Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION/TRANSLATION

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT L’OPPOSITION de Canadien Pacifique Limitée

et de Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique à la demande no 1015128 produite par Yasmin Products Pty. Limited en vue de l’enregistrement de la marque de commerce C.P.R.

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Le 11 mai 1999, la requérante, Yasmin Products Pty. Limited, a produit une demande d’enregistrement de la marque de commerce C.P.R. basée sur l’emploi projeté de la marque au Canada en liaison avec les marchandises suivantes : « savons, parfumerie, huiles essentielles; cosmétiques, nommément poudriers, maquillage, rouge à lèvres, vernis à ongles, fard à joues, poudre faciale, hydratants pour la peau; lotions capillaires, nommément shampoings, conditionneurs, solutions pour permanentes, produits de défrisage et de mise en plis ».  La demande est également basée sur l’emploi et l’enregistrement de la marque en Australie en liaison avec les marchandises susmentionnées.  La demande a été annoncée, aux fins de toute opposition éventuelle, le 10 janvier 2001.

 

Les opposantes, Canadien Pacifique Limitée (ci-après CPL) et la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (ci-après CPR), ont produit une déclaration d’opposition le 11 juin 2001, dont une copie a été transmise à la requérante le 17 juillet 2001.

 

Selon le premier motif d’opposition, la marque de commerce visée par la demande d’enregistrement n’est pas enregistrable en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13 (ci-après la Loi), parce qu’elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées suivantes :

 

 

Marque de commerce

 

No denregistrement

 

Marchandises

 

CP RAIL IMS & Design

 

TMA 328,210

 

Transport de marchandises par la route et par chemin de fer, entreposage et transport de marchandises par le biais de gares intermodales

 

CP RAIL SYSTEM & Design

 

TMA 436,654

 

Services de transport ferroviaire

 

CP RAIL SYSTEM

 

TMA 436,655

 

Services de transport ferroviaire

 

RESEAU CP RAIL

 

TMA 436,971

 

Services de transport ferroviaire

 

RESEAU CP RAIL & Design

 

TMA 437,396

 

Services de transport ferroviaire

 

CPRS

 

TMA 477,575

 

Services de transport ferroviaire

 

C.P.R.

 

TMA 541,272

 

Transport ferroviaire de personnes et de marchandises

 

C.P.R.

 

TMA 545,145

 

Transport ferroviaire de marchandises

 

 

CPL est également le propriétaire des demandes d’enregistrement suivantes au Canada :

 

 

Marque de commerce

 

No de la demande

 

Marchandises/Services

 

CPR ENTREE

 

836,034

 

Logiciel et exploitation d’une page Web destinés à la fourniture de renseignements concernant le chemin de fer Canadien Pacifique

 

CPR MEX

 

1,046,921

 

Transport ferroviaire de marchandises, exploitation de gares intermodales

 

CPR MEX and Design

 

1,046,922

 

Transport ferroviaire de marchandises, exploitation de gares intermodales

 


Selon les deuxième et troisième motifs d’opposition, la requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement en vertu des paragraphes 16(2) et 16(3) de la Loi, car, à la date du dépôt de la demande par la requérante, la marque visée par la demande d’enregistrement créait de la confusion avec les marques de commerce et les nom commerciaux de CPL susmentionnés, lesquels (à l’exception des objets visés par l’enregistrement TMA 545,145 et par les demandes d’enregistrement 1,046,921 et 1,046,922) avaient été employés antérieurement au Canada par les opposantes et n’avaient pas été abandonnés à la date de l’annonce de la demande d’enregistrement de la requérante.  Selon le quatrième motif, la marque de commerce de la requérante ne distingue pas et n’est pas apte à distinguer les marchandises de la requérante des marchandises et services des opposantes, compte tenu de l’emploi et de la publicité, par les opposantes, de toutes les marques de commerce et tous les noms commerciaux mentionnés ci‑dessus.

 

Le 17 août 2001, la requérante a produit et signifié une contre-déclaration.  À titre d’éléments de preuve, les opposantes ont produit les affidavits de Kelly Miranda et de Carol Lacourte.  La requérante n’a pas produit de preuve.  Les deux parties ont produit un exposé écrit.  Aucune audience n’a été tenue.

 

Preuve des opposantes

 

Je vais résumer ce que je considère être les principaux points de la preuve des opposantes.

 


Mme Lacourte indique qu’elle est gestionnaire principale, Services de renseignements commerciaux/Archives de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, opposante.  Elle explique que CPR a été officiellement constituée, par proclamation royale, le 16 février 1881, et a commencé le transport ferroviaire des passagers et du fret en 1882.  Mme Lacourte indique que, depuis sa constitution en personne morale, la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique est connue par le public sous les deux noms CPR et C.P.R., et que la compagnie a beaucoup employé les marques de commerce et les noms commerciaux dans sa publicité, sur les enseignes, sur les trains, sur ses immeubles et sur les uniformes de ses employés, ainsi que sur diverses marchandises utilisées dans la prestation de ses services, comme les menus, les linges de table, la vaisselle, les bols et les articles de table.

 

Dans les années 1880, le CPR a commencé à construire des hôtels dans les Rocheuses au Canada afin d’offrir de l’hébergement et des repas aux passagers sur sa ligne transcontinentale.   Mme Lacourte continue en indiquant qu’au cours des décennies qui ont suivi, CPR a ouvert ou acquis un grand nombre d’hôtels importants partout au Canada, y compris l’Empress à Victoria, le The Chateau Lake Louise, le Palliser Hotel à Calgary, et le Royal York à Toronto, lesquels hôtels étaient encore tous exploités à la date de son affidavit.  Toutefois, elle n’indique pas si ces hôtels sont toujours, dans les faits, la propriété de l’une ou de l’autre des opposantes.

 


Même si CPR exerce d’autres activités que les services ferroviaires, les services hôteliers et les services de transport maritime, Mme Lacourte déclare qu’au cours des dernières années, CPR s’est départie de ses intérêts dans les hôtels, etc., et se concentre maintenant sur la prestation de services de transport ferroviaire de qualité supérieure de marchandises et, dans une moindre mesure, de services voyageurs, y compris le service voyageur de luxe appelé The Royal Canadian Pacific.  Comme pièce A, Mme Lacourte joint à son affidavit un ensemble d’imprimés tirés du site Web de CPR, lesquels décrivent les activités de CPR.  Dans un des imprimés joints à son affidavit intitulé « La compagnie en bref », il est indiqué que le Chemin de fer Canadien Pacifique est un chemin de fer nord-américain de classe 1, qui assure le transport de marchandises sur un réseau de 14 000 milles de voies au Canada et aux États-Unis.  De plus, sur la page Web intitulée [TRADUCTION] « Ce que nous transportons », il y a une rubrique intitulée [TRADUCTION] « Désolé, nous ne transportons pas de personnes ».

 

Comme pièce B, Mme Lacourte joint à son affidavit un ensemble d’imprimés, en date du 14 novembre 2001, tirés du site Web de CPR qui, selon elle, décrivent le service The Royal Canadian Pacific assuré par CPR.  Sur la page intitulée [TRADUCTION] « Questions et réponses en ce qui concerne le service The Royal Canadian Pacific », je remarque la question et réponse suivante :

 

Q. - Où puis-je acheter un billet de train assurant la liaison entre deux villes sur le réseau de CPR?

R. - CPR offre seulement des voyages ferroviaires organisés de luxe en utilisant des équipements de qualité.  CPR n’offre pas de service ferroviaire voyageur régulier.  Vous pouvez acheter des billets pour une seule personne ou pour deux personnes pour  ces voyages organisés uniques à nos bureaux.  Pour obtenir des billets de train régulier assurant la liaison entre deux villes, veuillez communiquer avec VIA Rail Canada.

                                                                             

 

Comme pièce E, Mme Lacourte joint à son affidavit des photos qui décrivent certaines des marchandises distribuées par CPR.  La pièce E est un ensemble de photos tirées des archives de CPR, qui illustrent des menus, des linges de table, de la vaisselle et d’autres articles de table, et sur lesquels figure la marque de commerce CPR.  Il semble que ces articles ont été utilisés entre 1882 et 1994, mais la majorité d’entre eux sont antérieurs à 1980.

 

Comme pièces F à O, Mme Lacourte joint à son affidavit des détails des enregistrements obtenus et en suspens à ce jour de CPL.

 


Mme Lacourte indique que, depuis 1882, CPR a distribué des articles de toilette aux passagers sur ses trains et sur ses bateaux ainsi qu’aux clients de ses hôtels.  Même si Mme Lacourte indique que la quantité des produits distribués est importante vu le grand nombre de passagers et de clients desservis au cours des 120 dernières années, aucun échantillon de ces articles n’a été produit.  De plus, même si elle affirme que, depuis 1998, CPR vend des articles de tout genre, des souvenirs et des objets de collection CPR par l’entremise du magasin de sa gare 29, par l’entremise d’un service de commandes postales et par Internet, seuls des échantillons de 5 articles portant la marque CPR ont été produits sur l’ensemble des articles énumérés dans le catalogue du magasin de la gare 29.  Ces produits consistaient en des montres, des épinglettes, des castors en peluche, des stylos et des cordons.  Depuis 1998, moins de 4 600 de ces articles ont été vendus.

 

Ensuite, Mme Lacourte indique qu’entre 1971 et 1996, la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique a changé sa dénomination sociale en celle de Canadien Pacifique Limitée.  En 1996, la compagnie est revenue à son ancienne dénomination sociale, à savoir Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique.  En 1998, CPR a cédé bon nombre de ses droits se rapportant à ses marques de commerce et à l’achalandage connexe, y compris ses droits se rapportant aux  marques de commerce CPR et C.P.R., à une nouvelle compagnie, à savoir Canadien Pacifique Limitée (CPL).  En même temps, CPL a concédé, en retour, une licence d’emploi desdites marques de commerce à CPR.  Conformément à la licence, CPL a le contrôle direct et indirect sur les caractéristiques et la qualité des marchandises et services en liaison avec lesquels les marques de commerce sont employées par CPR.

 

Laffidavit de Kelly Miranda

 


Sont jointes comme pièces à l’affidavit de Kelly Miranda, stagiaire en droit travaillant pour l’agent des opposantes, les résultats de diverses recherches menées dans différentes bases de données au moyen de moteurs de recherche afin de repérer des mentions des opposantes.  Les recherches ont été menées dans : Canadian News Disc et INFOTRAC afin de repérer des articles où il serait fait mention de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique ou de CPR; les pages Web sur Internet où il serait fait mention de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique ou de CPR; la Bibliothèque publique d’Ottawa afin de trouver des livres sur l’histoire de CPR.

 

Motifs dopposition

 

Les premier et deuxième motifs d’opposition des opposantes portent sur la question de la confusion entre la marque de commerce de la requérante et les marques de commerce et les noms commerciaux susmentionnés des opposantes.  Le critère pour déterminer s’il y a confusion est celui de la première impression et du souvenir imprécis.  Pour déterminer sil y a un risque raisonnable de confusion entre les marques de commerce en litige en application du paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui sont expressément énoncées au paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir : a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle les marques de commerce sont devenues connues; b) la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage; c) le genre de marchandises, services ou entreprises; d) la nature du commerce; e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'elles suggèrent.  Le poids à donner à chaque facteur peut varier en fonction des circonstances (voir Clorox Co. c. Sears Canada Inc. (1992), 41 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.) et Gainers Inc. c. Marchildon (1996), 66 C.P.R. (3d) 308 (C.F. 1re inst.)).

 


Le registraire doit garder à l’esprit que le fardeau de la preuve incombe à la requérante, qui doit établir qu’il n’y a pas de risque raisonnable de confusion entre les marques de commerce et les noms commerciaux en litige aux dates pertinentes.  À cet égard, la date pertinente en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 12(1)d) est la date de ma décision (voir Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd., 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.)).  La date pertinente en ce qui concerne les motifs d’opposition fondés sur l’absence de droit à l’enregistrement est la date du dépôt de la demande par la requérante.  Dans la présente affaire, rien ne porte sur la détermination de la date pertinente à choisir pour évaluer la question de la confusion.

 

Je concentrerai mon examen sur la marque de commerce C.P.R., ayant le numéro d’enregistrement 541,272 de CPL.  Dans la mesure où les marques et les noms commerciaux de CPL sont presque tous liés aux mêmes services, il est clair que si la marque de la requérante ne crée pas de confusion avec C.P.R., elle ne crée donc pas de confusion avec les autres marques de commerce et noms commerciaux de CPL.

 

En ce qui concerne l’alinéa 6(5)a), une marque constituée de lettres sans autre signe distinctif est intrinsèquement faible.  Par conséquent, elle n’a pas droit à une protection très étendue (voir GSW Ltd. v. Great West Steel Industries Ltd. (GSW), (1975) 22 C.P.R. (2d) 154).  Dans la présente affaire, la marque CPR, qui est formée d’un acronyme pour les services de chemin de fer Canadien Pacifique de CPL, est intrinsèquement faible.  La marque de la requérante, étant identique à la marque de CPL, est également intrinsèquement faible, mais à un moindre degré, car la marque de la requérante ne suggère pas ses marchandises.

 


En ce qui concerne la mesure où les marques des parties sont devenues connues, étant donné quil ny a aucun élément de preuve quant au fait que la marque de commerce de la requérante ait acquis un caractère distinctif au Canada ou quelle ait été employée au Canada, la prise en compte de ce facteur favorise nécessairement les opposantes.  J’aimerais ajouter que les éléments de preuve produits montrent que la marque de CPL est devenue bien connue au Canada en liaison avec des services ferroviaires seulement.

 

En ce qui concerne l’alinéa 6(5)b) de la Loi, vu que CPR affirme employer la marque CPR depuis 1882 et qu’il n’y a aucun élément de preuve quant à l’emploi de la marque de la requérante, la période pendant laquelle les marques ont été en usage favorise les opposantes. Toutefois, comme l’a souligné la requérante, les propres éléments de preuve des opposantes mènent à la conclusion que les activités des opposantes ont été reliées au transport de fret et non au transport de passagers pendant de nombreuses années.  Par conséquent, même si la marque CPR a été en usage en liaison avec des services ferroviaires depuis 1882, le fait que les opposantes n’aient pas établi l’emploi de la marque C.P.R. en liaison avec des services voyageurs interurbains réguliers pendant de nombreuses années est très pertinent dans la présente affaire.  J’aimerais également ajouter que CPR n’a pas commencé à utiliser ses produits souvenirs CPR avant 1998.

 

En ce qui concerne les marchandises, services et entreprises des parties, ce sont l’état des marchandises de la requérante et l’état des services des opposantes produits aux fins de l’enregistrement no 541,272 qui s’appliquent : voir Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd. (1987), 19 C.P.R.(3d) 3 aux p. 10 et 11 (C.A.F.), Henkel Kommanditgesellschaft c. Super Dragon (1986), 12 C.P.R.(3d) 110 à la p. 112 (C.A.F.) et Miss Universe, Inc. c. Dale Bohna (1994), 58 C.P.R.(3d) 381 aux p. 390 à 392 (C.A.F.).  Toutefois, l'examen de ces états déclaratifs vise à déterminer le genre d’entreprise ou la nature du commerce que les parties avaient vraisemblablement en vue et non à établir toutes les activités commerciales pouvant être englobées par leur libellé.  À cet égard, la preuve concernant les activités que les parties exercent effectivement est pertinente : voir la décision de la Cour d’appel fédérale McDonalds Corporation c. Coffee Hut Stores Ltd. (1996), 68 C.P.R. (3d) 168 à la p. 169.


 

Le genre de marchandises de la requérante et le genre de services de CPL sont passablement différents.  À cet égard, les opposantes ont établi que la marque CPR est très bien connue, voire célèbre au Canada, en liaison avec des services ferroviaires.  Par contre, la requérante exploite une entreprise de produits de beauté.  Par conséquent, je ne considère pas que les marchandises et services des parties se chevauchent.

 

En ce qui concerne les réseaux de distribution des parties, même si aucun élément de preuve n’a été produit pas la requérante, je m’attendrais à ce que les produits de la requérante soient vendus dans les pharmacies, grands magasins, dépanneurs et dans les magasins d’approvisionnement spécialisés dans les produits de beauté et les produits de santé.  Le marché du transport de fret des opposantes serait complètement différent.  En ce qui concerne le service de transport de passagers de CPL, il y a un risque léger de chevauchement entre les marchandises et services si les produits de la requérante étaient vendus dans un dépanneur situé dans une gare.

 

Il existe un degré élevé de ressemblance possible entre les marques des parties.

 

Comme autre circonstance, j’ai examiné l’emploi de la marque CPR par CPR en liaison avec certaines marchandises dans la prestation des services voyageurs.  À cet égard, CPR a établi l’emploi de la marque en liaison avec des menus, des linges de table, de la vaisselle, des bols et des articles de table.  CPR affirme également qu’elle a distribué une grande quantité d’articles de toilette aux passagers et aux clients au cours des 120 dernières années, même si aucune preuve n’indique que la marque CPR figurait sur ces articles.  CPR a également commencé récemment à vendre, à titre de souvenirs, des articles portant la marque de commerce CPR.

 


Encore une fois, à l’exception des marchandises utilisées à titre de souvenirs, j’estime qu’il est pertinent de remarquer que les marchandises susmentionnées auraient probablement été utilisées dans la prestation des services voyageurs, or, la propre preuve des opposantes établit que lesdits services n’ont pas été fournis par les opposantes pendant de nombreuses années.  En ce qui concerne les marchandises utilisées à titre de souvenirs, la promotion, la vente et l’emploi de la marque de commerce CPR sur ces articles (dont aucun, ajouterais-je, ne se rapporte à des produits de beauté) sont clairement dans le contexte de la vente de souvenirs « reliés au chemin de fer ».

 

Comme autre circonstance, j’ai examiné l’allégation des opposantes voulant que, étant donné le rôle important et de longue durée joué par les opposantes dans le développement et l’histoire du Canada, la marque de commerce et le nom commercial CPR sont devenus célèbres au Canada. Les opposantes font donc valoir que ceux-ci devraient se voir accorder une protection plus étendue.

 

La jurisprudence applicable en ce qui concerne cette question est la suivante.

 

Dans United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp. (1998), 80 C.P.R. (3d) 247, la Cour d’appel fédérale a tenu les propos suivants au sujet de la différence entre les marchandises et services des parties concernées :

 

[...] la Loi pose clairement que la protection ne vise pas le droit exclusif à toute marque qu'une personne peut concevoir, mais le droit exclusif d'employer celle-ci en liaison avec certains produits ou services.

 


Une marque de commerce est une marque employée par une personne pour distinguer ses marchandises ou ses services de ceux des autres. Par conséquent, la marque ne peut être considérée isolément, mais seulement en liaison avec ces marchandises ou ces services. C'est ce qui ressort du libellé du paragraphe 6(2). La question que pose ce paragraphe ne concerne pas la confusion des marques, mais la confusion des biens ou des services provenant d'une source avec des biens ou des services provenant d'une autre source.

 

La protection accrue que confère la notoriété de la marque de l'appelante ne devient pertinente que lorsqu'on l'applique à un lien entre les commerces et services du requérant et ceux de l'opposante. Quelle que soit la notoriété de la marque, elle ne peut servir à créer un lien qui n'existe pas.

United Artists produit des films. Elle ne fabrique ni ne distribue de produits de beauté. Il n'est guère vraisemblable que les produits de United Artists en viennent à être offerts dans les mêmes commerces que les produits de l'appelante. Les cinémas ou les clubs vidéo ne vendent pas de shampoing. Les salons de beauté ou de coiffure n'offrent pas de vidéocassettes. Ce sont des faits que le juge de première instance a admis, mais il faut les souligner. L'élément sur lequel il n'a pas suffisamment insisté est que non seulement les marchandises sont totalement différentes dans chaque cas, mais qu'en outre il n'existe aucune sorte de lien entre elles. Je le répète, lorsqu'un tel lien n'existe pas, on pourra rarement conclure à la confusion.

 

Dans Lexus Foods Inc. c. Toyota Jidosha Kabushiki Kaisha, 20 novembre 2000, A-622-99, à la page 6, la Cour dappel fédérale a dit ce qui suit en ce qui concerne la mesure dans laquelle la protection accordée à une marque de commerce peut être étendue en raison de la célébrité :

 

La célébrité à elle seule ne protège pas une marque de commerce de façon absolue. Il s'agit simplement d'un facteur qui doit être apprécié en liaison avec tous les autres facteurs. Si la célébrité d'un nom pouvait empêcher toute autre utilisation de ce nom, le concept fondamental de l'octroi d'une marque de commerce en liaison avec certaines marchandises perdrait toute sa signification.

 

Dernièrement, dans Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc. (2004), 30 C.P.R. (4th) 456 (C.F. 1re inst.), le juge Rouleau a indiqué ce qui suit à la p. 465 :

Or, la célébrité d'une marque n'est que l'un des facteurs devant être pris en considération. Si la célébrité d'un nom pouvait empêcher toute autre utilisation de ce nom, le concept fondamental de l'octroi d'une marque de commerce en liaison avec certaines marchandises perdrait toute sa signification.

 


En appliquant les principes susmentionnés à la présente affaire, bien que je reconnaisse que la marque CPR est bien connue pour les services ferroviaires, je ne vois aucun lien entre les services ferroviaires des opposantes et les produits de beauté de la requérante. CPL transporte du fret par chemin de fer.  Elle ne fabrique pas des produits de beauté. Même si, par le passé, elle a distribué du shampoing, du savon, etc., aux passagers de ses services ferroviaires voyageurs, ces marchandises étaient distribuées dans le cadre de la prestation de ses services ferroviaires voyageurs.  Il est difficile d’imaginer qu’une personne achèterait un billet de train afin de recevoir du shampoing.  De même, des consommateurs ne visiteraient pas une gare, le site Web d’une compagnie de chemin de fer ou un magasin de souvenirs ni n’utiliseraient un service de commandes postales pour acheter des produits de beauté.  De plus, je ne crois pas que les consommateurs auraient même l’idée que la compagnie de chemin de fer CPR puisse être la source des produits de beauté de la requérante.  Par conséquent, je conclus qu’il n’y a aucun lien entre les services ferroviaires des opposantes et les produits de beauté de la requérante.

 

Comme dernière circonstance, j’ai pris connaissance d’office que les lettres CPR sont également un acronyme utilisé fréquemment pour « cardio pulmonary resuscitation ». Même si la requérante a demandé que je prenne également connaissance d’office que les lettres CPR sont une abréviation connue pour Canadian Patent Reporter, je ne le ferai pas, car j’estime que ce fait est surtout connu par la communauté juridique et par ceux qui s’intéressent à la propriété intellectuelle, et non par le public en général.

 


La question est de savoir si un consommateur qui a un souvenir général et imprécis de la marque de CPL, pensera vraisemblablement, en voyant la marque de la requérante, que les marchandises et services ont une source commune.  Compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, et en particulier, du faible caractère distinctif intrinsèque des marques des parties, des différences qui existent entre les marchandises et services et les réseaux de distribution des parties et, indépendamment, de la mesure dans laquelle la marque de CPL est devenue connue, je conclus que la requérante s’est acquittée de son fardeau de prouver qu’il n’existe aucun risque raisonnable de confusion entre sa marque et la marque de CPL.  Par conséquent, les premier et deuxième motifs d’opposition sont rejetés.

 

Jarrive à la même conclusion en ce qui concerne chacune des autres marques invoquées par les opposantes, à la fois, parce que lanalyse faite ci-dessus en ce qui a trait aux facteurs visés par le paragraphe 6(5) sapplique et parce que les différences entre les autres marques des opposantes et la marque de la requérante sont plus importantes.

 

En ce qui concerne le dernier motif d’opposition, la date pertinente se rapportant à l’absence de caractère distinctif est la date du dépôt de l’opposition (voir Affaire intéressant Andres Wines Ltd. et E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 à la p. 130 (C.A.F.) et Park Avenue Furniture Corporation c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 412 à la p. 424 (C.A.F.)).  Les facteurs énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi à l’égard de l’évaluation de la confusion s’appliquent également à l’égard du présent motif d’opposition.  Compte tenu de ces facteurs et des circonstances de l’espèce, je suis convaincu que la marque proposée avait un caractère distinctif à la date pertinente.

 


 

Compte tenu de ce qui précède et conformément au pouvoir qui m’a été délégué par le registraire en application du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition des opposantes.

 

FAIT À GATINEAU, AU QUÉBEC, CE 19e JOUR D’OCTOBRE 2004.

 

 

C. R. Folz

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

 

 

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