Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

DANS LAFFAIRE DE LOPPOSITION

De Vincor International Inc. à la demande

no 1086247 produite par Blinker Restaurant

Corporation, en vue de lenregistrement

de la marque de commerce PRESIDENTE

MARGARITA & Dessin 

 

Le 13 décembre 2000, la requérante, Blinker Restaurant Corporation, a produit une demande denregistrement pour la marque de commerce PRESIDENTE MARGARITA & Dessin (reproduite ci-dessous) à légard des marchandises suivantes :

(1) vêtements, nommément, tee­‑shirts et chemises.

(2) Boissons alcoolisées, nommément margaritas pour consommation sur place ou à emporter.

 

La demande est fondée sur lemploi projeté au Canada en liaison avec les marchandises (1) et (2) et sur lemploi et lenregistrement aux États­‑Unis (No 2,518,659) en liaison avec les marchandises (2). La demande denregistrement a été modifiée avec lajout dune déclaration de désistement relativement à lusage du mot MARGARITA et a par la suite été annoncée aux fins dopposition le 27 novembre 2002. Au cours de la procédure dopposition, la demande a été modifiée par la suppression des mots « à emporter » de la description des marchandises (2).

 


Lopposante, Vincor International Inc. (« Vincor ») a produit une déclaration dopposition le 27 janvier 2003, dont copie a été envoyée à la requérante le 18 février 2003.  Comme premier motif dopposition, il est allégué que la demande denregistrement de la requérante ne satisfait pas aux exigences de lalinéa 30e) de la Loi sur les marques de commerce, parce que la requérante na pas lintention demployer la marque de commerce visée par la demande au Canada.  Les deuxième et troisième motifs dopposition ont été rédigés en ces termes :       

[traduction] b) Lopposante fonde également son opposition sur le motif énoncé à lalinéa 38(2)d), parce que la requérante na pas employé et na pas lintention demployer la marque de commerce aux États­‑Unis en liaison avec les marchandises et services décrits dans la demande denregistrement et que la requérante exige que lopposante en fasse clairement la preuve.

 

c) Lopposante fonde également son opposition sur le motif énoncé à lalinéa 38(2)a), à savoir que la demande ne satisfait pas aux exigences de lalinéa 30i). La requérante ne peut être convaincue quelle a le droit demployer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises énumérées dans sa demande soit des vêtements, nommément tee‑shirts et chemises, et des boissons alcoolisées, nommément margaritas pour consommation sur place ou à emporter parce quelle savait que la marque de commerce était largement employée par lopposante et son prédécesseur en titre à légard de marchandises dont la similitude prête à confusion, à savoir du  vin.

 

 


Comme quatrième motif dopposition, il est allégué que la marque de commerce visée par la demande nest pas enregistrable en vertu de lalinéa 12(1)d) de la Loi, parce quelle crée de la confusion avec les marques de commerce PRESIDENT et BRIGHTS PRESIDENT & Dessin (reproduite ci­‑dessous), portant les numéros denregistrement UCA27871 et LMC 251873 respectivement, toutes les deux employées pour des vins.

 

     Comme cinquième motif dopposition, il est allégué que la requérante nest pas la personne ayant droit à lenregistrement, aux termes de lalinéa 16(3)a) de la Loi, parce que, à la date de production de la demande de la requérante, la marque visée par la demande créait de la confusion avec les deux marques de commerce déposées mentionnées précédemment que lopposante ou ses prédécesseurs en titre employaient déjà ou avaient fait connaître au Canada en liaison avec des vins. Comme sixième motif dopposition, il est allégué que la marque de commerce de la requérante nest pas distinctive parce quelle crée de la confusion avec les marques de commerce de lopposante.

 


La requérante a produit et fait signifier une contre-déclaration le 13 juin 2003. Le paragraphe 2a) de ce document est rédigé comme suit :

[traduction] a) La requérante nie les allégations formulées aux paragraphes 1a), b) et c) de la déclaration dopposition et affirme que la demande no 1086247 revendiquant la marque de commerce PRESIDENTE MARGARITA & Dessin a été produite en conformité avec les exigences de larticle 30. La requérante exige que lopposante fasse clairement la preuve de ses allégations.

 

 

Lopposante a produit en preuve les affidavits de Steven Bollinger, de Robert W. White et de David Veneziano. La requérante a produit en preuve les affidavits de Michael W. Cormier et de Laura C. Richard. M. Cormier et Mme Richard ont été contre‑interrogés sur leur affidavit. Les transcriptions de ces contre‑interrogatoires et les réponses aux engagements pris ont été versées au dossier de la présente instance. En contre‑preuve, lopposante a produit un affidavit de Mario Iafrate, une copie certifiée de lenregistrement de la marque de commerce LEO BEER & Dessin portant le no 524006 et une copie certifiée dune déclaration dopposition produite par lopposante à lencontre de la demande no 1165579 visant la marque de commerce CUVEE DU PRESIDENT. Les deux parties ont produit des plaidoyers écrits. Une audience a été tenue le 6 février 2009 et les deux parties y étaient représentées.

 

La preuve de lopposante


Dans son affidavit, M. Bollinger atteste quil est le vice‑président, Marketing, de Vincor. Il affirme que Vincor a été constituée en société le 22 avril 1992 et il décrit les diverses fusions et acquisitions qui ont été réalisées au début des années 1990 et qui ont donné lieu au bout du compte à lacquisition de T. G. Bright & Co., Limited («  Bright ») et de Cartier & Inniskillin Vintners Inc. par Vincor. M. Bollinger affirme également que Vincor est le plus grand producteur et distributeur de vin, de trousses de vin, de cidre et de vin panaché au Canada. Au dire de M. Bollinger, Vincor vend à la fois des vins panachés et des panachés de boisson alcoolique distillée.

 


Vincor et son prédécesseur en titre ont vendu du vin pendant de nombreuses années en liaison avec la marque de commerce PRESIDENT et, en particulier, un produit appelé champagne canadien. Pendant nombre dannées, ce produit a été vendu par Bright sous la marque de commerce BRIGHTS PRESIDENT; le mot PRESIDENT étant séparé et inscrit en plus gros caractères sur létiquette. Plus récemment, ce produit affichait la marque de commerce PRESIDENT sans le mot BRIGHTS. M. Bollinger déclare que plus de 40 millions de litres de vin portant les marques PRESIDENT ont été vendus au Canada et que le vin mousseux PRESIDENT de lopposante a été le meilleur vendeur au pays comme champagne canadien depuis au moins 1978. Les ventes de ce produit pour la période des années 1999 à 2004 se chiffraient à environ 20 millions de dollars. Les frais de publicité pour la même période dépassaient un million de dollars et les frais de commandite étaient de plus de 400 000 $.

 

M. Bollinger décrit le marché de détail des boissons alcooliques au Canada qui comprend les établissements de vente au détail exploités par les régies des alcools de la plupart des provinces. Les ventes sont également réalisées par le canal des bars, des hôtels et des restaurants ayant obtenu un permis de ces régies provinciales. De plus, Vincor vend ses vins par lintermédiaire de plus de 160 boutiques WINE RACK en Ontario. M. Bollinger dit que le produit PRESIDENT de sa société figure sur la liste de vins et le menu des restaurants ainsi que sur les couvertures de menu et les articles attrayants placés sur les tables dans les restaurants. Les pièces Q et R jointes à laffidavit de M. Bollinger comportent des exemples de ces articles.

 

M. Bollinger dit quil nest pas rare que les producteurs de vin et dautres boissons alcooliques vendent des marchandises accessoires telles que des articles vestimentaires. Il a joint des photocopies de ces articles vestimentaires offerts par son entreprise. Toutefois, aucun de ces articles ne porte la marque de commerce PRESIDENT de lopposante.

 


Dans son affidavit, M. Veneziano atteste quil est stagiaire au cabinet davocats agissant comme agent des marques de commerce de lopposante. M. Veneziano joint comme pièce à son affidavit des photocopies de quatre articles de magazine qui mentionnent les marques PRESIDENT ou BRIGHTS PRESIDENT, lune tirée de Canadian Business et lautre de Flare. M. Veneziano décrit également sa visite dans un magasin appelé The Beer Store, à Toronto. Il a souligné que de nombreux articles présentant des marques de bière étaient offerts en vente, notamment des chandails, des gants, des maillots et des casquettes de baseball. Il a également consulté sur le site Web de ce magasin un catalogue illustrant ces articles.

 

M. White est vice-président directeur de lAudit Bureau of Circulations au Canada. Dans son affidavit, il fournit des chiffres sur le tirage certifié des magazines Canadian Business et Flare.

 

La preuve de la requérante


Dans son affidavit, M. Cormier atteste quil est agent de marques de commerce au cabinet qui représente la requérante. M. Cormier a fait une recherche sur le mot « président » dans le site Web de la SAQ, linstance responsable de la vente des boissons alcooliques dans la province de Québec. La pièce B joint à laffidavit énumère les cinq produits qui ont résulté de sa recherche, dont deux semblent être des produits de lopposante. Les trois autres sont des vins rouges de la France et du  Maroc. M. Cormier na réussi à se procurer aucun de ces vins en raison dun arrêt de travail et il na pas fourni le chiffre daffaires relativement à ces vins.

 

M. Cormier a été chargé dobtenir des copies certifiées de plusieurs demandes denregistrement et enregistrements de marques de commerce comportant le mot « président ». Toutefois, presque toutes ces demandes et ces enregistrements visent des marchandises autres que des boissons alcooliques. Lun des enregistrements intéresse la marque de commerce LEO BEER & Dessin, en liaison avec de la bière et des boissons gazeuses, qui comprend le mot PRESIDENT mais comme une composante très mineure de la marque. Un autre enregistrement se rapporte à la marque THOMAS JEFFERSON & Dessin (qui comprend le mot PRESIDENT) en liaison avec du whisky pour emploi et enregistrement en Afrique du Sud.  

 


M. Cormier a fait une recherche dans les dossiers du Bureau des marques de commerce pour repérer les marques de commerce appartenant à Loblaws Inc. qui comportent le mot PRESIDENT ou PRESIDENTS.  La pièce H jointe à son affidavit dresse une liste de ces marques. Toutefois, rien nindique que lune de ces marques vise des boissons alcooliques et aucune copie de ces demandes et enregistrements na été produite. De la même manière, la pièce I énumère cinq demandes et enregistrements appartenant apparemment à une entité désignée B.S.A. société anonyme. Dans ce cas également, rien nindique que lune de ces marques vise des boissons alcooliques et aucune copie des demandes et des enregistrements repérés na été produite.

 

Le reste de laffidavit de M. Cormier décrit deux sites Web quil a consultés en rapport avec un produit appelé brandy PRESIDENTE. Dans la mesure où elles sont recevables, les pièces afférentes portent à croire quil sagit dun produit du  Mexique.  Au contre‑interrogatoire, M. Cormier a reconnu quil navait pas essayé dacheter une bouteille de brandy PRESIDENTE.

 

 

Dans son affidavit, Mme Richard atteste quelle est secrétaire adjointe à Brinker International, Inc., la société mère de la requérante Brinker Restaurant Corporation. Elle parle des deux entreprises (ci‑après « Brinker ») comme si elles étaient les siennes. Brinker exploite plusieurs chaînes de restauration dans le monde avec 1 400 restaurants et un chiffre daffaires dépassant trois milliards de dollars par année. Lune de ces chaînes exploitée sous la marque de commerce CHILIS compte huit restaurants en Alberta et prévoit sétendre ailleurs au Canada.


Mme Richard affirme que Brinker a créé des thèmes spéciaux pour les menus de ses restaurants CHILIS, notamment un thème appelé « Chilis Margarita Bar ». Dans le cadre de ce thème, la requérante offre plusieurs boissons alcoolisées à base de margarita dont la boisson PRESIDENTE MARGARITA vendue sous la marque de commerce visée par la demande. Selon Mme Richard, cette boisson particulière est faite avec du brandy PRESIDENTE qui est un brandy de raisin mexicain. Les exemples de menus illustrés à la pièce 5 jointe à son affidavit présentent la marque de commerce visée par la demande et décrivent cette consommation comme [traduction] « un margarita unique mélangé à la main avec de la tequila Sauza Commemorativo, du Cointreau et du brandy Presidente ». Au contre‑interrogatoire, Mme Richard a déclaré quelle ne savait pas comment les franchisés canadiens obtenaient le brandy PRESIDENTE pour faire cette boisson alcoolisée (voir à la page 13 de la transcription du contre‑interrogatoire de Mme Richard).

 


Mme Richard déclare que la boisson alcoolisée PRESIDENTE MARGARITA est vendue seulement dans les établissements de la requérante et que les franchisés canadiens ne sont pas autorisés, aux termes de la loi, à vendre cette boisson alcoolisée pour consommation à lextérieur des établissements. Au contre‑interrogatoire, elle a affirmé que la requérante navait pas lintention de vendre cette boisson alcoolisée comme consommation à emporter malgré le texte original de létat déclaratif des marchandises de la requérante (voir la page 15 de la transcription du contre‑interrogatoire de Mme Richard). Les ventes de margaritas de la requérante aux États‑Unis, y compris celles de la boisson PRESIDENTE MARGARITA, ont dépassé 26 millions de dollars américains pour la période de 1998 à 2005. Les ventes de margaritas au Canada pour les années 2001 à 2004 totalisaient environ 180 000 $, la boisson PRESIDENTE MARGARITA étant le margarita le plus populaire. Au moment où Mme Richard a souscrit son affidavit, il ny avait eu aucune vente au Canada darticles vestimentaires portant la marque de commerce visée par la demande.

 

 

 

La contre-preuve de lopposante         


Tel quil a été mentionné, lopposante a fourni une copie certifiée de la déclaration dopposition produite à lencontre de la marque de commerce CUVEE DU PRESIDENT visée par la demande no 1165579. Lopposante a également fourni une copie certifiée de lenregistrement no 524006 pour la marque de commerce LEO BEER & Dessin qui démontre que le mot PRESIDENT est une composante très mineure de la marque et aussi que cet enregistrement a été radié le 27 septembre 2005 parce que lemploi de la marque au Canada na pas été établi.

 

Dans son affidavit, M. Iafrate atteste quil est enquêteur privé et affirme avoir été engagé pour déterminer si le brandy PRESIDENTE et les produits LEO BEER et PRESIDENT LEO BEER étaient offerts au Canada. Il a fait diverses recherches sur Internet et a trouvé un site, celui de Corby Distilleries Ltée (« Corby »), où il était fait mention du brandy PRESIDENTE.  Il a téléphoné au siège social de Corby et a parlé à une femme qui lui a dit quelle croyait que Corby navait jamais offert ce produit en vente au public, même si un achat spécial unique avait bel et bien été effectué pour les restaurants CHILIS par lintermédiaire de la Régie des alcools de lOntario.  Au contre‑interrogatoire, M. Iafrate a reconnu quil navait pas fait enquête auprès des restaurants  CHILIS au Canada pour vérifier sils avaient du brandy PRESIDENTE à leur disposition.

 


M. Iafrate a fait des recherches sur Internet concernant la marque LEO BEER également. Ces recherches lont amené au site de Boon Rawd Brewery qui est le producteur de ce produit, Pacific Wine & Spirits y étant désignée comme le distributeur autorisé au Canada. Lorsque M. Iafrate a rendu visite à ce distributeur, il a parlé à une personne qui lui a confirmé que Pacific Wine & Spirits était le distributeur canadien de Boon Rawd Brewery mais navait jamais vendu la marque LEO BEER.

 

M. Iafrate a également consulté les sites Web des diverses régies des alcools provinciales et territoriales et na trouvé aucune inscription pour le brandy PRESIDENTE ou pour LEO BEER. Comme lAlberta a privatisé le marché de détail des alcools, M. Iafrate a appelé dans 16 magasins de vins et spiritueux de Calgary et aucun dentre eux ne vendait ces produits.

 


Contre‑interrogé sur les résultats de sa recherche effectuée sur le site Web de la Société des alcools du Québec (ou SAQ), M. Iafrate a reconnu quil avait obtenu des [traduction] « dizaines de résultats avec le mot Presidente », mais quil ne les avait pas signalés parce quils nétaient pas pertinents relativement à cette enquête particulière (voir à la page 50 de la transcription du contre‑interrogatoire de M. Iafrate). Toutefois, en labsence de renseignements additionnels, il est impossible de connaître la pertinence de ces « résultats ». Il se peut que bon nombre de ces résultats aient été liés à des produits de lopposante. De plus, ces chiffres ne semblent pas concorder avec les résultats limités obtenus par M. Cormier lors de sa recherche sur le site de la SAQ. Si des dizaines de produits pertinents étaient offerts à la SAQ, la requérante aurait dû prouver ce fait directement.

 

Les motifs dopposition

Le premier motif dopposition fondé sur la non‑conformité aux exigences de lalinéa 30e) de la Loi ne constitue pas véritablement un motif dopposition parce quil ne satisfait pas aux exigences de lalinéa 38(3)a) de la Loi.  Lopposante avait lobligation de fournir des allégations de fait suffisantes pour étayer la conclusion selon laquelle la requérante navait pas lintention demployer au Canada la marque visée par la demande afin que la requérante soit au courant de ce quon lui reproche. Par conséquent, le premier motif dopposition nest pas retenu.

 


À laudience, lagent de lopposante a soutenu que le premier motif dopposition avait été suffisamment établi en affirmant simplement que la requérante navait pas lintention demployer la marque de commerce visée par la demande.  Il a souligné que, même si Mme Richard avait parlé des franchisés canadiens de la requérante en Alberta et du contrôle strict exercé par la requérante sur lemploi et la publicité de ses marques de commerce, elle na pas affirmé expressément quune licence demploi de la marque de commerce visée par la demande avait été accordée à ses franchisés canadiens ni que la requérante contrôlait, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises utilisées par les franchisés, conformément au paragraphe 50(1) de la Loi. Même si les observations de lopposante sont exactes, elles ne sont pas incompatibles avec le fait que des licences demploi de la marque de commerce aient été dûment accordées aux franchisés de lAlberta ni avec la déclaration de la requérante portant quelle avait lintention de lemployer au Canada, elle‑même ou par lentremise dun titulaire de licence. Par conséquent, même si le premier motif dopposition avait été valablement établi, il naurait vraisemblablement pas été retenu.

 


La requérante fait valoir que le deuxième motif dopposition est à tort fondé sur lalinéa 38(2)d) de la Loi et que les allégations de fait ne soutiennent pas un motif dabsence de caractère distinctif. Toutefois, compte tenu des allégations de fait formulées à légard de ce motif, il est évident que lopposante a par erreur invoqué lalinéa 38(2)d) au lieu de lalinéa 30d) de la Loi. Le paragraphe 2a) de la contre-déclaration de la requérante donne à entendre quelle comprenait que cétait bien ce qui sétait produit. Si ce nest pas ce quelle croyait, elle aurait dû y faire opposition à létape de la contre‑déclaration au lien dattendre de sy opposer pour la première fois dans son plaidoyer écrit. Quoi quil en soit, lopposante na pas réussi à sacquitter du fardeau qui lui incombait pour prouver lallégation selon laquelle la requérante nemployait pas sa marque de commerce aux États‑Unis. Par conséquent, le deuxième motif dopposition nest également pas retenu.

 

Par contre, lopposition de la requérante au troisième motif dopposition est bien fondée. Lopposante sest appuyée sur son usage de la marque visée par la demande denregistrement, sans toutefois prouver cet usage. Par conséquent, le troisième motif nest pas retenu non plus. Même si lopposante avait fait état de sa propre marque PRESIDENT, son motif naurait pas constitué véritablement un motif dopposition en vertu de lalinéa 30i) de la Loi. Le fait que la requérante ait pu être au courant de lexistence de la marque de commerce de lopposante nempêche pas en soi la requérante de faire de bonne foi la déclaration prescrite à lalinéa 30i). Lopposante na pas allégué que la requérante a adopté sa marque alors quelle savait quelle créait de la confusion avec la marque de lopposante. Par conséquent, le troisième motif dopposition naurait pas été retenu, en tout état de cause.

 


En ce qui a trait au quatrième motif dopposition, la date pertinente dans lappréciation des circonstances pour déterminer la question de la confusion avec une marque de commerce déposée est la date de ma décision : voir Conde Nast Publications Inc. c. Canadian Federation of Independent Grocers (1991), 37 C.P.R. (3d) 538, aux pages 541 et 542 (C.O.M.C.).  Cest à la requérante quincombe le fardeau de démontrer quil nexiste aucune probabilité raisonnable de confusion entre les marques en cause. De plus, dans lapplication du test en matière de confusion énoncé au paragraphe 6(2) de la Loi, toutes les circonstances de lespèce doivent être prises en compte, y compris celles précisément énumérées au paragraphe 6(5) de la Loi.  Finalement, comme la marque PRESIDENT de lopposante est la marque qui, de ses deux marques de commerce déposées, présente le plus dintérêt en lespèce, lappréciation de la question de la confusion avec cette marque décidera donc en fait du sort du quatrième motif.

 

En ce qui concerne lalinéa 6(5)a) de la Loi, jai tenu compte des propos suivants figurant au paragraphe 10 de la décision en matière dopposition dans laffaire Vincor International Inc. c. Cerveceria Nacional Dominicana C. por A., 2004 CarswellNat 4534 (15 octobre 2004; opposition à la demande no 789165) :

Ni la marque PRESIDENT de lopposante ni la marque PRESIDENTE & dessin, qui fait lobjet de la demande, ne possède un caractère distinctif inhérent très prononcé puisque PRESIDENT est un mot commun qui a une certaine connotation laudative à légard de marchandises, à savoir quil évoque un produit renommé ou haut de gamme.

 


La composante graphique et le mot MARGARITA, qui a fait lobjet de la déclaration de désistement, ne contribuent pas vraiment au renforcement du caractère distinctif inhérent de la marque de la requérante. Par conséquent, ni la marque de la requérante ni la marque de lopposante ne peuvent être considérées comme intrinsèquement fortes.

 

Laffidavit de Mme  Richard atteste un certain emploi mineur de la marque de la requérante pour des margaritas vendus dans ses restaurants de lAlberta, mais il est difficile de déterminer quelle fraction des ventes totales de margaritas se rapportait à la boisson PRESIDENTE MARGARITA. Tout ce que je peux conclure, cest que la marque de la requérante est devenue connue dans une mesure très limitée en Alberta.  Il ny a aucune preuve demploi de la marque en liaison avec des vêtements.

 

La marque PRESIDENT de lopposante, par contre, est employée largement depuis bon nombre dannées. Sur la foi de laffidavit de M. Bollinger, je peux conclure que la marque de lopposante est devenue bien connue partout au Canada en liaison avec du vin. 

 


Quant à lalinéa 6(5)b) de la Loi, la période dusage des marques favorise nettement lopposante. Quant aux alinéas 6(5)c) et 6(5)d) de la Loi, létat déclaratif des marchandises figurant dans la demande denregistrement de la requérante et létat déclaratif des marchandises figurant dans lenregistrement de lopposante sont déterminants : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R. (3d) 3 (C.A.F.), aux pages 10 et 11; Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R. (3d) (C.A.F.) 110, à la page 112; Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.), aux pages 390 à 392. Toutefois, lanalyse de ces états déclaratifs doit viser à déterminer le genre probable dentreprise ou de commerce envisagé par les parties plutôt que tous les commerces que le libellé est susceptible denglober. À cet égard, la preuve de la nature véritable du commerce des parties peut être utile : voir la décision McDonalds Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 (C.A.F.), à la page 169.

 

Les marchandises de la requérante, à savoir des « boissons alcoolisées, nommément margaritas pour consommation sur place », ne sont pas des « vins ».  Mais il reste que les marchandises des deux parties sont des boissons alcooliques et sont donc des produits de la même industrie : voir Champagne Möet & Chandon c. Chatam International Inc. (2001), 12 C.P.R. (4th) 549, aux pages 554 à 558 (C.O.M.C.). Quant aux marchandises vestimentaires de la requérante, elles sont différentes du vin.

 


La preuve démontre que les activités commerciales des parties se chevauchent. Le vin de marque PRESIDENT de lopposante est vendu dans les magasins de vente au détail dalcools, mais il est également vendu dans les bars et les restaurants et cest dans ce dernier type détablissement que les margaritas de la requérante sont vendus. Le produit de la requérante apparaît sur ses menus et, de la même manière, la marque de commerce de lopposante figure sur les listes de vins, les menus et les articles promotionnels placés sur les tables. Le fait que la requérante ait limité la vente de ses margaritas à ses propres restaurants jusquà maintenant est sans importance puisque cette restriction nest pas précisée dans létat déclaratif des marchandises de la requérante.

 

Lopposante cherche à établir un lien dans les activités commerciales des parties à légard des marchandises vestimentaires de la requérante. M. Bollinger na cependant pas été en mesure de faire la preuve de la vente de vêtements en liaison avec la marque de commerce PRESIDENT de lopposante. Il a bien mis en preuve quelques chemises portant dautres marques de commerce de lopposante, mais il semblait sagir darticles promotionnels simplement. En outre, M. Bollinger na pas révélé combien de ces chemises étaient confectionnées, vendues ou distribuées.

 


En ce qui a trait à lalinéa 6(5)e) de la Loi, le degré de ressemblance visuelle entre les marques en cause est très élevé à tous égards puisque lélément le plus distinctif de la marque de la requérante est le mot PRESIDENTE et que ce mot est presque identique à la marque de commerce déposée PRESIDENT de lopposante. Phonétiquement, la composante dominante de la marque de la requérante se prononce sans doute comme le mot anglais « president » ou le mot français « présidente » ou encore, pour ceux qui sont familiers avec la langue espagnole, « presi-den-té ».

 

La requérante a soutenu que labsence dincidents de confusion réelle malgré lemploi contemporain des deux marques constitue une circonstance pertinente en lespèce. Toutefois, labsence de cette preuve nest pas étonnante compte tenu du fait que la marque de la requérante a été employée de façon restreinte jusquà maintenant et du fait que son emploi a été limité aux restaurants de la requérante.

 


La requérante a fait de plus valoir que la preuve de létat du registre présentée au moyen de laffidavit de M. Cormier atténue les incidences dune ressemblance entre les marques. La preuve de létat du registre nest pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions sur létat du marché : voir Ports International Ltd. c. Dunlop Ltd. (1992), 41 C.P.R. (3d) 432, et Del Monte Corporation c. Welch Foods Inc. (1992), 44 C.P.R. (3d) 205 (C.F. 1re inst.). On peut aussi mentionner larrêt Kellogg Salada Canada Inc. c. Maximum Nutrition Ltd. (1992), 43 C.P.R. (3d) 349 (C.A.F.) qui soutient la thèse voulant que la preuve de létat du registre ne permette de tirer des conclusions sur létat du marché que si elle porte sur un grand nombre denregistrements pertinents.

 


Tel quil a été expliqué, la preuve provenant du registre des marques de commerce qui a été présentée au moyen de laffidavit de M. Cormier noffre que peu de pertinence, voire aucune, quant à la question qui se pose en lespèce. M. Cormier a pour ainsi dire établi lexistence dun certain nombre de marques PRESIDENT appartenant à Loblaws Inc., mais aucune nétait liée à des boissons alcooliques. Quant à lenregistrement de la marque de commerce LEO BEER & Dessin, il a été radié en raison du non-usage de la marque. Laffidavit de M. Iafrate porte à croire que le produit na jamais été vendu au Canada. Quant à la marque de commerce CUVEE DU PRESIDENT, elle na pas été enregistrée et, à vrai dire, elle fait lobjet dune opposition par Vincor. Lenregistrement de la marque de commerce THOMAS JEFFERSON & Dessin qui comprend le mot PRESIDENT comme élément accessoire est fondé sur lemploi et lenregistrement en Afrique du Sud. Par conséquent, la requérante na pas réussi à prouver lexistence au registre dune marque de commerce PRESIDENT employée en liaison avec des boissons alcooliques. Même si les deux ou trois marques invoquées par la requérante avaient été pertinentes, un nombre aussi petit est loin dêtre suffisant pour permettre que des conclusions soient tirées sur lusage courant et ladoption déléments communs dans ces marques.

 

M. Cormier cherchait également à prouver lemploi sur le marché de marques PRESIDENT appartenant à des tiers, en liaison avec des boissons alcooliques.  Dans ce cas également, la preuve demeure nettement en deçà de ce qui est requis pour établir une adoption et un usage courants de marques similaires par des tiers. Des cinq produits PRESIDENT repérés sur le site de la SAQ, deux sont des produits de lopposante et les ventes des trois autres produits nont fait lobjet daucune preuve. M. Cormier na pas été en mesure non plus de chiffrer les ventes de brandy PRESIDENTE au Canada, même si laffidavit de M. Iafrate donne à entendre quune commande spéciale de ce produit avait été faite pour le compte de la requérante afin dapprovisionner ses restaurants en Alberta.

                                 


Dans lapplication du test en matière de confusion, jai considéré quil sagissait dune question de première impression et de souvenir imparfait. Cest à la requérante quincombe le fardeau détablir, suivant la prépondérance des probabilités, quil nexiste aucune probabilité raisonnable de confusion. Il sensuit que si les probabilités ne favorisent ni lune ni lautre des parties, je devrai rendre une décision défavorable à la requérante. Compte tenu des conclusions que jai tirées précédemment et, en particulier, compte tenu de la ressemblance des marques en cause, de la similitude des marchandises (vins et boissons alcoolisées), du chevauchement possible dans les activités commerciales, de la mesure dans laquelle la marque de lopposante est devenue connue et de la quasi‑inexistence dans le registre ou le marché de marques PRESIDENT pertinentes appartenant à des tiers, je conclus que les probabilités sont pour le moins égales à légard du produit de boisson alcoolisée de la requérante. Je dois donc rendre une décision défavorable à la requérante relativement à ces marchandises. Si la requérante avait réussi à prouver un emploi contemporain non négligeable des marques en cause sans confusion réelle, un emploi notable de marques de commerce PRESIDENT appartenant à des tiers en liaison avec des boissons alcooliques ou lexistence dans le registre des marques de commerce dun grand nombre denregistrements pour ces marques, il se peut bien que ma conclusion ait été différente.

 


En ce qui a trait aux autres marchandises, compte tenu des différences entre les marchandises et les activités commerciales et de labsence dune preuve demploi de la marque de lopposante en liaison avec ces marchandises, je conclus que la marque de la requérante ne crée pas de confusion avec la marque de commerce déposée de lopposante relativement aux marchandises vestimentaires. Par conséquent, le quatrième motif est retenu en partie.

 

En ce qui concerne le cinquième motif dopposition, lopposante a établi lemploi de sa marque de commerce PRESIDENT avant la date de production de la demande de la requérante et le fait que cette marque navait pas été abandonnée à la date de lannonce de la requérante. La question de la confusion des marques en cause à la date pertinente qui, dans ce cas-ci, est la date de production de la demande de la requérante décidera donc du sort de ce motif. Dans lensemble, les conclusions que jai tirées relativement au quatrième motif dopposition sappliquent également au cinquième motif dopposition. Par conséquent, je conclus que le cinquième motif dopposition doit être retenu seulement à légard des marchandises de boisson alcoolisée de la requérante.

 


     En ce qui a trait au sixième motif dopposition, cest à la requérante quincombe le fardeau détablir que sa marque distingue véritablement ses marchandises de celles dautres propriétaires partout au Canada, ou quelle est adaptée à les distinguer : voir Muffin Houses Incorporated c. The Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (C.O.M.C.). De plus, la date pertinente pour lexamen des circonstances entourant cette question est celle de la production de la déclaration dopposition (soit le 27 janvier 2003) : voir Re Andres Wines Ltd. c. E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (C.A.F.), à la page 130, et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 (C.A.F.), à la page 424.  Enfin, lopposante a le fardeau de prouver ses allégations de fait qui servent à étayer le motif dabsence de caractère distinctif.

 

Le sixième motif dopposition repose essentiellement sur la question de confusion entre la marque projetée de la requérante et la marque de commerce PRESIDENT de lopposante. Dans lensemble, les conclusions que jai tirées relativement au quatrième motif dopposition sappliquent également au sixième motif dopposition. Par conséquent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la requérante na pas réussi à établir que la marque projetée ne créait pas de confusion avec la marque de commerce de lopposante à la date de production de la déclaration dopposition relativement aux marchandises de boisson alcoolisée de la requérante. Par contre, la marque de la requérante liée à des articles vestimentaires ne crée pas de confusion avec la marque de lopposante. Par conséquent, le sixième motif dopposition est également retenu en partie.

 


Compte tenu de ce qui précède et en vertu des pouvoirs qui me sont délégués conformément au paragraphe 63(3) de la Loi, je repousse la demande denregistrement de la requérante à légard des marchandises désignées « boissons alcoolisées, nommément margaritas pour consommation sur place » et je rejette lopposition pour le reste. On peut trouver un fondement jurisprudentiel à ces résultats partagés dans la décision Produits Ménagers Coronet Inc. c. Coronet-Werke Heinrich Schlerf GmbH (1986), 10 C.P.R. (3d) 482 (C.F. 1re inst.), à la page 492.           

  

FAIT À GATINEAU (QUÉBEC), LE 17 FÉVRIER 2009.

 

David J. Martin,

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

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