Décisions de la Commission des oppositions des marques de commerce

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TRADUCTION

 

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

THE REGISTRAR OF TRADE-MARKS

                                                              Référence : 2012 COMC 177

Date de la décision : 17-09-2012

DANS L’AFFAIRE DE L’OPPOSITION de Tapatio Foods, LLC à la demande no 1 328 997 produite par 2091399 Ontario Inc. en vue de l’enregistrement de la marque de commerce LA TAPATIA

Le dossier

[1]               Le 20 décembre 2006, 2091399 Ontario Inc. (la Requérante) a produit une demande (no 1 328 997) en vue d’enregistrer la marque de commerce LA TAPATIA (la Marque) sur la base d’un emploi au Canada depuis le 1er décembre 2002. À la suite d’un rapport d’examen, l’état déclaratif des marchandises visées par la demande a été modifié et est maintenant rédigé comme suit : [TRADUCTION] produits alimentaires, nommément tortillas à la farine, tortillas de maïs, croustilles de nachos, croustilles de tortillas, croustilles au maïs, farine de maïs, croustilles à la farine, coquilles à tacos, taquitos, quesadillas, tostadas (tortillas frites), pâte de maïs pour tortillas et tamales, tamales, pains mexicains (les Marchandises). La Requérante a également indiqué que la Marque signifie [TRADUCTION] « de la ville de Guadalajara (féminin) ».

[2]               La demande a été annoncée aux fins d’opposition dans le Journal des marques de commerce du 4 mars 2009.

[3]               Dans une lettre datée du 29 avril 2009, Jose Luis Saaverdra, s/n Empacadora Tapatio, a demandé qu’un délai supplémentaire lui soit accordé pour la production d’une déclaration d’opposition. La prorogation a été accordée. Le 3 août 2009, Tapatio Foods, LLC (l’Opposante) a produit une déclaration d’opposition, que le registraire a transmise à la Requérante le 22 octobre 2009.

[4]               Dans une lettre datée du 26 octobre 2009, l’Opposante a informé le registraire de ce qui suit :

[TRADUCTION]
Nous avons reçu copie de votre rapport d’examen daté du 22 octobre 2009 et constaté que Jose Luis Saaverdra, s/n Empacadora Tapatio, était encore désigné comme partie opposante.

Veuillez prendre note que, pour les besoins de présente procédure, l’opposition est désormais assumée par Tapatio Foods, LLC et que ce changement d’opposante survenu le 20 juillet 2009 est mentionné dans les dossiers de l’OPIC.

[5]               Je constate que l’entité qui a présenté une demande de prorogation de délai n’est pas la même que celle qui agit à titre d’opposante. La Requérante n’a pas soulevé cette question. Toutefois, comme il ressortira de ma décision, il n’est pas nécessaire que je me penche sur cette question.

[6]               Le 17 février 2010, la Requérante a produit une contre-déclaration dans laquelle elle nie tous les motifs d’opposition. Cette contre-déclaration a été modifiée le 19 février 2010 afin de corriger une erreur d’écriture. Dans sa contre-déclaration, la Requérante allègue que la demande d’enregistrement produite est fondée sur un emploi antérieur et que, par conséquent, l’alinéa 16(3)a) de la Loi ne s’applique pas. L’Opposante n’a pas demandé que l’autorisation lui soit accordée de modifier sa déclaration d’opposition en conséquence.

[7]               Conformément aux dispositions de l’article 41 du Règlement sur les marques de commerce (le Règlement), l’Opposante a produit une déclaration dans laquelle elle informe le registraire de son désir de ne pas produire de preuve. La Requérante a produit l’affidavit de Fernando Massalin. L’Opposante a, par la suite, produit l’affidavit de Jose-Luis Saavedra Jr. comme preuve en réponse au titre de l’article 43 du Règlement. La Requérante s’est opposée au dépôt de l’affidavit de M. Saavedra au motif qu’il ne constituait pas une preuve en réponse adéquate au sens de l’article 43 du Règlement. Je reviendrai plus loin sur cette question.

[8]               Seule l’Opposante a présenté un plaidoyer écrit; aucune audience n’a été demandée.

La déclaration d’opposition

[9]               Il est important de reproduire textuellement les motifs d’opposition invoqués :

[TRADUCTION]
1. La marque de commerce visée par la demande n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 38(2)a) de la Loi sur les marques de commerce (la Loi), car la demande n’est pas conforme aux exigences de l’article 30. Plus particulièrement, eu égard à l’alinéa 30i) de la Loi, la Requérante ne pouvait pas être convaincue, à la date où elle a produit sa demande, d’avoir le droit d’employer au Canada la marque de commerce visée par la demande en liaison avec les marchandises énoncées dans la demande, compte tenu de l’emploi antérieur à grande échelle par l’Opposante de la famille de marques de commerce TAPATIO au Canada, laquelle comprend les marques de commerce TAPATIO (enregistrement no 479 750) et TAPATIO et dessin (enregistrement no 477 763)

2. La marque de commerce visée par la demande n’est pas enregistrable aux termes des alinéas 16(3)a) et 38(2)c) de la Loi, car la Requérante n’est pas la personne ayant droit à l’enregistrement de la marque de commerce. Plus particulièrement, à la date de production de la demande et à toutes les dates pertinentes, la marque de commerce créait ou était susceptible de créer de la confusion avec la famille de marques de commerce TAPATIO de l’Opposante (TAPATIO et TAPATIO et dessin), antérieurement employée au Canada par l’Opposante.

3. La marque de commerce visée par la demande n’est pas enregistrable aux termes de l’alinéa 38(2)d) de la Loi, car elle n’est pas distinctive des marchandises de la Requérante, ne l’a jamais été et n’aurait jamais pu l’être à quelque date pertinente que ce soit. Plus particulièrement, eu égard à l’article 2 de la Loi, la marque de commerce ne distingue pas et n’est pas adaptée à distinguer les marchandises que la Requérante projette d’offrir des marchandises, des services et de l’entreprise de l’Opposante, car elle crée ou est susceptible de créer de la confusion avec la famille de marques de commerce TAPATIO (TAPATIO et TAPATIO et dessin) de l’Opposante, lesquelles marques de commerce ont été employées au Canada à grande échelle de manière prolongée.

[10]           Il appert des propos de l’Opposante que cette dernière entendait plaider la non-conformité de la demande comme premier motif d’opposition; l’absence de droit à l’enregistrement de la Marque comme second motif d’opposition; et, enfin, l’absence de caractère distinctif de la Marque comme troisième motif d’opposition. Toute ambiguïté dans la formulation qu’a employée l’Opposante pour décrire ses motifs d’opposition sera interprétée à l’encontre de cette dernière. En réalité, bien que l’Opposante ait employé les mots « not registrable » [pas enregistrable] pour décrire chacun de ses motifs d’opposition, elle ne fait nulle part mention de l’alinéa 12(1)d) de la Loi, qui constitue pourtant le fondement de tout motif d’opposition ayant trait à l’« enregistrabilité » d’une marque de commerce faisant l’objet d’une demande d’enregistrement. Je n’interprète aucun de ces motifs comme signifiant que l’Opposante a plaidé que la Marque n’était pas enregistrable au motif qu’elle créait de la confusion avec une ou plusieurs marques de commerce déposées, malgré que l’Opposante ait fait des observations se rapportant à un tel motif dans son plaidoyer écrit.

 

Le fardeau de preuve dans une procédure d’opposition

[11]           La Requérante a le fardeau ultime de démontrer que sa demande d’enregistrement est conforme aux dispositions de la Loi. Il incombe toutefois à l’Opposante de s’acquitter du fardeau initial consistant à présenter une preuve admissible suffisante pour permettre de conclure raisonnablement à l’existence des faits allégués à l’appui de chacun des motifs d’opposition. Une fois que l’Opposante s’est acquittée de ce fardeau initial, il incombe à la Requérante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que les motifs d’opposition invoqués ne sauraient faire obstacle à l’enregistrement de la Marque [voir Joseph E Seagram & Sons Ltd et al c. Seagram Real Estate Ltd (1984), 3 C.P.R. (3d) 325 (C.O.M.C.); John Labatt Ltd c. Molson Companies Ltd (1990), 30 C.P.R. (3d) 293 (C.F. 1re inst.) et Wrangler Apparel Corp c. The Timberland Company [2005] C.F. 722].

Motifs d’opposition rejetés sommairement

[12]           L’alinéa 30i) de la Loi exige simplement que la Requérante se déclare convaincue d’avoir le droit d’enregistrer la Marque. Cette déclaration fait partie intégrante de la demande d’enregistrement. L’allégation selon laquelle la Requérante ne pouvait pas être convaincue d’avoir le droit d’employer la Marque au Canada étant donné que l’Opposante faisait déjà au Canada un emploi à grande échelle de ses marques de commerce ne peut pas servir de fondement à un motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) de la Loi. L’alinéa 30i) ne peut être invoqué que dans des cas bien précis, comme lorsqu’il est allégué que la Requérante a commis une fraude [voir Sapodilla Co Ltd c. Bristol Myers Co (1974), 15 C.P.R. (2d) 152 (C.O.M.C.)]. Aucune allégation de cette nature n’est faite dans la déclaration d’opposition et le dossier ne contient aucun élément de preuve en ce sens.

[13]           Compte tenu de ces circonstances, le motif d’opposition fondé sur l’alinéa 30i) est rejeté.

[14]           Le second motif d’opposition est également rejeté. La demande d’enregistrement a été produite sur la base d’un emploi antérieur et le paragraphe 16(3) de la Loi ne s’applique pas dans de telles circonstances [voir Canada Bread Co c. Beverages Brands (UK) Ltd (2012), 99 C.P.R. (4th) 459 (C.O.M.C.)]. Cette question a été soulevée par la Requérante dans sa contre-déclaration et l’Opposante n’a pas par la suite modifié sa déclaration d’opposition en conséquence. Dans tous les cas, et comme il ressortira du contenu de la prochaine section, même si je tenais compte du motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(1) de la Loi, ce motif serait rejeté du fait que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

La preuve de l’Opposante

[15]           Si l’affidavit de M. Saavedra Jr. devait être radié du dossier, le motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif s’en trouverait rejeté, car l’Opposante ne se serait alors pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

[16]           Pour trancher cette question, je dois d’abord examiner le contenu de l’affidavit de M. Massakin, le président de l’entreprise de la Requérante, produit en preuve par la Requérante. L’affidavit est plutôt bref et peut être résumé ainsi :

         les Marchandises sont distribuées par Latinamerican Foods Inc, la société affiliée de la Requérante et sa licenciée, à des détaillants indépendants ainsi qu’à de grandes chaînes d’alimentation comme Loblaws, Metro et Sobeys en vue d’être vendues au détail;

         une photographie d’un sac de tortillas arborant la Marque et étant actuellement utilisé comme emballage a été produite en preuve;

         les ventes de la Requérante à ses détaillants canadiens avoisinent 200 000 $ annuellement. L’affidavit ne fournit cependant aucune information quant à la date à laquelle la Requérante et/ou sa licenciée ont commencé à vendre les Marchandises en liaison avec la Marque au Canada. Par conséquent, il est impossible de déterminer sur quelle période cette moyenne annuelle a été calculée;

         aucun cas de confusion avec un ou plusieurs des produits vendus au Canada par l’Opposante n’a été porté à la connaissance de la Requérante.

[17]           Les principaux points de l’affidavit de M. Saavedra Jr. sont les suivants :

         il est vice-président de l’entreprise de l’Opposante depuis la création de cette dernière le 2 janvier 2006;

         l’Opposante est propriétaire de deux marques de commerce déposées, TAPATIO et dessin enregistrée le 13 juin 1997 sous le no TMA477 763 et TAPATIO enregistrée le 7 août 1997 sous le no TMA479 750, lesquelles sont employées au Canada depuis au moins janvier 1994 en liaison avec des condiments à base de piment de Cayenne, nommément une sauce piquante sans viande;

         la Marque est tout simplement l’équivalent féminin de TAPATIO;

         les marchandises de l’Opposante arborant les marques TAPATIO et TAPATIO et dessin sont vendues au Canada depuis janvier 1994 dans des boutiques spécialisées, des magasins de spécialités ethniques et des détaillants en alimentation canadiens indépendants comme Sobeys;

         il fournit une copie du registre des factures de l’Opposante pour la période s’étendant du 11 avril 2001 au 15 avril 2009. Je constate cependant que l’entreprise de l’Opposante n’a été constituée en société qu’en janvier 2006;

         des photocopies d’étiquettes arborant les marques de commerce de l’Opposante, TAPATIO et TAPATIO et dessin, et étant utilisées actuellement sont jointes à son affidavit;

         la Requérante emploie un dessin-marque qui allie l’image d’une femme hispanique et d’un sombrero aux mots LA TAPATIA, tandis que la marque de commerce TAPATIO et dessin de l’Opposante allie l’image d’un homme hispanique et d’un sombrero au mot TAPATIO;

         il existe des similitudes entre les voies de commercialisation et les marchandises des parties;

         on constate certaines similitudes entre les marques des parties lorsqu’on place les marques côte à côte pour les comparer.

[18]           Je suis d’accord avec la Requérante. Le contenu de l’affidavit de M. Saavedra Jr. ne constitue pas une preuve adéquate en réponse au contenu de l’affidavit de M. Massalin. L’affidavit M. Saavedra Jr. aurait dû être produit en preuve principale au titre de l’article 41 du Règlement, mais l’Opposante a choisi de ne pas le faire. Elle a préféré attendre pour voir quel type de preuve la Requérante produirait, puis a déposé une preuve similaire à titre de preuve « en réponse ». Une partie ne peut pas fractionner sa preuve [voir Halford c. Seed Hawk Inc (2003), 24 C.P.R. (4th) 220 (C.F. 1re inst.)]. Par conséquent, l’affidavit de M. Saavedra Jr. est radié du dossier.

[19]           Je constate que l’Opposante, dans une lettre datée du 9 mars 2011 et tenant lieu de réponse à l’allégation de la Requérante selon laquelle le contenu de l’affidavit de M. Saavedra Jr. devait être radié du dossier pour les raisons précitées, a demandé l’autorisation [TRADUCTION] « de produire des éléments de preuve supplémentaires en réponse ou autrement ». Or, aucun élément de preuve supplémentaire n’était joint à la lettre en question. À supposer que j’interpréterais cette lettre comme une demande pendante de la part de l’Opposante pour produire l’affidavit de M. Saavedra Jr. comme preuve supplémentaire au titre de l’article 44 du Règlement, je souligne que l’Opposante n’a pas mentionné pourquoi cette preuve n’avait pas été déposée plus tôt (à l’étape de la présentation de la preuve de l’Opposante), comme l’exige l’Énoncé de pratique concernant la procédure d’opposition en matière de marque de commerce, en vigueur depuis le 31 mars 2009. Je refuse, à ce stade avancé, d’accorder l’autorisation de produire l’affidavit de M. Saavedra Jr. comme preuve supplémentaire au titre de l’article 44 du Règlement.

[20]           Comme j’ai déterminé que l’affidavit de M. Saavedra Jr. ne faisait pas partie du dossier, il s’ensuit que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial. L’Opposante n’a pas établi que ses marques de commerce TAPATIO et TAPATIO et dessin avaient acquis au Canada, à la date de production de la déclaration d’opposition (la date pertinente), une notoriété suffisante pour que l’on puisse conclure que la Marque ne distinguait pas ou n’était pas adaptée à distinguer les Marchandises des produits de l’Opposante arborant les marques de commerce précitées.

[21]           En conséquence, le troisième motif d’opposition est également rejeté, du fait que l’Opposante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve initial.

Observation supplémentaire

[22]           Comme j’ai statué que l’affidavit de M. Saavedra Jr. ne faisait pas partie du dossier en l’espèce, le second motif d’opposition fondé sur le paragraphe 16(1) de la Loi, si j’en tenais compte, serait tout de même rejeté, car l’Opposante n’a pas démontré avoir employé antérieurement les marques de commerce TAPATIO et TAPATIO et dessin.

Décision

[23]           Dans l’exercice des pouvoirs qui me sont délégués par le registraire des marques de commerce en vertu du paragraphe 63(3) de la Loi, je rejette l’opposition en application du paragraphe 38(8) de la Loi.

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Jean Carrière

Membre

Commission des oppositions des marques de commerce

Office de la propriété intellectuelle du Canada

 

 

Traduction certifiée conforme
Judith Lemire

 

 


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