Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

Référence : 2016 COMC 15

Date de la décision : 2016-01-27

[TRADUCTION CERTIFIÉE,
NON RÉVISÉE]

DANS L'AFFAIRE DE L'OPPOSITION

 

 

Imperial Tobacco Products Limited

Opposante

et

 

Philip Morris Brands Sarl

Requérante

 

 

 



 

Demande no 1538723 pour la marque de commerce ICEBALL

 

Demande

Aperçu

[1]               Les parties à la présente procédure ne sont pas des étrangères. Elles sont des concurrentes directes sur le marché canadien des cigarettes.

[2]               La Requérante a produit une demande d'enregistrement pour la marque de commerce ICEBALL fondée sur l'emploi projeté au Canada en liaison avec du tabac brut ou fabriqué, des produits du tabac et des articles pour fumeurs.

[3]               L'Opposante est propriétaire d'un certain nombre d'enregistrements de marque de commerce au Canada, dont les marques de commerce ICE, KOOL et FROST (et leurs équivalents en langue française), lesquelles ont chacune été employées antérieurement en liaison avec des produits du tabac. La principale question de fond à trancher dans la présente procédure est celle de savoir s'il existe une probabilité raisonnable de confusion entre la marque ICEBALL de la Requérante et une ou plusieurs des marques déposées de l'Opposante.

[4]               Pour les raisons exposées ci-après, je conclus que cette demande d'enregistrement doit être repoussée.

Le dossier

[5]               La demande relative à la Marque vise les produits suivants :

[Traduction]
Tabac, brut ou fabriqué; produits du tabac, nommément cigares, cigarettes, cigarillos, tabac à rouler, tabac à pipe, tabac à chiquer, tabac à priser, kretek; snus; substituts de tabac (à usage autre que médical); articles pour fumeurs, nommément papier et tubes à cigarettes, filtres à cigarettes, boîtes à tabac, étuis à cigarettes et cendriers, pipes, rouleuses de cigarettes de poche, briquets; allumettes.

[6]               La demande relative à la Marque a été annoncée aux fins d'opposition dans le Journal des marques de commerce du 2 mai 2012 et, le 28 juin 2012, une opposition a été engagée par l'Opposante en vertu de l'article 38 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, ch T-13 (la Loi). L'Opposante a soulevé des motifs d'opposition fondés sur les articles 2 (absence de caractère distinctif), 12 (non-enregistrabilité), 16 (absence de droit à l'enregistrement) et 30 (non-conformité) de la Loi.

[7]               Le 6 septembre 2012, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie chacune des allégations énoncées dans la déclaration d'opposition.

[8]               Le 21 décembre 2012, l'Opposante a demandé la permission de produire une déclaration d'opposition modifiée et l'a obtenue le 27 février 2013.

[9]               Comme preuve au soutien de son opposition, l'Opposante a produit l'affidavit de Richard Fraser et des copies certifiées des enregistrements canadiens de marques de commerce énumérés ci-dessous appartenant à l'Opposante (lesquelles marques de commerce sont appelées collectivement le groupe de marques ICE/KOOL/FROST); les produits visés par ces enregistrements sont énoncés à l'Annexe A.

LMC755400 pour la marque de commerce ICE

LMC721602 pour la marque de commerce GLACÉ

LMC595388 pour la marque de commerce FROST

LMC595445 pour la marque de commerce GIVRÉ

LMC743842 pour la marque de commerce GIVRÉE

LCD1349 pour la marque de commerce KOOL

LMC592134 pour la marque de commerce KOOL FROST

LMC592358 pour la marque de commerce KOOL FROST & Dessin

LMC592133 pour la marque de commerce KOOL GIVRÉ

LMC591545 pour la marque de commerce KOOL GIVRÉ & Dessin

[10]           M. Fraser a été contre-interrogé. La transcription de son contre-interrogatoire ainsi que ses réponses aux engagements font partie du dossier.

[11]           Comme preuve au soutien de sa demande, la Requérante a produit les affidavits de Nicole Zeit, de Zdena Nagyova et de Mary P. Noonan. Aucune des déposantes n'a été contre-interrogée.

[12]           Les parties ont toutes deux produit un plaidoyer écrit. Une audience a été tenue et les parties y étaient toutes deux présentes.

Question préliminaire - octroi de licences

[13]           À titre préliminaire, j'examinerai la question de savoir si l'emploi de chacune des marques de l'Opposante au Canada peut être attribué à l'Opposante au titre de l'article 50 de la Loi.

[14]           L'emploi d'une marque de commerce par des tiers est réputé être celui du propriétaire inscrit de la marque de commerce seulement lorsque les exigences de l'article 50 de la Loi sont satisfaites. Les articles 50(1) et (2) sont reproduits ci-dessous :

50. (1) Pour l'application de la présente loi, si une licence d'emploi d'une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l'emploi, la publicité ou l'exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial - ou partie de ceux-ci - ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s'il s'agissait de ceux du propriétaire.

(2) Pour l'application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l'identité du propriétaire et au fait que l'emploi d'une marque de commerce fait l'objet d'une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l'objet d'une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire.

[15]           Je résumerai maintenant la preuve du déposant de l'Opposante, M. Fraser. M. Fraser est chef de marque pour la marque du Maurier, qui appartient à l'heure actuelle à la Compagnie du Maurier inc. L'Opposante et la Compagnie du Maurier inc. sont toutes deux des filiales d'Imperial Tobacco Canada Limited (ITCan), la plus grande société de tabac au Canada comptant plus de 500 employés dans tout le Canada (affidavit de M. Fraser, para 5). Avant d'occuper son poste actuel, M. Fraser a occupé un éventail de postes liés aux ventes, à la mise en marché, à l'analyse et à la gestion de marques au sein d'ITCan, qui comprenaient la gestion et la surveillance des marques de commerce de l'Opposante.

[16]           Aux termes d'un accord de licence entre l'Opposante et ITCan (l'accord ITCan), ITCan fabrique ou a fabriqué, mis en marché et vendu au Canada, pour elle, des cigarettes dans un emballage arborant les marques ICE et GLACÉ depuis 2008 (affidavit de M. Fraser, para 7). Le produit est vendu partout au Canada dans un emballage bilingue dont un côté est en anglais et arbore la marque ICE et l'autre côté est en français et arbore la marque GLACÉ (affidavit de M. Fraser, pièce B). Les cigarettes ICE et GLACÉ sont vendues au Canada par ITCan aux détaillants de cigarettes, par l'intermédiaire de la distributrice et filiale Imperial Tobacco Company Limited (ITCo) d'ITCan, qui vend à son tour les cigarettes aux adultes fumeurs (affidavit de M. Fraser, para 7 et para 8). Des photographies de tous les côtés du spécimen d'emballage des cigarettes ICE et GLACÉ, qui est un spécimen représentatif de ceux qui sont employés au Canada depuis 2009, sont jointes comme pièce B à l'affidavit de M. Fraser.

[17]           M. Fraser explique au paragraphe 6 de son affidavit que l'Opposante exerce, aux termes de l'accord ITCan, un contrôle direct et indirect sur les caractéristiques et la qualité des produits du tabac vendus sous licence par ITCan. Plus précisément, la licence comporte des conditions qui obligent ITCan à fabriquer et à emballer les produits vendus sous les marques de commerce de l'Opposante en conformité stricte avec les spécifications et les normes établies par l'Opposante, à soumettre les matières employées dans la fabrication des produits pertinents à l'Opposante aux fins d'approbation, à soumettre des échantillons de produit final à l'Opposante aux fins d'approbation et à rendre ses installations en tout temps disponibles aux fins d'inspection par l'Opposante (affidavit de M. Fraser, para 6). La licence confère aussi à ITCan le droit d'octroyer à des tiers des sous-licences à l'égard de ses droits.

[18]           Un résumé des ventes des cigarettes ICE/GLACÉ fourni par M. Fraser au paragraphe 9 de son affidavit est présenté ci-dessous :

ICE/GLACÉ

ANNÉE

VOLUME

VENTES

2008 à 2010

79 600 cigarettes

9 970 $

2011 à novembre 2012

39 800 cigarettes

3 930 $

[19]           ITCan continue de vendre les cigarettes ICE/GLACÉ aux détaillants de cigarettes par l'intermédiaire de sa distributrice au Canada. Des copies de spécimens de factures se rapportant à des ventes des produits ICE et GLACÉ à des détaillants de cigarettes au Canada, qui sont représentatives de celles qui sont émises depuis 2008, forment la pièce C. M. Fraser explique que les produits sont désignés comme ICE sur les factures adressées aux détaillants au Canada (à l'exception de la province du Québec) et comme GLACÉ sur les factures adressées aux détaillants de la province du Québec.

[20]           En ce qui concerne les marques KOOL, FROST et GIVRÉ, M. Fraser affirme que les cigarettes KOOL sont vendues au Canada depuis des décennies et que les cigarettes FROST et GIVRÉ sont vendues au Canada sous la marque KOOL (en tant que KOOL FROST/GIVRÉ) depuis au moins 2002, aux termes de l'accord ITCan (affidavit de M. Fraser, para 11). Il explique que le produit FROST et GIVRÉ est vendu partout au Canada dans un emballage bilingue dont un côté est en anglais et arbore la marque FROST et l'autre côté est en français et arbore la marque GIVRÉ. Des photographies de tous les côtés des spécimens d'emballage des cigarettes KOOL, KOOL FROST/GIVRÉ, qui sont des exemples représentatifs de ceux qui sont employés de manière continue au Canada depuis 2002, sont jointes à son affidavit comme pièce D.

[21]           Un résumé des ventes des cigarettes KOOL FROST/GIVRÉ fourni par M. Fraser au paragraphe 13 de son affidavit est présenté ci-dessous :

KOOL FROST/GIVRÉ

Année

Volume

Ventes

2002 et 2010

69 millions de cigarettes

11,5 millions de dollars

2011 à décembre 2012

42 000 cigarettes

4 000 $

[22]           Au paragraphe 14 de son affidavit, M. Fraser affirme que les marques FROST et GIVRÉE sont employées au Canada en conjugaison avec la marque CAMEO (en tant que CAMEO FROST et CAMEO GIVRÉE) depuis au moins 2007. En vertu d'un accord de licence entre l'Opposante et Cameo Inc. (l'accord Cameo), Cameo Inc. est autorisée à employer sous licence les marques de commerce FROST et GIVRÉE de l'Opposante en liaison avec la fabrication et la vente de produits du tabac. M. Fraser affirme que, de manière analogue à l'accord ITCan, l'Opposante exerce, aux termes de l'accord Cameo, un contrôle direct et indirect sur les caractéristiques et la qualité des produits du tabac fabriqués et vendus sous licence par Cameo Inc. (affidavit de M. Fraser, para 14). Plus précisément, la licence comporte des conditions qui obligent Cameo Inc. à fabriquer et à emballer les produits vendus sous les marques de commerce de l'Opposante en conformité stricte avec les spécifications et les normes établies par l'Opposante, à soumettre les matières employées dans la fabrication des produits pertinents à l'Opposante aux fins d'approbation, à soumettre des échantillons de produit final à l'Opposante aux fins d'approbation et à rendre ses installations en tout temps disponibles aux fins d'inspection par l'Opposante (affidavit de M. Fraser, para 14).

[23]           M. Fraser explique que les produits CAMEO FROST/GIVRÉE sont vendus aux détaillants de cigarettes au Canada dans un emballage bilingue dont un côté est en anglais et arbore la marque FROST et l'autre côté est en français et arbore la marque GIVRÉE. Des photographies de tous les côtés d'un spécimen d'emballage des cigarettes CAMEO FROST/GIVRÉE, qui est un exemple représentatif de ceux qui ont été employés de manière continue au Canada de 2007 à 2011, sont jointes comme pièce G à son affidavit (affidavit de M. Fraser, para 15).

[24]           Un résumé des ventes des cigarettes CAMEO FROST/GIVRÉE fourni par M. Fraser au paragraphe 16 de son affidavit est présenté ci-dessous :

CAMEO FROST/ GIVRÉE

ANNÉE

VOLUME

VENTES

2007 à 2010

120 millions de cigarettes

28 millions de dollars

2011

12 millions de cigarettes

2,9 millions de dollars

 

[25]           En contre-interrogatoire, M. Fraser a expliqué que, tant aux termes de l'accord ITCan et que de l'accord Cameo, le contrôle sur les caractéristiques et la qualité des marques se manifeste et est exercé par l'entremise de Christophe Blättler, le président de l'Opposante, qui est aussi le vice-président d'ITCan et le président de Cameo Inc. (Q 166 à 169; Q 293 à 295; et p 83, lignes 3 à 6). M. Blättler est considéré comme le [Traduction] « gardien ultime » des marques de commerce et la seule personne qui assume la fonction d'exercer un contrôle sur la fabrication et la vente des produits du tabac. Il fait respecter les spécifications et les normes énoncées dans les accords de licence [Q 168-170].

[26]           En réponse aux questions prises en délibéré, M. Fraser a produit des copies de l'accord ITCan et de l'accord Cameo. Je souligne que l'accord ITCan se rapporte uniquement à l'octroi de licences d'emploi de la marque nominale KOOL et d'une marque de commerce figurative KOOL (qui n'est pas invoquée par l'Opposante dans la présente procédure d'opposition) et que l'accord Cameo se rapporte uniquement aux marques de commerce FROST et GIVRÉE. Ni l'un ni l'autre des accords de licence ne mentionne les marques de commerce ICE, GLACÉ, GIVRÉ, KOOL FROST ou KOOL GIVRÉ.

[27]           La Requérante soutient que la preuve de l'Opposante concernant l'octroi de licences d'emploi à l'égard de son groupe de marques ICE/KOOL/FROST est incohérente et contradictoire. À cet égard, la Requérante souligne ce qui suit :

         M. Fraser a affirmé dans son affidavit que les utilisateurs du groupe de marques de commerce ICE/KOOL/FROST ont été autorisés par l'Opposante à employer sous licence l'ensemble des marques du groupe [Traduction] « aux termes d'un accord de licence entre l'Opposante et ITCan » ou « entre l'Opposante et Cameo Inc. » (para 6 et para 14);

         En contre-interrogatoire, cependant, M. Fraser a admis qu'il n'avait pas confirmé que toutes les marques énumérées dans son affidavit étaient, dans les faits, visées par l'accord ITCan (contre-interrogatoire de M. Fraser, Q 146-156);

         L'accord ITCan qui a été produit mentionne uniquement la marque nominale KOOL et la marque figurative KOOL et non les marques ICE ou GLACÉ;

         L'accord Cameo mentionne uniquement les marques FROST et GIVRÉE; et

         Aucune des photographies d'emballages de cigarettes fournies par M. Fraser qui présentent l'une ou l'autre des marques du groupe de marques de commerce ICE/KOOL/FROST ne comporte d'avis public indiquant que l'emploi par ITCan est un emploi sous licence.

[28]           L'Opposante soutient qu'un accord de licence n'a pas à être passé par écrit et que toute marque non visée par les accords de licence écrits est visée par un accord de licence verbal ou implicite entre l'Opposante et ITCan ou entre l'Opposante et Cameo Inc. À cet égard, l'Opposante soutient que les exigences de l'article 50 peuvent être satisfaites si le président ou le directeur d'une société propriétaire est également le président ou le directeur de l'utilisateur de la marque de commerce [voir Petro-Canada c 2946661 Canada Inc (1998), 83 CPR (3d) 129 (CF 1re inst) et Automobility Distribution Inc c Jiangsu Electronics Industries Ltd (2005), 43 CPR (4th) 157 (COMC)]. En l'espèce, la preuve dans son ensemble montre que le contrôle exercé en vertu des deux accords de licence se manifeste par l'entremise de Christophe Blättler, qui est le président de l'Opposante, le président de Cameo Inc. et le vice-président d'ITCan. L'Opposante fait en conséquence valoir qu'on peut déduire de la preuve que l'Opposante exerce le contrôle requis sur les caractéristiques et la qualité des produits vendus en liaison avec chacune de ses marques.

[29]           À mon avis, il ne s'agit pas d'une affaire dans laquelle je peux déduire que l'Opposante exerce le contrôle requis sur les caractéristiques ou la qualité des produits fabriqués ou vendus sous toutes ses marques. Bien que M. Fraser ait affirmé dans son affidavit que l'Opposante exerçait le contrôle requis sur les caractéristiques ou la qualité des produits vendus en liaison avec ses marques de commerce, la preuve de M. Fraser a été mise à l'épreuve en contre-interrogatoire et des lacunes dans son témoignage ont été révélées. Outre le fait qu'il a admis qu'il n'avait pas confirmé que toutes les marques énumérées dans son affidavit étaient, dans les faits, visées par l'accord ITCan ou l'accord Cameo, les copies des deux accords de licence produites en réponse aux engagements étaient très claires. L'accord Cameo visait les demandes relatives aux marques FROST et GIVRÉE, et la définition de « marque de commerce » donnée dans cet accord comprenait [Traduction] « toute autre demande et/ou enregistrement de marque de commerce se rapportant à ces marques ». Cependant, la définition de « marque de commerce » donnée dans l'accord ITCan se limitait aux demandes et aux enregistrements énumérés à l'Annexe 1 de l'accord, qui comprenait seulement la marque déposée KOOL de l'Opposante et son ancienne marque KOOL et Dessin (qui, comme je l'ai déjà souligné, n'est pas invoquée par l'Opposante dans la présente procédure).

[30]           Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincue que l'emploi établi des marques déposées KOOL, FROST et GIVRÉE de l'Opposante peut être attribué à l'Opposante, mais je ne suis pas convaincue que l'emploi des marques ICE, GLACÉ, GIVRÉ, KOOL FROST ou KOOL GIVRÉ par ITCan peut être attribué à l'Opposante aux termes de l'article 50(1) de la Loi. Cette conclusion aura une incidence sur mes conclusions concernant le caractère distinctif que certaines des marques de l'Opposante ont acquis entre les mains de l'Opposante, ainsi que la question de savoir si l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve à l'égard de certaines marques pour certains motifs d'opposition, qui seront examinés ci-dessous.

Dates pertinentes et fardeau de preuve

[31]           C'est à la Requérante qu'incombe le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa demande est conforme aux exigences de la Loi. L'Opposante doit pour sa part s'acquitter du fardeau initial de produire une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l'existence des faits allégués à l'appui de chacun des motifs d'opposition [voir John Labatt Ltd c Molson Companies Ltd (1990), 30 CPR (3d) 293 (CF 1re inst), p 298; et Dion Neckwear Ltd c Christian Dior, SA (2002), 20 CPR (4th) 155 (CAF)].

[32]           Les dates pertinentes qui s'appliquent aux motifs d'opposition sont les suivantes :

         Article 38(2)a)/article 30 – la date de production de la demande [voir Georgia-Pacific Corp c Scott Paper Ltd (1984), 3 CPR (3d) 469 (COMC), p 475];

         Article 38(2)b)/article 12(1)d) – la date de ma décision [voir Park Avenue Furniture Corporation c Wickes/Simmons Bedding Ltd et le Registraire des marques de commerce (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF)];

         Article 38(2)c)/article 16(3)a) – la date de production de la demande de la Requérante; et

         Article 38(2)d)/absence de caractère distinctif – la date de production de la déclaration d'opposition [voir Metro-Goldwyn-Mayer Inc c Stargate Connections Inc (2004), 34 CPR (4th) 317 (CF)].

Motifs d'opposition rejetés sommairement

Non-conformité – article 30i)

[33]           L'Opposante allègue que la Requérante ne pouvait pas être convaincue qu'elle avait droit d'employer la Marque au Canada, parce que la Requérante savait que l'Opposante avait antérieurement employé et fait enregistrer au Canada les marques de commerce ICE/GLACÉ et KOOL/FROST/GIVRÉ.

[34]           L'article 30i) de la Loi exige simplement que tout requérant se déclare convaincu, dans sa demande, d'avoir droit à l'enregistrement de sa marque de commerce. Lorsque le requérant a fourni la déclaration exigée, un motif d'opposition fondé sur l'article 30i) ne devrait être accueilli que dans des cas exceptionnels, comme lorsqu'il existe une preuve que le requérant est de mauvaise foi [voir Sapodilla Co Ltd c Bristol-Myers Co (1974), 15 CPR (2d) 152 (COMC), p 155]. La simple connaissance de l'existence de la marque de commerce d'un opposant ne peut pas en soi servir de fondement à une allégation selon laquelle un requérant ne pouvait pas être convaincu de son droit d'employer la marque [voir Woot, Inc c WootRestaruants Inc Les Restaurants Woot Inc 2012 COMC 197 (CanLII)].

[35]           En l'espèce, la Requérante a fourni la déclaration exigée, et il ne s'agit pas d'un cas exceptionnel. En conséquence, ce motif d'opposition est rejeté.

Non-conformité – article 30e)

[36]           L'Opposante allègue que la demande n'est pas conforme aux exigences de l'article 30e) de la Loi, du fait que la Requérante n'avait pas l'intention d'employer la Marque en liaison avec les produits visés par la demande pour les raisons suivantes :

         elle n'avait pas l'intention d'employer la Marque en liaison avec tous les produits décrits dans la demande au Canada;

         elle n'avait pas l'intention d'employer la Marque en soi en liaison avec tous les produits décrits dans la demande au Canada; et/ou

         elle n'avait pas l'intention de lier la Marque à tous les produits décrits dans la demande d'une manière qui constituerait un emploi aux termes de l'article 4 de la Loi.

[37]           L'Opposante n'a pas produit la moindre preuve ni présenté la moindre observation à l'appui de ce motif d'opposition. Le motif d'opposition fondé sur l'article 30e) peut donc être rejeté sommairement, car l'Opposante ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de ce motif.

Motifs d'opposition restants

[38]           La cause de l'Opposante en ce qui concerne la confusion est plus solide eu égard au motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d), parce que la date pertinente plus tardive qui s'applique à ce motif fait en sorte que toute la preuve de l'Opposante relative à sa notoriété peut être considérée.

Non-enregistrabilité – article 12(1)d)

[39]           L'Opposante allègue que la Marque n'est pas enregistrable suivant l'article 12(1)d) de la Loi, parce qu'elle crée de la confusion avec une ou plusieurs des marques de commerce déposées de l'Opposante.

[40]           L'Opposante a produit des copies de ses enregistrements dans le cadre de sa preuve; j'ai exercé mon pouvoir discrétionnaire de consulter le registre et je confirme qu'ils existent [Quaker Oats Co of Canada c Menu Foods Ltd (1986), 11 CPR (3d) 410 (COMC)]. L'Opposante s'est donc acquittée du fardeau de preuve initial qui lui incombait à l'égard de ce motif. Comme l'Opposante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait, la Requérante doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a pas de probabilité raisonnable de confusion entre la Marque et une ou plusieurs des marques de commerce déposées de l'Opposante.

Test en matière de confusion

[41]           Le test en matière de confusion est celui de la première impression et du souvenir imparfait. L'article 6(2) de la Loi porte que l'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

[42]           Lorsqu'il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles expressément énoncées à l'article 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de produits, services ou entreprises; d) la nature du commerce; et e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent. Le poids qu'il convient d'accorder à chacun de ces facteurs n'est pas nécessairement le même [Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th) 321 (CSC) et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC)].

Article 6(5)a) – le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues

[43]           Bien que chacune des marques du groupe de marques ICE/KOOL/FROST de l'Opposante possède un certain caractère distinctif inhérent, j'estime qu'aucune d'entre elles ne possède un caractère distinctif inhérent particulièrement fort, car elles ont toutes une connotation assez suggestive. M. Fraser a admis en contre-interrogatoire que tous les produits arborant une des marques du groupe de marques de commerce ICE/KOOL/FROST sont des cigarettes mentholées usinées et que les cigarettes mentholées ont un profil gustatif différent comparativement aux cigarettes non mentholées (Q 125 et Q 129-130). Comme le montre la preuve de la Requérante, le mot « menthol » est défini dans le New Shorter Oxford English Dictionary comme un alcool cristallin optiquement actif ayant l'odeur et les propriétés rafraîchissantes de la menthe poivrée (affidavit de Mme Nagyova, pièce B). Les marques de l'Opposante évoquent par conséquent au moins dans une certaine mesure une particularité ou une caractéristique rafraîchissantes des cigarettes mentholées auxquelles elles sont liées.

[44]           Bien que la Marque comprenne aussi des éléments qui sont des mots du dictionnaire d'usage courant, soit ICE (glacé) et BALL (balle), rien dans la preuve ne donne à penser que, lorsqu'ils sont employés ensemble, ces mots ont une certaine signification par rapport aux produits auxquels ils sont liés. Ces mots semblent plutôt former un mot inventé qui n'a pas de signification claire ou évidente par rapport à la nature ou à une caractéristique ou une particularité des produits de la Requérante auxquels ils sont liés. J'estime par conséquent que la Marque possède un caractère distinctif inhérent légèrement plus marqué que chacune des marques de l'Opposante.

[45]           En ce qui concerne le caractère distinctif acquis des marques des parties, la preuve de l'Opposante démontre que plusieurs de ses marques sont devenues connues au Canada. À cet égard, la preuve qu'a produite l'Opposante en ce qui concerne l'emploi de ses marques peut être résumée comme suit :

         de 2008 à novembre 2012, ITCan a vendu plus de 119 400 cigarettes ICE/GLACÉ à des détaillants au Canada, ce qui représente des ventes d'environ 13 800 $ (CAN);

         entre 2002 et 2010, plus de 248 millions de cigarettes KOOL ont été vendues au Canada, ce qui représente des ventes d'environ 42 millions de dollars (canadiens);

         entre 2002 et 2010, plus de 69 millions de cigarettes KOOL FROST/KOOL GIVRÉ ont été vendues au Canada, ce qui représente des ventes d'environ 11,5 millions de dollars (canadiens);

         de 2011 au 9 décembre 2012, environ 42 000 cigarettes KOOL FROST/KOOL GIVRÉ ont été vendues au Canada, ce qui représente des ventes estimées à environ 4 000 $ (CAN);

         entre 2007 et 2010, plus de 120 millions de cigarettes CAMEO FROST/GIVRÉE ont été vendues au Canada, ce qui représente des ventes estimées à environ 28 millions de dollars (canadiens);

         en 2011, environ 12 millions de cigarettes CAMEO FROST/GIVRÉE ont été vendues au Canada, ce qui représente des ventes d'environ 2,9 millions de dollars.

[46]           À la lumière de la preuve de l'Opposante, je suis convaincue que ses cigarettes KOOL et FROST/GIVRÉE vendues sous la marque CAMEO sont devenues connues dans une mesure significative au Canada en raison de l'emploi fait par l'Opposante. On ne peut cependant pas en dire autant en ce qui concerne les cigarettes ICE, GLACÉ, FROST, GIVRÉ, KOOL FROST et KOOL GIVRÉ de l'Opposante, parce que je ne suis pas en mesure de déterminer la mesure dans laquelle ces marques sont devenues connues au Canada entre les mains de l'actuelle Opposante. Même si je pouvais tenir compte des ventes faites par l'Opposante de ces marques précises, je ne considérerais pas que les ventes des cigarettes ICE et GLACÉ sont suffisantes pour démontrer que ces marques précises étaient devenues connues dans une mesure notable au Canada.

[47]           La Marque de la Requérante, en revanche, est fondée sur l'emploi projeté au Canada et la Requérante n'a fourni aucune preuve d'emploi ou de révélation de sa Marque au Canada depuis qu'elle a produit sa demande. En conséquence, je ne peux conclure que la Marque est devenue connue dans une quelconque mesure au Canada.

[48]           Compte tenu de ce qui précède, j'estime que ce facteur, qui concerne à la fois le caractère distinctif inhérent des marques et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues, favorise l'Opposante en ce qui a trait à ses cigarettes KOOL, FROST et GIVRÉE. Cependant, lorsque je considère les marques ICE, GLACÉ, FROST, GIVRÉ, KOOL FROST ou KOOL GIVRÉ de l'Opposante, j'estime que ce facteur ne favorise ni l'une ni l'autre des parties.

Article 6(5)b) – la période pendant laquelle chaque marque a été en usage

[49]           À la lumière de la preuve de l'Opposante résumée ci-dessus, et étant donné que la Requérante n'a produit aucune preuve indiquant que sa Marque a été employée au Canada, j'estime que ce facteur favorise l'Opposante en ce qui a trait à ses marques KOOL, FROST et GIVRÉE. Cependant, lorsque je considère les marques ICE, GLACÉ, FROST, GIVRÉ, KOOL FROST et KOOL GIVRÉ de l'Opposante, j'estime que ce facteur ne favorise ni l'une ni l'autre des parties.

Articles 6(5)c) et d) – le genre de produits, services ou entreprises; la nature du commerce

[50]           S'agissant des facteurs énoncés aux articles 6(5)c) et d) de la Loi, l'appréciation de la probabilité de confusion aux termes de l'article 12(1)d) de la Loi repose sur la comparaison de l'état déclaratif des produits qui figure dans la demande relative à la Marque avec l'état déclaratif des produits qui figure dans les enregistrements de l'Opposante [Henkel Kommanditgesellschaft auf Aktien c Super Dragon Import Export Inc (1986), 12 CPR (3d) 110 (CAF) et Mr Submarine Ltd c Amandista Investments Ltd (1987), 19 CPR (3d) 3 (CAF)].

[51]           Il y a un recoupement clair entre les produits de la Requérante et ceux qui sont visés par les enregistrements de l'Opposante. La Requérante et l'Opposante sont des concurrentes directes sur le marché canadien des cigarettes. La nature de leur commerce et leurs voies de commercialisation respectives sont donc identiques.

Article 6(5)e) – le degré de ressemblance entre les marques de commerce

[52]           Dans Masterpiece, précité, la Cour suprême du Canada a indiqué que le degré de ressemblance entre les marques est souvent le facteur susceptible d'avoir le plus d'importance dans l'analyse relative à la confusion [voir aussi Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstery Ltd (1980), 47 CPR (2d) 145 (CF 1re inst), p 149, confirmée par 60 CPR (2d) 70]. Bien que la Cour suprême ait fait observer que le premier mot d'une marque de commerce est souvent le plus important aux fins du caractère distinctif [voir Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst)], elle s'est dite d'avis qu'il est préférable, lorsqu'il s'agit de comparer des marques, de se demander d'abord si les marques de commerce comportent un aspect particulièrement frappant ou unique.

[53]           Pour évaluer si un aspect d'une marque est particulièrement frappant ou unique, il me paraît approprié de considérer encore une fois le caractère distinctif inhérent des éléments constitutifs des marques. Parmi toutes les marques invoquées par l'Opposante, je commencerai cette partie de mon analyse en examinant la marque ICE de l'Opposante, car j'estime que cette marque ressemble plus à la Marque dans la présentation et le son que toute autre marque de l'Opposante.

[54]           Comme je l'ai déjà souligné, la Marque est formée d'éléments qui sont des mots du dictionnaire d'usage courant. Lorsqu'ils sont employés ensemble, les mots forment un terme inventé qui possède un certain caractère distinctif inhérent, parce qu'il n'a pas de signification claire ou évidente par rapport aux produits auxquels il est lié. Bien que j'estime qu'aucun des aspects de la Marque de la Requérante n'est particulièrement frappant ou unique en soi, je considère cependant que la première partie de la Marque, à savoir le mot ICE (glacé), est la plus importante pour apprécier la probabilité de confusion.

[55]           En ce qui a trait à la marque ICE de l'Opposante, il clair que son unique élément, le mot ICE (glacé), est obligatoirement son élément dominant, même s'il ne possède pas un caractère distinctif inhérent très marqué. À cet égard, comme je l'ai déjà souligné, la marque ICE de l'Opposante évoque dans une certaine mesure une particularité ou une caractéristique rafraîchissantes des cigarettes de l'Opposante.

[56]           Je conclus que, bien qu'il y ait des différences entre les marques des parties dans la présentation, dans le son et dans les idées qu'elles suggèrent, il existe tout de même une ressemblance considérable entre les marques dans leur ensemble.

[57]           En ce qui concerne les autres marques déposées de l'Opposante (c.-à-d. GLACÉ, FROST, KOOL, GIVRÉ, GIVRÉE, KOOL FROST et KOOL GIVRÉ), je ne vois pas de grande ressemblance entre ces marques et la Marque de la Requérante dans la présentation, le son et les idées qu'elles suggèrent.

Autres circonstances de l'espèce

Preuve de l'état du registre et de l'état du marché

[58]           Comme autre circonstance de l'espèce, la Requérante a fait valoir que le mot ICE (glacé) est un mot courant de tous les jours qui est abondamment employé comme marque de commerce à l'égard de nombreux produits de consommation pour désigner une saveur ou une sensation souvent liée aux produits mentholés ou aromatisés ou parfumés à la menthe poivrée. Pour corroborer cette allégation, la Requérante invoque la preuve de l'état du registre de Mme Noonan et la preuve de l'état du marché de Mme Zeit.

[59]           Mme Noonan est une recherchiste en marques de commerce à l'emploi des agents de la Requérante. Elle a effectué une recherche dans le registre des marques de commerce canadiennes pour repérer des enregistrements comportant le mot ICE dans diverses catégories. Son affidavit a été produit pour démontrer que ICE est un élément courant de diverses marques de commerce qui coexistent à l'heure actuelle dans le registre en lien avec un large éventail de produits de consommation. Les types d'enregistrements repérés par Mme Noonan comprennent les suivants :

         10 enregistrements dans la catégorie 3 visant des « produits de nettoyage et produits de toilette »;

         11 enregistrements dans la catégorie 5 visant des « produits pharmaceutiques et autres préparations à usage médical ou vétérinaire »;

         27 enregistrements dans la catégorie 30 visant des « denrées alimentaires d'origine végétale préparées pour la consommation ou la conservation, ainsi que les adjuvants destinés à l'amélioration du goût des aliments »;

         70 enregistrements dans la catégorie 32 visant des « boissons sans alcool, ainsi que les bières »; et

         54 enregistrements dans la catégorie 33 visant des « boissons alcoolisées (à l'exception des bières) ».

[60]           La Requérante souligne que plus de 70 de ces enregistrements comportent le terme ICE en première position. La position de la Requérante est que le mot ICE employé comme élément d'une marque de commerce est couramment adopté et est de toute évidence employé pour évoquer directement ou implicitement une particularité, un trait ou une caractéristique des produits auxquels il est lié.

[61]           Si la preuve de l'état du registre peut être utile pour montrer le caractère commun ou le caractère distinctif d'une marque de commerce ou d'une partie d'une marque par rapport à l'ensemble du registre, elle n'est pertinente que dans la mesure où elle permet de tirer des conclusions quant à l'état du marché, et de telles conclusions ne peuvent être tirées que si un nombre significatif d'enregistrements pertinents est repéré [Ports International Ltd c Dunlop Ltd (1992), 41 CPR (3d) 432 (COMC); Welch Foods Inc c Del Monte Corp (1992), 44 CPR (3d) 205 (CF 1re inst); et Maximum Nutrition Ltd c Kellogg Salada Canada Inc (1992), 43 CPR (3d) 349 (CAF)]. La Requérante en l'espèce a repéré un nombre relativement grand de marques de commerce dans le registre. Cependant, on peut s'interroger sur la pertinence de bon nombre d'entre elles, parce qu'elles ne sont pas enregistrées en liaison avec des produits semblables à ceux des parties en l'espèce.

[62]           Mme Zeit, une stagiaire en droit à l'emploi des agents de la Requérante, s'est rendue dans des magasins Shoppers Drug Mart et Rexall Pharma Plus de Toronto, en Ontario, en octobre 2013 ou aux environs de cette date, pour repérer et acheter des produits au menthol dont l'emballage employait les mots ICE (glacé) ou COOL (froid) ou des variantes de ces mots. Elle a aussi acheté des produits dont le menthol était un ingrédient et dont l'emballage ou l'étiquetage présentait les mots ICE, ICY, KOOL ou COOL. Les types de produits mentholés achetés par Mme Zeit comprennent un gel analgésique pour soulager la douleur, une lotion après rasage, un nettoyant pour la peau et de la gomme. Des photographies des produits achetés, de même que des photographies de leur emballage et de leur étiquetage, sont jointes à son affidavit comme pièces NZ-1 à NZ-23.

[63]           La Requérante souligne que le mot ICE ou ICY (glacé) est employé sur ces produits pour décrire la caractéristique rafraîchissante ou odorante liée aux produits de consommation mentholés. Cependant, parmi tous les produits repérés par Mme Zeit, seulement un de ces produits se rapporte à un produit lié aux produits du tabac (c.-à-d. la gomme Nicorette menthe fraîche).

[64]           J'estime que la preuve de la Requérante démontre que le mot ICE (glacé) est abondamment employé comme marque de commerce à l'égard de nombreux produits de consommation pour désigner une saveur ou une sensation rafraîchissantes souvent liées aux produits mentholés ou aromatisés ou parfumés à la menthe poivrée. Cela n'a rien d'étonnant lorsque l'on considère à quel point le mot ICE évoque les caractéristiques des produits repérés par Mme Zeit. J'estime que la preuve n'est pas suffisante, cependant, pour me permettre de conclure que l'Opposante ne détenait pas le monopole de l'emploi de l'élément ICE dans le secteur du tabac. Ainsi, j'estime que cette preuve n'est pas utile à la cause de la Requérante.

« Famille » de marques de commerce alléguée de l'Opposante

[65]           Je commencerai par examiner la revendication de l'Opposante quant à l'existence d'une famille de marques.

[66]           L'Opposante soutient qu'un groupe de marques comprenant des éléments communs et appartenant à un propriétaire unique est présumé former une série de marques connexes, ce qui accroît la probabilité de confusion lorsqu'un propriétaire différent cherche à obtenir l'enregistrement d'une autre marque comprenant des éléments communs semblables [Consumers Distributing Co c United Consumers Club Inc (1991), 35 CPR (3d) 259, p 272 (CF 1re inst); McDonald’s Corp c Yogi Yogurt Ltd (1982), 66 CPR (2d) 101, p 112 (CF 1re inst)]. L'Opposante fait valoir qu'elle est propriétaire d'une famille de marques composée ou formée des marques ICE, GLACÉ, FROST, GIVRÉ, GIVRÉE, KOOL FROST et KOOL GIVRÉ, de même que de ses marques figuratives KOOL FROST et KOOL GIVRÉ.

[67]           À la différence des affaires Consumers Distributing ou McDonald’s, cependant, l'Opposante en l'espèce ne revendique pas une famille de marques qui comprennent une caractéristique commune; elle revendique plutôt une famille de marques sur le fondement des idées similaires que suggère chacune de ses marques. Je ne suis par conséquent pas convaincue que les marques déposées de l'Opposante possèdent ce qu'il faut pour former une famille. Même si je l'étais, cependant, étant donné que j'estime que l'idée que suggère la Marque n'est pas la même que les idées suggérées par les marques de l'Opposante, je ne considère pas que l'emploi par l'Opposante de marques qui évoquent chacune une idée similaire en liaison avec les mêmes produits augmente la probabilité de confusion en l'espèce.

Conclusion quant à la probabilité de confusion

[68]           J'ai conclu que la marque ICE de l'Opposante représente la meilleure chance pour l'Opposante d'obtenir gain de cause à l'égard de ce motif. Cela signifie que si la confusion était peu probable avec cette marque, elle serait alors peu probable avec les autres marques déposées de l'Opposante.

[69]           Après examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, j'estime que la prépondérance des probabilités est également partagée entre la conclusion qu'il existe une probabilité de confusion entre la Marque de la Requérante et la marque ICE de l'Opposante et la conclusion qu'il n'existe pas de probabilité de confusion.

[70]           Je reconnais qu'il est difficile pour un commerçant d'exercer un monopole sur des mots faibles comme ICE. En l'espèce, cependant, la Requérante n'a pas établi que ICE est un élément courant pour des produits du tabac sur le marché. La marque ICE de l'Opposante a par conséquent droit à une protection plus que limitée.

[71]           Bien que je reconnaisse que la marque ICE de l'Opposante peut à ce jour ne pas avoir acquis un caractère distinctif au Canada entre les mains de l'Opposante, il y a un recoupement direct entre les produits qui sont liés aux marques de commerce des parties, et rien n'empêcherait la Requérante de cibler les mêmes consommateurs que ceux qui sont ciblés par l'Opposante. Il existe également une certaine ressemblance entre les marques de commerce des parties du fait que la Marque de la Requérante intègre la totalité de la marque de commerce de l'Opposante. Dans ces circonstances, il est raisonnable de conclure qu'un consommateur, à la vue de la Marque employée en liaison avec les produits de la Requérante, serait porté à croire que ces produits proviennent de la même source ou sont d'une manière quelconque liés aux produits de l'Opposante.

[72]           Étant donné que c'est à la Requérante qu'incombait le fardeau ultime de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la Marque ne crée pas de confusion avec la marque de commerce ICE de l'Opposante et qu'elle ne s'est pas acquittée de ce fardeau, le motif d'opposition fondé sur l'article 12(1)d) est accueilli.

Motifs d'opposition fondés sur l'absence de droit à l'enregistrement et l'absence de caractère distinctif

[73]           Les autres motifs d'opposition reposent eux aussi sur la question de la probabilité de confusion entre la Marque et une ou plusieurs des marques du groupe de marques ICE/KOOL/FROST de l'Opposante.

[74]           Compte tenu des lacunes dans la preuve de l'Opposante, cependant, et de la conclusion que l'emploi des marques ICE, GLACÉ, GIVRÉ, KOOL FROST et KOOL GIVRÉ ne peut pas être attribué à l'Opposante au titre de l'article 50, je ne suis pas convaincue que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve initial à l'égard de l'un ou l'autre de ces motifs d'opposition en ce qui concerne ces marques. Ces motifs d'opposition sont par conséquent tous deux rejetés en ce qui concerne ces marques.

[75]           Je suis convaincue, cependant, que l'Opposante s'est acquittée de son fardeau de preuve à l'égard de ces deux motifs d'opposition en ce qui concerne ses marques de commerce KOOL, FROST et GIVREÉ. Pour l'essentiel, les conclusions que j'ai tirées ci-dessus à l'égard du motif fondé sur l'article 12(1)d) peuvent également s'appliquer à ces deux motifs d'opposition à une importante exception près. À cet égard, j'estime que le faible degré de ressemblance dans la présentation et le son entre ces marques et la Marque de la Requérante est suffisant pour faire pencher la prépondérance des probabilités en faveur de la Requérante pour ce qui est de ces deux motifs. Comme je suis convaincue que la Requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu'il n'y a pas de probabilité raisonnable que la Marque crée de la confusion avec les marques de commerce KOOL, FROST ou GIVRÉE de l'Opposante, ces deux motifs sont rejetés en ce qui concerne ces marques.

Décision

[76]           Compte tenu de ce qui précède, dans l'exercice des pouvoirs qui me sont délégués en vertu des dispositions de l'article 63(3) de la Loi, je repousse la demande d'enregistrement conformément aux dispositions de l'article 38(8) de la Loi.

_______________________________

Cindy R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Pierre Hétu, trad.

COMMISSION DES OPPOSITIONS DES MARQUES DE COMMERCE

OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA

COMPARUTIONS ET AGENTS INSCRITS AU DOSSIER

___________________________________________________

 

 

DATE DE L'AUDIENCE : 2015-10-29

 

COMPARUTIONS

 

Jonathan G. Burkinshaw                                                         POUR L'OPPOSANTE

 

James H. Buchan                                                                     POUR LA REQUÉRANTE

 

AGENTS AU DOSSIER

 

Bereskin & Parr                                                                       POUR L'OPPOSANTE

 

Gowlings                                                                                 POUR LA REQUÉRANTE

Annexe A

 

Marques de commerce déposées de l'Opposante

 

Marque de commerce

No d'enregistrement

Produits/services [Traduction]

 

 

 

ICE

LMC755400

Produits du tabac fabriqué

GLACÉ

LMC721602

Produits du tabac fabriqué

FROST

LMC595388

Produits du tabac fabriqué

GIVRÉ

LMC595445

Produits du tabac fabriqué

GIVRÉE

LMC743842

Produits du tabac fabriqué

KOOL

LCD1349

(1) Cigarettes

(2) Produits du tabac fabriqué

KOOL FROST

LMC592134

Produits du tabac fabriqué

KOOL FROST & Dessin

LMC592358

Produits du tabac fabriqué

KOOL GIVRÉ

LMC592133

Produits du tabac fabriqué

KOOL GIVRÉ & Dessin

LMC591545

Produits du tabac fabriqué

 

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