Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2010 COMC 137

Date de la décision : 2010‑08‑18

DANS L’AFFAIRE DE LA PROCÉDURE DE RADIATION EN VERTU DE L’ARTICLE 45, engagée à la demande de Coastal Trademark Services, visant l’enregistrement no LCD09770 de la marque de commerce A.A.A. au nom de The American Automobile Association

[1]               Le 8 février 2007, à la demande de Coastal Trademark Services (la Partie requérante), le registraire des marques de commerce a émis l’avis prescrit par l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi), à The American Automobile Association (l’Inscrivante), propriétaire inscrite de l’enregistrement no LCD09770 visant la marque de commerce A.A.A. (la Marque). La Marque est enregistrée en liaison avec :

[traduction] Boîtes d’expédition, cartons, conteneurs, portfolios, carnets, porte‑cartes, rubans de machine à écrire, papier carbone, anneaux en spire, cendriers, panneaux, doublures de pneus, papier et petits articles de bureau, papier d’emballage, porte‑crayons, couvertures pour livres, cartes routières, brochures et livres, gravures, étiquettes autocollantes, décalcomanies, affiches, badges, médailles, épinglettes et boutons, salopettes, imperméables et ceintures.

[2]               L’article 45 exige que le propriétaire inscrit d’une marque de commerce indique si la marque a été employée au Canada en liaison avec chacune des marchandises ou chacun des services que spécifie l’enregistrement à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis, en l’espèce entre le 8 février 2004 et le 8 février 2007 (la Période). Si la marque n’a pas été employée au cours de cette période, le propriétaire inscrit doit indiquer la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date. Le fardeau de preuve qui incombe au propriétaire inscrit en vertu de l’article 45 n’est pas très exigeant [Austin Nichols & Co. c. Cinnabon, Inc. (1998), 82 C.P.R. (3d) 513 (C.A.F.)]. Il n’est pas nécessaire de produire une surabondance d’éléments de preuve [Union Electric Supply Co. Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1982), 63 C.P.R. (2d) 56 (C.F. 1re inst.)]. Aussi, il ne faut pas oublier l’objet de l’article 45, comme l’a énoncé le juge Tremblay‑Lamer dans la décision Ridout & Maybee LLP c. Omega SA  (2004), 39 C.P.R. (4th) 261 (C.F.), au paragraphe 22 :

La Cour, ainsi que la Cour d’appel fédérale, ont maintes et maintes fois répété que l’article 45 avait pour objet « d’assurer une procédure simple, sommaire et expéditive pour radier du registre les marques de commerce qui ne sont pas revendiquées de bonne foi par leurs propriétaires comme des marques de commerce en usage » : Carter‑Wallace, précité, au paragraphe 17, citant Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 13 C.P.R. (3d) 289, à la page 293 (C.F. 1re inst.). Le « bois mort » doit être enlevé, mais le règlement de questions litigieuses entre des intérêts commerciaux opposés ne doit pas faire l’objet d’un examen en vertu de l’article 45 : Philip Morris Inc. c. Imperial Tobacco Ltd. (1987), 17 C.P.R. (3d) 237 (C.A.F.).

[3]               L’emploi d’une marque de commerce en liaison avec des marchandises est défini aux paragraphes 4(1) et (3) de la Loi, qui sont reproduits ci‑dessous :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

    (3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

[4]               En réponse à l’avis prescrit par l’article 45, l’Inscrivante a produit les affidavits de David Steventon et James G. Brehm.

[5]               La Partie requérante a produit et signifié son plaidoyer écrit. L’Inscrivante a produit et signifié son plaidoyer écrit au même moment et a demandé une prolongation de délai rétroactive pour produire un affidavit complémentaire de James G. Brehm dans le cadre de sa preuve. Cet élément de preuve complémentaire était censé répondre à ce que l’Inscrivante a appelé des [traduction] « objections techniques » soulevées dans le plaidoyer écrit de la Partie requérante. Par lettre datée du 9 juin 2008, le registraire a refusé la demande et retourné l’affidavit complémentaire à l’Inscrivante.

[6]               Après avoir examiné le plaidoyer écrit de l’Inscrivante, la Partie requérante a remarqué qu’il faisait état de faits qui n’ont pas été mis en preuve et a écrit au registraire pour suggérer que le plaidoyer écrit de l’Inscrivante soit radié en totalité ou en partie. Par lettre datée du 5 décembre 2008, le registraire a fait savoir que si l’on devait conclure que l’Inscrivante a introduit de la preuve au moyen de son plaidoyer écrit, cette preuve serait écartée à l’étape de la décision.

[7]               Une audience a été tenue, et seule l’Inscrivante y a pris part.

Observation préliminaire

[8]               Je conviens que le plaidoyer écrit de l’Inscrivante mentionne à tort des renseignements qui auraient été contenus dans l’affidavit complémentaire qui ne fait pas partie du dossier de la présente instance. Je remarque également que le plaidoyer écrit de la Partie requérante fait état de renseignements qui ne font pas partie du dossier de la présente instance, plus précisément de renseignements obtenus sur Internet. Toutes ces mentions inopportunes ont été mises de côté.

Analyse de la preuve

[9]               M. Brehm dit être [traduction] « le conseiller juridique et un administrateur délégué de l’American Automobile Association, Inc. » (les caractères gras sont de moi). Il ne décrit pas le lien qui unit, le cas échéant, l’American Automobile Association, Inc. à l’Inscrivante (The American Automobile Association). Par conséquent, je ne vois pas la nécessité d’aborder le reste de son témoignage puisqu’il ne semble se rapporter à aucune des activités de l’Inscrivante.

[10]           M. Steventon dit être [traduction] « le gestionnaire des normes et de l’accréditation de l’Association canadienne des automobilistes (ci‑après appelée la « CAA ») ». Il affirme que la CAA est une fédération réunissant neuf clubs automobiles qui comptait presque 5 millions de membres partout au Canada en 2006.

[11]           Avant de poursuivre, je tiens à souligner que le témoignage de M. Steventon contient des mentions de l’American Automobile Association. Même si le nom de l’Inscrivante est The American Automobile Association (les caractères gras sont de moi), je suis disposée à admettre que les mentions de l’American Automobile Association simpliciter sont en fait des mentions de l’Inscrivante.

[12]           Le paragraphe 5 de l’affidavit de M. Steventon se lit ainsi :

[traduction] 5. L’Association canadienne des automobilistes [(CAA)] est membre de l’American Automobile Association. Dans le cadre de l’engagement qu’elle a pris à titre de membre, la CAA représente l’American Automobile Association au Canada et fournit des services réciproques aux visiteurs membres de l’AAA. Cela établit la perception que les marchandises et services de marque AAA sont offerts de manière homogène dans l’ensemble de l’Amérique du Nord.

Bien que M. Steventon appelle l’Inscrivante par son nom au paragraphe 5, au paragraphe 8, il affirme que [traduction] « l’American Automobile Association, Inc. (ci‑après appelée l’« AAA ») est propriétaire de l’enregistrement canadien no LCD09770 visant la marque de commerce A.A.A. » (les caractères gras sont de moi). Son emploi de l’abréviation AAA pour désigner l’American Automobile Association, Inc. crée de la confusion quant à ce qui est fait par l’Inscrivante, par opposition à l’American Automobile Association, Inc. Par exemple, lorsque M. Steventon parle du rôle de l’AAA (son abréviation de l’American Automobile Association, Inc.), il mentionne, au paragraphe 8, que [traduction] « [l’]AAA a concédé à la CAA une licence d’utilisation de ses marques de commerce au Canada ¨», et au paragraphe 12, que [traduction] « [s]ont jointes comme pièce G les photocopies de […] publications […] fournies par l’AAA pour distribution au Canada ». L’ambiguïté qui en résulte doit être résolue à l’encontre des intérêts de l’Inscrivante [Plough (Canada) Ltd. c. Aerosol Fillers Inc. (1980), 53 C.P.R. (2d) 62 (C.A.F.)].

[13]           M. Steventon n’a pas affirmé que la Marque a été employée au Canada en liaison avec les marchandises que spécifie l’enregistrement. Il donne toutefois les renseignements suivants à l’égard des cartes routières et des livres, aux paragraphes 12‑14 de son affidavit :

[traduction] 12.  Dans le cadre de leur prestation de services de voyage automobile aux membres de la CAA et aux visiteurs membres de l’AAA, les clubs CAA ont distribué, en 2006, 1,697,436 guides de la route (TourBooks), guides de ville (CityBooks), guides de camping (CampBooks) et cartes routières de marque AAA. Sont jointes comme pièce G les photocopies de la page couverture, de la dernière page extérieure et de quelques pages intérieures pertinentes d’échantillons de publications TourBook fournies par l’AAA pour distribution au Canada par les clubs CAA à leurs membres.

13.  Dans le cadre de leur prestation de services de voyage automobile aux membres de la CAA et aux visiteurs membres de l’AAA, les clubs CAA ont distribué, en 2006, 7,250,150 cartes‑bandes de marque AAA qui servent à l’établissement d’itinéraires spécialisés (TripTiks). Sont jointes comme pièce H les photocopies de la page couverture et de la dernière page extérieure d’échantillons représentatifs de ces cartes qui sont fournies par l’AAA pour distribution au Canada par les clubs CAA à leurs membres.

14.  Est joint comme pièce I un échantillon représentatif d’un itinéraire personnalisé (TripTik®) distribué par l’entremise d’un club CAA.

[14]           J’admets que la CAA a agi comme distributrice de cartes routières et de livres de marque AAA. Il n’est donc pas nécessaire de se demander si les actions de la CAA tombent sous le coup de l’article 50 de la Loi; je vais plutôt me pencher sur les marchandises distribuées pour déterminer qui a employé la Marque qui figure sur celles‑ci.

[15]           Les cartes routières de la pièce H portent la mention [traduction] « Publié par l’AAA », et celles de la pièce I la mention [traduction] « Droit d’auteur de l’AAA 2005 ». Je ne suis pas certaine que le sens que M. Steventon a voulu donner à l’AAA doive être appliqué à ces documents. Cependant, à au moins un endroit dans les cartes routières de la pièce I, soit à la page 901, le nom de l’Inscrivante (American Automobile Association) figure au bas de la page. Compte tenu de cette unique présence du nom de l’Inscrivante, je suis disposée à maintenir l’enregistrement à l’égard des cartes routières. Bien que le nom de l’Inscrivante ne figure qu’une seule fois, comme il a été mentionné précédemment, des millions de cartes routières ont été distribuées au Canada en 2006. Le fait que les marchandises de marque puissent porter les noms de plus d’une entité peut certes nuire au caractère distinctif de la Marque, mais la question ne se pose pas en l’espèce puisque l’article 45 ne s’attache qu’à la question de savoir si l’Inscrivante a fait un emploi quelconque de la Marque.

[16]           Les pages de livres fournies sous la pièce G indiquent que les livres ont été publiés par AAA Publishing. Comme M. Steventon a défini l’AAA comme une entité autre que l’Inscrivante et n’a pas expliqué qui AAA Publishing pouvait bien être, je ne puis conclure que ces livres établissent l’emploi de la Marque par l’Inscrivante.

[17]           M. Steventon a également fourni, comme pièce F, un catalogue 2007 montrant plusieurs articles de marque AAA; M. Steventon affirme que le [traduction] « catalogue contient des publications imprimées et de la marchandise que les clubs CAA peuvent commander en vue de les revendre ». Cependant, cette pièce mentionne les entités AAA Publishing Marketing, AAA Product Development & Sales et AAA Publishing, sans aucune description du lien qui unit ces entités à l’Inscrivante. Je ne suis donc pas prête à conclure que ce catalogue étaye la conclusion que l’Inscrivante employait la Marque en liaison avec les marchandises annoncées.

[18]           Je signale que M. Steventon n’a pas expliqué pourquoi la Marque n’aurait pas été employée en liaison avec l’une quelconque des marchandises visées par l’enregistrement au cours de la Période. J’estime donc qu’il n’y a pas lieu de maintenir l’enregistrement à l’égard des autres marchandises que les cartes routières.

[19]           Avant de terminer, je dois mentionner que, même si la Marque, telle qu’elle est enregistrée, contient des points après chaque A, les pièces montrent généralement soit les lettres AAA soit un dessin AAA se composant de trois lettres A majuscules dans un ovale. Cependant, je n’estime pas que les différences entre la Marque, telle qu’elle est enregistrée, et les marques employées sont importantes. L’Inscrivante cite la décision Wardair Canada Inc. c. Peoples Jewellers Ltd. (1989), 24 C.P.R. (3d) 123 (C.O.M.C.) à l’appui de la thèse voulant qu’il n’y ait aucune différence entre une série de lettres séparées par des points et la même série de lettres sans points. À mon avis, l’emploi des lettres AAA ou du dessin AAA peut être assimilé à un emploi de la Marque selon la logique exposée dans Nightingale Interloc Ltd. c. Prodesign Ltd. (1984), 2 C.P.R. (3d) 535 (C.O.M.C.) et Registraire des marques de commerce c. Compagnie internationale pour l’informatique CII Honeywell Bull, société anonyme, et al. (1985), 4 C.P.R. (3d) 523 (C.A.F.).

Décision

[20]           En vertu des pouvoirs qui m’ont été délégués en application du paragraphe 63(3) de la Loi, et conformément aux dispositions de l’article 45 de la Loi, l’enregistrement sera limité aux cartes routières.

 

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Jill W. Bradbury

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B, D.É.S.S. en trad., trad. a.

 

 

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