien qu’il n’est pas sans mérite pour la Requérante de noter que les définitions de dictionnaires réfèrent spécifiquement à des tissus, il n’est demeure pas moins que le terme « beige » est connu pour être associé à un produit ni teint, ni blanchi.

[94]          L’argument de la Requérante quant au fait que les définitions de dictionnaires réfèrent à des tissus m’amène à revenir sur les déclarations de Mmes Blanchet et Faivre mises en preuve par le biais des pièces 50 à 52 de l’affidavit de M. Morrison, et qui remonteraient à tout le moins aux mois de janvier et février 2012. Bien que je ne suis pas prête à traiter les déclarations mises en preuve comme des aveux contre intérêt comme l’a demandé l’Opposante, cette preuve me semble néanmoins difficilement réconciliable avec la position de la Requérante.

[95]          En effet, comment la Requérante peut-elle prétendre qu’il n’y a pas de probabilité qu’un consommateur canadien, en date du 13 juin 2012, ait perçu la couleur beige appliquée sur du papier hygiénique comme étant le résultat d’un procédé de fabrication sans blanchiment ni teinture alors que l’emploi d’un tel procédé était mis en valeur par « Cascades Tissue » lors du lancement d’une ligne de papier hygiénique commercial MOKA de couleur beige. Ultimement, quoique non déterminante en l’espèce, je suis d’avis que la preuve des déclarations de Mmes Blanchet et Faivre supporte la cause de l’Opposante.

[96]          Pour ce qui est des représentations de la Requérante concernant les déclarations de M. Candido, je reconnais l’emploi du temps présent reflété par le terme « now » aux paragraphes 8 et 15 de son affidavit [voir les paragraphes 22 et 30 de ma décision]. Toutefois, je conviens avec l’Opposante que ces déclarations doivent être considérées dans l’ensemble des déclarations de M. Candido relativement à la commercialisation de produits hygiéniques en papier de couleur blanc cassé, beige ou brune par l’Opposante et des tiers depuis plusieurs années au Canada, notamment depuis dix ans dans le cas de l’Opposante.

[97]          D’ailleurs, tel que je l’ai indiqué précédemment, j’estime que la preuve en l’espèce me permet de conclure que l’Opposante elle-même et au moins trois autres fabricants de papier, soit Seventh Generation Inc., Georgia‑Pacific, et Wasau Paper, utilisaient au Canada des couleurs similaires à la Marque pour des produits hygiéniques en papier au 13 juin 2012. Je note en passant que selon ma compréhension des représentations de la Requérante, elle ne remet pas en cause que les produits en question sont respectueux de l’environnement; elle remet en cause la preuve de la perception des consommateurs canadiens quant à la signification des couleurs appliquées sur ces produits.

[98]          Il est vrai que l’Opposante n’a pas présenté en preuve d’information concernant le nombre de Canadiens qui avaient accédé, étaient au courant de ou avaient consulté l’information contenues sur les sites Web de l’Opposante, Seventh Generation Inc., Georgia‑Pacific, et Wasau Paper concernant les produits hygiéniques en papier de ces manufacturiers. Ainsi, par exemple, on ne sait pas le nombre de consommateurs canadiens pouvant avoir lu l’information suivante sur le site Web de Seventh Generation Inc. illustrant son papier essuie-tout de couleur brune : « Seventh Generation Paper Towels are made from 100% recycled paper, with a minimum of 50% post-consumer content », et « Brown color paper towels are unwhitened » [pièce 8 de l’affidavit de M. Morrison]. Par contre, l’Opposante a noté à juste titre que chaque rouleau d’essuie-tout de marque SEVENTH GENERATION est vendu dans un emballage portant les mentions « 100% Recycled », « Processed Chlorine Free », « No Added Dyes or Fragrances » [pièces 35 et 36 de l’affidavit de M. Morrison]. En d’autres mots, le message que du papier essuie-tout est respectueux de l’environnement parce qu’il n’est ni blanchi ni teint se retrouve sur l’emballage du produit lui-même, et non pas seulement sur le site Web.

[99]          Finalement, j’estime pouvoir prendre connaissance d’office que nous sommes dans une ère où les Canadiens sont sensibilisés à la protection de l’environnement. Sans prendre connaissance d’office du moment précis où nous sommes entrés dans cette ère, j’estime que je peux à tout le moins conclure que tel était le cas au 13 juin 2012. Ainsi, en appliquant le sens commun au cas en l’espèce, j’estime raisonnable de conclure que nombre de consommateurs canadiens, au 13 juin 2012, savaient que des produits étaient conçus, fabriqués ou commercialisés de telle manière qu’ils puissent être le moins nocif possible pour l’environnement écologique.

[100]      À mon avis, le commentaire suivant de la Cour fédérale dans l’affaire Michelin & Cie c Astro Tire & Rubber Co of Canada Ltd (1982), 69 CPR (2d) 260 (CF 1re inst), à la page 263, quoique formulé dans le contexte de l’appréciation de la probabilité de confusion entre des marques de commerce, est tout à fait à propos en l’espèce :

one must not proceed on the assumption that the prospective customers or members of the public generally are completely devoid of intelligence or of normal powers of recollection or are totally unaware or uninformed as to what goes on around them.

(mon soulignement)

[101]      Ultimement, considérant non seulement les éléments de preuve, mais appliquant aussi le sens commun à l’évaluation des faits en l’espèce, je conclus qu’il est plus probable qu’improbable qu’un consommateur canadien, au 13 juin 2012, ait perçu la couleur beige appliquée sur un rouleau de papier hygiénique comme une caractéristique d’un papier hygiénique respectueux de l’environnement parce que ni blanchi ni teint.

[102]      Étant donné la faiblesse inhérente de la Marque, il incombait à la Requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que nombre de consommateurs au 13 juin 2012 reconnaissaient la couleur beige appliquée sur toute la surface visible d’un rouleau de papier hygiénique comme une marque de commerce et non pas comme une caractéristique d’un papier hygiénique respectueux de l’environnement parce que ni blanchi ni teint. Je conclus que la Requérante ne s’est pas déchargée de son fardeau ultime.

[103]      En effet, la Requérante n’a produit aucune preuve d’emploi de la Marque dont elle a demandé l’enregistrement sur la base d’un emploi projeté au Canada. Ainsi, il n’y a aucune preuve me permettant de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque était distinctive du papier hygiénique émanant de la Requérante, au sens de l’article 2 de la Loi, au 13 juin 2012. De plus, les arguments de la Requérante ne m’ont pas convaincue que la Marque était adaptée à distinguer son papier hygiénique au 13 juin 2012.

[104]       Par conséquent, j’accepte le troisième motif d’opposition soulevé sous l’article 38(2)d) de la Loi dans la mesure où il est fondé sur l’allégation que des couleurs telles que blanc cassé, beige et brun clair sont associées à des produits hygiéniques en papier respectueux de l’environnement parce qu’ils ne sont ni blanchis ni teints.

Les quatre autres questions en l’espèce

[105]      Puisque j’ai tranché la première question en l’espèce en faveur de l’Opposante en lui donnant gain de cause sous deux motifs d’opposition, je ne vois pas la nécessité d’analyser les quatre autres questions en l’espèce.

Décision

[106]       En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en vertu de l’article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement en application de l’article 38(8) de la Loi.

______________________________

Céline Tremblay

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Date de l'audience: 2015-04-29

 

Comparutions

 

Christopher J. Pibus                                                                             Pour l’Opposante

 

Barry Gamache                                                                                    Pour la Requérante

 

Agents au dossier

 

Gowling Lafleur Henderson LLP                                                       Pour l’Opposante

 

Robic                                                                                                   Pour la Requérante




ANNEXE A

Motifs d’opposition

(a)     The opponent relies upon the ground of opposition provided by Section 38(2)(d) and Section 2. The applied for trade-mark is not adapted to distinguish the wares of the applicant from the wares of others. A number of companies, including Kruger Products L.P. itself, Seventh Generation, Kimberly-Clark, Georgia-Pacific, Wasau Paper, and Marcal, have offered for sale and continue to offer hygienic paper products which are off-white, beige or brown. In view of these third party uses of off-white, beige or brown hygienic paper products in the marketplace, the subject application is not adapted to distinguish the wares of the applicant from the wares of others, nor is it capable of distinguishing the wares of the applicant from the wares of others.

(b)     The opponent relies upon the ground of opposition provided by Section 38(2)(d) and Section 2. The applied for trade-mark is not adapted to distinguish the wares of the applicant from the wares of others. The application claims the colour “beige” in association with toilet paper wares. The word “beige” nominates a range of shades of colours which are the natural result of the paper-making process, if the paper fibres are neither bleached so as to become white, nor dyed so as to become some other colour. The applied for mark does not identify a distinctive trade-mark as the beige colour is nothing other than a natural result of the paper-making process if the paper fibres are neither bleached nor dyed.

(c)     The opponent relies upon the ground of opposition provided by Section 38(2)(d) and Section 2. The applied for trade-mark is not adapted to distinguish the wares of the applicant from the wares of others. In the minds of the Canadian consuming public, colours such as off-white, “beige”, pale yellow, and light brown are associated with “environmentally friendly” or low cost hygienic paper products such as bathroom tissue, facial tissue, napkins and paper towels which have neither been bleached nor dyed, rather than being associated with any one particular source for these products.

(d)     The opponent relies upon the ground of opposition provided by Section 38(2)(d) and Section 2. The applied for trade-mark is not adapted to distinguish the wares of the applicant from the wares of others. The mark is identified in the application by a combination of a drawing depicting the wares, combined with a colour claim which identifies the claimed colour as “beige”. The word “beige” does not nominate any one specific identifiable colour; rather, it identifies a wide range of possible shades and colours in a range running from a variety of off-whites, to a variety of pale yellows, to a variety of light browns. The word “beige” is not specific enough to nominate any one trade-mark which could be said to be adapted to distinguish the wares of the applicant from the wares of others.


 

(e)     The opponent relies upon the ground of opposition provided by Section 38(2)(b) and Section 12(1)(e) and Section 10. The colour “beige” applied to hygienic paper products in the nature of bathroom tissue, facial tissue, paper towels and napkins has by ordinary and bona fide commercial usage become recognized in Canada as designating “environmentally friendly” or low cost hygienic paper products, which have neither been bleached nor dyed, and accordingly registration of the colour “beige” for toilet paper is prohibited by Section 12(1)(e) and Section 10.

(f)      The opponent relies upon the ground of opposition provided by Section 38(2)(b) and Section 12(1)(b). The applied for trade-mark does not identify a registrable trade-mark because when depicted, the mark claimed in application 1,540,778 is either clearly descriptive or deceptively misdescriptive of the “environmentally friendly” or low cost character of the bathroom tissue covered by the application, in view of the fact that in the minds of the Canadian consuming public, the colour “beige” is associated with bathroom tissue and other hygienic paper products which are “environmentally friendly” or low cost in character, because the tissue is neither bleached nor dyed.

(g)     The opponent relies upon the ground of opposition provided by Section 38(2)(a) and Section 30(h). The application does not comply with the requirements of Section 30(h) in that the application identifies the mark applied for as the colour “beige” applied to the drawing. The word “beige” is insufficiently specific to identify any one alleged trade-mark, because the word “beige” could nominate any of a wide range of different shades and colours anywhere in a range from numerous different shades of off-whites, to numerous different shades of pale yellow, to numerous different shades of light browns. Application 1,540,778 cannot be said to identify one trade-mark, and accordingly the application does not comply with the requirements of section 30(h).

(h)     The opponent relies upon the ground of opposition provided by Section 38(2)(a) and Section 30(h) and Section 4. Application 1,540,778 does not identify anything that will ever be used as a trade-mark in accordance with the requirements of Section 4. The drawing included in the application depicts a single roll of tissue, with no exterior wrapping or packaging, partially unrolled. The drawing does not depict anything which will be seen by consumers “at the time of the transfer of the property in or possession of the wares”, as would be required to constitute use in accordance with Section 4. The drawing depicts an image that will never be seen in that form by consumers at the time of sale, and so the image depicted by the drawing is not an image of any trade-mark that can or will ever be used in accordance with Section 4.

(i)      The opponent relies upon the ground of opposition provided by Section 38(2)(a) and Section 30(e). The applicant does not intend to “use” any “trade-mark” which corresponds to the drawing provided in application 1,540,778. The applicant does not intend to offer at point of sale single rolls of toilet paper, with no wrapping or packaging, partially unrolled, as depicted in the drawing of application 1,540,778. The applicant does not intend to “use”, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares (as required by Section 4) any “trade-mark” which corresponds to the drawing provided in application 1,540,778, and accordingly the application does not comply with the requirements of Section 30(e).

ANNEXE B

Tableau - Plaidoyer écrit de l’Opposante - Affidavit de Jay Candido

Description/
Product Code

Product Type

Colour

Image

ESTEEM 100% Natural Singlefold Towel (01800)

Hand towels

Brown

ESTEEM 100% Natural Singlefold Towel (01802)

Hand towels

Brown

ESTEEM 100% Natural Multifold Towel (01820)

Hand towels

Brown

ESTEEM 100% Natural 205’ Roll Towel (01830)

Hand towels

Brown

ESTEEM 100% Natural 425’ Roll Towel (01845)

Hand towels

Brown

ESTEEM 100% Natural 800’ Long Roll Towel (01855)

Hand towel

Brown

ESTEEM 800’ Roll Towel (01859)

Hand towel

Brown

ESTEEM 100% Natural 350’ Roll Towel (01860)

Hand towel

 Brown

GENERAL WORKS, 2-Ply, ¼ fold (02510)

Wipers

Beige

 


 

ANNEXE C

Tableau - Plaidoyer écrit de l’Opposante - Affidavit de David Morrison

Description/
Product Code

Product Type

Colour

Manufacturer

Image

100% Recycled Paper Towels, 120 sheets, 2-ply, single roll

Paper towel

Brown

Seventh Generation

100% Recycled Napkins, 500 count

Napkins

Brown

Seventh Generation

Seventh Generation 100% Recycled Napkins 1-Ply Brown 500ct

enMotion Brown High Capacity Roll Towel (89480)

Paper towel

Brown

Georgia-Pacific

enMotion Brown High Capacity Roll Towel (89485)

Paper towel

Brown

Georgia-Pacific

enMotion Brown High Capacity EPA Compliant Touchless Roll Towel (89440)

Paper towel

Brown

Georgia-Pacific

SofPull Brown 100 Percent Recycled Fiber Hardwound Roll Paper Towel (26920)

Paper towel

Brown

Georgia-Pacific

SofPull Brown Hardwound Roll Paper Towel (26480)

Paper towel

Brown

Georgia-Pacific

Cormatic Brown Hardwound Roll Towels on 8.25” No-slot rolls (2910P)

Paper towel

Brown

Georgia-Pacific

Envision Brown High capacity Roll Paper Towel (26301)

Paper towel

Brown

Georgia-Pacific

Envision Brown High capacity Roll Paper Towel (26401)

Paper towel

Brown

Georgia-Pacific

Envision Brown Multifold Paper Towels (23304)

Paper towel

Brown

Georgia-Pacific

Envision Brown Singlefold Paper Towels (23504)

Paper towel

Brown

Georgia-Pacific

Brawny Industrial Brown Light Duty 2-ply Paper Wipers (29222)

Wipers

Brown

Georgia-Pacific

Brawny Industrial Brown Light Duty 3-ply ¼ fold Paper Wipers (29922)

Wipers

Brown

Georgia-Pacific

Brawny Industrial Brown Light Duty 3-ply Paper Wipers (29971)

Wipers

Brown

Georgia-Pacific

EasyNap Brown Embossed Dispenser Napkins (32015)

Napkins

Brown

Georgia-Pacific

EasyNap Jr. Brown Dispenser Napkins (32055)

Napkins

Brown

Georgia-Pacific

Towlsaver Roll Towel (C-Series) (94303)

Paper towel

Brown

Georgia-Pacific

Ecosoft Green Seal (20000)

Paper towel

Natural

Wasau Paper

Ecosoft Green Seal (31300)

Paper towel

Natural

Wasau Paper

Ecosoft Green Seal (45800)

Paper towel

Natural

Wasau Paper

Ecosoft Green Seal (71300)

Paper towel

Natural

Wasau Paper

Ecosoft Green Seal (31000)

Paper towel

Natural

Wasau Paper

Ecosoft Green Seal (71000)

Paper towel

Natural

Wasau Paper

Ecosoft Green Seal (31060)

Paper towel

Natural

Wasau Paper

Ecosoft Green Seal (71060)

Paper towel

Natural

Wasau Paper

Ecosoft Green Seal (48900)

Folded towel

Natural

Wasau Paper




 

ANNEXE D

Pièce 51 de l’affidavit de David Morrison

 


 

 

 

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