Contenu de la décision
TRADUCTION/TRANSLATION
DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION
De Vincor International Inc. à la demande
no 1086247 produite par Blinker Restaurant
Corporation, en vue de l’enregistrement
de la marque de commerce PRESIDENTE
MARGARITA & Dessin
Le 13 décembre 2000, la requérante, Blinker Restaurant Corporation, a produit une demande d’enregistrement pour la marque de commerce PRESIDENTE MARGARITA & Dessin (reproduite ci-dessous) à l’égard des marchandises suivantes :
(1) vêtements, nommément, tee‑shirts et chemises.
(2) Boissons alcoolisées, nommément margaritas pour consommation sur place ou à emporter.
La demande est fondée sur l’emploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises (1) et (2) et sur l’emploi et l’enregistrement aux États‑Unis (No 2,518,659) en liaison avec les marchandises (2). La demande d’enregistrement a été modifiée avec l’ajout d’une déclaration de désistement relativement à l’usage du mot MARGARITA et a par la suite été annoncée aux fins d’opposition le 27 novembre 2002. Au cours de la procédure d’opposition, la demande a été modifiée par la suppression des mots « à emporter » de la description des marchandises (2).
L’opposante, Vincor International Inc. (« Vincor ») a produit une déclaration d’opposition le 27 janvier 2003, dont copie a été envoyée à la requérante le 18 février 2003. Comme premier motif d’opposition, il est allégué que la demande d’enregistrement de la requérante ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce, parce que la requérante n’a pas l’intention d’employer la marque de commerce visée par la demande au Canada. Les deuxième et troisième motifs d’opposition ont été rédigés en ces termes :
[traduction] b) L’opposante fonde également son opposition sur le motif énoncé à l’alinéa 38(2)d), parce que la requérante n’a pas employé et n’a pas l’intention d’employer la marque de commerce aux États‑Unis en liaison avec les marchandises et services décrits dans la demande d’enregistrement et que la requérante exige que l’opposante en fasse clairement la preuve.
c) L’opposante fonde également son opposition sur le motif énoncé à l’alinéa 38(2)a), à savoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 30i). La requérante ne peut être convaincue qu’elle a le droit d’employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises énumérées dans sa demande – soit des vêtements, nommément tee‑shirts et chemises, et des boissons alcoolisées, nommément margaritas pour consommation sur place ou à emporter – parce qu’elle savait que la marque de commerce était largement employée par l’opposante et son prédécesseur en titre à l’égard de marchandises dont la similitude prête à confusion, à savoir du vin.
Comme quatrième motif d’opposition, il est allégué que la marque de commerce visée par la demande n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce PRESIDENT et BRIGHTS PRESIDENT & Dessin (reproduite ci‑dessous), portant les numéros d’enregistrement UCA27871 et LMC 251873 respectivement, toutes les deux employées pour des vins.
Comme cinquième motif d’opposition, il est allégué que la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement, aux termes de l’alinéa 16(3)a) de la Loi, parce que, à la date de production de la demande de la requérante, la marque visée par la demande créait de la confusion avec les deux marques de commerce déposées mentionnées précédemment que l’opposante ou ses prédécesseurs en titre employaient déjà ou avaient fait connaître au Canada en liaison avec des vins. Comme sixième motif d’opposition, il est allégué que la marque de commerce de la requérante n’est pas distinctive parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce de l’opposante.
La requérante a produit et fait signifier une contre-déclaration le 13 juin 2003. Le paragraphe 2a) de ce document est rédigé comme suit :
[traduction] a) La requérante nie les allégations formulées aux paragraphes 1a), b) et c) de la déclaration d’opposition et affirme que la demande no 1086247 revendiquant la marque de commerce PRESIDENTE MARGARITA & Dessin a été produite en conformité avec les exigences de l’article 30. La requérante exige que l’opposante fasse clairement la preuve de ses allégations.
L’opposante a produit en preuve les affidavits de Steven Bollinger, de Robert W. White et de David Veneziano. La requérante a produit en preuve les affidavits de Michael W. Cormier et de Laura C. Richard. M. Cormier et Mme Richard ont été contre‑interrogés sur leur affidavit. Les transcriptions de ces contre‑interrogatoires et les réponses aux engagements pris ont été versées au dossier de la présente instance. En contre‑preuve, l’opposante a produit un affidavit de Mario Iafrate, une copie certifiée de l’enregistrement de la marque de commerce LEO BEER & Dessin portant le no 524006 et une copie certifiée d’une déclaration d’opposition produite par l’opposante à l’encontre de la demande no 1165579 visant la marque de commerce CUVEE DU PRESIDENT. Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits. Une audience a été tenue le 6 février 2009 et les deux parties y étaient représentées.
La preuve de l’opposante
Dans son affidavit, M. Bollinger atteste qu’il est le vice‑président, Marketing, de Vincor. Il affirme que Vincor a été constituée en société le 22 avril 1992 et il décrit les diverses fusions et acquisitions qui ont été réalisées au début des années 1990 et qui ont donné lieu au bout du compte à l’acquisition de T. G. Bright & Co., Limited (« Bright ») et de Cartier & Inniskillin Vintners Inc. par Vincor. M. Bollinger affirme également que Vincor est le plus grand producteur et distributeur de vin, de trousses de vin, de cidre et de vin panaché au Canada. Au dire de M. Bollinger, Vincor vend à la fois des vins panachés et des panachés de boisson alcoolique distillée.
Vincor et son prédécesseur en titre ont vendu du vin pendant de nombreuses années en liaison avec la marque de commerce PRESIDENT et, en particulier, un produit appelé champagne canadien. Pendant nombre d’années, ce produit a été vendu par Bright sous la marque de commerce BRIGHTS PRESIDENT; le mot PRESIDENT étant séparé et inscrit en plus gros caractères sur l’étiquette. Plus récemment, ce produit affichait la marque de commerce PRESIDENT sans le mot BRIGHTS. M. Bollinger déclare que plus de 40 millions de litres de vin portant les marques PRESIDENT ont été vendus au Canada et que le vin mousseux PRESIDENT de l’opposante a été le meilleur vendeur au pays comme champagne canadien depuis au moins 1978. Les ventes de ce produit pour la période des années 1999 à 2004 se chiffraient à environ 20 millions de dollars. Les frais de publicité pour la même période dépassaient un million de dollars et les frais de commandite étaient de plus de 400 000 $.
M. Bollinger décrit le marché de détail des boissons alcooliques au Canada qui comprend les établissements de vente au détail exploités par les régies des alcools de la plupart des provinces. Les ventes sont également réalisées par le canal des bars, des hôtels et des restaurants ayant obtenu un permis de ces régies provinciales. De plus, Vincor vend ses vins par l’intermédiaire de plus de 160 boutiques WINE RACK en Ontario. M. Bollinger dit que le produit PRESIDENT de sa société figure sur la liste de vins et le menu des restaurants ainsi que sur les couvertures de menu et les articles attrayants placés sur les tables dans les restaurants. Les pièces Q et R jointes à l’affidavit de M. Bollinger comportent des exemples de ces articles.
M. Bollinger dit qu’il n’est pas rare que les producteurs de vin et d’autres boissons alcooliques vendent des marchandises accessoires telles que des articles vestimentaires. Il a joint des photocopies de ces articles vestimentaires offerts par son entreprise. Toutefois, aucun de ces articles ne porte la marque de commerce PRESIDENT de l’opposante.
Dans son affidavit, M. Veneziano atteste qu’il est stagiaire au cabinet d’avocats agissant comme agent des marques de commerce de l’opposante. M. Veneziano joint comme pièce à son affidavit des photocopies de quatre articles de magazine qui mentionnent les marques PRESIDENT ou BRIGHTS PRESIDENT, l’une tirée de Canadian Business et l’autre de Flare. M. Veneziano décrit également sa visite dans un magasin appelé The Beer Store, à Toronto. Il a souligné que de nombreux articles présentant des marques de bière étaient offerts en vente, notamment des chandails, des gants, des maillots et des casquettes de baseball. Il a également consulté sur le site Web de ce magasin un catalogue illustrant ces articles.
M. White est vice-président directeur de l’Audit Bureau of Circulations au Canada. Dans son affidavit, il fournit des chiffres sur le tirage certifié des magazines Canadian Business et Flare.
La preuve de la requérante
Dans son affidavit, M. Cormier atteste qu’il est agent de marques de commerce au cabinet qui représente la requérante. M. Cormier a fait une recherche sur le mot « président » dans le site Web de la SAQ, l’instance responsable de la vente des boissons alcooliques dans la province de Québec. La pièce B joint à l’affidavit énumère les cinq produits qui ont résulté de sa recherche, dont deux semblent être des produits de l’opposante. Les trois autres sont des vins rouges de la France et du Maroc. M. Cormier n’a réussi à se procurer aucun de ces vins en raison d’un arrêt de travail et il n’a pas fourni le chiffre d’affaires relativement à ces vins.
M. Cormier a été chargé d’obtenir des copies certifiées de plusieurs demandes d’enregistrement et enregistrements de marques de commerce comportant le mot « président ». Toutefois, presque toutes ces demandes et ces enregistrements visent des marchandises autres que des boissons alcooliques. L’un des enregistrements intéresse la marque de commerce LEO BEER & Dessin, en liaison avec de la bière et des boissons gazeuses, qui comprend le mot PRESIDENT mais comme une composante très mineure de la marque. Un autre enregistrement se rapporte à la marque THOMAS JEFFERSON & Dessin (qui comprend le mot PRESIDENT) en liaison avec du whisky pour emploi et enregistrement en Afrique du Sud.
M. Cormier a fait une recherche dans les dossiers du Bureau des marques de commerce pour repérer les marques de commerce appartenant à Loblaws Inc. qui comportent le mot PRESIDENT ou PRESIDENT’S. La pièce H jointe à son affidavit dresse une liste de ces marques. Toutefois, rien n’indique que l’une de ces marques vise des boissons alcooliques et aucune copie de ces demandes et enregistrements n’a été produite. De la même manière, la pièce I énumère cinq demandes et enregistrements appartenant apparemment à une entité désignée B.S.A. société anonyme. Dans ce cas également, rien n’indique que l’une de ces marques vise des boissons alcooliques et aucune copie des demandes et des enregistrements repérés n’a été produite.
Le reste de l’affidavit de M. Cormier décrit deux sites Web qu’il a consultés en rapport avec un produit appelé brandy PRESIDENTE. Dans la mesure où elles sont recevables, les pièces afférentes portent à croire qu’il s’agit d’un produit du Mexique. Au contre‑interrogatoire, M. Cormier a reconnu qu’il n’avait pas essayé d’acheter une bouteille de brandy PRESIDENTE.
Dans son affidavit, Mme Richard atteste qu’elle est secrétaire adjointe à Brinker International, Inc., la société mère de la requérante Brinker Restaurant Corporation. Elle parle des deux entreprises (ci‑après « Brinker ») comme si elles étaient les siennes. Brinker exploite plusieurs chaînes de restauration dans le monde avec 1 400 restaurants et un chiffre d’affaires dépassant trois milliards de dollars par année. L’une de ces chaînes exploitée sous la marque de commerce CHILI’S compte huit restaurants en Alberta et prévoit s’étendre ailleurs au Canada.
Mme Richard affirme que Brinker a créé des thèmes spéciaux pour les menus de ses restaurants CHILI’S, notamment un thème appelé « Chili’s Margarita Bar ». Dans le cadre de ce thème, la requérante offre plusieurs boissons alcoolisées à base de margarita dont la boisson PRESIDENTE MARGARITA vendue sous la marque de commerce visée par la demande. Selon Mme Richard, cette boisson particulière est faite avec du brandy PRESIDENTE qui est un brandy de raisin mexicain. Les exemples de menus illustrés à la pièce 5 jointe à son affidavit présentent la marque de commerce visée par la demande et décrivent cette consommation comme [traduction] « un margarita unique mélangé à la main avec de la tequila Sauza Commemorativo, du Cointreau et du brandy Presidente ». Au contre‑interrogatoire, Mme Richard a déclaré qu’elle ne savait pas comment les franchisés canadiens obtenaient le brandy PRESIDENTE pour faire cette boisson alcoolisée (voir à la page 13 de la transcription du contre‑interrogatoire de Mme Richard).
Mme Richard déclare que la boisson alcoolisée PRESIDENTE MARGARITA est vendue seulement dans les établissements de la requérante et que les franchisés canadiens ne sont pas autorisés, aux termes de la loi, à vendre cette boisson alcoolisée pour consommation à l’extérieur des établissements. Au contre‑interrogatoire, elle a affirmé que la requérante n’avait pas l’intention de vendre cette boisson alcoolisée comme consommation à emporter malgré le texte original de l’état déclaratif des marchandises de la requérante (voir la page 15 de la transcription du contre‑interrogatoire de Mme Richard). Les ventes de margaritas de la requérante aux États‑Unis, y compris celles de la boisson PRESIDENTE MARGARITA, ont dépassé 26 millions de dollars américains pour la période de 1998 à 2005. Les ventes de margaritas au Canada pour les années 2001 à 2004 totalisaient environ 180 000 $, la boisson PRESIDENTE MARGARITA étant le margarita le plus populaire. Au moment où Mme Richard a souscrit son affidavit, il n’y avait eu aucune vente au Canada d’articles vestimentaires portant la marque de commerce visée par la demande.
La contre-preuve de l’opposante
Tel qu’il a été mentionné, l’opposante a fourni une copie certifiée de la déclaration d’opposition produite à l’encontre de la marque de commerce CUVEE DU PRESIDENT visée par la demande no 1165579. L’opposante a également fourni une copie certifiée de l’enregistrement no 524006 pour la marque de commerce LEO BEER & Dessin qui démontre que le mot PRESIDENT est une composante très mineure de la marque et aussi que cet enregistrement a été radié le 27 septembre 2005 parce que l’emploi de la marque au Canada n’a pas été établi.
Dans son affidavit, M. Iafrate atteste qu’il est enquêteur privé et affirme avoir été engagé pour déterminer si le brandy PRESIDENTE et les produits LEO BEER et PRESIDENT LEO BEER étaient offerts au Canada. Il a fait diverses recherches sur Internet et a trouvé un site, celui de Corby Distilleries Ltée (« Corby »), où il était fait mention du brandy PRESIDENTE. Il a téléphoné au siège social de Corby et a parlé à une femme qui lui a dit qu’elle croyait que Corby n’avait jamais offert ce produit en vente au public, même si un achat spécial unique avait bel et bien été effectué pour les restaurants CHILI’S par l’intermédiaire de la Régie des alcools de l’Ontario. Au contre‑interrogatoire, M. Iafrate a reconnu qu’il n’avait pas fait enquête auprès des restaurants CHILI’S au Canada pour vérifier s’ils avaient du brandy PRESIDENTE à leur disposition.
M. Iafrate a fait des recherches sur Internet concernant la marque LEO BEER également. Ces recherches l’ont amené au site de Boon Rawd Brewery qui est le producteur de ce produit, Pacific Wine & Spirits y étant désignée comme le distributeur autorisé au Canada. Lorsque M. Iafrate a rendu visite à ce distributeur, il a parlé à une personne qui lui a confirmé que Pacific Wine & Spirits était le distributeur canadien de Boon Rawd Brewery mais n’avait jamais vendu la marque LEO BEER.
M. Iafrate a également consulté les sites Web des diverses régies des alcools provinciales et territoriales et n’a trouvé aucune inscription pour le brandy PRESIDENTE ou pour LEO BEER. Comme l’Alberta a privatisé le marché de détail des alcools, M. Iafrate a appelé dans 16 magasins de vins et spiritueux de Calgary et aucun d’entre eux ne vendait ces produits.
Contre‑interrogé sur les résultats de sa recherche effectuée sur le site Web de la Société des alcools du Québec (ou SAQ), M. Iafrate a reconnu qu’il avait obtenu des [traduction] « dizaines de résultats avec le mot “Presidente” », mais qu’il ne les avait pas signalés parce qu’ils n’étaient pas pertinents relativement à cette enquête particulière (voir à la page 50 de la transcription du contre‑interrogatoire de M. Iafrate). Toutefois, en l’absence de renseignements additionnels, il est impossible de connaître la pertinence de ces « résultats ». Il se peut que bon nombre de ces résultats aient été liés à des produits de l’opposante. De plus, ces chiffres ne semblent pas concorder avec les résultats limités obtenus par M. Cormier lors de sa recherche sur le site de la SAQ. Si des dizaines de produits pertinents étaient offerts à la SAQ, la requérante aurait dû prouver ce fait directement.
Les motifs d’opposition
Le premier motif d’opposition fondé sur la non‑conformité aux exigences de l’alinéa 30e) de la Loi ne constitue pas véritablement un motif d’opposition parce qu’il ne satisfait pas aux exigences de l’alinéa 38(3)a) de la Loi. L’opposante avait l’obligation de fournir des allégations de fait suffisantes pour étayer la conclusion selon laquelle la requérante n’avait pas l’intention d’employer au Canada la marque visée par la demande afin que la requérante soit au courant de ce qu’on lui reproche. Par conséquent, le premier motif d’opposition n’est pas retenu.
À l’audience, l’agent de l’opposante a soutenu que le premier motif d’opposition avait été suffisamment établi en affirmant simplement que la requérante n’avait pas l’intention d’employer la marque de commerce visée par la demande. Il a souligné que, même si Mme Richard avait parlé des franchisés canadiens de la requérante en Alberta et du contrôle strict exercé par la requérante sur l’emploi et la publicité de ses marques de commerce, elle n’a pas affirmé expressément qu’une licence d’emploi de la marque de commerce visée par la demande avait été accordée à ses franchisés canadiens ni que la requérante contrôlait, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises utilisées par les franchisés, conformément au paragraphe 50(1) de la Loi. Même si les observations de l’opposante sont exactes, elles ne sont pas incompatibles avec le fait que des licences d’emploi de la marque de commerce aient été dûment accordées aux franchisés de l’Alberta ni avec la déclaration de la requérante portant qu’elle avait l’intention de l’employer au Canada, elle‑même ou par l’entremise d’un titulaire de licence. Par conséquent, même si le premier motif d’opposition avait été valablement établi, il n’aurait vraisemblablement pas été retenu.
La requérante fait valoir que le deuxième motif d’opposition est à tort fondé sur l’alinéa 38(2)d) de la Loi et que les allégations de fait ne soutiennent pas un motif d’absence de caractère distinctif. Toutefois, compte tenu des allégations de fait formulées à l’égard de ce motif, il est évident que l’opposante a par erreur invoqué l’alinéa 38(2)d) au lieu de l’alinéa 30d) de la Loi. Le paragraphe 2a) de la contre-déclaration de la requérante donne à entendre qu’elle comprenait que c’était bien ce qui s’était produit. Si ce n’est pas ce qu’elle croyait, elle aurait dû y faire opposition à l’étape de la contre‑déclaration au lien d’attendre de s’y opposer pour la première fois dans son plaidoyer écrit. Quoi qu’il en soit, l’opposante n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau qui lui incombait pour prouver l’allégation selon laquelle la requérante n’employait pas sa marque de commerce aux États‑Unis. Par conséquent, le deuxième motif d’opposition n’est également pas retenu.
Par contre, l’opposition de la requérante au troisième motif d’opposition est bien fondée. L’opposante s’est appuyée sur son usage de la marque visée par la demande d’enregistrement, sans toutefois prouver cet usage. Par conséquent, le troisième motif n’est pas retenu non plus. Même si l’opposante avait fait état de sa propre marque PRESIDENT, son motif n’aurait pas constitué véritablement un motif d’opposition en vertu de l’alinéa 30i) de la Loi. Le fait que la requérante ait pu être au courant de l’existence de la marque de commerce de l’opposante n’empêche pas en soi la requérante de faire de bonne foi la déclaration prescrite à l’alinéa 30i). L’opposante n’a pas allégué que la requérante a adopté sa marque alors qu’elle savait qu’elle créait de la confusion avec la marque de l’opposante. Par conséquent, le troisième motif d’opposition n’aurait pas été retenu, en tout état de cause.
En ce qui a trait au quatrième motif d’opposition, la date pertinente dans l’appréciation des circonstances pour déterminer la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision : voir Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538, aux pages 541 et 542 (C.O.M.C.). C’est à la requérante qu’incombe le fardeau de démontrer qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause. De plus, dans l’application du test en matière de confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, toutes les circonstances de l’espèce doivent être prises en compte, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi. Finalement, comme la marque PRESIDENT de l’opposante est la marque qui, de ses deux marques de commerce déposées, présente le plus d’intérêt en l’espèce, l’appréciation de la question de la confusion avec cette marque décidera donc en fait du sort du quatrième motif.
En ce qui concerne l’alinéa 6(5)a) de la Loi, j’ai tenu compte des propos suivants figurant au paragraphe 10 de la décision en matière d’opposition dans l’affaire Vincor International Inc. c. Cerveceria Nacional Dominicana C. por A., 2004 CarswellNat 4534 (15 octobre 2004; opposition à la demande no 789165) :
Ni la marque PRESIDENT de l’opposante ni la marque PRESIDENTE & dessin, qui fait l’objet de la demande, ne possède un caractère distinctif inhérent très prononcé puisque PRESIDENT est un mot commun qui a une certaine connotation laudative à l’égard de marchandises, à savoir qu’il évoque un produit renommé ou haut de gamme.
La composante graphique et le mot MARGARITA, qui a fait l’objet de la déclaration de désistement, ne contribuent pas vraiment au renforcement du caractère distinctif inhérent de la marque de la requérante. Par conséquent, ni la marque de la requérante ni la marque de l’opposante ne peuvent être considérées comme intrinsèquement fortes.
L’affidavit de Mme Richard atteste un certain emploi mineur de la marque de la requérante pour des margaritas vendus dans ses restaurants de l’Alberta, mais il est difficile de déterminer quelle fraction des ventes totales de margaritas se rapportait à la boisson PRESIDENTE MARGARITA. Tout ce que je peux conclure, c’est que la marque de la requérante est devenue connue dans une mesure très limitée en Alberta. Il n’y a aucune preuve d’emploi de la marque en liaison avec des vêtements.
La marque PRESIDENT de l’opposante, par contre, est employée largement depuis bon nombre d’années. Sur la foi de l’affidavit de M. Bollinger, je peux conclure que la marque de l’opposante est devenue bien connue partout au Canada en liaison avec du vin.
Quant à l’alinéa 6(5)b) de la Loi, la période d’usage des marques favorise nettement l’opposante. Quant aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, l’état déclaratif des marchandises figurant dans la demande d’enregistrement de la requérante et l’état déclaratif des marchandises figurant dans l’enregistrement de l’opposante sont déterminants : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.), aux pages 10 et 11; Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) (C.A.F.) 110, à la page 112; Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.), aux pages 390 à 392. Toutefois, l’analyse de ces états déclaratifs doit viser à déterminer le genre probable d’entreprise ou de commerce envisagé par les parties plutôt que tous les commerces que le libellé est susceptible d’englober. À cet égard, la preuve de la nature véritable du commerce des parties peut être utile : voir la décision McDonald’s Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.), à la page 169.
Les marchandises de la requérante, à savoir des « boissons alcoolisées, nommément margaritas pour consommation sur place », ne sont pas des « vins ». Mais il reste que les marchandises des deux parties sont des boissons alcooliques et sont donc des produits de la même industrie : voir Champagne Möet & Chandon c. Chatam International Inc. (2001), 12 C.P.R. (4th) 549, aux pages 554 à 558 (C.O.M.C.). Quant aux marchandises vestimentaires de la requérante, elles sont différentes du vin.
La preuve démontre que les activités commerciales des parties se chevauchent. Le vin de marque PRESIDENT de l’opposante est vendu dans les magasins de vente au détail d’alcools, mais il est également vendu dans les bars et les restaurants et c’est dans ce dernier type d’établissement que les margaritas de la requérante sont vendus. Le produit de la requérante apparaît sur ses menus et, de la même manière, la marque de commerce de l’opposante figure sur les listes de vins, les menus et les articles promotionnels placés sur les tables. Le fait que la requérante ait limité la vente de ses margaritas à ses propres restaurants jusqu’à maintenant est sans importance puisque cette restriction n’est pas précisée dans l’état déclaratif des marchandises de la requérante.
L’opposante cherche à établir un lien dans les activités commerciales des parties à l’égard des marchandises vestimentaires de la requérante. M. Bollinger n’a cependant pas été en mesure de faire la preuve de la vente de vêtements en liaison avec la marque de commerce PRESIDENT de l’opposante. Il a bien mis en preuve quelques chemises portant d’autres marques de commerce de l’opposante, mais il semblait s’agir d’articles promotionnels simplement. En outre, M. Bollinger n’a pas révélé combien de ces chemises étaient confectionnées, vendues ou distribuées.
En ce qui a trait à l’alinéa 6(5)e) de la Loi, le degré de ressemblance visuelle entre les marques en cause est très élevé à tous égards puisque l’élément le plus distinctif de la marque de la requérante est le mot PRESIDENTE et que ce mot est presque identique à la marque de commerce déposée PRESIDENT de l’opposante. Phonétiquement, la composante dominante de la marque de la requérante se prononce sans doute comme le mot anglais « president » ou le mot français « présidente » ou encore, pour ceux qui sont familiers avec la langue espagnole, « presi-den-té ».
La requérante a soutenu que l’absence d’incidents de confusion réelle malgré l’emploi contemporain des deux marques constitue une circonstance pertinente en l’espèce. Toutefois, l’absence de cette preuve n’est pas étonnante compte tenu du fait que la marque de la requérante a été employée de façon restreinte jusqu’à maintenant et du fait que son emploi a été limité aux restaurants de la requérante.
La requérante a fait de plus valoir que la preuve de l’état du registre présentée au moyen de l’affidavit de M. Cormier atténue les incidences d’une ressemblance entre les marques. La preuve de l’état du registre n’est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions sur l’état du marché : voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432, et Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). On peut aussi mentionner l’arrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.) qui soutient la thèse voulant que la preuve de l’état du registre ne permette de tirer des conclusions sur l’état du marché que si elle porte sur un grand nombre d’enregistrements pertinents.
Tel qu’il a été expliqué, la preuve provenant du registre des marques de commerce qui a été présentée au moyen de l’affidavit de M. Cormier n’offre que peu de pertinence, voire aucune, quant à la question qui se pose en l’espèce. M. Cormier a pour ainsi dire établi l’existence d’un certain nombre de marques PRESIDENT appartenant à Loblaws Inc., mais aucune n’était liée à des boissons alcooliques. Quant à l’enregistrement de la marque de commerce LEO BEER & Dessin, il a été radié en raison du non-usage de la marque. L’affidavit de M. Iafrate porte à croire que le produit n’a jamais été vendu au Canada. Quant à la marque de commerce CUVEE DU PRESIDENT, elle n’a pas été enregistrée et, à vrai dire, elle fait l’objet d’une opposition par Vincor. L’enregistrement de la marque de commerce THOMAS JEFFERSON & Dessin qui comprend le mot PRESIDENT comme élément accessoire est fondé sur l’emploi et l’enregistrement en Afrique du Sud. Par conséquent, la requérante n’a pas réussi à prouver l’existence au registre d’une marque de commerce PRESIDENT employée en liaison avec des boissons alcooliques. Même si les deux ou trois marques invoquées par la requérante avaient été pertinentes, un nombre aussi petit est loin d’être suffisant pour permettre que des conclusions soient tirées sur l’usage courant et l’adoption d’éléments communs dans ces marques.
M. Cormier cherchait également à prouver l’emploi sur le marché de marques PRESIDENT appartenant à des tiers, en liaison avec des boissons alcooliques. Dans ce cas également, la preuve demeure nettement en deçà de ce qui est requis pour établir une adoption et un usage courants de marques similaires par des tiers. Des cinq produits PRESIDENT repérés sur le site de la SAQ, deux sont des produits de l’opposante et les ventes des trois autres produits n’ont fait l’objet d’aucune preuve. M. Cormier n’a pas été en mesure non plus de chiffrer les ventes de brandy PRESIDENTE au Canada, même si l’affidavit de M. Iafrate donne à entendre qu’une commande spéciale de ce produit avait été faite pour le compte de la requérante afin d’approvisionner ses restaurants en Alberta.
Dans l’application du test en matière de confusion, j’ai considéré qu’il s’agissait d’une question de première impression et de souvenir imparfait. C’est à la requérante qu’incombe le fardeau d’établir, suivant la prépondérance des probabilités, qu’il n’existe aucune probabilité raisonnable de confusion. Il s’ensuit que si les probabilités ne favorisent ni l’une ni l’autre des parties, je devrai rendre une décision défavorable à la requérante. Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment et, en particulier, compte tenu de la ressemblance des marques en cause, de la similitude des marchandises (vins et boissons alcoolisées), du chevauchement possible dans les activités commerciales, de la mesure dans laquelle la marque de l’opposante est devenue connue et de la quasi‑inexistence dans le registre ou le marché de marques PRESIDENT pertinentes appartenant à des tiers, je conclus que les probabilités sont pour le moins égales à l’égard du produit de boisson alcoolisée de la requérante. Je dois donc rendre une décision défavorable à la requérante relativement à ces marchandises. Si la requérante avait réussi à prouver un emploi contemporain non négligeable des marques en cause sans confusion réelle, un emploi notable de marques de commerce PRESIDENT appartenant à des tiers en liaison avec des boissons alcooliques ou l’existence dans le registre des marques de commerce d’un grand nombre d’enregistrements pour ces marques, il se peut bien que ma conclusion ait été différente.
En ce qui a trait aux autres marchandises, compte tenu des différences entre les marchandises et les activités commerciales et de l’absence d’une preuve d’emploi de la marque de l’opposante en liaison avec ces marchandises, je conclus que la marque de la requérante ne crée pas de confusion avec la marque de commerce déposée de l’opposante relativement aux marchandises vestimentaires. Par conséquent, le quatrième motif est retenu en partie.
En ce qui concerne le cinquième motif d’opposition, l’opposante a établi l’emploi de sa marque de commerce PRESIDENT avant la date de production de la demande de la requérante et le fait que cette marque n’avait pas été abandonnée à la date de l’annonce de la requérante. La question de la confusion des marques en cause à la date pertinente qui, dans ce cas-ci, est la date de production de la demande de la requérante décidera donc du sort de ce motif. Dans l’ensemble, les conclusions que j’ai tirées relativement au quatrième motif d’opposition s’appliquent également au cinquième motif d’opposition. Par conséquent, je conclus que le cinquième motif d’opposition doit être retenu seulement à l’égard des marchandises de boisson alcoolisée de la requérante.
En ce qui a trait au sixième motif d’opposition, c’est à la requérante qu’incombe le fardeau d’établir que sa marque distingue véritablement ses marchandises de celles d’autres propriétaires partout au Canada, ou qu’elle est adaptée à les distinguer : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, la date pertinente pour l’examen des circonstances entourant cette question est celle de la production de la déclaration d’opposition (soit le 27 janvier 2003) : voir Re Andres Wines Ltd. c. E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), à la page 130, et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 (C.A.F.), à la page 424. Enfin, l’opposante a le fardeau de prouver ses allégations de fait qui servent à étayer le motif d’absence de caractère distinctif.
Le sixième motif d’opposition repose essentiellement sur la question de confusion entre la marque projetée de la requérante et la marque de commerce PRESIDENT de l’opposante. Dans l’ensemble, les conclusions que j’ai tirées relativement au quatrième motif d’opposition s’appliquent également au sixième motif d’opposition. Par conséquent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la requérante n’a pas réussi à établir que la marque projetée ne créait pas de confusion avec la marque de commerce de l’opposante à la date de production de la déclaration d’opposition relativement aux marchandises de boisson alcoolisée de la requérante. Par contre, la marque de la requérante liée à des articles vestimentaires ne crée pas de confusion avec la marque de l’opposante. Par conséquent, le sixième motif d’opposition est également retenu en partie.
Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués conformément au paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande d’enregistrement de la requérante à l’égard des marchandises désignées « boissons alcoolisées, nommément margaritas pour consommation sur place » et je rejette l’opposition pour le reste. On peut trouver un fondement jurisprudentiel à ces résultats partagés dans la décision Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH (1986), 10 C.P.R. (3d) 482 (C.F. 1re inst.), à la page 492.
FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 17 FÉVRIER 2009.
David J. Martin,
Membre
Commission des oppositions des marques de commerce
Traduction certifiée conforme
Linda Brisebois, LL.B.